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Concentrations sériques de vitamine D et de calcium et risque de cancer du sein ?

L’étude de cohorte prospective E3N, menée par Françoise Clavel-Chapelon (Directrice de recherche Inserm-Université Paris-Sud 11, à l’Institut Gustave Roussy) s’est intéressée à la relation entre concentrations sériques de vitamine D et de calcium et risque de cancer du sein. Les résultats de cette analyse, publiée le 08 septembre 2010 dans le journal Cancer Epidemiology, Biomarkers & Prevention (1) révèlent qu’une augmentation des niveaux sanguins de vitamine D semble diminuer significativement le risque subséquent de cancer du sein, alors que les niveaux sanguins de calcium semblent sans relation.

La relation entre vitamine D, calcium et risque de cancer du sein demeure sujette à caution bien qu’une augmentation croissante de preuves épidémiologiques suggère que ces deux nutriments puissent réduire ce risque. La littérature distingue deux types d’études : celles qui portent exclusivement sur l’association entre risque de cancer du sein et apports en vitamine D et en calcium d’origine alimentaire ou sous forme de complément, et celles qui étudient cette association grâce aux concentrations sériques de vitamine D et de calcium. Etant donné que la source principale de vitamine D pour l’organisme provient de l’exposition solaire, les études qui portent sur l’association entre concentration sérique en vitamine D et risque de cancer du sein vont moins souffrir de biais de classification que celles qui n’explorent cette relation qu’à l’aide des données alimentaires.

Un risque diminué

Pour étudier la relation entre vitamine D sérique et risque de cancer du sein, les chercheurs de l’équipe E3N ont analysé les données d’une étude cas-témoins construite au sein de la cohorte E3N. Cette cohorte comprend 98.995 femmes âgées de 40 à 65 ans à l’inclusion en 1990. Ils ont identifié 636 cas de cancer du sein survenus depuis leur entrée dans la cohorte parmi les 17.540 femmes qui avaient donné un échantillon sanguin entre 1995 et 1998 et qui disposaient de données alimentaires détaillées sur leur consommation en vitamine D et en calcium. Ces cas ont été appariés chacun à deux témoins n’ayant pas développé de cancer du sein, en fonction de leur âge (+/- 2 ans), du statut ménopausique au moment de la prise de sang, de leur âge à la ménopause (+/- 2 ans), du centre de recueil (même région parmi les 40 centres de prélèvement) et leur date de prélèvement (même année). Pour chaque prélèvement, la vitamine D, le calcium, la parathormone ainsi que différentes hormones sexuelles ont été dosées dans le service de Biochimie de l’hôpital Bichat à Paris.

Les résultats de l’étude ont permis de montrer d’une part, que très peu de femmes dosées avaient un taux sanguin de vitamine D adéquat : 75% n’atteignaient pas la valeur de 30 ng/mL. D’autre part, ils ont montré une diminution significative de 25% (OR=0.73 (0.55-0.96)) du risque de cancer du sein pour les femmes avec les concentrations sériques les plus élevés de 25(OH) vitamine D3 (>27,0 ng/mL, correspondant au tiers des femmes avec les taux sériques les plus élevés) en comparaison aux femmes avec les concentrations les plus faibles (<19,8 ng/mL, correspondant au tiers des femmes avec les taux sériques les plus bas).

Aucune association n’a été mise en évidence entre le taux sérique de calcium et le risque de cancer du sein.

« Les niveaux de calcium ne semblent pas liés au cancer du sein. En revanche, s’agissant de la vitamine D, nos résultats sont en faveur d’une association entre taux sériques élevés et diminution du risque de cancer du sein », conclut Françoise Clavel-Chapelon.

La littérature sur le sujet est hétérogène. Elle ne repose, s’agissant d’études similaires à celle-ci (cas-témoins nichée dans une cohorte) que sur six autres publications, cinq d’entre elles portant sur des populations nord-américaines (dont une sur 28 cas seulement), la sixième étude étant danoise. Des essais cliniques avec différentes doses de vitamine D sont donc nécessaires pour confirmer le bénéfice de la vitamine D sur le cancer du sein.

D’ores et déjà, ces données plaident en faveur du maintien de niveaux biologiques adéquats en vitamine D notamment dans des populations avec des taux sériques faibles comme c’est le cas pour les femmes de l’étude E3N. En effet, pour maintenir une concentration en vitamine D au dessus de 30 ng/mL (valeur considérée comme adéquate (2)) en admettant un taux de 10 ng/mL chez des femmes sédentaires peu exposées au soleil, une prise quotidienne de 2000 UI de vitamine D serait nécessaire ce qui correspond à 10 fois les recommandations actuelles de l’Afssa.

Alternativement, douze minutes d’exposition solaire sur 50% de la peau, un jour de grand beau temps, si le climat et la saison le permettent équivalent à une prise de 3000 UI. Cependant, outre les risques pour la peau, une telle exposition ne semble pas adaptée aux individus vivant en France, qui ne produisent que peu (ou pas du tout) de vitamine D durant l’hiver.

Ces arguments devraient encourager les agences de santé à soutenir les études interventionnelles étudiant l’impact d’une fortification en vitamine D de certains aliments, d’autant que le seuil de toxicité de cette vitamine est élevé.

L’étude E3N E3N
Etude Epidémiologique auprès de femmes de la MGEN (Mutuelle Générale de l’Education Nationale) est une enquête de cohorte prospective portant sur environ 100.000 femmes volontaires françaises nées entre 1925 et 1950 et suivies depuis 1990. Les informations concernant d’une part leur mode de vie (alimentation, prise de traitements hormonaux …) et d’autre part l’évolution de leur état de santé, sont recueillies par auto-questionnaires tous les 2 ans depuis 1990. Elles sont complétées par des données biologiques, obtenues sur 25.000 volontaires, à partir d’un prélèvement sanguin stocké à des fins de dosages ultérieurs (études castémoins dans la cohorte).

Les partenaires
La cohorte E3N est menée par une équipe Inserm. Depuis 1990, la MGEN, la Ligue nationale contre le Cancer et l’Institut Gustave Roussy apportent leur soutien à l’enquête E3N. La présente étude a fait l’objet d’un appel d’offre de l’ARC.

Notes :
(1) Engel P.*, Fagherazzi G.*, Boutten A., Dupré T., Mesrine S., Boutron-Ruault M.C., Clavel-Chapelon F. (*equally contributed). Serum 25(OH) vitamin D and risk of breast cancer: a nested case-control study from the French E3N cohort. Cancer Epidemiol Biomarkers & Prev, 08 septembre 2010.
(2) Bischoff-Ferrari HA, Giovannucci E, Willett WC, et al. Estimation of optimal serum concentrations of 25-hydroxyvitamin D for multiple health outcomes. Am J Clin Nutr 2006;84:18-28.

L’Institut de cancérologie Gustave Roussy, premier centre de lutte contre le cancer en Europe est un établissement privé participant au service public hospitalier et habilité à recevoir des dons et legs. Il constitue un pôle d’expertise global contre le cancer entièrement dédié aux patients. Il réunit sur un même site près de 2300 professionnels dont les missions sont le soin, la recherche et l’enseignement. L’IGR en chiffres : 385 lits et places d’hôpital de jour, 207 médecins statutaires, 887 soignants, 151.000 consultations et 43.000 patients suivis par an, 14 unités de recherche, 300 chercheurs, 2.800 étudiants, chercheurs et médecins formés par an. Site Internet : www.igr.fr

Un moteur cellulaire essentiel au fonctionnement des cellules nerveuses : conséquences pour la compréhension de la maladie de Huntington

La maladie de Huntington se caractérise par l’atrophie d’une zone spécifique du cerveau : le striatum. Cette atrophie pourrait être liée au mauvais fonctionnement de la dynéine, une protéine essentielle au transport des molécules dans les neurones. C’est ce que concluent des recherches menées par une équipe internationale de 23 chercheurs coordonnés par Luc Dupuis de l’unité Inserm 692 de Strasbourg et Albert Ludolph de l’Université d’Ulm (Allemagne). Leurs résultats sont publiés en ligne dans la revue Human Molecular Genetics.

La maladie de Huntington est une maladie neurodégénérative héréditaire qui touche 6000 personnes en France. Elle est due à la mutation d’un gène codant pour la synthèse d’une protéine : la huntingtine. Au niveau anatomique, elle se manifeste par des lésions dans un centre d’intégration du cerveau : le striatum. Apparaissant autour de 45 ans, les malades voient progressivement le déclin de leurs aptitudes physiques et mentales jusqu’à la démence et la mort. Aucun traitement n’existe en effet à ce jour.
Troubles moteurs et comportementaux chez des souris mutées

Depuis 2003, des chercheurs de l’Inserm à Strasbourg travaillent sur une lignée de souris mutées présentant des problèmes musculaires mais aussi des troubles comportementaux tels qu’une hyperactivité. Grâce à des IRM et des observations cellulaires, ils ont mis en évidence des lésions dans le striatum de ces souris mutées.  »Nos souris n’ont cependant pas la maladie de Huntington, car elles n’ont pas de mutation sur la huntingtine et vivent tout à fait normalement » précise Luc Dupuis.

Rôle clé de la dynéine dans le fonctionnement des neurones du striatum

Ces souris portent une mutation sur gène codant pour un  »moteur » moléculaire : la dynéine. Elle est la seule protéine permettant le transport des cargos (vésicules, protéines, organites) de l’extrémité des axones et des dendrites vers le corps cellulaire.  »On soupçonnait la dynéine d’intervenir dans la dégénérescence des cellules striatales, mais, grâce à ce travail, nous avons apporté la preuve directe de ce lien » explique Luc Dupuis.

La maladie de Huntington pourrait ainsi être liée à un mauvais fonctionnement de la dynéine. C’est une hypothèse importante lorsque l’on sait que la dynéine ne se déplace à  »pleine vitesse » que si elle est associée à d’autres protéines, notamment à la huntingtine.  »La dynéine transporte de multiples cargos. Notre travail consiste maintenant à déterminer quel(s) cargo(s) transportés sont essentiels au fonctionnement du striatum. Mais d’autres pistes pour mieux comprendre la maladie de Huntington ne sont pas à négliger » souligne Luc Dupuis.06

Le resveratrol : un polyphénol aux propriétés bénéfiques

Des chercheurs de l’Inserm dirigés par Norbert Latruffe (Unité Inserm 866 « lipide, nutrition, cancer ») à Dijon en collaboration avec des chercheurs américains, ont étudié les propriétés anti-inflammatoire et anticancéreuse du resvératrol. Dans un article publié dans le numéro de septembre de la revue Carcinogenesis, ces chercheurs sont les premiers à découvrir une nouvelle voie de signalisation montrant que ce phytophénol alimentaire bien connu et notamment présent dans le vin rouge module l’expression de micro ARN impliqués dans la réponse inflammatoire et dans la naissance des cancers.

Le resvératrol est un polyphénol synthétisé da façon importante dans les grains de raisins et retrouvé dans le vin rouge. Sa présence dans le fruit provient d’une réaction de la vigne contre une infection commune due au champignon Botrytis cinerea. Des études épidémiologiques et expérimentales ont montré que le resvératrol agissait sur l’organisme comme un agent préventif des maladies cardiovasculaires ainsi que de certains cancers. C’est l’une des molécules phares de ce que l’on a appelé le « french paradox ». Toutefois les mécanismes qui expliqueraient ces propriétés particulières ne sont pas encore élucidés.
Inflammation et cancer : quels liens ?

La prolifération anarchique des cellules est le phénomène à l’origine des cancers. Sans que l’on sache encore exactement pourquoi et comment le cycle de division de certaines cellules s’emballe, les rendant immortelles. Des études épidémiologiques suggèrent que dans 25 % des cas de cancers, cette prolifération anarchique est liée à des processus inflammatoires connexes.

Certains de ces processus sont liés aux micro-ARN, ces séquences non codantes de l’ARN (c’est-à-dire qu’elles ne produisent pas de protéine) mais dont le rôle n’est pas moins important. Selon plusieurs études, la présence de l’un d’entre eux (miR-155), en grande quantité dans le sang est directement impliquée dans la réponse inflammatoire et serait liée à la formation de certains cancers comme les leucémies, les cancers du sein ou du poumon.
Des réactions en chaine

Les chercheurs de l’Inserm ont montré dans cette étude que le resvératrol jouait un rôle important au niveau de l’inflammation en modulant l’expression de deux micro ARN : miR-663 et miR-155 – cité plus haut – dans une lignée cellulaire de monocytes humains. Cette régulation entraine une série de réactions en chaine qui aboutit au contrôle de l’expression de gènes inflammatoires impliqués dans la production de prostaglandines ou les réponses inflammatoires aux LPS (Lipopolysaccharide bactérien).

D’autres travaux menés par la même équipe et publiés dans la revue Biochemical Pharmacology sur des cellules tumorales d’origine colorectales humaines suggèrent également l’implication du resvératrol dans la modulation de micro ARN codant pour le TGF beta, un agent oncogénique bien connu.

« Nous continuons l’analyse des liens entre le resvératrol et d’autres micro ARN » précise Norbert Latruffe, professeur de biochimie à l’université de Bourgogne. « Grâce à cela, notre étude pourrait conduire à démontrer l’intérêt de l’emploi du resvératrol comme agent anti-inflammatoire.

Si, par ailleurs, l’effet du resvératrol sur le TGF béta se confirme, on pourrait imaginer le tester en clinique comme adjuvant de traitement anti-cancéreux, mais la route est encore longue ». Et de rappeler que « malgré les propriétés du resvératrol, boire du vin ne permet pas de traiter les cancers ni l’inflammation. »

Un biomarqueur, pronostic de l’évolution du cancer du poumon

Le cancer du poumon est un cancer dont le taux de survie 5 ans après le diagnostic est très faible. La mise en place du traitement le plus adéquat est rendue difficile par le caractère très hétérogène des tumeurs et de leur pronostic, au sein d’un même stade de développement. Un groupe de chercheurs dirigé par Patricia Forgez du centre de recherche Saint-Antoine, Inserm-UPMC « Laboratoire de signalisation cellulaire et carcinogénèse » vient de mettre en évidence, en collaboration avec le service de chirurgie thoracique de l’Hôtel-Dieu à Paris (AP-HP), un nouveau biomarqueur, pronostic de l’évolution de la tumeur. Cette protéine et son récepteur, dont la présence favorise la progression de la tumeur et l’apparition de métastases, ont fait l’objet d’un dépôt de brevet Inserm/AP-HP et pourraient être détectés de manière simple en laboratoire d’analyse. Ces travaux sont publiés dans l’édition du 1er septembre de Clinical Cancer Research.

Première cause de mortalité par cancer dans les pays occidentaux, le cancer du poumon est en légère diminution chez les hommes mais augmente fortement chez les femmes (+ 4 % par an). Principale cause, le tabagisme, loin derrière l’exposition professionnelle aux carcinogènes, le tabagisme passif et les polluants issus de l’environnement.

Le cancer bronchique est silencieux et de très mauvais pronostic avec un taux de survie de 15 % à 5 ans. Seuls un tiers des cas, les moins avancés, sont éligibles à la chirurgie ; les autres cas, souvent plus avancés au moment où ils se présentent au clinicien, répondent mal aux traitements, y compris les plus récents.

Les tumeurs du poumon sont très hétérogènes, y compris dans les sous-types biologiques. En conséquence, à l’intérieur d’un même stade tumoral, le pronostic varie fortement d’un patient à l’autre en raison de facteurs génétiques et environnementaux propres à l’individu, mais également de facteurs intrinsèques à la tumeur qui lui confèrent un caractère plus ou moins agressif.

Comprendre les facteurs responsables de la progression d’une tumeur et découvrir de nouveaux marqueurs pronostics de son évolution constitue un réel enjeu pour les médecins et les patients dans la mesure où les traitements pourraient ainsi être mieux adaptés à chaque cas.

Le Dr Forgez et son groupe avaient préalablement mis en évidence que le récepteur principal d’une protéine d’origine gastro-intestinale, la neurotensine, retrouvé dans une forte proportion de tumeurs, favorisait dans certaines conditions la progression tumorale.

Les chercheurs montrent aujourd’hui dans une série de 136 patients présentant un adénocarcinome pulmonaire de stade 1, que ceux dont les tumeurs expriment le récepteur principal à la neurotensine, ont un moins bon pronostic en termes de survie à 5 ans. L’activation de ce récepteur favorise en effet fortement la croissance des tumeurs et l’émergence de métastases. A stade égal de développement tumoral, la présence ou non de ce récepteur constitue donc un biomarqueur pronostic d’une évolution plus ou moins favorable.

La procédure de détection de ce récepteur est simple et peu coûteuse ; après la confirmation de ces résultats sur une série plus importante de patients, (étude actuellement menée par le même groupe) elle pourrait être utilisée en routine dans les laboratoires d’analyse biologique pour l’identification des patients à haut risque de récidive. Il s’agit de définir pour ceux-ci une prise en charge plus adaptée en termes de stratégie thérapeutique postopératoire et de surveillance.

Deux brevets ont été déposés conjointement par l’Inserm et l’AP-HP sur ce biomarqueur ; ils permettront d’intéresser d’éventuels investisseurs des industries pharmaceutiques et des biotechnologies, tant sur le plan du développement d’un kit de détection que celui du développement des thérapies innovantes visant à diminuer l’agressivité tumorale.

« Comme pour d’autres cancers tels que le cancer du côlon, les leucémies et lymphomes, pour lesquels des marqueurs génétiques spécifiques débouchent sur des décisions thérapeutiques adaptées, les cancers du poumon commencent à être démembrés en plusieurs maladies de pronostics et de traitements différents » précise Fabien Calvo, directeur de l’Institut Cancer de l’Inserm.

cp-forgez-01-sept-2010

Adénocarcinome bronchique. Marquage du récepteur de la neurotensine © Inserm, U938

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