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Des souris recouvrent la vue

Des chercheurs suisses du Friedrich Miescher Institute, en collaboration avec des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’UPMC au sein de l’Institut de la Vision, viennent de rendre la vue à des souris atteintes de rétinite pigmentaire. Les résultats ont été confirmés ex-vivo sur des cultures de tissus humains. Grâce à une approche clinique complémentaire, l’équipe dirigée par José-Alain Sahel (Institut de la Vision/ Centre d’Investigation Clinique) a d’ores et déjà déterminé les types de patients qui pourraient bénéficier de cette thérapie. Ces travaux sont publiés le 24 juin dans la revue Science.

Les rétinopathies pigmentaires affectent environ 1,5 million de personnes dans le monde et se traduisent par une diminution progressive de la vue aboutissant à la cécité. La rétinite pigmentaire est l’une des formes de rétinopathie dans laquelle les lésions touchent les photorécepteurs sensibles à la lumière. Les photorécepteurs sont des neurones spécifiques qui convertissent la lumière en impulsions nerveuses, ensuite traitées par la rétine et envoyées au cerveau par des fibres nerveuses. Il existe deux types de photorécepteurs : les bâtonnets et les cônes.

La progression de la maladie conduit dans un premier temps à la dégénérescence des photorécepteurs à bâtonnets responsables de la vision de nuit. Puis les photorécepteurs à cônes, responsables de la vision diurne, sont affectés. Alors que les bâtonnets sont détruits, les cônes devenus non fonctionnels survivent tout de même dans l’organisme, et ce, même après la survenue de la cécité. Les chercheurs du Friedrich Miescher Institute (FMI) et de l’Institut de la Vision ont donc entrepris de développer une approche de thérapie génique pour restaurer la fonction visuelle des cônes défectueux (dormants) mais toujours présents.

Recréer un système photoélectrique biologique

Au stade de la maladie où les chercheurs sont intervenus, les cônes défectueux, même s’ils ne possèdent plus la capacité de répondre à une stimulation lumineuse (fonction photoréceptrice) conservent certaines propriétés électriques et leurs connexions avec les neurones de la rétine interne qui transmettent normalement l’information visuelle au cerveau. Ils peuvent donc être activés de manière artificielle. Des travaux précédents menés par les mêmes équipes sous la direction de Botond Roska (FMI) avaient montré que des canaux ioniques sensibles à la lumière identifiés par l’équipe de Ernst Bamberg (Max Planck Institute, Francfort) sont capables de moduler l’activité électrique de différents neurones, dans lesquels ils ont été introduits, en réponse au niveau de luminosité.

En rapprochant ces deux observations, les chercheurs ont réussi à réactiver les cônes permettant ainsi de restimuler les voies de transmission ON/OFF chez des souris atteintes de rétinite pigmentaire. Pour cela, ils ont introduit, via un vecteur de thérapie génique, une protéine capable de coupler la stimulation lumineuse à un transporteur ionique réintroduisant ainsi toute une cascade de phototransduction nécessaire à la vision. Les chercheurs ont ainsi recréé un véritable système photoélectrique biologique.

Ces résultats très prometteurs ont été confirmés par l’équipe de Serge Picaud (Institut de la vision) en utilisant des rétines humaines en culture et des vecteurs thérapeutiques dont la compatibilité avec l’homme a déjà été démontrée. La protéine photosensible peut en effet s’exprimer dans les photorécepteurs humains à cônes auxquels elle confère une nouvelle sensibilité à la lumière.

« Nous avons intégré l’approche clinique dès que nous avons obtenu les premiers résultats fondamentaux de ces travaux. Nous sommes donc d’ores et déjà capables, au sein du centre de maladies rares de la rétine, de cibler, grâce à des techniques d’imagerie rétinienne à haute résolution, non invasives, des patients chez qui cette thérapie pourrait être appliquée » précise José Alain Sahel, qui rappelle que le passage de la souris à l’homme comporte toujours des incertitudes.

« Les résultats sont également très complémentaires des recherches qui sont menées à l’Institut et au CIC avec l’équipe de Serge Picaud, qui visent à tester et améliorer une rétine artificielle ainsi que nos recherches sur la protéine RdCVF qui, elle, protège l’activité des cônes (1). »

Schéma simplifié de l'organisation de la rétine

Schéma simplifié de l’organisation de la rétine © Webvision/University of Utah

(1) Rod-Derived Cone Viability Factor for Treating Blinding Diseases: From Clinic to Redox Signaling. Thierry Léveillard and José-Alain Sahel. Science Translational Medicine, 7 April 2010

L’addiction, une perte de plasticité du cerveau ?

Pourquoi seuls certains usagers de drogue deviennent-ils toxicomanes ? Telle est la question que se posent, les équipes de Pier Vincenzo Piazza et d’Olivier Manzoni, du Neurocentre Magendie de Bordeaux (Unité Inserm 862). Ces chercheurs viennent de découvrir que la transition vers l’addiction résulterait d’un défaut persistant de plasticité synaptique dans une structure cérébrale clé. Il s’agit de la première démonstration qu’il existe une corrélation entre la plasticité synaptique et la transition vers l’addiction. Remettant en question les conceptions répandues jusqu’alors, qui proposent que l’addiction résulte de modifications cérébrales pathologiques se développant progressivement avec l’usage de drogue, les résultats des équipes du Neurocentre Magendie montrent que l’addiction proviendrait plutôt d’une forme d’anaplasticité, c’est-à-dire une incapacité des personnes dépendantes à contrecarrer les modifications pathologiques provoquées par la drogue chez tous les usagers. Cette étude est publiée dans la revue Science datée du 25 juin 2010.

La consommation volontaire de drogues est un comportement retrouvé chez de nombreuses espèces animales. On a longtemps pensé que l’addiction, définie comme une consommation de drogue compulsive et pathologique, était un comportement spécifique de l’espèce humaine et de sa structure sociale. En 2004, l’équipe de Pier Vincenzo Piazza montrait que les comportements qui définissent l’addiction chez l’homme, apparaissent également chez certains des rats qui s’auto-administrent de la cocaïne*. L’addiction des hommes et des rongeurs présente des similitudes étonnantes, notamment le fait que seul un petit nombre de consommateurs (hommes comme rongeurs) développe une toxicomanie. L’étude des comportements de dépendance à la drogue chez ce mammifère modèle paraissait donc susceptible d’ouvrir la voie à des études contrôlées sur la biologie de l’addiction.

Aujourd’hui, au travers d’une fructueuse collaboration, les équipes de Pier Vincenzo Piazza et Olivier Manzoni mettent en évidence le premier mécanisme biologique de la transition d’une prise régulière mais contrôlée de drogue à une véritable addiction à la cocaïne, caractérisée par une perte de contrôle sur la consommation.
L’exposition chronique aux drogues provoque de nombreuses modifications dans la physiologie du cerveau. Laquelle, parmi toutes ces modifications, est responsable du développement d’une addiction ? C’est la question à laquelle ces chercheurs souhaitent répondre pour mieux cibler les approches thérapeutiques d’une pathologie pour laquelle les traitements font cruellement défaut.

Le modèle d’addiction utilisé permet de comparer deux groupes d’animaux, qui prennent des quantités identiques de drogue mais, dont un seul devient toxicomane. Ce modèle fournit ainsi un outil unique pour répondre à cette question. En comparant ces deux groupes, à différents moments de leur prise de drogue, les équipes de Pier Vincenzo Piazza et Olivier Manzoni ont montré que les animaux qui développent une addiction à la cocaïne présentent une perte permanente de la capacité à produire un forme de plasticité appelée dépression à long terme (ou LTD). La LTD correspond à une capacité des synapses (les zones de communication entre les neurones) à diminuer leur activité sous l’effet de certaines stimulations. Elle jouerait un rôle majeur dans la possibilité de développer de nouvelles traces mnésiques et, par conséquent, de faire preuve d’un comportement flexible.

Après un usage de cocaïne de courte durée, la LTD n’est pas modifiée. Toutefois, après un usage prolongé, un déficit important de la LTD apparaît chez tous les usagers. Sans cette forme de plasticité, qui permet de nouveaux apprentissages, le comportement vis-à-vis de la drogue devient de plus en plus rigide ouvrant la porte au développement d’une prise compulsive. A ce moment, le cerveau de la majorité des usagers est capable de produire les adaptations biologiques qui lui permettent de contrecarrer les effets de la drogue et de récupérer une LTD normale. En revanche, l’anaplasticité -manque de plasticité- des toxicomanes les laisse sans défense et le déficit de LTD provoquée par la drogue devient ainsi chronique. Cette absence permanente de plasticité synaptique expliquerait que le comportement de recherche de drogue devient résistant aux contraintes environnementales (difficulté à se procurer la substance, conséquences néfastes de la prise de drogue sur la santé, la vie sociale…) et par conséquent de plus en plus compulsif. Progressivement, le contrôle sur la prise de drogue est perdu et la toxicomanie s’installe.

Pour Pier-Vincenzo Piazza et ses collaborateurs, ces découvertes ont aussi d’importantes implications dans le cadre thérapeutique. « Ce n’est probablement pas en essayant de comprendre les modifications provoquées par la drogue dans le cerveau des toxicomanes que nous trouverons de nouvelles thérapies, expliquent les chercheurs, ce dernier étant anaplastique ». Pour les auteurs, « les résultats de ce travail montrent que c’est dans le cerveau des usagers non toxicomanes que se trouve probablement la clef d’une véritable thérapie de la toxicomanie. En effet, estiment les auteurs, la compréhension des mécanismes biologiques qui permettent de s’adapter à la drogue et de maintenir une prise contrôlée pourra nous fournir les outils pour combattre l’état d’anaplasticité qui conduit à la toxicomanie ».

* Science, 13 août 2004

Grippe A/H1N1 : Bilan et perspectives de la recherche à un an

Dès l’annonce de l’émergence du virus A(H1N1) et du risque pandémique qu’il représentait, les ministères chargés de la Recherche et de la Santé ont confié à l’IMMI (Institut de Microbiologie et de Maladies Infectieuses), au nom d’AVIESAN, la coordination des recherches H1N1. Une organisation permettant de répondre à la fois aux critères d’exigences de qualité scientifique, de transparence et de réactivité dans une situation d’urgence a été mise en place de novo. Parallèlement, les organismes de recherche, les ministères, les agences et le secteur privé ont été sollicités pour le financement des projets.

Entre le mois de mai et le mois de septembre 2009, l’IMMI a reçu une trentaine de projets, qui tous ont été évalués par des experts indépendants. Plus d’une vingtaine ont été retenus, pour la majorité des projets de recherche clinique comportant des modules de virologie, d’immunologie, de génétique et de sciences humaines et sociales.

Dès le mois de janvier 2010, compte-tenu des nombreux résultats déjà publiés dans d’autres pays ayant connu une 1ère vague de grippe H1N1 plus précoce, des données préliminaires déjà disponibles et de la fin de la 1ère vague épidémique en France, certains projets ont été arrêtés ou mis en veille et de nombreux autres ont été réorientés. L’IMMI a ainsi modifié sa stratégie pour lui donner de nouvelles orientations plus compatibles avec la réalité pandémique.

Epidémiologie

Au 15 juin 2010, la grippe A(H1N1) a fait 18.156 décès dans 213 pays (source OMS).

En France, le pic épidémique a eu lieu fin novembre-début décembre 2009. En tenant compte d’hypothèses hautes et basses sur les proportions de cas asymptomatiques, l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) estime qu’entre 7,7 à 14,7 millions de personnes ont été infectées en métropole. L’épidémie a touché majoritairement les moins de 65 ans, contrairement aux grippes saisonnières. Si le nombre de décès directement imputable à la grippe apparaît plus faible que lors des grippes saisonnières, l’âge des personnes décédées incite toutefois à réfléchir en termes d’ « années de vie perdues ».

On ne connaît pas aujourd’hui les facteurs qui ont prédisposé à l’infection par le virus pandémique H1N1, notamment environnementaux. Un certain nombre de groupes à risque et de facteurs de comorbidité ont cependant été mis en évidence : femmes enceintes, immunodéprimés, personnes présentant une obésité sévère.

Formes graves

En avril 2010 l’InVS recensait 1334 formes graves (réanimation ou soins intensifs) dont 74% chez les 15-64 ans et 312 décès. Aucun facteur de risque n’a été retrouvé chez 16% des patients ayant développé une grippe sévère. Les 15-64 ans ont été particulièrement touchés par des formes graves de la grippe pandémique puisqu’ils représentent 66% des décès contre 7% en moyenne pour la grippe saisonnière. Selon l’InVs, 80% des patients en soins intensifs présentaient des pathologies associées et notamment des maladies respiratoires chroniques. Présenter une obésité morbide (avec un IMC> 40), être enceinte ou avoir moins de un an durant l’épidémie de grippe A(H1N1) ont constitué des facteurs de risque de grippe sévère selon l’InVS. Les deux premiers facteurs n’étant pas associés à un risque accru pour la grippe saisonnière.

Un nouveau projet de recherche visant à évaluer les cas graves au plan immunologique et génétique, et notamment les syndromes de détresse respiratoire aigüs (SDRA) survenus sans facteur de risque, est en cours de validation par les autorités réglementaires.

Grippe A(H1N1) et grossesse

Dès août 2009, une étude publiée dans The Lancet montrait que 10% des formes graves étaient retrouvées chez les femmes enceintes alors qu’elles représentent environ 1% de la population (en France). Une forte proportion de cas graves avait également été observée chez les femmes enceintes lors des précédentes pandémies (1918,1957), contrairement aux épidémies saisonnières.

Un registre national sur la grippe pandémique au cours de la grossesse a été ouvert en collaboration avec l’InVS entre le 1er septembre et le 31 décembre 2010 (1). Sur 315 patientes incluses, 40 ont été hospitalisées en réanimation – dont une majorité de femmes dans leur 3ème trimestre de grossesseet 3 sont décédées. Toutes les femmes hospitalisées ayant présenté une forme grave de grippe ont été traitées par antiviral ce qui semble avoir limité les issues défavorables. Les analyses préliminaires confirment que la grossesse et notamment le 3ème trimestre est un facteur de risque de grippe sévère avec des conséquences lourdes pour la mère et moindres pour l’enfant. D’après les conclusions du registre, le nombre de cas sévères et la mortalité maternelle des femmes enceintes apparaît plus faible en France que dans d’autres pays, ce qui pourrait s’expliquer par les recommandations de prescription précoce d’oseltamivir aux femmes enceintes.

Taux d’immunisation de la population

5,7 millions de personnes ont été vaccinées contre la grippe pandémique. L’incertitude sur le nombre de cas de grippe asymptomatiques ne permet pas d’évaluer de manière précise le nombre de personnes immunisées contre ce virus H1N1 ayant circulé en 2009. Différents projets basés sur une analyse sérologique ont été mis en place afin de déterminer ce pourcentage de formes asymptomatiques en population générale et au sein des populations à risque.

Virologie

Cette grippe porcine apparue au Mexique au printemps 2009, rebaptisée grippe A(H1N1), est causée par un virus A(H1N1) issu d’un réassortiment entre plusieurs virus d’origine porcine, aviaire et humaine. Ce réassortiment génétique est à l’origine d’une cassure antigénique par rapport aux virus grippaux des années précédentes, ce qui s’est traduit par une forte susceptibilité de la population à ce nouveau variant.

Les chercheurs en écologie de la santé suspectent une transmission croisée du virus H1N1 du porc à l’homme et soulignent aujourd’hui la nécessité d’observer des règles strictes de biosécurité au sein des élevages porcins afin d’éviter une transmission des virus porcins à l’homme. Des travaux visant à identifier les déterminants de franchissement de la barrière des espèces par les virus de la grippe sont en cours.

Les Centres Nationaux de Référence, avec différentes équipes du réseau des laboratoires chargés du diagnostic de la grippe A(H1N1) en France, ont évalué dans un premier temps la performance des tests de diagnostic chez l’homme et montré le manque de sensibilité des tests de diagnostic rapide utilisables au lit du malade. Des travaux en cours concernent la mise au point de tests de diagnostic rapide plus fiables et plus sensibles. D’autres travaux ont permis la mise au point de tests de détection rapide des résistances.

A Lyon, en collaboration avec le laboratoire de haute sécurité P4 Inserm, les chercheurs ont étudié la capacité de réassortiment du virus H1N1 pandémique avec des virus H1N1 saisonniers naturellement résistants à l’oseltamivir. Bien que le virus H1N1 2009 montre un potentiel de réassortiment in vitro, il s’est avéré très stable au sein de la population durant l’épidémie et aucune mutation n’a pu être associée à ce jour à une plus forte virulence. Des travaux sont en cours qui visent à déterminer si certaines formes graves observées peuvent être mises en relation avec des mutations génétiques du virus.

Peu de cas de résistance aux antiviraux inhibiteurs de la neuraminidase ont été observés au sein de la population, majoritairement chez des sujets immunodéprimés. Des recherches sont en cours afin d’évaluer la vitalité et la transmissibilité des virus résistants ainsi que le potentiel d’émergence de virus naturellement résistants à l’oseltamivir comme ce fut le cas en quelques mois pour les virus H1N1 saisonniers en 2007.

Plusieurs groupes de recherche travaillent par ailleurs actuellement sur de nouvelles cibles thérapeutiques.

Vaccins

Le taux de vaccination de la population française contre la grippe A(H1N1) est estimé entre 8 et 10%. Il est de 24% aux USA et 74% au Canada. Globalement les Français ont montré une faible « acceptabilité » de ce vaccin pandémique avec des variables socio-économiques différentes de celles observées pour les autres vaccins (2).

Plusieurs essais cliniques et cohortes vaccinales ont été initiés dans des populations à risque afin d’étudier l’efficacité et l’innocuité du vaccin :

  • Chez les personnes infectées par le VIH et pour lesquelles la littérature avait montré des formes plus graves de grippe, le vaccin avec adjuvant a montré une efficacité supérieure au vaccin sans adjuvant en termes d’immunité, sans effet sur la charge virale et le taux de CD4. Le vaccin sans adjuvant était mieux toléré au plan des réactions locales et systémiques.
  • Chez les femmes enceintes pour lesquelles les autorités sanitaires ont recommandé un vaccin sans adjuvant, les premiers résultats montrent une bonne immunogénicité du vaccin et une bonne tolérance. On ne connaît toutefois pas la durabilité de la réponse immunitaire.
  • Chez les patients transplantés rénaux vaccinés avec un vaccin sans adjuvant, les premiers résultats montrent une bonne tolérance du vaccin mais une efficacité moindre que dans les groupes précédents.

D’autres études ont été conduites chez les patients greffés de moelle, suivis pour une maladie autoimmune, une mucoviscidose ou une maladie tumorale.

Ces différentes études ont permis de sensibiliser les équipes prenant en charge ces patients à la problématique de la vaccination et de générer des données dans ces populations qui ne sont pas concernées par les essais menés par les industriels.
Quelles leçons tirer pour la recherche en situation d’urgence ?

Les équipes de recherche appartenant aux différents membres d’AVIESAN ont montré une très bonne réactivité et une capacité d’adaptation des projets à la réalité épidémique ainsi qu’une capacité à développer rapidement des projets multidisciplinaires sur la grippe. Des processus d’évaluation de qualité et la relative souplesse des services administratifs dans ce contexte inédit sont des éléments positifs relevés par la communauté des chercheurs.

Toutefois, les membres de l’Alliance déplorent d’avoir dû coordonner la recherche et trouver parallèlement des financements dans un système financier complexe, malgré une bonne volonté globale des acteurs. Peu de travaux de recherche fondamentale sur la grippe ont pu être menés en situation d’urgence, notamment du fait du faible nombre d’équipes existant au début de l’épidémie. La communauté s’est étoffée au fil des mois avec le lancement de nouveaux axes de recherche.

Enfin, le faible nombre d’équipes mobilisées, l’insuffisance de projets en sciences humaines et sociales et l’absence de partenariats avec l’Agence nationale de la recherche (ANR) et au plan européen constituent des faiblesses de cette recherche en situation d’urgence.

(1) : Registre r3g

(2) : http://www.inserm.fr/espace-journalistes/grippe-a-pourquoi-les-francais-n-ont-ils-pas-mieux-adhere-a-lacampagne-de-vaccination PLoS One 16 avril 2010

Exposition au chlordécone et risque de survenue du cancer de la prostate

Dans un article à paraitre le 21 juin 2010 dans Journal of Clinical Oncology, des chercheurs de l’Inserm (Unité Inserm 625 – Groupe d’Etude de la reproduction chez l’homme et les mammifères, Université Rennes 1), du CHU de Pointe-à-Pitre (Service d’urologie, Université des Antilles et de la Guyane) et du Center for Analytical Research and Technology (Université de Liège, Belgique) montrent que l’exposition au chlordécone, un insecticide perturbateur endocrinien employé aux Antilles françaises jusqu’en 1993, est associée significativement à une augmentation du risque de survenue du cancer de la prostate.

Le chlordécone est un insecticide organochloré employé aux Antilles de 1973 jusqu’en 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Sa présence persistante dans les sols, les eaux de rivières et les sédiments est à l’origine de la contamination de certaines denrées alimentaires. La contamination des populations antillaises par ce pesticide a été montrée par des travaux antérieurs. Le chlordécone est considéré comme perturbateur endocrinien et classé cancérogène possible pour l’homme par l’OMS.

Les résultats des recherches à paraitre dans Journal of Clinical Oncology sont issus d’un programme de recherche intitulé Karuprostate (cf encadré). Une étude « cas-témoin » a comparé les caractéristiques de 709 personnes nouvellement atteintes de cancer de la prostate à 723 sujets indemnes de la maladie (groupe témoin). L’un des objectifs spécifiques du programme de recherche est l’étude de l’influence de l’exposition au chlordécone dans la survenue du cancer de la prostate aux Antilles.

L’ensemble des participants sont originaires de la Caraïbe (Guadeloupe, Martinique, Haïti, Dominique). Leur inclusion dans l’étude a été réalisée de 2004 à 2007. L’exposition au chlordécone a été évaluée par une méthode originale d’analyse de la molécule dans le sang.

L’analyse des résultats par les chercheurs montre que l’exposition au chlordécone est associée à un risque augmenté de développer la maladie. Cette augmentation de risque est statistiquement significative lorsque les concentrations sanguines en chlordécone sont supérieures à 1 μg/L. Ces résultats sont confortés par le fait que les hommes présentant des variations génétiques qui diminuent leur capacité d’élimination de la molécule, ont un risque accru de développer la maladie.

Un risque modulé par différents facteurs

Une analyse plus fine des résultats montre que le risque n’est pas distribué de manière homogène parmi les individus. Les antécédents familiaux de cancer de la prostate ainsi que la résidence dans un pays occidental (industrialisé), essentiellement la France métropolitaine, modifient l’effet de l’exposition au chlordécone sur le risque de survenue du cancer de la prostate. Le risque n’apparait significativement augmenté que parmi les patients ayant déclaré des antécédents familiaux ainsi que parmi ceux ayant résidé dans un pays occidental. Le risque de survenue de cancer de la prostate est multiplié par 5 chez les hommes présentant simultanément des antécédents familiaux de cancer de la prostate et de résidence dans un pays occidental.

Pour les chercheurs, plusieurs explications peuvent être avancées: « L’interaction avec les antécédents familiaux de cancer de la prostate pourrait être expliquée par la présence de facteurs de susceptibilité génétique communs à la maladie et à la sensibilité aux effets toxiques du chlordécone, mais aussi par des facteurs de risque environnementaux de la maladie, dont l’exposition au chlordécone, partagés par les membres d’une même famille. L’interaction avec la résidence dans un pays occidental pourrait, quant à elle, être expliquée par des expositions environnementales acquises lors du séjour telles que la co-exposition à d’autres agents chimiques ou à des modifications de comportements alimentaires pouvant perdurer au retour aux Antilles. »

Ces résultats scientifiques sont les premiers à suggérer l’existence d’une relation causale entre l’exposition à un perturbateur endocrinien et le risque de survenue du cancer de la prostate. Cette association semble être influencée par le patrimoine génétique individuel ainsi que par des facteurs environnementaux tels que l’alimentation ou le mode de vie.

Le programme de recherche KARUPROSTATE

L’étude cas – témoins « Karuprostate » (de Karukera, nom caribéen de la Guadeloupe) à l’origine des résultats publiés dans Journal of Clinical Oncology est issue d’un programme de recherche visant à identifier et caractériser des déterminants génétiques et environnementaux de survenue et d’évolution du cancer de la prostate aux Antilles. Ce programme de recherche se poursuit en Guadeloupe et en Martinique (« Madiprostate », de Madinina, nom caribéen de la Martinique). Il s’inscrit dans le cadre d’un réseau Inserm de recherche clinique et en santé des populations visant à acquérir une meilleure connaissance de la maladie parmi les populations originaires de l’Afrique subsaharienne, reconnues comme étant à risque élevé de la maladie.

Le promoteur de l’étude Karuprostate est le CHU de Pointe-à-Pitre /Abymes. La coordination est assurée conjointement par Luc Multigner (Inserm U625, Rennes et Pointe-à-Pitre) et Pascal Blanchet (Service d’Urologie du CHU de Pointe-à-Pitre/Abymes). Ont collaboré les médecins et personnels de santé du Service d’Urologie du CHU de Pointe-à-Pitre/Abymes, les médecins urologues et leur personnel de la Clinique Saint Pierre de Basse Terre, les médecins et pharmaciens biologistes et le personnel des laboratoires d’analyses médicales de la Guadeloupe, les médecins et personnels de santé du CES Sainte Geneviève, l’unité 763 de l’Inserm (Guadeloupe), et le CART (Center for Analytical Research and Technology de l’Université de Liège, Belgique).

Cette étude a été financée par l’Inserm, l’Université de Rennes 1, le Programme Hospitalier de Recherches Cliniques (ministère en charge de la Santé), le Programme Pluri-Formations Université des Antilles et de la Guyane (ministère en charge de la Recherche), le Programme de Recherches en Santé, Environnement et Travail de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’appel à projets de recherches du ministère en charge de l’Outremer, et des subventions provenant de la Direction Générale de la Santé, la Direction de la Santé et du Développement social de la Guadeloupe, l’Association pour la Recherche contre le Cancer et le Comité Guadeloupe de la Ligue contre le cancer.

Le film de la transcription en 3 dimensions

Des chercheurs de l’Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et cellulaire (CNRS / Inserm / Université de Strasbourg) sont parvenus à séquencer « image par image » l’initiation de la transcription de l’ADN, c’est-à-dire la copie de l’ADN en ARN. Le voile vient d’être levé sur une partie des mécanismes de cette étape cruciale. Les résultats de ces travaux, réalisés en collaboration avec une équipe de l’Université américaine Vanderbilt (Nashville, Tennessee), sont publiés le 17 juin dans la revue Nature.


L’expression des gènes se déroule en deux étapes : la transcription de l’ADN en ARN par une enzyme, l’ARN polymérase (1), puis la traduction de cet ARN en protéines dont le fonctionnement conditionne les caractéristiques de chaque individu.

La transcription, un mécanisme contrôlé dans le temps et dans l’espace

La transcription met en jeu une cinquantaine de molécules régulatrices qui interagissent entre elles et permettent de débuter la lecture du gène « au bon endroit et au bon moment ». Le moindre dérèglement d’une de ces molécules perturbe la transcription. La connaissance de ses mécanismes d’initiation et de régulation est une étape indispensable pour comprendre l’expression des gènes. Les chercheurs en biologie structurale de l’IGBMC étudient les structures des molécules afin de mieux comprendre leurs fonctions. L’équipe de Patrick Schultz se concentre tout particulièrement sur l’architecture des molécules impliquées dans la transcription et tente de décrypter les mécanismes de leurs interactions.

Une analyse « image par image »

L’analyse des complexes de transcription par cryomicroscopie électronique permet d’observer une molécule dans un état hydraté proche de son état naturel. Dans chaque photographie prise au microscope des milliers d’exemplaires d’une même molécule apparaissent sous divers angles et à des moments différents de leur cycle réactionnel. De l’analyse statistique de ces images, l’équipe de Patrick Schultz a fait ressortir différentes conformations en 3 dimensions, correspondant à différentes étapes de l’initiation de la transcription. « Nous avons séquencé « image par image » et tourné le film des premières étapes de la transcription », précise-t-il.

cp_transcription_TFIID 3d 

© G Papai/IGBMC La structure du facteur de transcription TFIID obtenue après analyse d’image est représentée en jaune sur un fond d’image de cryomicroscopie électronique montrant les molécules hydratées congelée en gris sombre. L’activateur de transcription Rap1 (rouge) interagit avec le facteur TFIIA (bleu) et contribue à former une boucle d’ADN (vert).


Le facteur TFIID, acteur principal de la transcription

L’équipe de Patrick Schultz s’intéresse à une protéine complexe, plateforme d’assemblage dans la phase d’initiation de la transcription: le facteur TFIID. En effet, sous l’impulsion de l’activateur Rap1 fixé en amont du gène à transcrire, il est attiré et se lie à l’ADN. Combiné à un autre facteur, TFIIA, il change de conformation et permet à l’ARN polymérase d’initier la transcription. L’originalité de ce mécanisme repose sur la formation d’une boucle d’ADN qui permet de positionner l’ARN polymérase à l’endroit exact où débute la séquence du gène à transcrire. Note : (1) : Enzyme capable d’écarter les deux brins de la double hélice d’ADN au début d’un gène puis de procéder à la synthèse du brin d’ARN messager en se déplaçant le long de l’ADN codant.cp_transcription TFIID_3d_2

© P. Schultz, IGBMC

Qu’est ce que la cryomicroscopie électronique ?

Dans les organismes vivants, les molécules biologiques se trouvent dans un environnement aqueux qu’il faut conserver lors de leur observation. Mais pour « voir » des molécules, celles-ci doivent être placées dans un microscope électronique qui fonctionne sous vide et déshydrate l’échantillon. La solution, mise au point dans les années 1980, consiste à conserver l’hydratation du spécimen par le froid et à l’observer par cryo microscopie électronique. Pour être transparent aux électrons, un film très mince d’environ 100 nm (soit un dix millième de millimètre d’épaisseur) de la suspension contenant l’échantillon à analyser doit être formé (bleu clair en figure A). Ce film est refroidi très rapidement (de l’ordre de 10.000°C par seconde) en le plongeant dans de l’éthane liquide refroidi à – 170°C. Cette vitesse de congélation empêche la formation de cristaux de glace et l’échantillon (jaune en figure A) est emprisonné dans une couche d’eau vitreuse. La chaîne du froid doit être maintenue durant toute la durée de l’observation grâce à une platine froide. Les molécules (gris sombre en figure B) sont hydratées et observées sans agent de contraste.

Vers un traitement de l’hépatite E

L’hépatite E est responsable d’une inflammation aiguë ou chronique du foie. Il s’agit d’une maladie émergente parfois mortelle et sans traitement connu. Dans un article à paraître dans la revue Annals of Internal Medicine, Vincent Mallet, Philippe Sogni et Stanislas Pol et leur équipe de l’Institut Cochin (Université Paris Descartes, CNRS, Inserm) et du groupe hospitalier Cochin – Saint-Vincent-de-Paul (AP-HP) rapportent l’efficacité d’un traitement chez deux personnes souffrant d’une infection chronique par le virus de l’hépatite E. Des essais cliniques devraient être réalisés rapidement afin de valider et d’étendre ce traitement.

Le virus de l’hépatite E est la première cause d’hépatite virale dans le monde et on estime que le tiers de la population mondiale a été infectée par ce virus. Si la majorité des cas survient dans les pays en voie de développement, on assiste à une émergence de cas d’infection en France et dans les autres pays industrialisés où le virus se transmet à l’homme par la consommation d’aliments contaminés insuffisamment cuits.

Le virus de l’hépatite E, comme les autres virus des hépatites, provoque une inflammation du foie. Dans sa forme aiguë, l’infection aiguë peut être mortelle chez les personnes âgées, les femmes enceintes et chez les personnes malades du foie. Chez les personnes immunodéprimées (patients greffés, patients sous chimiothérapie ou personnes vivant avec le VIH), l’infection par le virus de l’hépatite E peut évoluer vers une hépatite chronique et entraîner une cirrhose.

Un second souffle pour la Ribavirine

La Ribavirine est un médicament actuellement prescrit pour traiter certaines infections virales respiratoires chez l’enfant et certaines fièvres hémorragiques. Il est également utilisé dans le traitement de l’hépatite C.

Vincent Mallet, maître de conférences à l’Université Paris Descartes et praticien hospitalier au sein du groupe hospitalier Cochin – Saint-Vincent-de-Paul (AP-HP), a proposé à deux patients immunodéprimés souffrant d’une infection chronique par le virus de l’hépatite E de suivre un traitement à base de Ribavirine. Chez les deux patients, après deux semaines de traitement, le fonctionnement du foie est redevenu normal. Après quatre semaines de traitement, le virus est devenu indétectable dans l’organisme. Enfin, après l’arrêt du traitement (respectivement 6 et 3 mois à ce jour), le fonctionnement hépatique restait normal et le virus de l’hépatite E demeurait indécelable.

Ce rétablissement spectaculaire des deux patients montre le potentiel de la Ribavirine comme traitement des formes graves d’infection par le virus de l’hépatite E. « Il faut toutefois rester prudent » déclare Vincent Mallet. « En raison du manque de recul, on ne peut encore affirmer la guérison totale des patients, mais notre travail est une véritable avancée. Des tests cliniques doivent maintenant être menés pour trouver la dose, la formulation et la durée adéquates pour traiter les formes graves d’infection par le virus de l’hépatite E ».

Ces travaux ont fait l’objet d’un dépôt d’une demande de brevet.

Consortium sur l’autisme : Découverte de nouveaux gènes

Cent soixante-dix-sept scientifiques, issus de plus de 60 institutions de 11 pays différents, présentent les résultats de la phase 2 du consortium international de recherche génétique sur l’autisme, Autism Genome Project. Ce groupe de chercheurs, parmi lesquels des scientifiques français, a découvert des mutations génétiques et de nouveaux gènes impliqués dans l’autisme. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature du 10 juin 2010.

Le groupe de chercheurs internationaux a analysé le génome entier de 1000 personnes présentant des troubles liés à l’autisme et 1300 individus témoins à l’aide des micropuces ADN à haute résolution. Les scientifiques ont ainsi pu mettre en évidence des insertions et des suppressions de séquences génétiques, invisibles au microscope. Ces remaniements, appelés « variations du nombre de copies » ont permis d’identifier de nouveaux gènes impliqués dans l’autisme, notamment SHANK2, SYNGAP1, DLGAP2 et PTCHD1. Certains d’entre eux agissent au niveau des contacts entre les neurones (les synapses), tandis que d’autres sont impliqués dans la prolifération cellulaire ou encore la transmission de signaux intracellulaires. L’identification de ces voies biologiques offre de nouvelles pistes de recherche, ainsi que des cibles potentielles pour le développement de traitements originaux.

La nouvelle étude de l’Autism Genome Project a également démontré que les sujets atteints d’autisme tendent à avoir plus de « variations du nombre de copies » rares (détectées dans moins d’un pour cent de la population) touchant des gènes que les individus témoins. Certaines de ces mutations sont héritées, d’autres sont considérées comme « de novo » car elles apparaissent chez les patients et sont absentes chez leurs parents. Les chercheurs ont remarqué que chez les personnes autistes, un grand nombre de ces mutations tendent à perturber des gènes déjà associés à l’autisme ou aux déficiences intellectuelles.

Ces découvertes viennent appuyer un consensus émergent au sein de la communauté scientifique, selon lequel l’autisme serait provoqué en partie par de nombreuses « variations rares » ou des modifications génétiques détectées chez quelques sujets atteints. Les gènes identifiés par cette étude confortent aussi la voie synaptique identifiée par l’équipe de Thomas Bourgeron (Institut Pasteur, Université Denis Diderot) et Marion Leboyer (AP-HP, Inserm, Université de Paris-Est-Créteil, Fondation FondaMental). Alors que chacun de ces changements n’est observé que dans une petite partie des cas, l’ensemble de ces variations commence à représenter un pourcentage important de personnes atteintes d’autisme. « L’observation de gènes communs impliqués dans la prédisposition à l’autisme et dans des déficiences intellectuelles soutient l’hypothèse que différents troubles psychiatriques liés au développement du système nerveux partagent certains facteurs de risque génétique. » précise Catalina Betancur, chargée de recherche à l’Inserm dans l’unité 952 « Physiopathologie des maladies du système nerveux central » (Inserm/CNRS/UPMC), et dernière auteure de la publication parue dans la revue Nature.

Autism Genome Project
Démarré en 2002, l’Autism Genome Project rassemble 177 scientifiques, issus de plus de 60 institutions de 11 pays différents, qui ont formé le plus grand consortium sur la génétique de l’autisme. Ce projet est né de la volonté des chercheurs du monde entier de se regrouper pour partager leurs échantillons, leurs données et leur expertise afin de faciliter l’identification des gènes impliqués dans l’autisme. Cette collaboration, avec un vaste ensemble d’échantillons et une expertise multidisciplinaire, a créé des opportunités qui n’existeraient pas autrement. Aujourd’hui, les chercheurs étudient plus en profondeur les variations rares, ce qui nécessite de plus grands ensembles d’échantillons afin d’identifier davantage de mutations génétiques. La première phase de l’Autism Genome Project, achevée en 2007, avait permis de rassembler la plus grande collection d’ADN sur l’autisme et de mettre en évidence l’importance des « variations du nombre de copies » dans cette pathologie. Ce projet est majoritairement financé par Autism Speaks, une organisation américaine qui soutient la recherche sur l’autisme.

Les équipes françaises
La partie française de cette étude a été pilotée par Catalina Betancur, qui dirige le groupe de recherche sur la Génétique de l’Autisme au sein du Laboratoire de Physiopathologie des maladies du système nerveux central (Inserm, CNRS, UPMC) à Jussieu. Ce travail est le fruit d’une collaboration datant de plus de 10 ans entre l’Institut Pasteur, l’AP-HP et l’Inserm pour chercher à identifier les facteurs de vulnérabilité génétique rencontrées chez les personnes atteintes d’autisme. Ce projet bénéficie, entre autres d’une promotion Inserm (Pôle Recherche Clinique, Institut Santé publique, C07-33). Ce consortium a permis dès 2003 l’identification des toutes premières mutations des gènes impliqués dans la mise en place des synapses dans l’autisme. Les travaux de ce consortium ont été renforcés depuis 2007 par le soutien de la fondation FondaMental, fondation de coopération scientifique créée par le ministère de la Recherche pour accélérer la recherche en psychiatrie.

A propos de l’autisme
L’autisme est un trouble neurobiologique complexe qui affecte la capacité d’une personne à communiquer et à établir des relations sociales. Il s’accompagne fréquemment de comportements répétitifs et d’intérêts restreints. Les troubles autistiques sont diagnostiqués chez un enfant sur 110 et touchent quatre fois plus de garçons que de filles. Les troubles du développement débutent en général avant l’âge de trois ans. Dans certains cas, l’autisme est associé à des maladies génétiques comme le syndrome de l’X fragile ou à des anomalies chromosomiques. Cependant, dans la majorité des cas, l’étiologie génétique précise demeure inconnue. Il n’y a pas de traitement curatif de l’autisme mais la prise en charge éducative précoce améliore le pronostic.

Alzheimer : des récepteurs au glutamate identifiés comme une cible thérapeutique potentielle

Antoine Triller, directeur de l' »Institut de Biologie de l’Ecole Normale Supérieure » (Inserm U1024, CNRS/ENS Paris), et son équipe, en collaboration avec des chercheurs de l’université Northwestern (Chicago), viennent de mettre au jour un nouveau mécanisme responsable des troubles de la mémoire dans la phase initiale de la maladie d’Alzheimer. Leurs travaux paraissent le 10 juin dans la revue Neuron.

La maladie d’Alzheimer à un stade précoce se distingue par des troubles particuliers de la mémoire. Il a été démontré que cette défaillance implique des dysfonctionnements et des détériorations des synapses (zones de contact entre les neurones) dus aux oligomères béta-amyloïdes solubles (Aβo). En se déposant sur la membrane des neurones, ces derniers s’accumulent et forment des plaques amyloïdes extracellulaires. Ces plaques altèrent alors de façon significative et très rapide la plasticité synaptique. Dans cette étude, Antoine Triller et son équipe ont étudié les mécanismes expliquant comment ces amas de protéines amyloïdes, qui se fixent spécifiquement aux synapses, perturbent leur fonction, leur morphologie et leur maintien au cours du temps.

Aβo : des ligands pathologiques
Ces scientifiques ont utilisé le suivi de particules isolées d’oligomères Aβo marqués avec des nanoparticules sur des neurones d’hippocampe de souris. Cette zone du cerveau est responsable de la mémorisation. Grâce à ce marquage de nanoparticules mis au point dans le laboratoire d’Antoine Triller, les chercheurs ont pu observer des phénomènes qui se passent à l’échelle du micromètre avec une résolution de l’ordre du 1/100e de micromètre. Ils ont montré que les oligomères béta-amyloïdes fixés à la membrane se déplacent librement à la surface des neurones. Par la suite, leur diffusion latérale est nettement freinée en raison de leur accumulation au niveau des synapses excitatrices : des agrégats amyloïdes se forment et grossissent avec le temps.

béta amyloïde

Les oligomères de béta amyloïde (rouge) se sont accumulés à proximité des synapses (vert) ; © Inserm, A. Triller

Des amas de récepteurs au glutamate : une toxicité synaptique
Simultanément à leur formation, ces agrégats pathologiques entrainent une diminution de la mobilité de certains récepteurs du glutamate (1), les mGluR5, auxquels ils se lient. De façon surprenante, les scientifiques ont constaté que ces derniers s’agglutinent les uns aux autres et forment des domaines responsables d’une élévation du calcium intracellulaire lui-même à l’origine d’une toxicité synaptique. Ce phénomène provoque la détérioration des synapses. Ces résultats révèlent un nouveau mécanisme physiopathologique par lequel les oligomères bêta-amyloïdes induisent l’accumulation anormale et la stabilisation excessive d’un récepteur du glutamate. Cet effet toxique peut être prévenu par des antagonistes du récepteur mGluR5.

« Les mGluR5 pourraient être une meilleure cible pour le traitement de la maladie d’Alzheimer que d’autres récepteurs spécifiques au glutamate jusqu’à présent ciblés. Les mGluR5 étant situés plus en amont dans la voie de la toxicité synaptique. De plus, via le nouveau mécanisme pathologique que nous avons découvert, nos résultats ouvrent la voie pour de nouvelles approches thérapeutiques alternatives ou complémentaires. Il faut souligner qu’il y a eu moins de 7 ans entre la mise au point par notre équipe avec des physiciens de l’École Normale Supérieure d’un nouvel outil nano-technologique conduisant à la mise en évidence d’un mécanisme cellulaire fondamental, et la découverte d’un processus physiopathologique insoupçonné de la maladie d’Alzheimer » précise Antoine Triller.

oligomère de béta amyloïde

Trajectoire (blanc) d’un oligomère de béta amyloïde (rouge) rejoignant une synapse (verte) ; © Inserm, A. Triller

Note : (1) Le glutamate est le neurotransmetteur excitateur le plus répandu dans le système nerveux central.

La Recherche française mise à l’honneur

Le grand prix international, « William B. Coley Award », sera attribué le 16 Juin 2010 à deux chercheurs français, Jérôme Galon et Wolf-Hervé Fridman, et à un chercheur japonais Ohtani Haruo, pour leur travaux sur le rôle majeur de la réponse immunitaire, en particulier des lymphocytes T, dans la défense contre les cancers.

Le Dr Jérôme Galon est Directeur de Recherche à l’Inserm et directeur du laboratoire d’Immunologie et Cancérologie Intégratives du Centre de Recherche des Cordeliers (UMR-S Inserm, Université Paris Descartes, Université Pierre-et-Marie-Curie) dirigé par le Pr Wolf-Hervé Fridman, Professeur de l’Université Paris Descartes. Ces deux chercheurs, en relation étroite avec le Pr Franck Pagès (Hôpital Européen Georges Pompidou), ont démontré la corrélation entre une forte concentration de lymphocytes T cytotoxiques et mémoires sur le site de la tumeur et une moindre fréquence de récidives du cancer colorectal ainsi qu’une survie prolongée des malades.

Le prix William B. Coley récompense les plus grands scientifiques internationaux dans les domaines de l’immunologie fondamentale et de l’immunologie des cancers. Leurs travaux ont approfondi les connaissances du système immunitaire, du cancer et d’autres pathologies permettant le développement de nouveaux traitements.

Le Cancer Research Institute (CRI) qui décerne ce prix est une organisation de renommée mondiale dont le comité scientifique est composé de prix Nobel et de 29 membres de l’Académie des Sciences des Etats-Unis.

Chaque année, on dénombre en France plus de 39 000 nouveaux cas de cancer colorectal et 17 000 décès dus à ce cancer. Dans ce contexte, tous les domaines de recherche apparaissent comme majeurs : dépistage, traitement mais aussi prédiction de l’évolution clinique des patients.

Les patients diagnostiqués à des stades précoces de la maladie (appelés stades I et II) représentent la majorité des malades atteints de cancers colorectaux. La détection de ces cancers à des stades précoces devrait encore augmenter avec le développement du dépistage organisé à partir de 50 ans. Plus la maladie est dépistée tôt (stades précoces), meilleur en est le pronostic. Cependant, 20 à 25 % des patients vont récidiver de leur cancer. Aucun marqueur performant n’existe à ce jour pour identifier ces patients à risque de récidive.

En 2005, les travaux des chercheurs publiés dans la revue « The New England Journal of Medicine » ont montré le rôle prépondérant joué par une population de lymphocytes T effecteur-mémoires au niveau du site de la tumeur pour contrôler des événements d’invasions précoces aboutissant à l’apparition de métastases.

En 2006, leurs travaux publiés dans la revue scientifique « Science » ont montré que la prise en compte de la nature, de la densité et de l’organisation spatiale des cellules immunitaires dans les tumeurs fournit un élément pronostic de premier ordre à tous les stades de la maladie. Ainsi, les analyses statistiques prenant en compte de multiples variables dont celles actuellement utilisées dans la pratique clinique révèlent que l’évaluation de ce critère immunologique apparaît plus importante que l’évaluation de l’extension de la tumeur au sein de la paroi digestive et dans les ganglions adjacents. Enfin en 2009, leur étude publiée dans la revue scientifique « Journal of Clinical Oncology » démontre qu’une forte présence de cellules lymphocytes T cytotoxiques et lymphocytes T mémoires sur le site de la tumeur est un élément prédictif de l’absence de récidive du cancer et d’une survie prolongée des malades atteints d’un cancer colorectal de stade précoce. Ainsi, à peine 5 % des patients qui présentaient une forte densité de lymphocytes T cytotoxiques et lymphocytes T mémoires, ont vu leur cancer récidiver et plus de 85 % de ces malades ont survécu, cinq ans après la découverte du cancer. A l’inverse ces taux passent respectivement à 75 % et 27,5 % pour les patients qui avaient une faible densité de ces lymphocytes.

Leurs travaux pourraient permettre de mieux définir les patients à haut risque de récidive, une fois qu’ils ont été traités par chirurgie et offrent des perspectives pour limiter les récidives grâce à des stratégies cherchant à stimuler la réponse immunitaire (on parle d’immunothérapie).

Ce qu’il faut retenir de leurs travaux : La réaction immunitaire est un critère pronostic majeur pour les patients atteints de cancer colorectal.
– Alors que les critères actuels de pronostic des cancers colorectaux sont essentiellement fondés sur l’évaluation de l’extension de la tumeur, les travaux de Jérôme Galon, Franck Pagès et Wolf-Hervé Fridman démontrent en fait que la qualité de la réaction immunitaire dans la tumeur représente le paramètre le plus déterminant pour la survie et l’absence de récidive des malades.
– Des cellules de l’immunité à la fois « tueuses » et dotées d’une « mémoire » parviennent en effet à combattre les cellules tumorales qui auraient échappé à l’ablation chirurgicale de la tumeur. La caractérisation de ces cellules de l’immunité au sein de la tumeur permet donc de définir le pronostic des patients à tous les stades de la maladie. Ces travaux permettent de mieux comprendre l’évolution de ces cancers et pourraient permettre de mieux identifier les patients à risque de récidive y compris des malades souffrant d’une forme précoce de cancer colorectal, et de guider des thérapeutiques nouvelles.
– Ces résultats, mis en évidence dans les cancers colorectaux, pourraient être étendus à d’autres cancers.

Ces travaux ont reçu les soutiens financiers de l’Institut national du cancer (INCa), de l’Association pour la recherche sur le cancer (ARC), du Cancéropôle – région Ile-de- France, d’Air France, de la Ville de Paris, de la commission européenne (FP7-Geninca), et de l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

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Maladie d’Alzheimer : un suivi global standardisé n’est pas suffisant pour réduire le niveau de dépendance

La maladie d’Alzheimer est une maladie chronique et évolutive. Cependant, contrairement à d’autres pathologies chroniques, aucun consensus sur les modalités et le contenu du suivi n’a encore été défini. Les résultats d’une étude menée par Bruno Vellas et son équipe (Unité Inserm 558 « Epidémiologie et analyses en santé publique », Université Paul Sabatier, Toulouse) sur plus de 1000 patients atteints de maladie d’Alzheimer, apportent des éléments de réponse. Ces premières données, publiées dans la revue British Medical Journal datée de ce jour, montrent qu’un suivi global standardisé et systématique dans les centres mémoires ne suffit pas à ralentir la progression du déclin des patients par rapport à un suivi usuel. Les auteurs estiment qu’il est probablement essentiel d’articuler davantage le travail des médecins de famille, avec celui des cliniciens et des intervenants médico-sociaux pour une prise en charge adaptée à chaque cas.

La maladie d’Alzheimer s’accompagne d’un certain nombre de complications qui en aggravent le pronostic telles que troubles du comportement, chutes, dénutrition… Ces complications accélèrent l’évolution vers la dépendance. Or bon nombre de ces complications peuvent faire l’objet de mesures préventives ou de prise en charge efficaces lorsqu’elles sont dépistées tôt. C’est par exemple le cas de la perte de poids, très fréquente dans cette pathologie. Lorsqu’elle devient cliniquement visible et repérable par l’entourage, la maladie est en général bien avancée. La correction est alors plus difficile et les conséquences parfois irréversibles. D’où l’importance d’un suivi régulier avec évaluation globale des différents aspects de la maladie associée à des prises en charge standards. C’est l’efficacité d’un tel suivi que l’équipe coordonnée par Bruno Vellas a souhaité tester au sein des 50 centres mémoire participant à l’étude.
Les chercheurs ont suivi deux groupes de patients atteints de la maladie d’Alzheimer à des stades modérés : un premier groupe qui a bénéficié d’un suivi complet régulier standard (groupe avec intervention) et un groupe bénéficiant d’un suivi classique (groupe contrôle).
Au bout de 2 ans, les chercheurs de l’Unité Inserm 558 ont comparé les performances des 2 groupes de patients en matière de dépendance.

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Evolution au cours du temps de la dépendance liée à la maladie d’Alzheimer. © Inserm, F. Nourhashémi

Le suivi complet des patients comprenait non seulement un suivi de la mémoire mais également de l’ensemble des symptômes liés à Alzheimer tels que l’équilibre, la nutrition… Au moindre trouble, conseils et suggestions pratiques étaient délivrés au patient et à son entourage et adressés au médecin traitant. Dans le cas de la dénutrition, il était par exemple conseillé au médecin de vérifier que les médicaments prescrits n’avaient pas d’impacts négatifs sur le poids du patient. Dans ce cas également, il était recommandé au médecin d’évaluer aussi les apports alimentaires, et de rechercher d’autres causes somatiques. Par ailleurs, dans le cadre de ce suivi, il était indiqué à la famille du patient comment enrichir les aliments ou comment maintenir des apports alimentaires corrects malgré les troubles du comportement (par exemple en optant pour de la nourriture susceptible d’être facilement grignotée debout, en particulier en raison de la tendance des malades à ne pas rester à table…).

Au terme de cette étude ayant porté sur 50 centres hospitaliers en France et 1131 patients, le bilan de cette nouvelle prise en charge est mitigé. En effet, les patients ayant bénéficié de la prise en charge standard n’ont pas montré une évolution ralentie vers leur dépendance.

« Ces résultats semblent nous indiquer que l’aide d’un suivi et d’une prise en charge standardisés, réguliers et systématiques en centre mémoire n’est pas suffisant pour retarder la survenue de la dépendance », explique Fati Nourhashémi, première auteure de la publication.


« L’absence d’effet de ce suivi doit nous inciter à poursuivre nos études pour déterminer si la maladie peut être significativement ralentie en impliquant davantage les médecins traitants et éventuellement des coordonnateurs de cas (case managers), responsables de la prise en charge globale, interlocuteurs de la personne et du médecin traitant », conclut Bruno Vellas.

Cette étude a été financée par le ministère de la Santé (PHRC)

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