Contact Chercheur
Pr. Etienne KoechlinDirecteur de recherche Inserm
Directeur du Laboratoire de Neurosciences Cognitives Inserm - ENS
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Lorsque l’on est face à une situation incertaine, changeante voire nouvelle, notre cerveau opte, après un moment de réflexion, pour une solution plutôt qu’une autre. C’est le raisonnement par lequel l’Homme s’adapte à de telles situations, que vient de décrypter l’équipe d’Etienne Koechlin, directeur du laboratoire de Neurosciences Cognitives (Inserm/ENS). Les chercheurs ont découvert l’algorithme du cortex cérébral préfrontal permettant à l’Homme de raisonner pour s’adapter à ce type de situation grâce à deux processus distincts.
Les résultats sont publiés dans la revue Science Express le 29 mai 2014.
La prise de décision a lieu grâce à l’activité d’une zone cérébrale du lobe frontal appelée cortex préfrontal. Jusqu’à présent, on savait que cette zone était impliquée dans la prise de décision et le contrôle de l’action. Seulement, on ignorait comment cette zone cérébrale dotait l’homme de capacités de raisonnement et de jugement particulièrement développées et fortement sollicitées dans des situations nouvelles.
Dans cette étude publiée dans Science Express, les chercheurs du laboratoire de neurosciences Cognitives (Inserm/ENS) ont analysé l’activité cérébrale de 40 jeunes individus (18-26 ans) en bonne santé soumis à un protocole inspiré du jeu de société Mastermind. Ils devaient faire face à un scénario incertain et variable comme dans ce jeu où le joueur doit raisonner pour déduire la combinaison de pions de son partenaire à partir d’information parcellaire, mais aussi s’adapter car dans le protocole utilisé celle-ci pouvait changer à l’insu des participants.
L’étude révèle le rôle clé joué par deux régions. La première, située entre les régions ventro- et dorso-medial du cortex préfrontal, est capable d’évaluer la situation et détermine s’il faut ajuster le comportement de l’individu ou explorer de nouvelles stratégies plus ou moins connues par l’individu, c’est-à-dire émergeant de sa mémoire à long terme.
La seconde, appelée “frontopolaire”, très antérieure et latérale des lobes frontaux, considéréee comme absente chez les primates non-humains, est capable d’analyser en parallèle la pertinence de 2 ou 3 stratégies alternatives. “La zone frontoplolaire permet à l’individu de tester en parallèle plusieurs hypothèses concurrentes et notamment de juger de la pertinence de former de nouvelles hypothèses émergeant de sa mémoire à long terme” explique Etienne Koechlin, directeur de recherche Inserm et principal auteur de l’étude.
Ces deux voies fonctionnent conjointement et sont à l’origine du raisonnement qui consiste à comparer, tester des hypothèses et les accepter ou les rejeter vis-à-vis d’autres stratégies nouvellement envisagées par l’individu.
“Nos résultats constituent une avancée majeure, puisque c’est la première fois que ce fonctionnement algorithmique est modélisé mathématiquement et mis à jour dans cette zone du cerveau “ conclut-il.
Le fonctionnement du cortex préfrontal est massivement altéré dans les maladies neuropsychiatriques. Son développement se poursuit tardivement dans l’adolescence et il est altéré dans le vieillissement. Ces résultats ouvrent de nombreuses perspectives puisqu’ils permettront de mieux comprendre comment son développement, son vieillissement et ses pathologies changent les capacités de jugement des individus et comment y remédier.