Menu
Communiqués et dossiers de presse

Choc anaphylactique : les anticorps IgG et les neutrophiles, des acteurs inattendus

10 Juil 2019 | Par INSERM (Salle de presse) | Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie

Anticorps. © Adobe Stock

 
Le choc anaphylactique, réaction allergique exacerbée pouvant entraîner la mort, peut être causé notamment par l’usage de médicaments lors d’une opération chirurgicale. Dans la plupart de ces réactions extrêmes, on peut constater chez les patients des signes d’activation cellulaire par des anticorps de type IgE. Cependant 10 à 20% des chocs anaphylactiques ne présentent aucun signe de l’activation de cette voie IgE-dépendante. Des équipes de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de l’AP-HP, du CNRS, de l’université Paris-Sud et Sorbonne université sont parvenues à identifier un nouveau mécanisme d’action responsable de ces chocs jusqu’à présent inexpliqués, impliquant des polynucléaires neutrophiles activés par des anticorps de type IgG. Ces résultats, publiés le 10 juillet dans la revue Science Translational Medicine, permettront une meilleure prise en charge du diagnostic des patients qui ont subi ce type de choc.
 

L’anaphylaxie est une réaction allergique hyper-aiguë. Elle est le résultat d’une réaction immunitaire inappropriée suite à l’introduction dans l’organisme d’un antigène habituellement inoffensif. La fixation de cet antigène à des anticorps préexistants dans l’organisme déclenche la sécrétion massive de puissants médiateurs vasodilatateurs, ce qui provoque un état de choc pouvant entraîner une défaillance de plusieurs organes, voire la mort.

L’anaphylaxie peut être induite par de nombreuses substances : les médicaments (antibiotiques, curares), les aliments, ou encore les venins d’insectes. Dans cette étude, les scientifiques se sont concentrés sur les réactions allergiques aux curares, médicaments utilisés durant les anesthésies générales pour provoquer un relâchement musculaire.

La fréquence d’apparition de choc anaphylactique aux curares est d’un cas pour 10 000 à 20 000 opérations, ce qui représente environ 3 à 5 chocs par semaine sur la région parisienne.

S’il était déjà connu que les anticorps IgE pouvaient déclencher l’anaphylaxie, des équipes  de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de l’AP-HP, du CNRS, de l’université Paris-Sud et de Sorbonne université, ont montré dans une étude clinique que les anticorps IgG peuvent aussi être impliqués dans certains chocs anaphylactiques. Ce rôle inattendu des anticorps IgG avait déjà été identifié chez la souris en 2011 par une partie des mêmes auteurs [1].

Cette étude multicentrique appelée « NASA » a été réalisée depuis 2012 par un consortium de chercheurs, biologistes médicaux et médecins anesthésistes et portée par l’hôpital Bichat AP-HP. Le consortium a suivi 86 patients ayant présenté un choc anaphylactique péri-opératoire et 86 témoins, dans 11 hôpitaux d’Ile-de-France sous la coordination à l’hôpital Bichat AP-HP du Pr Sylvie Chollet-Martin (Université Paris-Sud), immunologiste, et du Pr Dan Longrois, anesthésiste. Des prélèvements sanguins ont été effectués au moment de l’apparition du choc anaphylactique au bloc opératoire, qui ont permis d’identifier ce mécanisme alternatif, dépendant des IgG. Les chercheurs ont, en particulier, démontré que les anticorps IgG activent les neutrophiles (70-80% de nos globules blancs) qui libèrent des médiateurs vasodilatateurs néfastes à forte dose. Cette activation des neutrophiles était plus importante au cours des chocs sévères qu’au cours des chocs d’intensité modérée. De manière intéressante, l’implication de la voie IgG-neutrophiles était également évidente dans des chocs où le mécanisme classique IgE-dépendant était observé, suggérant que les IgG et les neutrophiles pourraient contribuer à la sévérité de la majorité des chocs, par un effet additif.

« Ces résultats permettent d’élucider 10 à 20% des chocs anaphylactiques qui étaient jusqu’à présent sans explication biologique. Ils seront d’une aide précieuse pour affiner le diagnostic de ces patients, et pour éviter à l’avenir de nouveaux contacts avec le médicament qui a été à l’origine de la réaction allergique » explique le Pr Sylvie Chollet-Martin (Université Paris-Sud), co-dernière auteure de l’étude et responsable du laboratoire d’Immunologie « Auto-immunité et Hypersensibilités » à l’Hôpital Bichat AP-HP.

« Alors que les anticorps IgG sont connus pour être des protecteurs de l’organisme face aux infections, et des agresseurs dans certaines maladies auto-immunes, grâce à cette étude on constate qu’ils peuvent être impliqués dans une nouvelle réaction néfaste pour l’organisme, l’anaphylaxie. Nous sommes déjà en train d’explorer expérimentalement comment bloquer cette nouvelle voie d’activation des anticorps IgG afin de proposer une solution thérapeutique » commente Pierre Bruhns, co-dernier auteur de l’étude, directeur de recherche Inserm et responsable de l’unité Anticorps en thérapie et pathologie à l’Institut Pasteur.

Ces travaux ont été financés par les organismes cités dans le premier paragraphe, ainsi que par l’European Research Council (ERC – FP7 ; projet MyeloSHOCK).

[1] Mouse and Human Neutrophils induce Anaphylaxis, The Journal of Clinical Investigation, 23 mars 2011. doi: 10.1172/JCI45232

Contacts
Contact Presse

Service de presse Institut Pasteur

MYRIAM REBEYROTTE 

01 45 68 81 01

AURELIE PERTHUISON 

01 45 68 89 28

NATHALIE FEUILLET

01 45 68 81 09

rf.ruetsap@esserp

 

Service de presse Inserm

rf.mresni@esserp

Sources

An IgG-induced neutrophil activation pathway during human drug-induced anaphylaxis, Science Translational Medicine, 10 juillet 2019

Friederike Jönsson1,†, Luc de Chaisemartin2,3,†, Vanessa Granger2,3,‡ , Aurélie Gouel-Chéron1,4,‡, Caitlin M. Gillis1, Qianqian Zhu1,3, Fadia Dib5, Pascale Nicaise-Roland2, Christelle Ganneau6, Maria Hurtado-Nedelec7, Catherine Paugam-Burtz8, Skander Necib8, Hawa Keita-Meyer9, Matthieu Le Dorze10, Bernard Cholley11, Olivier Langeron12, Laurent Jacob13, Benoit Plaud13, Marc Fischler14, Caroline Sauvan15, Marie-Thérèse Guinnepain16, Philippe Montravers4,17, Michel Aubier15,17, Sylvie Bay6, Catherine Neukirch15,17, NASA study group, Florence Tubach18,§ , Dan Longrois2,4,§, Sylvie Chollet-Martin2,3,§,* and Pierre Bruhns1,§,*

 

1Unit of Antibodies in Therapy and Pathology, Institut Pasteur, UMR1222 INSERM, F-75015 Paris, France.

2Département d'Immunologie et d'Hématologie, UF Auto-immunité et Hypersensibilités, HUPNVS, Hôpital Bichat, Paris, France.

3Inflammation Chimiokines et Immunopathologie, INSERM UMRS996, Faculté de Pharmacie, Université Paris-Sud, Université Paris-Saclay, Châtenay-Malabry, France.

4APHP, Hôpital Bichat, Département d'Anesthésie-Réanimation, HUPNVS, Paris, France.

5APHP, Hôpital Bichat, Department of Epidemiology and Clinical Research, INSERM, Paris, France.

6Unité de Chimie des Biomolécules, Institut Pasteur, UMR3523 CNRS, F-75015 Paris, France.

7Département d'Immunologie et d'Hématologie, UF Dysfonctionnements Immunitaires, HUPNVS, Hôpital Bichat, Paris, France.

8Département d'Anesthésie-Réanimation, Hôpital Beaujon, AP-HP, Clichy, France, and Université Paris Diderot, Paris, France.

9Service d’anesthésie, Hôpital Louis Mourier, AP-HP, Colombes, France and Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, EA Recherche Clinique coordonnée ville-hôpital, Méthodologies et Société (REMES), Paris, France.

10Département d'Anesthésie-Réanimation, Hôpital Lariboisière, AP-HP, Paris, France.

11Service d'Anesthésie-Réanimation, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, UMR1140 INSERM, Paris, France and Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Paris, France.

12Department of Anesthesia and Critical Care, Hôpital Pitié Salpêtrière, AP-HP, Sorbonne Université, Paris, France and Infection and Epidemiology Department, Institut Pasteur Human Histopathology and Animal Models Unit, Paris, France

13Département d'Anesthésie-Réanimation, Hôpital Saint Louis, AP-HP, Paris, France.

14Service d'Anesthésie, Hôpital Foch, Suresnes, France.

15APHP, Hôpital Bichat, Service de Pneumologie A, HUPNVS, Paris, France.

16Hôpital Foch, Service de médecine interne, Suresnes, France.

17INSERM 1152, DHU FIRE, Labex Inflamex, Université Paris Diderot Paris 7, Paris, France.

18Sorbonne Université, INSERM, Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique, PEPITES, AP-HP, Hôpitaux Universitaires Pitié Salpêtrière - Charles Foix, Département Biostatistique Santé Publique et Information Médicale, Centre de Pharmacoépidémiologie (Cephepi), CIC-1421, F75013, Paris, France.

†, ‡: Equal contribution.

  • : Co-senior authorship.

*: corresponding author

fermer