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Covid-19 : des enfants moins à risque de formes graves, vraiment ?

La rentrée scolaire s’est accompagnée d’articles de presse portant sur un des sujets explorés avec beaucoup d’attention par la communauté scientifique depuis 2020 : la réponse des enfants face à l’infection par le SARS-CoV-2 et à la vaccination. En particulier, les enfants sont-ils vraiment moins à risque de faire des formes graves de Covid-19 ? Et si oui, pourquoi ? Canal Détox fait le point.

Le 12 Sep 2022 | Par INSERM (Salle de presse)

Épithéliums bronchiques

Épithéliums bronchiques reconstitués infectés avec le Sars-CoV-2. À gauche, celui d’un enfant, l’infection est restreinte. À droite, celui d’un adulte, l’infection se propage plus rapidement à travers tout l’épithélium. © Harald Wodrich lab

La rentrée scolaire s’est accompagnée d’articles de presse portant sur un des sujets explorés avec beaucoup d’attention par la communauté scientifique depuis 2020 : la réponse des enfants face à l’infection par le SARS-CoV-2 et à la vaccination. En particulier, les enfants sont-ils vraiment moins à risque de faire des formes graves de Covid-19 ? Et si oui, pourquoi ?

Sur ces deux dernières questions, Canal Détox fait le point.

 

Dès les débuts de la pandémie, de nombreuses études avaient été publiées concernant la capacité des enfants à être infectés et leur contagiosité. Les recherches avaient surtout porté sur les dynamiques de contamination dans les foyers familiaux, montrant que les enfants de moins de 10 ans étaient environ 30 à 50 % moins susceptibles d’être infectés que les adultes. En revanche, les adolescents avaient le même risque d’être contaminés que les adultes.

Ces données étaient toutefois à relativiser avec le fait que les enfants scolarisés ont en moyenne plus de contacts que les adultes. En somme, même si certaines données suggèrent que les enfants ont moins de risque d’être contaminés à chaque rencontre avec le virus, ils ont plus de contacts et y sont donc en moyenne plus souvent exposés que les adultes. Cela permet d’expliquer pourquoi le virus a fortement circulé en milieu scolaire.

Par ailleurs, en ce qui concerne le risque de développer une forme grave de Covid-19 ou de décès suite à l’infection, l’âge est un facteur de risque majeur. En outre, de nombreuses données épidémiologiques montrent que les enfants ont en moyenne un risque réduit de développer des formes sévères de la maladie.

 

Une immunité différente

Des équipes de recherche se sont penchées sur le sujet afin d’apporter des explications à ce phénomène, en s’intéressant à plusieurs hypothèses. Une récente revue de littérature en fait la synthèse, évoquant notamment une réponse immunitaire différente en fonction de l’âge mais aussi des différences au niveau du microbiote intestinal qui protégeraient les enfants ou encore une immunité préexistante en raison d’une exposition plus fréquente à d’autres pathogènes.

 

Quelques rappels sur la réponse immunitaire

L’immunité innée est la réponse immédiate qui survient localement, au point d’entrée d’un microorganisme pathogène, chez tout individu, et ce même en l’absence d’un contact antérieur avec ce microorganisme. Il s’agit de la première barrière de défense vis-à-vis des agents pathogènes. En cas d’infection virale, elle fait principalement intervenir des cellules phagocytaires (neutrophiles, monocytes) et Natural killer qui tuent les cellules infectées par un virus. Elle induit aussi la production des interférons (dont ceux de type III) par les cellules infectées qui protègent les cellules voisines de l’infection.

L’immunité adaptative est une réponse qui mettra au moins une semaine avant d’être protectrice, lorsque le pathogène est rencontré pour la première fois (primo-infection) mais sera efficace plus rapidement lorsque le pathogène a déjà été rencontré (on parle de réponse mémoire). En cas d’infection virale, elle fait intervenir deux types de cellules immunitaires protectrices : des lymphocytes B producteurs d’anticorps, lesquels se fixent au virus et le « neutralisent », c’est-à-dire empêchent son entrée dans les cellules et favorisant son élimination, et des lymphocytes T CD8+ cytotoxiques qui tuent les cellules infectées. Ces réponses sont orchestrées par un troisième type de cellules, les lymphocytes T CD4, acteurs centraux de la réponse adaptative. Les lymphocytes B et T reconnaissent des structures protéiques (du virus) appelées « antigènes ».

Après une infection virale ou une vaccination, le taux des anticorps et des lymphocytes reconnaissant le virus augmente fortement avant de diminuer dans le temps. Néanmoins, des lymphocytes B et T dits « mémoires » persistent et patrouillent. Ils agiront plus vite et plus efficacement lors d’un contact ultérieur avec le même virus, ou après un rappel vaccinal.

 

Si on s’intéresse plus spécifiquement à la question de l’immunité, qui a fait l’objet de nombreux travaux, on peut citer une récente étude menée par des scientifiques de l’Inserm qui a permis d’y voir plus clair.

À partir de prélèvements nasopharyngés de 226 personnes d’âges différents, les chercheurs ont montré que chez les sujets infectés par le SARS-CoV-2, les profils d’expression des interférons de type I et de type III diffèrent avec l’âge. Ainsi, les enfants âgés de moins de 15 ans avaient une expression accrue d’interférons de type III, molécules peu inflammatoires et d’action locale, qui contrôlent le virus au niveau de son point d’entrée, dans la muqueuse nasopharyngée. À l’inverse, les adultes, et en particulier les personnes âgées, exprimaient préférentiellement des interférons de type I, qui sont inflammatoires et ont une action plus systémique (dans tout l’organisme). Ces différences expliqueraient que les enfants soient moins sujets aux formes critiques que les adultes.

Le rôle de la réponse interféron (notamment interféron de type III) a aussi été mis en avant dans une autre étude publiée dans PNAS au mois de juin dernier par l’équipe du chercheur Inserm Harald Wodrich, en collaboration avec les groupes dirigés par Thomas Trian et Marie-Line Andreola. Les scientifiques ont reconstitué in vitro des épithéliums bronchiques à partir de prélèvements provenant de différents donneurs incluant des adultes et des enfants. Ils les ont ensuite infectés avec le SARS-CoV-2. Les scientifiques ont utilisé des méthodes d’imagerie et de quantification du virus pour suivre l’infection au cours du temps.

Ils ont montré que, de manière générale, le virus se propageait rapidement dans les épithéliums bronchiques. Néanmoins, en comparant les infections provenant de différents donneurs, ils ont découvert que certains épithéliums, principalement ceux des enfants, étaient partiellement résistants à l’infection. Ces épithéliums sécrétaient rapidement de l’interféron de type III, protégeant les cellules épithéliales contre l’infection par le SARS-CoV-2.

Dans la suite de ces travaux, les chercheurs ont confirmé l’importance de l’interféron de type III, en supprimant dans ces épithéliums le gène responsable de sa production. Ils ont alors montré que cela conduisait à rétablir l’infection virale. À l’inverse, lorsque les épithéliums bronchiques étaient traités avec de l’interféron de type III, la propagation du virus était contrôlée et les épithéliums bronchiques étaient partiellement protégés de l’infection.

De futurs travaux viendront confirmer ces données et étudier plus en profondeur les variations de la réponse immunitaire d’un enfant à l’autre mais aussi la différence d’immunité des enfants par rapport aux adultes face à d’autres infections virales.

 

Continuer à s’intéresser à la Covid longue

Les efforts de recherche concernant les autres facteurs qui pourraient potentiellement expliquer pourquoi la Covid-19 est en général moins sévère chez les enfants devront se poursuivre. Des travaux pour continuer à décrypter les mécanismes conduisant, dans de rares cas, à une maladie inflammatoire multi-systémique s’accompagnant de myocardites post-infectieuses, se poursuivent également.

En attendant, dans le contexte des études menées sur la Covid longue, une attention particulière pourra aussi être portée aux enfants et adolescents concernés. S’il est vrai que les formes graves sont moins fréquentes dans cette population, et si le phénomène de Covid longue était considéré comme rare, une revue de littérature récente publiée dans Scientific Report, portant sur un échantillon de plus de 80 000 enfants a soulevé quelques inquiétudes.

Elle suggère en effet que 25 % des enfants et adolescents qui ont été infectés présenteraient un ou plusieurs symptômes à long terme, à commencer par des troubles de l’humeurs et du sommeil ainsi qu’une fatigue importante. Des résultats qui justifient que la recherche continue de se pencher sur la question.

 

Texte rédigé avec le soutien de Harald Wodrich, directeur de recherche Inserm (unité 5234 CNRS/Université de Bordeaux, Microbiologie fondamentale et pathogénie) et Frédéric Rieux-Laucat, directeur de recherche Inserm à l’Institut Imagine (unité 1163 Inserm/Université de Paris)

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