Éradiquer le VIH de l’organisme demeure inaccessible. En raison notamment de stocks de virus cachés dans des cellules du système immunitaire : les macrophages. L’équipe de Philippe Benaroch vient de montrer qu’il était possible, grâce à des anticorps, de bloquer la libération de ces ”troupes ennemies” des compartiments internes où elles sont regroupées. Cette découverte, publiée à la une de la revue Journal of Experimental Medicine, ouvre un nouveau front dans la bataille contre le virus du sida.
De mortelle, le sida est devenue une maladie chronique qui impose des traitements à vie. Car même si les trithérapies éliminent l’immense majorité des virus, certains restent ”tapis” au sein de cellules immunitaires : dans des lymphocytes T et dans les macrophages. Signifiant ”gros mangeurs” en grec, les macrophages avalent et détruisent les débris cellulaires et les microbes pathogènes dans notre corps. Mais le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est capable d’y rentrer, de s’y multiplier et d’y constituer des réservoirs de particules de virales. Stockées dans des compartiments internes, ces particules sont difficilement accessibles aux médicaments antiviraux et aux attaques du système immunitaire. De plus, contrairement aux lymphocytes T qui meurent quelques jours après avoir été infectés, les macrophages sont beaucoup plus résistants à la présence ennemie en leur sein : ils peuvent héberger le VIH pendant des mois, voire des années.
En suivant le devenir de macrophages avant et après infection par le VIH, une équipe du laboratoire immunité et cancer (Inserm/Institut Curie) montre dans une publication de Journal of Experimental Médicine que ces compartiments internes, dans lesquels les virus s’accumulent, préexistent à l’infection. « Cela pourrait expliquer le rôle particulier des macrophages en tant que réservoirs du VIH » souligne Philippe Benaroch qui a mené l’étude. Mais à quoi servent donc ces compartiments hors période d’infection ? « On ne le sait pas encore, cela a sans doute un lien avec la fonction « d’éboueur » des macrophages. Certains récepteurs caractéristiques de cette fonction sont concentrés au niveau de ces compartiment et plus spécialement le récepteur CD36 » explique l’immunologiste.
Or en exposant des macrophages infectés à des anticorps anti-CD36, les chercheurs ont réussi à empêcher la libération des virus hors des macrophages infectés. « Les anticorps pénètrent et atteignent les compartiments internes où ils piègent les particules virales en se liant aussi bien aux récepteurs CD36 présents sur leur enveloppe que sur ceux des compartiments » explique Philippe Benaroch. Résultat : tout le monde se trouve emmêlé et plus rien ne bouge ! Et le chercheur d’ajouter : « le VIH est assez fragile et l’effet des traitements anticorps assez long. Si les particules virales sont piégés pendant quelques temps dans les compartiments, nous pensons qu’ils perdront leur pouvoir infectieux ». Un brevet a d’ailleurs été déposé. Face au VIH, « le champion du monde pour l’apparition de mutations », mieux vaut avoir plusieurs armes dans son attirail.
Macrophages & cancer
Ces travaux constituent aussi un pas en avant dans la compréhension du fonctionnement de notre système immunitaire. Présents dans tous les tissus, même dans le cerveau, les macrophages joueraient aussi un rôle dans la croissance de certaines tumeurs. Certaines semblent ”recruter” les macrophages pour stimuler leur développement.
Fusion de plusieurs macrophages observés en microscopie confocale
En bleu : les noyaux multiples. En vert : les particules virales du VIH. En rouge : les réseaux de microtubules, sortes de tapis roulants au sein des cellules. En cyan : l’actine, une autre protéine importante pour l’architecture et les mouvements cellulaires internes.
© Gaudin & Benaroch /Institut Curie