Le détail de ces travaux est publié dans la revue Science Advances datée du 20 novembre 2015.
Des estimations récentes du « Center for Disease Control » aux États-Unis suggèrent qu’un enfant sur 68 est atteint de Troubles du Spectre Autistique (TSA). Les TSA sont des troubles neurologiques caractérisés par un spectre de symptômes comprenant : des problèmes d’interactions sociales et de communications, un traitement anormal de l’information sensorielle, ainsi que des comportements répétitifs stéréotypés.
Il a longtemps été suggéré que le cerveau des personnes atteintes d’autisme présente des connexions différentes. Cependant, il n’existe pas encore de consensus ni concernant un modèle de ces différences, ni au sujet du lien possible entre ces différences et les symptômes exprimés chez les individus souffrant de ces troubles.
Actuellement, une théorie se dégage au plan international parmi les neuroscientifiques qui suggère que le cerveau des personnes atteintes de TSA est « hyper-connecté » à un niveau local, mais qu’à une échelle globale, les différentes zones du cortex sont fonctionnellement « déconnectées » les unes des autres. Les connexions locales peuvent « traiter » un type d’information spécifique (certains aspects de la vision par exemple). A contrario, les connexions à plus longues portées permettent au cerveau d’intégrer des informations plus complexes provenant de parties du cerveau qui traitent souvent d’aspects différents. Ce dernier type de connexion est donc nécessaire pour une perception et une compréhension fine de notre environnement extérieur.
Réorganisation des connexions locales et à longue portée sur une souris modèle d’autisme (à droite) et sur une souris sauvage (à gauche)
Les neurones marqués (en vert) par fluorescence suite à l’injection d’un traceur dans le cortex visuel primaire (au niveau de la flèche blanche) envoient des projections vers le cortex visuel et sont répartis à travers différentes régions du cerveau. Sur les souris modèles du syndrome de l’X fragile (Fmr1-/y), on observe une haute densité de neurones dans le cortex visuel (connexions locales), mais une réduction du nombre de neurones loin de cette région (connexions longues portées).
Figure extraite de Haberl et coll. Science Advances 20 Novembre 2015; 10.1126/sciadv.1500775. Cette figure est licenciée sous CC BY-NC. Modfication de la Figure 2a de la publication (seuillages et angle de vue modifiés, et marque rouge indiquant le point d’injection enlevé).
Pour étudier comment le réseau du cerveau est altéré dans les TSA, Andreas Frick et ses collègues ont utilisé une souris modèle du syndrome du X fragile (un trouble neurodéveloppemental étroitement lié à l’autisme). Cette même équipe avait observé en 2014, sur ces souris modèles de TSA et du SXF, des altérations dans la manière de réagir aux informations sensorielles (notamment les informations liées au toucher) et a décrit un mécanisme expliquant les changements neurobiologiques sous lignant ce phénomène .
Dans le travail publié aujourd’hui, les chercheurs de l’équipe d’Andreas Frick ont utilisé (en collaboration avec une équipe néerlandaise) l’imagerie par résonance magnétique (IRM), une technique qui est fréquemment utilisée chez l’homme, afin de mieux mettre en évidence la perturbation des connexions entre les neurones. De fait, leurs résultats montrent une désorganisation des fibres nerveuses du corps calleux de ces souris. Le corps calleux contient des fibres nerveuses, reliant les zones néocorticales les unes aux autres et à d’autres régions du cerveau.
« Les techniques d’IRM présentes dans notre travail sont également utilisées en routine chez l’homme et constituent donc une méthode applicable aux patients pour mesurer des changements des connexions, expliquent les chercheurs. Transposés à l’Homme, nos résultats pourraient permettre de changer la manière d’évaluer de nouvelles approches thérapeutiques pour traiter les SXF et TSA, et pour mieux comprendre le rôle que pourrait avoir des modifications des connexions dans d’autres maladies psychiatriques ou neuro-développementales. », concluent-ils.