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Communiqués et dossiers de presse

Comment agit le cannabis sur la mémoire de travail ?

02 Mar 2012 | Par INSERM (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie

La détérioration de la mémoire de travail est observée chez les personnes ayant consommé des drogues à base de cannabinoïdes, ces composés que l’on retrouve dans la feuille et la fleur de cannabis. L’équipe de Giovanni Marsicano, chargé de recherche Inserm à l’unité Inserm 862 « Neurocentre Magendie » à l’université Bordeaux Segalen en collaboration avec l’equipe de Xia Zhang à l’université de Ottawa (Canada), vient de découvrir par quel mécanisme ces substances agissent sur la mémoire de travail. Les chercheurs ont montré pour la première fois que l’effet délétère des cannabinoïdes sur la mémoire de travail s’exerce via leurs récepteurs localisés sur les cellules gliales, des cellules du cerveau très nombreuses mais peu étudiées. Cet effet est associé à une diminution des connexions neuronales dans l’hippocampe, la zone qui coordonne les processus de mémoire de travail.

Ces résultats sont publiés dans la revue Cell datée du 2 mars 2012.

La mémoire de travail, permet de réaliser des opérations cognitives courantes (réfléchir, lire, écrire, calculer…) sur des informations stockées temporairement (de quelques secondes à quelques minutes). Cette capacité est responsable de l’intégration des informations sonores, visuelles et spatiales. L’un des effets majeurs de l’intoxication aux cannabinoïdes est l’altération de la mémoire de travail, à la fois observée chez l’homme et l’animal. Le cannabis entraîne des perturbations de cette fonction qui empêche son consommateur d’effectuer des tâches qu’il sait pourtant réaliser au quotidien. Les récepteurs aux cannabinoïdes sont exprimés sur les cellules gliales de l’hippocampe, une structure cérébrale essentielle à la modulation des souvenirs. Jusqu’alors, les mécanismes cellulaires entraînant les effets délétères du cannabis sur ce processus de mémorisation étaient inconnus.

Giovanni Marsicano, chargé de recherche Inserm et ses collaborateurs du Neurocentre Magendie (unité Inserm 862/université bordeaux 2) sont parvenus à décrire un mécanisme par lequel le cannabis engendre des effets délétères sur la mémoire de travail. Les chercheurs ont montré que les cannabinoïdes, une fois liés à leurs récepteurs, diminuent la force des connexions entre les neurones au niveau de l’hippocampe.

Les cannabinoïdes regroupent environ 60 composés issus de la feuille et la fleur de cannabis. Ils agissent sur le cerveau via « les récepteurs cannabinoïdes ». Dans cette étude, l’équipe de recherche s’est penchée sur le récepteur CB1, particulièrement abondant au niveau des terminaisons nerveuses (Cf. schéma) du cerveau. Le récepteur CB1 est présent à la fois sur la membrane des neurones (en jaune) mais aussi sur la membrane de cellules dites « astrogliales » (en rose) de l’hippocampe (en orange) qui servent de support aux neurones.

La liaison des cannabinoïdes (en vert) aux récepteurs CB1 (en rose) active l’envoi de signaux (glutamate, en bleu clair) aux récepteurs à glutamate (en bleu foncé) des terminaisons nerveuses qui permettent la circulation de l’information de neurones en neurones. Ce mécanisme module la force des connexions entre les neurones de l’hippocampe (dépression du signal) qui perturberait la mémoire de travail.

Pour découvrir les mécanismes d’action des cannabinoïdes, les chercheurs ont évalué la mémoire de travail spatiale, en présence de THC (le cannabinoïde le plus connu, en vert). Deux groupes de souris, chez lesquelles les récepteurs CB1 ont été supprimés respectivement sur les cellules astrogliales ou les neurones, ont été étudiés.

Lorsque les récepteurs CB1 sont supprimés uniquement sur les neurones, le THC induit des déficits de mémoire de travail spatiale chez les souris. Au contraire, lorsque seuls les récepteurs CB1 situés au niveau des cellules astrogliales sont supprimés, les performances de mémoire de travail spatiale sont préservées chez les souris. Ainsi, les récepteurs CB1 localisés au niveau des cellules astrogliales sont responsables des effets délétères du THC sur cette forme de mémoire.

« Ces résultats montrent de façon surprenante, in vitro et in vivo, l’importance de l’activation des récepteurs CB1 des cellules astrogliales, et non ceux des neurones, dans la médiation des effets des cannabinoïdes sur la mémoire de travail » explique Giovanni Marsicano.

De nombreuses études ont démontré ces dernières années l’intérêt du cannabis dans le traitement de plusieurs maladies. « La description des mécanismes d’action spécifiques des cannabinoïdes au niveau de l’hippocampe permettra d’optimiser leur potentiel d’utilisation thérapeutique, aujourd’hui limité par d’importants effets indésirables associés à leur consommation » concluent les chercheurs.

Contacts
Contact Chercheur

Giovanni Marsicano, PhD

Chargé de Recherche Inserm

Unité Inserm 862 "NeuroCentre Magendie"

146 rue Léo Saignat

Université de Bordeaux 2 Segalen

Bordeaux 33077

05 57 57 37 56

rf.mresni@onacisram.innavoiG

Contact Presse

Juliette Hardy

rf.mresni@esserp

Sources
Astroglial CB1 Receptors Mediate Cannabinoid Alterations of Synaptic Plasticity and Working Memory Jing Han1,2,9, Philip Kesner2,9, Mathilde Metna-Laurent3,4,9, Tingting Duan5,6, Lin Xu5, Francois Georges4,7, Muriel Koehl3,4, Djoher Nora Abrous3,4, Juan Mendizabal-Zubiaga8, Pedro Grandes8, Wei Ren1, Giovanni Marsicano3,4* & Xia Zhang2* 1 College of Life Sciences, Shaanxi Normal University, Xian, 710062 PR China. 2 Institute of Mental Health Research and Departments of Psychiatry and Cellular & Molecular Medicine, University of Ottawa, Ottawa, K1Z 7K4 Canada. 3 INSERM U862 NeuroCentre Magendie, Bordeaux 33077, France. 4 University de Bordeaux Segalen, Bordeaux 33077, France. 5 Kunming Institute of Zoology, Chinese Academy of Science, Kunming, 650223 PR China. 6 School of Life Sciences, University of Science and Technology of China, Hefei 230027, PR China. 7 CNRS, Interdisciplinary Institute for Neuroscience, UMR 5297, Bordeaux 33000, France. 8 Department of Neurosciences, Faculty of Medicine and Dentistry, Basque Country University, Leioa 48940, Spain 9 These authors contributed equally to this work. Cell, 2 Mars 2012
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