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Claude Gronfier
Chercheur Inserm
Inserm U1028, Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CRNL)
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Dans la nuit du dimanche 27 mars, nos téléphones et autres appareils connectés feront un bond d’une heure dans le temps. L’heure affichée sur les écrans passera automatiquement de 2 à 3 heures du matin pour accompagner le passage à l’heure d’été. Si pour la plupart des gens, ce changement d’heure n’aura que pas ou peu de conséquences visibles, plusieurs travaux de recherche soulignent toutefois qu’il peut être associé à des effets sur notre horloge biologique et à des conséquences non négligeables sur notre santé.
La littérature scientifique montre que le changement d’heure a bel et bien des effets physiologiques et sanitaires : il impacte notre horloge biologique interne (appelé système circadien) et peut induire des effets néfastes sur notre santé (troubles du sommeil, de la vigilance, accidents du travail et de la route, des dépressions, des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux)
L’adaptation de l’organisme à ce décalage horaire que nous lui imposons variera d’un individu à l’autre et peut durer de quelques jours pour les chronotypes matinaux (Personnes ayant tendance à être plus efficaces le matin), à plusieurs mois pour les chronotypes tardifs (Personnes ayant tendance à être plus efficaces le soir). Dans le contexte de ce changement d’heure, les petits enfants et les personnes âgées ont plus de risque de ressentir des effets négatifs, mais c’est aussi le cas des adolescents, des travailleurs de nuit, et de tous ceux souffrant d’un trouble du sommeil et qui auront plus de difficultés pour s’adapter au nouvel horaire.
Par ailleurs, selon l’avis des spécialistes, comme le neurobiologiste et chercheur Inserm Claude Gronfier, Président de la Société Française de Chronobiologie, le passage à l’heure d’été serait plus compliqué à gérer pour l’organisme que le passage à l’heure d’hiver, compte tenu d’un côté de la perte d’une heure de sommeil, et de l’autre du fait que l’horloge biologique devra être avancée d’une heure.
En moyenne, nos organismes ont tendance à accumuler un retard de 10 minutes sur leur cycle de 24 heures. Avec le changement d’heure, on leur demanderait d’avancer leur rythme d’une heure, ce qui accentuerait les efforts faits par notre corps pour tenter de rattraper son retard. Ce changement serait particulièrement mal vécu par les chronotypes les plus tardifs, ceux enregistrant une moyenne de 30 minutes de retard sur leur cycle de 24 heures. Les effets du passage à l’heure d’été sur notre rythme circadien seraient accentués par le manque général de sommeil de la population française, estimé entre 30 et 90 minutes par jour selon les études (60 minutes selon le baromètre 2022 de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance).
La suppression du changement d’heure saisonnier ayant été votée en 2019, les Etats membres de l’UE doivent désormais choisir quelle heure définitive adoptée. La grande majorité de la communauté scientifique, recommande que le choix se porte sur le maintien de l’heure d’hiver.
Si on en venait à maintenir l’heure d’été toute l’année, le réveil en hiver et le coucher en été seraient en effet plus difficiles.
A l’heure du réveil, notre corps a besoin d’une dose importante de lumière pour débuter une nouvelle journée et synchroniser l’horloge biologique. Il serait ainsi privé de cette lumière en hiver avec lever du jour plus tardif.
En revanche, si l’heure d’hiver était maintenue, le coucher du soleil aurait lieu en moyenne 4 h plus tard en été qu’en hiver, au lieu de 3 h avec le changement d’heure actuel, et induirait un coucher plus précoce et un sommeil plus long qui seraient bénéfiques à notre santé.
Les travaux sur l’importance de l’exposition à la lumière sur le cycle circadien sont menés au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon. L’équipe de recherche a notamment observé que certaines expositions à la lumière à des moments très précis ont des effets bénéfiques sur la physiologie du sommeil1 et les fonctions non-visuelles de l’organisme telles que la sécrétion de la mélatonine (hormone contrôlée par l’horloge circadienne et impliquée dans la régulation du sommeil), le reflexe pupillaire, l’activité cérébrale, la température et le système cardiovasculaire, même à des exposition très courtes1,2 et des niveaux très faibles de lumière3.
Claude Gronfier
Chercheur Inserm
Inserm U1028, Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CRNL)