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Santé et lumière du soleil

Lunettes de soleil avec soleil dans ciel bleuHerbert Goetsch © Unsplash photos

La période estivale est l’occasion pour l’Inserm de revenir sur les bienfaits mais aussi les dangers liés à la lumière du soleil, et sur les recherches qui s’intéressent à ce sujet.

La lumière influence nos fonctions cognitives et physiologiques

Pour fonctionner correctement, notre « horloge biologique » circadienne se base sur des signaux qu’elle reçoit de l’environnement et qu’elle interprète comme des indicateurs temporels lui permettant de se synchroniser à la journée de 24h. La lumière, en particulier la lumière naturelle du soleil mais aussi la lumière artificielle, constitue ainsi un stimulant puissant de l’horloge circadienne mais aussi de nos fonctions non-visuelles impliquées entre autres dans l’éveil, le sommeil, et la cognition. Elle permet ainsi d’optimiser très précisément la physiologie durant le jour et durant la nuit.

Les travaux sur l’importance de l’horloge circadienne et de l’exposition à la lumière sont menés par des chercheurs et chercheuses Inserm au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon. L’équipe de recherche a notamment observé que l’horloge circadienne et la manière dont elle est impactée par la lumière ont des effets très puissants sur un grand nombre de processus physiologiques, telles que la sécrétion de la mélatonine, le réflexe pupillaire, l’activité cérébrale, la température corporelle, le système cardiovasculaire, et plus récemment la perception douloureuse au cours des 24 heures.

Lire notre communiqué de presse : « Comment la lumière influence-t-elle le fonctionnement du cerveau ? »

Lire le dossier Inserm : Les bonnes attitudes contre la carence en vitamine D

Une exposition prolongée aux rayons UV favorise le développement du mélanome

L’exposition aux rayons ultraviolets du soleil est la principale cause de cancer de la peau, connu aussi sous le nom de mélanome, un cancer de la peau très agressif avec un fort potentiel métastatique. Cette agressivité est en partie due à la plasticité des cellules cancéreuses au cours de la progression métastatique.

Plusieurs études récentes ont été publiées pour mieux comprendre les mécanismes impliqués dans cette maladie et identifier les facteurs de risque.

  • Des travaux publiés dans la revue Cancer Research se sont intéressés plus spécifiquement aux interactions entre les cellules de mélanome et le ganglion lymphatique, dont la fonction est de produire les cellules immunitaires. Les résultats de l’étude suggèrent que cibler certains des mécanismes de reprogrammation précoces du ganglion lymphatique par le mélanome, pourrait limiter la dissémination métastatique et le risque de rechute des patients.

 

  • Des chercheurs ont découvert une mutation génétique qui faciliterait la formation de métastases. Cette mutation entraine l’absence d’un facteur de croissance, ce qui impliquerait que les cellules auraient plus de facilité à se disséminer dans l’organisme. L’analyse approfondie de ce mécanisme pourrait permettre d’identifier des cibles thérapeutiques afin de prévenir le phénomène. Les travaux ont été publiés dans Nature genetics.

 

  • Dans une étude publiée dans la revue Journal of Investigative Dermatology, des scientifiques ont montré dans des modèles de souris obèses que les adipocytes (cellules graisseuses) orchestrent la progression tumorale en réduisant de façon importante l’expression d’un suppresseur de tumeur − la protéine p16 − dans les cellules de mélanome.

Lire l’actualité : Comment l’obésité augmente le risque de mélanome agressif ?  

Le Dry January : une pause pour faire le point sur sa consommation d’alcool

Alcool

L’alcool était la 7ème cause de perte d’années de vie en bonne santé dans le monde en 2016, et aussi la première cause d’hospitalisation en France. © Adobe Stock

Au lendemain des fêtes de fin d’année, l’heure est aux bonnes résolutions. Certains se lanceront d’ailleurs dans le « Dry January » ou le défi sans alcool du mois de janvier (« Janvier Sobre ») pour récupérer des excès des derniers jours. L’objectif : faire une pause dans sa consommation et réfléchir à son rapport à l’alcool. D’autant que la consommation d’alcool est un facteur de risque majeur pour la santé : elle est impliquée directement ou indirectement dans la survenue d’une soixantaine de maladies.

En 2021, l’Inserm a publié une expertise collective pour dresser un état des lieux des dommages liés à l’alcool et formuler les pistes de recherche et d’actions visant à les réduire. Les scientifiques se sont notamment intéressés aux bénéfices des périodes « sans alcool » et plus précisément à la campagne de sensibilisation annuelle Dry January qui est originaire du Royaume-Uni

Le choix du mois de janvier semble idéal : les potentiels excès pendant les fêtes et l’envie de « détox » suite à cela, associés aux bonnes résolutions de début d’année, sont autant d’arguments qui motivent les participants à relever le défi.

Selon les experts de l’Inserm, en plus d’être associé à des changements dans la consommation observables jusqu’à 6 mois après le défi, un arrêt de consommation d’alcool pendant un mois permettrait aussi l’amélioration de paramètres physiologiques, cognitifs, de bien-être et de qualité de vie. L’expertise collective de l’Inserm s’est ainsi positionnée en faveur du lancement de campagnes d’arrêt de la consommation, à l’image de l’opération « Dry January », dont les bénéfices (et le faible coût) ont été démontrés.

L’expertise collective de l’Inserm :

Ce document présente la synthèse et les recommandations issues des travaux du groupe d’experts réunis par l’Inserm dans le cadre de la procédure d’expertise collective pour répondre à la demande de la Mildeca et du ministère en charge de la Santé concernant la réduction des dommages associés à la consommation d’alcool, les stratégies de prévention et d’accompagnement.

Ce travail s’appuie essentiellement sur les données issues de la littérature scientifique disponible lors du premier semestre 2020. Près de 3 600 documents ont été rassemblés à partir de l’inter- rogation de différentes bases de données (PubMed, Web of sciences, Scopus, socINDEX, Cairn, Pascal, Francis, Econbizz, JSTOR, OpenEdition Journals, Isidore, Persée).

Consulter le communiqué de presse

Consulter la synthèse de l’expertise collective

Champagne et santé : que dit la science ?

coupes de champagne

À l’approche des fêtes de fin d’année et du défi sans alcool du mois de janvier (« Dry January »), le lien entre santé et consommation de boissons alcoolisées fait l’objet de nombreux articles dans les médias. Et comme chaque année, les effets du champagne – boisson des fêtes par excellence – suscite de l’intérêt.

En général, les études portant sur les associations entre consommation de champagne et santé s’intéressent au rôle des acides phénoliques (dont des flavonoïdes). Ces composés organiques, présents dans les vins et le champagne mais aussi dans des aliments comme le cacao et l’huile d’olive, favoriseraient la santé cardiovasculaire d’après plusieurs études épidémiologiques. Les mécanismes biologiques ne sont pas encore entièrement élucidés, mais ces composés auraient un rôle dans le maintien de l’intégrité des tissus vasculaires (artères, vaisseaux, capillaires) ainsi que des propriétés anti-inflammatoires et antioxydantes.

Des limites méthodologiques importantes ont cependant été rapportées dans plusieurs travaux de recherche sur le sujet, restreignant la portée de leurs résultats. C’est le cas d’une étude parue en 2013 menée à l’université de Reading qui fait régulièrement parler d’elle à l’approche de Noël. En effet, elle suggérerait que le champagne pourrait être bénéfique pour la mémoire et même avoir dans certains cas des effets protecteurs contre des maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer.

Or, la prudence s’impose face à de tels résultats : c’est pourquoi nous avions dédié un Canal Détox au sujet pour revenir sur les aspects les plus problématiques de cette étude mais aussi sur les connaissances scientifiques existantes à propos de l’impact du champagne sur le cerveau.

Retrouvez le texte Canal Détox complet sur notre salle de presse

Semaine dédiée au bon usage des antibiotiques : l’Inserm mène des travaux sur l’antibiorésistance

cachets blancs_ antiobiorésistance

© AdobeStock

L’antibiorésistance est responsable de plus de 5500 décès chaque année dans notre pays. Pour lutter contre ce grave problème de santé publique, la France a donc mis en place un programme de recherche ambitieux en créant notamment un programme prioritaire de recherche (2020-2029) piloté par l’Inserm.

Dans les laboratoires, des chercheurs et chercheuses de l’Institut travaillent activement afin de mieux comprendre les mécanismes de l’antibiorésistance et identifier de nouvelles pistes thérapeutiques permettant d’éviter l’usage des antibiotiques.

Le 22 novembre 2022, pendant la semaine dédiée au bon usage des antibiotiques et à l’antibiorésistance, l’Agence Nationale de la recherche (ANR) et l’Inserm organiseront un colloque pour revenir sur les résultats de plusieurs projets soutenus par l’ANR dans ce domaine au cours des dix dernières années. Par ailleurs, les quelques travaux décrits ci-dessous donnent aussi un aperçu de la recherche menée à l’Inserm, depuis la paillasse des laboratoires jusqu’aux lits des patients.

Comment les antibiotiques atteignent leurs cibles bactériennes 

Au sein de l’Unité Membranes et cibles thérapeutiques (MCT – AMU/Inserm/Service de Santé des armées) les chercheurs considèrent qu’afin de lutter efficacement contre l’antibiorésistance, il est indispensable de comprendre comment la molécule atteint une concentration adéquate permettant d’inhiber sa cible dans la bactérie. Dans un récent travail, ils ont contribué à expliquer la résistance de certaines bactéries aux antibiotiques par imperméabilité. Leurs résultats pourraient contribuer à la synthèse rationnelle de nouvelles molécules capables de pénétrer efficacement et rapidement vers la cible intra-bactérienne. Les résultats sont publiés dans Communications Biology.

Pour en savoir plus, contactez le dernier auteur de l’étude :

Jean-Marie Pages

Directeur de recherche Inserm émérite au laboratoire Membranes et cibles thérapeutiques

rf.uma-vinu@SEGAP.eiraM-naeJ

L’initiative « Science à la pelle »

Pour faire avancer plus rapidement la recherche dans le domaine de l’antibiorésistance, des chercheurs de l’Inserm et d’Université Paris Cité ont lancé un grand programme de recherche participative pour trouver de futurs médicaments grâce aux bactéries qui vivent dans les sols.

Les chercheurs ont, tout au long de l’été 2022, invité les citoyens et citoyennes à rejoindre le programme de recherche participative « Science à la pelle ». Durant leurs randonnées estivales, les participants ont prélevé une cuillère à soupe de terre, envoyé l’échantillon aux chercheurs et renseigné sur l’application disponible sur le site web du projet, les coordonnées et une photo du lieu de prélèvement. L’objectif du projet est de trouver, grâce aux bactéries qui vivent dans les sols, des médicaments efficaces contre les maladies infectieuses développant des résistances aux médicaments.

Quelles avancées pour la phagothérapie ?

Les bactériophages, ces virus « tueurs » de bactéries, pourraient constituer une solution afin de lutter contre les pathogènes résistants aux antibiotiques. Cependant, leur développement clinique se heurte à plusieurs obstacles.

Pour lever les freins, des scientifiques de l’Inserm ont collaboré avec d’autres laboratoires de recherche pour développer un modèle permettant de mieux prédire l’efficacité de la phagothérapie. Il pourrait être utilisé pour mettre au point des essais cliniques plus robustes. Les résultats sont publiés dans la revue Cell Reports.

Cet été, en vacances, les citoyens peuvent faire avancer la science.

Projet « Science à la pelle » © Marguerite Benony

Pour faire avancer plus rapidement la recherche, les scientifiques en appellent de plus en plus à la coopération des citoyens. Ainsi, le projet de recherche participative de l’Inserm, baptisé « Science à la pelle », consiste pour les citoyens à prélever des échantillons dans le sol pour aider à la découverte de nouveaux médicaments.

En effet, de nombreux médicaments utilisés aujourd’hui sont issus de molécules produites naturellement par les bactéries contenues dans les sols. C’est le cas de la grande majorité des antibiotiques, mais également un certain nombre d’anticancéreux et d’immunosuppresseurs.

Les participants à cette campagne de recherche sont invités à prélever une cuillère à soupe de terre lors de leurs promenades estivales et à envoyer l’échantillon aux chercheurs, en renseignant sur l’application disponible sur le site web du projet, les coordonnées et une photo du lieu de prélèvement. Les chercheurs analyseront ensuite les prélèvements reçus et présenteront aux participants les résultats de leurs recherches, à la fin de l’opération.

 

Consulter notre communiqué de presse sur la salle de presse de l’Inserm.

Programme 13-Novembre : point d’étape 5 ans après le démarrage du projet

Les phases 1 et 2 de l’étude 1000 ont donné lieu à 934 et 839 tournages, soit 2763 heures d’enregistrement.© Adobe stock

 

Les attentats du 13 novembre 2015 ont profondément marqué les victimes, leurs proches, ainsi que l’ensemble de la société française. Depuis 2016, des chercheurs et chercheuses sont mobilisés autour du projet « 13-Novembre », vaste entreprise de recherche transdisciplinaire portée par le CNRS et l’Inserm, codirigé par l’historien Denis Peschanski et le neuropsychologue Francis Eustache. L’objectif : étudier la construction et l’évolution de la mémoire après les attentats, et en particulier l’articulation entre mémoire individuelle et mémoire collective. Alors que le procès des attentats – qui devrait durer 8 à 9 mois – est en cours, l’Inserm fait le point sur les avancées de deux volets de ce programme de recherche, l’étude 1000 et l’étude REMEMBER. Cinq ans après le démarrage du projet, où en est-on ?

Le procès en cours : l’écriture de différentes facettes des mémoires

Aujourd’hui, le procès est en cours et les débats publics facilitent la rencontre entre les mémoires individuelles des différentes parties qui s’expriment et la mémoire collective, façonnée par les médias qui retransmettent ces prises de paroles et différentes analyses.

Selon les chercheurs, s’approcher de la vérité des faits lors de ce procès est une question cruciale car cela minimise les mécanismes de double peine qui peuvent survenir quand les victimes ou les parents endeuillés constatent que la société semble hiérarchiser les lieux de souffrance.

« La double peine pourrait être illustrée par le fait que la victime d’un attentat dans un lieu public (première peine) ne se sent pas reconnue par la communauté (l’État français) car le lieu où s’est déroulé l’attentat qui la concerne (par exemple la terrasse d’ un restaurant) est progressivement mis à l’arrière-plan, avant d’être potentiellement oublié (deuxième peine), contrairement à la salle de spectacle du Bataclan qui occupe une place importante dans les médias et dans la mémoire collective. » explique Francis Eustache, Directeur d’Unité Inserm Neuropsychologie et imagerie de la mémoire, coresponsable du Programme 13-Novembre.

L’avenir indiquera si le procès contribue à la construction d’un grand récit partagé, présenté à la société française par les médias qui s’appuient sur les témoignages individuels des rescapés et intervenants.

« Avant même les analyses fines qui seront réalisées par les chercheurs, nous assistons à l’évolution et à l’écriture de différentes facettes des mémoires, celles d’individus singuliers, au contact de mémoires collectives elles-aussi en cours d’élaboration. Le principal enjeu du programme 13-Novembre sera de rendre compte, de la façon la plus objective possible, de cette écriture au long cours et de ce moment fécond que constitue ce procès hors-normes[1] », explique Francis Eustache.

L’étude 1000 : les deux premières phases réalisées et la troisième en cours

Dans le cadre de l’étude 1000, des médiateurs, des enquêteurs et des chercheurs ont recueilli et vont recueillir puis analyser les témoignages d’un groupe de mille personnes volontaires, au cours de quatre phases d’entretiens filmés réparties sur 10 ans, en 2016, 2018, 2021 et 2026.

Les phases 1 et 2, désormais terminées, ont donné lieu à 934 et 839 tournages, soit 2763 heures d’enregistrement.

Lors de la phase 3, engagée au printemps 2021 et actuellement en cours, l’étude 1000 a intégré 300 nouveaux volontaires afin d’affiner encore l’observation des fluctuations de la mémoire dans les témoignages : comment se présente la mémoire de ceux déjà interrogés à deux reprises dans le cadre du protocole, comment se formule la mémoire de ceux confrontés pour la première fois au protocole, comment ces mémoires se répondent-elles et quelles disparités…?

Cette étude vise l’élaboration d’une cartographie de témoignages la plus complète et variée possible, permettant aux chercheurs de reconstituer un récit de référence des attentats du 13-Novembre. Ainsi, la répartition des volontaires se fait selon quatre cercles, sur la base de leur proximité des lieux des attentats, soit du plus proche au plus lointain. Les volontaires du cercle 1 sont donc les personnes ayant été directement exposées aux attentats.

Parmi les premiers résultats de l’étude, les chercheurs ont pu mettre en évidence des singularités selon les témoignages, notamment ceux relatés par des membres des équipes d’intervention (police et soignants). A travers les témoignages recueillis, ils ont également pu observer que les lieux des attentats avaient pris une place importante pour les habitants des quartiers qui ont été ciblés, alors même que certains ne se trouvaient pas sur place le soir des événements.

Ces récits individuels seront ensuite analysés en détail et mis en perspective avec les traces de la mémoire collective telle qu’elle se construit au cours du temps, notamment au sein des espaces médiatiques (journaux télévisés et radiodiffusés, articles de presse, réseaux sociaux, images commémoratives…).

L’étude REMEMBER : la résurgence des souvenirs intrusifs liée à un dysfonctionnement de certains réseaux cérébraux

L’étude REMEMBER, dirigée par le chercheur Inserm Pierre Gagnepain, évalue les conséquences d’un événement traumatique sur l’évolution des fonctions mentales, psychologiques et cérébrales via l’imagerie par résonance magnétique (IRM) pour, à terme, améliorer les prises en charge. Dans ce programme, les participants se répartissent entre 80 sujets non exposés, et 120 sujets exposés aux attentats, issus de l’étude 1000. Ces derniers forment deux sous-groupes de même taille, les exposés présentant un trouble de stress post-traumatique, et ceux qui n’en présentent pas.

Les premiers résultats de l’étude qui ont fait l’objet d’une publication dans la revue Science ont montré que la résurgence intempestive des images et pensées intrusives chez les patients atteints de stress post-traumatique, longtemps attribuée à une défaillance de la mémoire, serait également liée à un dysfonctionnement des réseaux cérébraux qui la contrôlent. Ces résultats permettent d’identifier de nouvelles pistes de traitement, visant à renforcer ces mécanismes inhibiteurs défaillants.

 

[1] Référence : Eustache F., Peschanski D. Le programme 13-Novembre : le cheminement d’une recherche transdisciplinaire. Médecine/sciences 2021 ; 37 : 963-5

Texte rédigé avec le soutien de Francis Eustache, Directeur d’Unité Inserm Neuropsychologie et imagerie de la mémoire, coresponsable du Programme du 13-Novembre.

« Sociologie des violences sexuelles au sein de l’Église catholique en France (1950-2020) » : une enquête Inserm pour éclairer le rapport de la CIASE

La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église” (CIASE) a été mise en place le 13 novembre 2018. Adobe Stock

Depuis une trentaine d’années, la parole se libère concernant les violences sexuelles impliquant des représentants de l’Église catholique. De nombreux pays ont mis en place des commissions d’enquêtes pour évaluer l’ampleur du phénomène et mieux l’appréhender.

En France, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église” (CIASE) a été mise en place le 13 novembre 2018 par Jean-Marc Sauvé, vice-président honoraire du Conseil d’État, à la demande de la Conférence des Évêques de France (CEF) et de la Conférence des religieux et religieuses de France (CORREF). Après près de trois ans de travail, le rapport de la CIASE a été rendu public ce mardi 5 octobre 2021.

Afin de mieux caractériser la population des personnes ayant été abusées et d’étudier les logiques sociales et institutionnelles qui auraient favorisé ces violences, la CIASE a sollicité la sociologue-démographe Nathalie Bajos, directrice de recherche Inserm et spécialiste des enquêtes sur la sexualité et le genre. Avec son équipe, elle a mené une enquête détaillée sur le sujet, qui vient alimenter le rapport final de la CIASE.

216.000. C’est le nombre de mineurs qui auraient été victimes de violences sexuelles dans l’Eglise entre 1950 et 2020, selon l’enquête en population générale menée par l’Inserm auprès de 28 010 personnes âgées de 18 ans et plus, représentatives de la population française.

Si l’on ajoute les violences sexuelles commises par des laïcs au sein d’institutions religieuses, ce chiffre pourrait même s’élever à 330.000 victimes. L’Eglise est le milieu où, après les cercles familiaux et amicaux, la prévalence des violences sexuelles est la plus élevée. La majorité des victimes étaient des garçons âgés de 10 à 13 ans au moment des faits.

 

L’enquête de l’Inserm a comporté trois volets :

 

  • Un « appel à témoignage » qui s’est déroulé d’octobre 2019 à janvier 2020, qui a permis de collecter 1 627 questionnaires remplis par des personnes confrontées à une ou plusieurs situations d’abus sexuels dans l’Église (dont 1 448 personnes mineures au moment des faits et personnes majeures dites “vulnérables”) issues de toute la France.

 

  • Une enquête qualitative sur la base d’entretiens semi-directifs en face à face a permis d’explorer plus finement les relations de la personne agressée avec l’auteur de l’agression (confiance, rapports hiérarchiques…), les circonstances de survenue des violences, les réticences à parler, les réactions des personnes informées (famille, membres de l’Église) et les raisons du non-recours au droit.

 

  • Une enquête sur les violences sexuelles en population générale. Elle a été conduite entre le 25 novembre 2020 et le 28 janvier 2021 auprès d’un échantillon par quotas de 28 010 personnes de plus de 18 ans interrogées par internet. Cette enquête a permis d’estimer la prévalence des violences sexuelles perpétrées par un membre du clergé catholique, de la comparer à celles des violences commises dans d’autres sphères de socialisation (famille, école, activités sportives, autres religions…) et enfin d’apprécier la spécificité sociale et démographique des répondants au premier volet “appel à témoignage”.

 

L’enquête Inserm « Sociologie des violences sexuelles au sein de l’Église catholique en France (1950-2020) » publiée dans le cadre du rapport de la CIASE est disponible en PDF, cliquez ici pour la consulter.

Septembre en Or, la recherche sur les cancers pédiatriques avance

 

Diversité de cellules au sein d’une même tumeur. Visualisation au microscope (avec une coloration à l’hématoxyline et à l’éosine) pour des hépatoblastomes. ©Dr Guillaume Morcrette

Le mois de Septembre ou « Septembre en Or » est dédié au soutien à la lutte contre les cancers pédiatriques, première cause de décès chez l’enfant. Chaque année en France, environ 1700 enfants de moins de 15 ans déclarent la maladie[1]. Les chercheurs de l’Inserm sont plus que jamais mobilisés pour faire avancer la recherche contre le cancer et s’intéressent notamment à élucider les mécanismes d’initiation des tumeurs chez l’enfant, pour mieux comprendre la maladie, sa progression et permettre la découverte de nouveaux traitements. Retour sur deux études récentes publiées sur le sujet dans la revue Cancer Discovery.

Pourquoi certaines leucémies touchent-elles uniquement les enfants ?

Un tiers des cancers pédiatriques diagnostiqués en France sont des leucémies[2], communément appelées cancers du sang. Les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) représentent 15% des leucémies diagnostiquées chez les enfants et adolescents. Leur pronostic est souvent mauvais puisque la survie globale demeure autour de 60 % à cinq ans.

Dans une étude publiée dans la revue Cancer Discovery, l’équipe du chercheur Thomas Mercher, directeur de recherche de l’équipe « Génétique et modélisation des leucémies de l’enfant », s’est intéressée aux mécanismes d’initiation de la leucémie aiguë myéloïdes chez l’enfant, et plus particulièrement de la leucémie aiguë mégacaryoblastique (LAM7), une forme très agressive de LAM.

L’équipe est notamment parvenue à montrer que la fusion de deux protéines normalement indépendantes dans la cellule, appelée ETO2-GLIS2, est suffisante pour induire rapidement des leucémies agressives, si elle est activée dans des cellules hématopoïétiques du fœtus[3]. En revanche, son activation dans des cellules adultes est faiblement associée au développement de leucémie.

Des résultats qui suggèrent que certaines leucémies se développent spécifiquement chez les enfants car les cellules fœtales présentent des propriétés différentes par rapport aux cellules adultes. Ils permettent également de proposer de nouveaux mécanismes à cibler dans les cellules fœtales et dans les leucémies de l’enfant afin d’améliorer les traitements chez ces patients.

 

Pourquoi un enfant sur cinq atteint d’un cancer du foie exprime une résistance à la chimiothérapie ?

Une autre étude publiée dans la revue Cancer Discovery, s’est quant à elle intéressée aux mécanismes d’initiation et de progression des cancers du foie chez l’enfant. Les cancers du foie représentent environ 1% de l’ensemble des tumeurs de l’enfant. L’hépatoblastome est le type de tumeur maligne hépatique le plus fréquent, avec une incidence d’un cas pour un million d’enfants de moins de 15 ans, soit 10 à 15 nouveaux cas par an en France, survenant principalement avant l’âge de 2 ans.

Grâce à la caractérisation précise de la diversité moléculaire et génomique des tumeurs du foie pédiatrique, l’étude de l’équipe du Professeure Jessica Zucman-Rossi au Centre de Recherche des Cordeliers (Université de Paris, Inserm, Sorbonne Université), et ses collaborateurs du réseau Hepatobio, a permis non seulement de mieux comprendre l’origine du développement des cancers, les phénomènes de plasticité cellulaire à l’origine des cas de résistance mais également d’explorer de nouvelles pistes thérapeutiques afin de proposer un traitement aux enfants qui ne répondent pas à la chimiothérapie (environ un sur cinq).

  • Les chercheurs ont caractérisé de nouvelles mutations (altérations fréquentes d’une région du chromosome 11) à l’origine du développement des hépatoblastomes
  • Ils ont montré que, dans quasiment tous les cas, la transformation maligne en cancer était liée à l’activation de l’oncogène ß-caténine associée à des mutations rares d’autres gènes (NFE2L2, TERT, GPC3, RPS6KA3 ou CREBBP).
  • Ils ont mis en évidence l’extraordinaire plasticité des cellules tumorales dans les hépatoblastomes, en montrant qu’il peut exister quatre sous-populations cellulaires au sein d’une même tumeur.
  • Enfin, ils ont montré qu’une population de cellules, appelées « cellules de type progéniteur », accumulent des mutations génétiques lors de l’exposition au cisplatine, molécule faisant partie de la chimiothérapie, et que cette accumulation de mutations est associée à la résistance à la chimiothérapie et donc aux rechutes après chimiothérapie.

En cherchant à cibler spécifiquement ces cellules de « type progéniteur », l’équipe a pu identifier de nouveaux traitements candidats permettant de surmonter la résistance au cisplatine dans des expériences in vitro et chez la souris, qui restent à confirmer chez les patients.

 

L’Inserm, plus que jamais mobilisé dans la recherche contre le cancer

Bien que le diagnostic et le traitement des cancers aient fortement évolué ces dernières décennies, d’immenses progrès sont encore indispensables pour mieux comprendre les maladies tumorales et d’améliorer le pronostic. Il est donc crucial de soutenir les travaux de recherche qui permettent de progresser dans la compréhension des mécanismes de développement des cancers. Les équipements disponibles dans les laboratoires, et tout particulièrement les plateformes de recherche, sont essentiels pour atteindre cet objectif. 

Dans ce contexte, l’Itmo Cancer d’Aviesan organise un appel à projets, avec l’objectif de permettre l’acquisition d’équipement mutualisé semi-lourd ou lourd, en favorisant les interactions entre les équipes et en renforçant l’attractivité et la place des équipes françaises sur la scène internationale.

Pour en savoir plus et consulter l’appel à projets

  • Ouverture : 21 septembre 2021
  • Date limite de candidature : 2 décembre 2021, 17h

[1] Registre National des Cancers de l’Enfant

[2] Parmi les cancers pédiatriques : Leucémies 29 % des cas, dont 80 % de leucémies aiguës lymphoblastiques, tumeurs du système nerveux central 25 %, lymphomes 10 %.

[3] Pour réaliser ces travaux, les chercheurs ont analysé les caractéristiques de cellules leucémiques humaines et développé un modèle murin permettant d’étudier l’expression de la fusion ETO2-GLIS2.

Mise au point sur l’expertise collective « Essais nucléaires en Polynésie française »

Tahiti

Tahiti © Kazuo Ota on Unsplash

L’Inserm peut-il être accusé de négationnisme sur le sujet des essais nucléaires en Polynésie française ?

Non. L’Inserm fait partie des très rares organismes de recherche à avoir publié dans des revues scientifiques internationales sur la question des effets des essais nucléaires réalisés par la France. Il s’agit notamment de l’étude de l’équipe du Dr. Florent de Vathaire, chercheur à l’Inserm, publiée en 2010 dans le British Journal of Cancer. Celle-ci est en faveur d’une augmentation du risque de cancer de la thyroïde avec la dose de rayonnement reçue par les polynésiens avant l’âge de 15 ans du fait des essais nucléaires atmosphériques. D’autre part, l’Inserm vient de piloter une expertise collective sur la question, qui est un très gros effort de synthèse.

Quelles sont les principales conclusions de l’expertise ?

Rappelons d’abord que pour garantir l’indépendance de l’expertise, les experts sont rigoureusement choisis en fonction de leurs publications sur le sujet, que tout lien d’intérêt éventuel est examiné, et que l’Inserm n’intervient pas dans les conclusions des experts. Il s’agit donc de leurs conclusions et pas d’une position officielle de l’Inserm. Après avoir revu 1200 publications, les conclusions des experts sont que de nombreuses pathologies peuvent être induites par les rayonnements ionisants, dont la plupart des cancers, mais aussi certaines pathologies cardiovasculaires ou la cataracte. Pour les cancers, l’effet des rayonnements ionisants se manifeste sans seuil, donc potentiellement dès les doses faibles, même si le nombre de cas attendu va croître avec la dose. Dans d’autres parties du monde où des essais nucléaires atmosphériques ont été menés, des liens avec le risque de cancer de la thyroïde après une irradiation dans l’enfance et le risque de certaines leucémies ont été observés, en population générale ou chez les militaires. Les quelques études réalisées en Polynésie sont cohérentes avec ces résultats. Tout va donc dans le sens d’un effet probable – les experts n’utilisent pas exactement ce terme – de ces essais nucléaires sur la survenue de cancers de la thyroïde en Polynésie.

Cela remet-il en cause la logique d’indemnisation des Polynésiens par l’État français ?

Cette expertise collective n’a pas étudié la logique d’indemnisation des victimes civiles et militaires mise en place par l’État français, assurée par le CIVEN (Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires), logique qui ne peut donc être considérée comme étant critiquée ou remise en cause par l’expertise collective. Le CIVEN reconnaît actuellement une liste de 23 pathologies pouvant être radio-induites, essentiellement des cancers, de façon cohérente avec l’expertise collective. L’expertise recommande de surveiller les futurs travaux de recherche portant sur les maladies non reconnues comme étant radio-induites à ce jour mais qui pourraient le devenir.

Loi de bioéthique : chimères inter-espèces

Segment intestinal développé à partir d’échantillons embryonnaires chimères rat/poulet. ©Inserm/U61 

Dans le cadre de la loi de bioéthique votée en seconde lecture par le Sénat le 3 février, l’article 17 sur la question du chimérisme interroge et fait débat.

Les chimères inter-espèces sont des organismes vivants formés à partir de cellules issues d’organismes différents, obtenues à partir de cellules au stade embryonnaire.

Dans le cas des chimères animal-homme, des cellules souches humaines sont insérées à des embryons animaux.

L’un des objectifs est de développer ainsi des modèles animaux de pathologies humaines notamment pour les maladies neurodégénératives. A plus long terme, ces chimères pourraient favoriser la production d’organes chez l’animal pour permettre des xénogreffes sur l’Homme.

Enfin, avoir recours à ce processus permettrait notamment de mieux étudier comment s’effectue la différenciation des cellules dans un tel environnement, et donc, de valider ou non bon nombre d’hypothèses de recherche.

La loi de bioéthique prévoyait initialement, d’autoriser les chimères homme-animal, permettant ainsi de marquer une avancée pour la recherche. Le comité d’éthique de l’Inserm a rappelé l’enjeu pour le monde scientifique que représente la possibilité d’effectuer des recherches sur l’embryon animal, y compris celles susceptibles de modifier la descendance ou d’adjoindre des cellules d’autres espèces incluant les cellules humaines. Maintenant une commission mixte paritaire va essayer de trouver un texte commun aux deux chambres, si elle n’y parvient pas la loi sera étudiée à nouveau à l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot.

Les chercheurs Inserm Irène Aksoy et Pierre Savatier (U 1208, Institut Cellule souche et cerveau) font partie de la seule équipe en France et en Europe à travailler sur le chimérisme.

Dans de récents travaux, nos chercheurs se sont attachés à démontrer la difficulté scientifique de réaliser de telles chimères et, à expliquer les mécanismes et les verrous à lever pour y parvenir. Ils sont à la disposition des journalistes pour évoquer leurs résultats et éclairer les débats actuels autour de la loi de bioéthique et de son article 17.

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