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Le ribosome eucaryote dévoile enfin sa structure

Un an après l’attribution du prix Nobel de chimie pour la découverte de la structure atomique du ribosome bactérien, les chercheurs de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Université de Strasbourg/Inserm) viennent de déterminer la première structure d’un ribosome eucaryote, celui de la levure. Ces travaux publiés le 26 novembre 2010 dans la revue Science mettent fin à une course internationale effrénée pour la détermination de la structure de cette imposante machinerie cellulaire. Le ribosome eucaryote est actuellement la plus grande molécule asymétrique biologique dont la structure a été élucidée par cristallographie. Ces résultats ouvrent de nouvelles pistes de recherche pour la compréhension de la dynamique de la synthèse protéique et pour le développement de nouveaux composés thérapeutiques.

Le ribosome, une « nanomachine » complexe

Le ribosome est une machine essentielle de la cellule qui assure la synthèse protéique à partir de l’information génétique. Il interagit avec de nombreuses protéines et occupe un rôle clé dans divers processus cellulaires. Depuis longtemps, les chercheurs tentent de déterminer sa structure atomique, défi considérable au vu de sa taille et de sa complexité. Le ribosome bactérien a une structure semblable mais non identique à celle du ribosome eucaryote (non bactérien). Il est plus petit (seulement 2.3 MDa (1) contre 3,3MDa pour le ribosome eucaryote) mais présente la même organisation générale en deux sous-unités. En 2009, le prix Nobel de chimie récompensait les chercheurs qui avaient déterminé pour la première fois la structure du ribosome bactérien. Celle de son homologue eucaryote faisait depuis l’objet d’une course effrénée.

La structure du ribosome eucaryote, une détermination difficile

Pour déterminer la structure du ribosome eucaryote, les chercheurs se sont intéressés à celui de la levure, un organisme modèle idéal, déjà connu et largement utilisé en biologie. Avec une masse d’environ 3.3 MDa, le ribosome eucaryote est plus gros de 40 pour cent par rapport à son homologue bactérien. Après de longs travaux de purification et de stabilisation de la molécule, les chercheurs strasbourgeois ont finalement obtenu sa structure atomique avec une très bonne résolution (de 0,415 nanomètres, soit une résolution à l’échelle de la molécule). L’équipe de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire a confirmé l’existence de mouvements au sein des sous-unités du ribosome, mais également l’une par rapport à l’autre, mettant en évidence la dynamique de pivotement à l’origine du mécanisme de la synthèse protéique.

Des résultats prometteurs

Prochains objectifs pour l’équipe : déterminer la structure du ribosome d’autres eucaryotes mais également améliorer encore la résolution des résultats pour obtenir une description du ribosome et des mécanismes qui s’y déroulent à l’échelle atomique. La connaissance de cette structure facilitera la compréhension des relations structure/fonction à l’échelle atomique et fournira les bases moléculaires pour l’investigation des caractéristiques uniques de la machinerie traductionnelle des eucaryotes. Une telle description apportera également de précieuses informations pour le développement de nouveaux composés thérapeutiques ciblant les virus, les protozoaires (paludisme, maladie du sommeil, toxoplasmose, etc.), les champignons et les bactéries. En effet, en bloquant le ribosome de ces organismes, on en bloquerait toute activité.

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Différentes vues de la structure du ribosome de levure : la petite sous-unité est représentée en bleu tandis que la grande apparaît en jaune. L’ARN ribosomique est représenté en rouge.

La retraite : à fond la forme ?

Aujourd’hui, Marcel Goldberg et Marie Zins de l’unité Inserm 1018 – Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations – Université Versailles Saint Quentin, et leurs collaborateurs suédois, finlandais, allemands et britanniques montrent que le passage à la retraite ne modifie pas la proportion de personnes atteintes de maladies chroniques. En revanche, en suivant plus de 14 000 personnes avant et après la retraite, les chercheurs observent une forte diminution de la fatigue physique et mentale ainsi qu’une baisse des symptômes dépressifs les années consécutives au départ en retraite. Les résultats de l’étude sont publiés dans la revue British Medical Journal datée du 24 Novembre.

Plusieurs gouvernements en Europe revoient à la hausse l’âge de départ à la retraite. La retraite est une transition professionnelle, sociale et familiale majeure qui semble avoir d’importantes conséquences sur la santé. Dans ce contexte, une équipe internationale de recherche s’est penchée sur les effets de la retraite sur la santé. Jusqu’à présent, il était difficile de faire la distinction entre les effets de la retraite et ceux dus à l’âge. En analysant les données recueillies auprès des 14 104 participants de la cohorte GAZEL de 7 ans avant jusqu’à 7 ans après le départ à la retraite, cette étude apporte des données significatives sur cet événement clé au centre des défis de vieillissement de la population.

La cohorte GAZEL
Mise en place en 1989, GAZEL (cohorte Inserm/EDF -Gaz de France) est une vaste cohorte composée à l’origine de 20 624 agents d’EDF-GDF volontaires (15 010 hommes et 5 614 femmes), âgés de 35 à 50 ans et qui sont suivis de façon prospective depuis cette date (Zins et al, 2009). Lors de l’inclusion, en janvier 1989, la totalité des participants étaient actifs. Au fil des années, le nombre de retraités a augmenté, et au 1er janvier 2008, moins de 2 % des hommes et moins de 22 % des femmes de la cohorte étaient encore en activité. Le suivi des sujets s’est donc étendu sur toute la période d’activité professionnelle puis après leur départ à la retraite. Entre 1990 et 2006, 18 884 salariés sont partis à la retraite et 14 104 ont participé à la présente étude. En savoir plus : http://www.gazel.inserm.fr/

Les chercheurs ont observé chez les participants une nette diminution de la fatigue physique et mentale ainsi qu’une baisse des symptômes dépressifs dès les premières années qui suivent le départ à la retraite.

L’amélioration de la santé est claire pour l’ensemble des participants, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, et elle persiste longtemps après le départ en retraite.

C’est en analysant les données relatives aux participants de la cohorte française GAZEL que les chercheurs sont parvenus à ces résultats.

11 246 hommes et 2858 femmes ont été suivis sur une période de 15 ans, 7 ans avant et 7 ans après leur départ en retraite.

La fatigue mentale et physique a été évaluée par l’intermédiaire d’un questionnaire annuel utilisant une échelle de 1 à 8. Les symptômes dépressifs ont fait l’objet de mesures basées sur une échelle construite à partir des réponses à 20 questions (échelle CES-D*) complétée à quatre moments : 1996, 1999, 2002 et 2005. En moyenne, l’âge de départ à la retraite des personnes suivies était de 54,8 ans.

En parallèle, les chercheurs ont évalué l’impact du départ à la retraite sur le risque de survenue des maladies chroniques. Il apparait que ces maladies sont essentiellement liées à l’âge et que le passage à la retraite n’induit pas de modification de leur prévalence.

Cependant, en comparant l’état de santé de deux groupes : personnes souffrant de maladies chroniques (maladies cardiovasculaires, pulmonaires ou diabète) et personnes indemnes, il s’avère que la diminution de la fatigue et des symptômes dépressifs les années suivant le départ en retraite est plus forte dans le premier groupe.

Ces résultats montrent une amélioration de divers aspects de la santé liée à la cessation de l’exposition à des contraintes professionnelles. Ils attirent l’attention sur l’importance de l’amélioration des conditions de travail dans un contexte où la durée de vie professionnelle s’allongera. Cependant, « il est difficile de généraliser les résultats du fait de l’appartenance des personnes à la même entreprise. En effet, les retraités de la cohorte GAZEL ont bénéficié d’une sécurité de l’emploi et d’un départ à 55 ans en moyenne », souligne Marcel Goldberg. « Il serait important de réaliser des études comparables concernant des personnes ayant des conditions de travail particulièrement difficiles, ou dont l’âge de la retraite est plus élevé. » C’est d’ailleurs l’un des objectifs de la nouvelle cohorte CONSTANCES qui inclut des participants de tous secteurs professionnels.

Note :
*Radloff L. The CES-D scale : a self report depression scale for research in the general population. Appl Psychol Meas 1977;1:385-401.4

Une vaste gamme de nano-revêtements en quelques « pschitt » !

Aussi simples que ceux des parfums : des sprays pour recouvrir facilement des surfaces de nano-revêtements aux propriétés optiques, électroniques, biologiques… Des équipes de l’Institut Charles Sadron (CNRS / Université de Strasbourg), en collaboration avec des chercheurs du Laboratoire de biomatériaux et ingénierie tissulaire (Inserm / Université de Strasbourg), sont parvenus à améliorer et étendre leur technique de dépôt « couche par couche ». Cette synergie scientifique a conduit au développement d’un très large panel de nano-revêtements aux applications nouvelles et variées qui ne manqueront pas d’intéresser les industriels. Leurs travaux sont publiés en ligne le 23 novembre 2010 sur le site de la revue Angewandte Chemie International Edition.

Lentilles de contact, voitures, casseroles antiadhésives ou autocollants : de nombreux objets de la vie quotidienne utilisent des revêtements fonctionnels spécifiques. Il y a plus d’une quinzaine d’années, Gero Decher (1) a inventé une méthode originale de dépôt de nanomatériaux sous forme de couches minces. Le principe de cette technique consiste simplement à « empiler », avec une précision nanométrique, des couches dont la structure et les fonctionnalités chimiques sont contrôlées par la séquence et la nature des constituants incorporés dans le film (polymères, pigments, protéines, particules, …). Cette méthode « couche par couche » permet de fabriquer des matériaux dotés de propriétés extrêmement variées. Peu coûteux et peu polluant, ce procédé figure dans le classement des dix résultats les plus importants de ces dix dernières années dans le domaine de la chimie.

Récemment, les équipes de chimistes et de physico-chimistes menées par Gero Decher et Pierre Schaaf de l’Institut Charles Sadron (CNRS/Université de Strasbourg), en collaboration avec celle de Jean-Claude Voegel du Laboratoire de biomatériaux et ingénierie tissulaire (Inserm/Université de Strasbourg), viennent de rendre cette méthode de dépôt encore plus puissante et facile à appliquer. Initialement, la technique nécessitait des trempages successifs dans différents liquides et des temps de dépôts importants. Aujourd’hui, grâce à deux flacons de vaporisation, les scientifiques réussissent à vaporiser simultanément deux liquides sur une surface à recouvrir. Le gain de temps et les avantages logistiques sont considérables.

Mieux encore : cette méthode originale s’applique à toute une gamme de nano-revêtements, y compris des classes complètement nouvelles de matériaux, comme par exemple des films purement inorganiques. Ainsi, la gamme déjà importante d’applications de ces couches minces s’est élargie. Les nano-revêtements obtenus par ces différentes méthodes de dépôt ont des applications en science des matériaux : diodes électroluminescentes, piles à combustible, cellules photovoltaïques, revêtements anticorrosion, écrans flexibles, membranes de séparation, etc. Par ailleurs, l’introduction au sein de ces films de molécules biologiquement actives (peptides, enzymes, médicaments, protéines, ADN, cellules, etc) conduit à des nano-revêtements ayant de nombreuses applications dans le domaine des sciences de la vie : biocompatibilité des implants, préparation de pansements, ingénierie tissulaire, transfection génique, vecteurs pharmaceutiques, bio-capteurs, etc. Ce sont autant d’applications susceptibles d’intéresser les industriels cherchant à réduire leurs coûts de production, à s’investir dans le développement durable de leurs produits et à étendre leurs palettes de produits. Au final, cette méthode innovante de nano-assemblage permet d’envisager la préparation d’un grand nombre de (bio)-matériaux ou de produits encore inexistants.

Note
(1) Le professeur Gero Decher, chercheur à l’Institut Charles Sadron du CNRS, s’est vu décerné le 13 septembre 2010 le prix de la société Rhodia à la conférence annuelle de l’European Colloid and Interface Society qui s’est tenue à Prague.
Plus d’informations : http://www.ecis-web.eu/rhodia.htm

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A gauche : Préparation de couches minces organique, inorganique ou hybride de qualité optique par pulvérisation simultanée. A droite : Représentation schématique (en haut) et image (en bas) d’une ”multicouche vivante” (film contenant des couches avec des cellules) obtenue en combinant la pulvérisation alternée (couches de polymères rouges et bleus) et la pulvérisation simultanée (couches jaunes contenant les cellules).

Remise des Prix Inserm le 30 novembre 2010 au Collège de France

Lors de la cérémonie de remise des prix au Collège de France le 30 novembre prochain, le Grand Prix Inserm 2010 sera décerné à Didier Raoult, professeur de microbiologie, spécialiste des maladies infectieuses. Un prix d’Honneur sera attribué à Eliane Gluckman, première à avoir réalisé en 1987 une greffe de sang de cordon ombilical chez un enfant de 6 ans. Le prix International, consacrera la carrière de Denis Duboule (Ecole Polytechnique de Lausanne). Quatre autres prix, dans les catégories Recherche et Innovation, seront également décernés.

Didier RAOULT, Grand Prix Inserm 2010

A 58 ans, Didier Raoult, lauréat du Grand Prix 2010 est consacré pour l’ensemble de sa carrière. Il dirige actuellement l’URMITE (Unité de Recherche en Maladies Infectieuses et Tropicales Emergentes, unité de recherche de l’Université de la Méditerranée, associée au CNRS UMR 6236 et à l’IRD) à Marseille.

Professeur de microbiologie, spécialiste des maladies infectieuses, Didier Raoult découvre en 1992 un virus totalement nouveau qu’il baptise Mimivirus. D’abord assimilé à une bactérie puisqu’il mesure 0,4 micromètre, le chercheur montre que Mimivirus possède toutes les caractéristiques d’un virus…géant.

Cette découverte a ouvert un champ de recherche complètement inexploré. En 2008, Didier Raoult découvrira Spoutnik, le premier virus géant capable d’en infecter un autre pour survivre, puis Marseillevirus en 2009.

Didier Raoult, par ailleurs, reçoit des patients du monde entier dans son centre devenu référence mondiale pour la fièvre Q et les maladies de Whipple(1).

(1) Maladie infectieuse rare due à la bactérie Tropheryma whippelii. Elle se présente comme une maladie digestive ou systémique.

Eliane GLUCKMAN, Prix d’Honneur

Eliane Gluckman est spécialiste de la greffe des cellules souches du sang (cellule souches hématopoïétiques).

Au cours de sa carrière elle a côtoyé les grands de l’hématologie et de l’immunité – externe auprès de Georges Mathé, qui vient de disparaître, interne chez Jean Bernard, accueillie par Jean Dausset -, cette scientifique de l’hôpital Saint-Louis de Paris a su se faire un nom dans la recherche sur la transplantation, mais aussi dans l’étude du cordon ombilical.

C’est dans son service à l’hôpital Saint Louis et sous sa direction qu’a été effectuée la première greffe mondiale de sang de cordon ombilical en 1987.

Denis DUBOULE, Prix International

Spécialiste mondial de la génétique du développement, Denis Duboule est l’un des pionniers de la recherche sur les gènes « HOX » également appelés « gènes architectes » qui préfigurent la mise en place des membres et des organes chez les vertébrés.

Sa découverte des gènes « HOX » a permis le développement d’un domaine de recherche particulièrement actif depuis.

Denis Duboule dirige le projet SystemsHox.ch, commun à l’université de Genève et à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et est membre, en France, de l’Académie des sciences depuis 2005.

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Quatre autres prix, les Prix Recherche et les Prix Innovation seront décernés à :

  • Jamel CHELLY, directeur du laboratoire de génétique et de physiologie des retards mentaux de l’Institut Cochin
  • Naomi TAYLOR, immunologiste à l’Institut de génétique moléculaire de Montpellier
  • Dominique DONNET-KAMEL, responsable des liens entre les associations de malade et l’Inserm
  • Boris MATROT, ingénieur responsable de la plateforme phénopups (qui permet d’étudier de manière non invasive et simultanément les fonctions vitales des souriceaux) au sein de l’Unité Inserm 676 à l’hôpital Robert-Debré

Sécurité routière : identifier et de quantifier le risque d’accident lié à la consommation de médicaments

Une étude visant à évaluer l’impact de la consommation de médicaments sur le risque d’accident vient d’être publiée dans la revue PLoS Medicine. Issue d’un partenariat de recherche entre plusieurs institutions françaises, cette étude de grande envergure a permis, pour la première fois, de cerner la part des accidents de la route qui peut être attribuée à la prise de médicaments. Ces résultats confirment également la pertinence de la classification mise en place en 2005 sur la base des travaux de l’Afssaps, les médicaments les plus dangereux étant signalés à l’usager par un pictogramme de couleur orangé (niveau 2) ou rouge (niveau 3).

Certains médicaments peuvent avoir un retentissement sur les capacités de conduite de manières diverses : le plus souvent du fait d’une somnolence, mais aussi de modifications du comportement, de vertiges, de troubles de la coordination, de troubles de la vue… Dans le cadre de la démarche de prévention entreprise en 2003 par les autorités de santé, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a mis au point un système d’information des usagers sous forme de trois pictogrammes allant du niveau de risque 1 au niveau 3 ; ceci, sur la base des effets identifiés au cours des études expérimentales, cliniques et dans les données de pharmacovigilance.

Toutefois, les données épidémiologiques sur ce risque sont quasiment inexistantes. Comparativement à d’autres produits susceptibles d’altérer les capacités de conduite (alcool, drogues illicites), le rôle des médicaments est plus difficile à étudier du fait de la grande diversité des substances qu’ils contiennent.

Pour pallier ces difficultés, les principaux acteurs institutionnels concernés se sont rapprochés pour mettre en place une grande étude (Cesir-A) coordonnée par l’équipe Inserm « Prévention et Prise en Charge des Traumatismes ». L’objectif est d’étudier le risque d’accident lié aux médicaments, en mettant en regard les données de remboursement des médicaments de l’Assurance Maladie avec celles sur les accidents de la circulation recueillies par les forces de l’ordre. Cette étude est le fruit d’une collaboration entre l’Afssaps, l’Institut national de la santé et la recherche médicale (Inserm), la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) et l’Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité (INRETS).

Il s’agit de la plus importante étude menée à ce jour avec plus de 70 000 conducteurs, impliqués dans un accident corporel sur une période de 3 ans (2005 à 2008). C’est aussi la première étude de ce type qui permette de comparer les consommations de médicaments chez les conducteurs responsables et non responsables d’accidents.

Les résultats montrent :

  • que la prise de médicaments comportant un pictogramme de niveau 2 ou de niveau 3 est associée à une augmentation significative du risque d’être responsable d’un accident,
  • que ce risque augmente avec le nombre de ces médicaments potentiellement dangereux consommés,
  • que la proportion d’accidents de la route qui leur est attribuable est estimée à environ 3 %.

Outre son apport à une meilleure connaissance de l’accidentologie liée au médicament, l’étude montre la pertinence de la classification élaborée par l’Afssaps en 2005. En effet, les médicaments de niveau 1, bien qu’ayant des effets reconnus comme pouvant retentir sur les capacités de conduite, n’ont pas, en pratique, d’incidence sur l’accidentologie. Le risque principal provient bien des médicaments de niveau 2 et de niveau 3 : ce sont essentiellement des anxiolytiques, des hypnotiques, des antiépileptiques et des antidépresseurs. Ceci confirme qu’il est indispensable que les patients, amenés à prendre ce type de médicaments, respectent les messages de bon usage qui accompagnent les pictogrammes correspondants.

L’eplerenone au cœur du traitement contre l’insuffisance cardiaque

Des chercheurs de l’Inserm au CHU de Nancy viennent de rendre publics les résultats d’un essai clinique qui visait à déterminer l’efficacité d’un traitement dans l’insuffisance cardiaque peu symptomatique. Chez les personnes traitées par eplerenone (molécule administrée en plus du traitement standard de l’insuffisance cardiaque) le risque de mortalité cardiovasculaire, de décès ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque est diminué de 37 % comparé aux personnes ayant reçu un placebo. Les résultats de l’étude EMPHASIS-HF ont été communiqués au congrès de l’American Heart Association qui se tient en ce moment à Chicago et publiés simultanément par The New England Journal of Medicine.

Bien que plusieurs traitements efficaces soient disponibles, l’insuffisance cardiaque peut entraîner une baisse de la qualité de vie, avec notamment de fréquentes hospitalisations, et une diminution importante de l’espérance de vie. L’insuffisance cardiaque chronique est actuellement la seule pathologie cardiovasculaire dont l’incidence et la prévalence sont encore en augmentation du fait du vieillissement de la population, mais aussi d’une meilleure prise en charge des différentes maladies cardiovasculaires. On estime à 500 000 le nombre de patients insuffisants cardiaques en France. Ils représentent 150 000 hospitalisations/an, pour un séjour moyen de 10 jours.

Faiez Zannad coordinateur du Centre d’Investigation Clinique Inserm 9501, chercheur de l’Unité Mixte Inserm et Université Henri Poincaré de Nancy, U961 et cardiologue au CHU de Nancy, Professeur de Thérapeutique à Nancy université, a étudié l’avantage de l’utilisation d’un antagoniste du récepteur de l’aldostérone dans l’insuffisance cardiaque. La plupart des traitements existant sont basés sur l’administration de béta bloquants. Ces molécules agissent sur le cœur en diminuant son rythme et donc le travail qu’il doit fournir pour faire fonctionner l’organisme. L’éplérénone en ciblant les récepteurs de l’aldostérone bloque la fixation de l’aldostérone et produit un effet cardio-protecteur plus important.

Le 1er objectif de l’étude EMPHASIS-HF (Eplerone in mild patients hospitalization and survival study in heart failure) était d’évaluer l’efficacité et la sécurité de l’eplerenone (25-50 mg /j) en plus du traitement standard de l’insuffisance cardiaque. EMPHASIS-HF est une étude internationale de phase III (2,737 patients de 272 centres dans 29 pays). La moitié des patients ont reçu la molécule eplerenone tandis que l’autre recevait un placebo. En mai 2010, le recrutement de l’étude a été interrompu prématurément après que la 2è analyse intermédiaire a révélé des résultats très positifs en faveur de l’eplerenone.

Après un suivi de 21 mois, les chercheurs ont démontré une réduction de 37 % du risque de mortalité cardiovasculaire, de décès ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque chez les personnes traitées par Eplerenone en comparaison avec celles qui avaient reçu un placebo.

Pour Faiez Zannad « il est encourageant d’obtenir de tels résultats suffisamment robustes pour répondre aux critères d’interruption précoce. Les patients tels que ceux ayant participé à EMPHASIS-HF ont typiquement un mauvais pronostic et les résultats de ce jour devraient donc donner un vrai message d’espoir aux patients et à leurs médecins ».

La prescription de l’eplerenone est actuellement réservée en France aux patients présentant une insuffisance cardiaque et ayant subi récemment un infarctus du myocarde. Elle n’est pas autorisée à ce jour pour la population comparable à celle de l’étude EMPHASIS-HF.

Implantation à Nantes d’une plate-forme de production de médicaments de thérapie innovante destinés à des applications cliniques – Atlantic Bio GMP (ABG)

Inauguration le 15 novembre 2010 – L’Etablissement Français du Sang inaugure à Saint-Herblain, près de Nantes, l’ABG (Atlantic Bio GMP), avec ses partenaires de co-gouvernance l’Inserm, le CHU de Nantes et l’AFM. ABG est une plate-forme de production de médicaments de thérapie innovante. Cette plate-forme qui a l’ambition de devenir un haut lieu des biotechnologies, est l’une des premières plates-formes européennes de statut public. Elle a pour objectif de fournir aux équipes souhaitant initier des essais cliniques de phase I/II des produits fabriqués dans le respect des Bonnes Pratiques de Fabrication (BPF), c’est-à-dire de garantir leur sécurité et leur qualité dans le but d’être utilisés chez l’homme. L’objectif poursuivi ici est d’obtenir plus rapidement, et à un coût raisonnable, la preuve du concept thérapeutique de nouveaux médicaments de thérapie innovante (MTI).

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© EFS

Les médicaments de thérapie innovante sont une nouvelle classe de produits issus des biotechnologies, ils sont destinés à traiter des patients atteints de pathologies actuellement incurables. Cette classe de médicaments a été définie par le règlement européen 1394 de novembre 2007. Elle regroupe les produits issus de l’ingénierie cellulaire, génique et tissulaire.

Ces MTI sont susceptibles de créer une révolution thérapeutique comparable à celle de la découverte des antibiotiques. Il s’agit ici, non pas de recourir à des substances xénobiotiques, c’est-à-dire étrangères à la vie, mais d’utiliser les propres ressources de l’organisme de manière à engendrer de nouvelles voies thérapeutiques.

L’inauguration d’ABG voit la concrétisation d‘un projet issu d’une volonté, dès janvier 2003, de l’EFS et de l’Inserm, rejoints par l’AFM et le CHU de Nantes qui a notamment mis à disposition le terrain pour la construction, d’offrir à la communauté scientifique et médicale des outils thérapeutiques destinés aux biothérapies.

En matière de financement l’EFS, Nantes Métropole, le Conseil régional de Pays de la Loire, le Conseil général de Loire Atlantique et le FEDER (Union européenne) ont participé à titre d’investissement à hauteur de 5.2 millions d’euros. Les frais de fonctionnement d’ABG seront assurés à hauteur de 1.5 million d’euros par an par l’EFS, l’AFM, l’Inserm et le CHU de Nantes.

Identification de nouveaux circuits neuronaux contrôlant la peur

La peur est une réponse adaptative essentielle à la survie de nombreuses espèces. Cette adaptation comportementale peut être innée ou bien être la conséquence d’un apprentissage au cours duquel un animal apprend qu’un stimulus prédit un évènement désagréable. De nombreuses données indiquent que l’amygdale, une structure particulière du cerveau, est fortement impliquée au cours de l’apprentissage de la peur dite « apprise ». Cependant les circuits neuronaux sous jacents restaient encore largement inconnus jusqu’à présent.
Aujourd’hui, les travaux associant plusieurs équipes suisses, allemandes et un chercheur de l’Unité Inserm 862 à Bordeaux « Neurocentre Magendie« , ont permis d’identifier pour la première fois des circuits neuronaux distincts au sein du noyau central de l’amygdale, spécifiquement impliqués dans l’acquisition et le contrôle des réponses comportementales de peur. Le détail de ces résultats est publié dans la revue Nature, datée de cette semaine.

Circuits neuronaux et peur

Identification des nouveaux circuits neuronaux inhibiteurs situés au sein du noyau central latéral (CEl) et médian (CEm) de l’amygdale impliqués dans l’apprentissage et la manifestation comportementale des réponses de peur  © C. Herry/Inserm

Dans cette étude, des souris de laboratoires ont tout d’abord été soumises à une tâche comportementale simple qui consiste à apprendre qu’un stimulus sonore prédit l’arrivée d’un évènement désagréable. A la suite de cet apprentissage la présentation du stimulus sonore induit un ensemble de manifestations comportementales de peur telles qu’une immobilisation des animaux. Grâce à l’utilisation de techniques pharmacologiques et optogénétiques très novatrices, les chercheurs ont mis en évidence que les noyaux central et médian de l’amygdale centrale étaient différentiellement impliqués dans l’apprentissage et la manifestation comportementale des réponses de peur (cf. schéma). En effet, en inactivant la partie latérale du noyau central de l’amygdale les chercheurs ont pu montrer que les animaux n’apprenaient plus l’association entre le son et l’évènement désagréable. Au contraire, l’inactivation de la partie médiane de ce noyau ne perturbait pas l’apprentissage de la peur mais ne permettait plus aux animaux une manifestation comportementale de la peur, c’est à dire une immobilisation.

Dans une deuxième étape, l’enregistrement en temps réel de l’activité des neurones de l’amygdale centrale latérale et médiane grâce à des techniques électrophysiologiques uniques a permis au chercheurs d’identifier au sein de ces structures quels étaient les neurones spécifiquement impliqués dans l’apprentissage et la manifestation comportementale des réponses de peur.

Ces neurones sont des cellules inhibitrices qui font partie de circuits neuronaux très organisés et fortement interconnectés et dont les modifications d’activité permettent la sélection des réponses comportementales de peur pertinentes en fonction de la situation environnementale.

Nos travaux définissent ainsi l’architecture fonctionnelle des circuits neuronaux de l’amygdale centrale et leur rôle dans l’acquisition et la régulation des comportements de peur. L’identification précise des circuits neuronaux contrôlant la peur représente un enjeu clinique majeur. En effet les patients souffrant de pathologies, telles que le syndrome de stress post-traumatique ou encore les troubles anxieux présentent des dérégulations de certains circuits neuronaux qui conduisent à des réponses comportementales anxieuses inadaptées. La manipulation sélective des circuits neuronaux que nous avons identifiés par des nouvelles approches thérapeutiques qui restent encore à développer pourraient ainsi permettre de réguler les manifestations pathologiques de peur chez ces patients.

Prendre des médicaments contre la douleur pendant la grossesse n’est pas sans risque

Une équipe de scientifiques associant des chercheurs français, danois et finlandais vient de publier une étude suggérant qu’il existe une association entre la prise simultanée de plusieurs médicaments contre la douleur (ibuprofène, aspirine, paracétamol) pendant la grossesse et des risques de malformation de l’appareil génital chez les garçons. Le risque est particulièrement élevé au second trimestre de grossesse. Plus de 2297 femmes danoises et finlandaises ont été suivies. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Human Reproduction.

Plus de la moitié des femmes en Europe et aux Etats Unis déclarent prendre des antalgiques tels que le paracétamol, l’ibuprofène ou l’aspirine pendant leur grossesse. Ces dix dernières années, de plus en plus d’études ont rapporté l’impact probable de divers agents environnement sur la santé reproductive masculine mais c’est la première fois que des molécules pharmaceutiques de ce type sont pointées du doigt.

Il est bien connu qu’une exposition à certaines substances, si elle se fait à un moment-clé de la grossesse peut avoir des incidences sur le développement du foetus. C’est pourquoi les chercheurs ont voulu savoir si de tels médicaments avaient de réelles conséquences chez les enfants dont les mères étaient consommatrices de ces substances.

Cette nouvelle étude suggère que les femmes danoises qui prennent de l’aspirine et/ou de l’ibuprofène (antalgiques) pendant leur grossesse voient le risque de donner naissance à des garçons présentant une anomalie de l’appareil génital (absence de descente des testicules dans les bourses appelée cryptorchidie), significativement augmenter par rapport à celles qui s’abstiennent d’en prendre.

« Toutefois, ce risque existe au Danemark et dans la mesure où la prise de médicament s’étale sur au moins deux semaines consécutives. En outre, il est important de noter qu’il s’agit de la mise en évidence d’une association statistique pas de la preuve d’une relation de cause à effet. Enfin, ces résultats ne sont pas confortés par le suivi de la cohorte des femmes finlandaises » précise Bernard Jégou directeur de l’unité Inserm 625 « Groupe d’étude de la reproduction chez l’homme et les mammifères (GERHM) » à l’Université de Rennes 1.

Un risque particulièrement élevé au second trimestre

Le second trimestre de grossesse apparait comme la période la plus délicate. Durant cette période, la prise des anti-inflammatoires non-stéroïdiens aspirine ou ibuprofène augmente le risque chez le garçon de présenter une cryptorchidie à la naissance. Ce risque n’est pas identifié avec le paracétamol, qui n’est pas un anti-inflammatoire non stéroïdien. A ce stade, l’association démontrée ne signifie pas pour autant que la consommation d’antidouleur est la cause de la malformation retrouvée.

Des effets aussi chez le rat

L’équipe de l’Inserm dirigée par Bernard Jégou a étudié ce phénomène sur des cultures de testicules de foetus de rat pour essayer de comprendre les mécanismes mis en jeu. Lorsque les testicules en culture sont exposés au paracétamol ou à l’aspirine la production de testostérone diminue d’environ 50 %. Enfin, de leur côté les toxicologues danois impliqués dans l’étude démontrent que l’exposition de rattes gestantes à des doses élevées d’aspirine induit une diminution de la production de testosterone intratesticulaire. Ceci n’est pas retrouvé avec le paracétamol.

Bernard Jégou déclare que « d’autres études sont indispensables pour vérifier ces résultats chez les humains et en particulier sur des cohortes de femmes enceintes plus importantes et dans d’autre pays que le Danemark où l’incidence de la cryptorchidie est élevée ». Il est à noter qu’une autre étude épidémiologique indépendante de celle à laquelle Bernard Jégou a pris part et publiée dans le numéro d’Epidémiology de ce mois (Pr Olsen et ses collaborateurs) ne met pas en évidence l’association entre cryptorchidie et aspirine ou ibuprofène. Cependant, les résultats obtenus montrent une association entre la prise de paracétamol, pendant plus de 4 semaines au cours des deux premiers trimestres de grossesse et la cryptorchidie au Danemark.

Bernard Jégou, principal co-auteur français de cette étude tient à préciser que « ces résultats doivent être interprétés avec prudence, compte-tenu du contexte particulier du Danemark où l’incidence de la cryptorchidie et la consommation d’antalgiques sont particulièrement élevés ».

Cette étude donne lieu à des échanges entre Bernard Jégou et l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), cette agence procédant elle-même à l’évaluation de l’ensemble des données disponibles.

Impact de l’apprentissage de la lecture sur le cerveau

Pour la première fois, des images détaillées de l’impact de l’apprentissage de la lecture sur le cerveau ont été obtenues par une équipe internationale de chercheurs. En comparant l’activité cérébrale d’adultes analphabètes avec celle de personnes alphabétisées durant l’enfance ou à l’âge adulte ces chercheurs ont démontré l’emprise massive de la lecture sur les aires visuelles du cerveau ainsi que sur celles utilisées pour le langage parlé. Coordonnée par Stanislas Dehaene (Collège de France, Unité CEAInserm- Université Paris Sud 11 de Neuroimagerie Cognitive, NeuroSpin/I²BM) et Laurent Cohen (Inserm, AP-HP, Université Pierre et Marie Curie), cette étude a impliqué des équipes brésiliennes, portugaises, et belges. Ces résultats sont publiés en ligne le 11 novembre par la revue Science.



L’acquisition de la lecture soulève plusieurs questions scientifiques importantes quant à son influence sur le fonctionnement cérébral. L’écriture est une invention trop récente pour avoir influencé l’évolution génétique humaine. Son apprentissage ne peut donc reposer que sur un « recyclage » de régions cérébrales préexistantes, initialement dédiées à d’autres fonctions mais suffisamment plastiques pour se réorienter vers l’identification des signes écrits et leur mise en liaison avec le langage parlé (1). C’est dans ce cadre que les chercheurs essaient de mieux comprendre l’impact de l’apprentissage de la lecture sur le cerveau.

Pour cela, ils ont mesuré, par IRM fonctionnelle (2), l’activité cérébrale d’adultes volontaires diversement alphabétisés, dans l’ensemble du cortex, avec une résolution de quelques millimètres, tandis qu’ils leur présentaient toute une batterie de stimuli : phrases parlées et écrites, mots et pseudo-mots parlés, visages, maisons, objets, damiers…63 adultes ont participé à l’étude : 10 personnes analphabètes, 22 personnes non-scolarisées dans l’enfance mais alphabétisées à l’âge adulte, et 31 personnes scolarisées depuis l’enfance. La recherche a été menée en parallèle au Portugal et au Brésil, pays dans lesquels, voici quelques dizaines d’années, il était encore relativement fréquent que des enfants ne puissent pas aller à l’école uniquement en raison de leur environnement social (isolement relatif, milieu rural). Tous les volontaires étaient bien intégrés socialement, en bonne santé, et la plupart avaient un emploi. Les études ont été réalisées avec des imageurs IRM à 3 Tesla au centre NeuroSpin (CEA Saclay) pour les volontaires portugais et au centre de recherches en neurosciences de l’hôpital Sarah Lago Norte à Brasilia3 pour les volontaires brésiliens. Grâce à ces travaux les chercheurs apportent des éléments de réponse à plusieurs questions essentielles.


Comment les aires cérébrales impliquées dans la lecture se transforment-elles sous l’influence de l’éducation ?

En comparant directement l’évolution de l’activation cérébrale en fonction du score de lecture (nul chez les analphabètes et variable dans les autres groupes), les chercheurs ont montré que l’impact de l’alphabétisation est bien plus étendu que les études précédentes ne le laissaient penser.

  • Apprendre à lire augmente les réponses des aires visuelles du cortex, non seulement dans une région spécialisée pour la forme écrite des lettres (précédemment identifiée comme la « boîte aux lettres du cerveau »), mais aussi dans l’aire visuelle primaire.
  • La lecture augmente également les réponses au langage parlé dans le cortex auditif, dans une région impliquée dans le codage des phonèmes (les plus petits éléments significatifs du langage parlé, comme « b » ou « ch »). Ce résultat pourrait correspondre au fait que les analphabètes ne parviennent pas à réaliser des jeux de langage tels que la délétion du premier son d’un mot (Paris→aris).
  • La lecture induit également une extension des aires du langage et une communication bidirectionnelle entre les réseaux du langage parlé et écrit : chez un bon lecteur, voir une phrase écrite active l’ensemble des aires du langage parlé, entendre un mot parlé permet de réactiver rapidement son code orthographique dans les aires visuelles. Chez les personnes qui n’ont pas appris à lire, le traitement du langage est moins flexible et strictement limité à la modalité auditive.

À quoi servent les aires cérébrales impliquées dans la lecture avant qu’une personne n’apprenne à lire ? L’apprentissage de la lecture implique-t-il toujours un gain de fonction, ou bien l’augmentation des réponses aux mots s’accompagne-t-elle de diminutions des réponses à d’autres catégories de connaissances ?

Chez les analphabètes l’aire visuelle de l’hémisphère gauche qui, chez les lecteurs, décode les mots écrits répond à une fonction proche : la reconnaissance visuelle des objets et des visages. Dans cette région, au cours de l’apprentissage, la réponse aux visages diminue légèrement à mesure que la compétence de lecture augmente, et l’activation aux visages se déplace partiellement dans l’hémisphère droit. Le cortex visuel se réorganise donc, en partie, par compétition entre l’activité nouvelle de lecture et les activités plus anciennes de reconnaissance des visages et des objets. Aujourd’hui, on ne sait pas si cette compétition entraîne des conséquences fonctionnelles pour la reconnaissance ou la mémoire des visages.

Les modifications cérébrales liées à l’alphabétisation peuvent-elles se produire à l’âge adulte ? Ou bien existe-t-il une « période critique » pour cet apprentissage dans la petite enfance ?

La très grande majorité des effets de l’apprentissage de la lecture sur le cortex sont visibles autant chez les personnes scolarisées dans l’enfance que chez celles qui ont suivi des cours d’alphabétisation à l’âge adulte. Bien entendu, ces dernières n’atteignent que rarement les mêmes performances de lecture, mais cette différence pourrait n’être due qu’à leur moindre entraînement. À performances de lecture égales, il n’existe pratiquement pas de différences mesurables entre les activations cérébrales des personnes qui ont appris à lire dans l’enfance ou à l’âge adulte. Les circuits de la lecture restent donc plastiques tout au long de la vie.

Ces résultats soulignent l’impact massif de l’éducation sur le cerveau humain. Ils nous rappellent également que l’immense majorité des expériences d’IRM cérébrale portent sur le cerveau éduqué et que l’organisation cérébrale en l’absence d’éducation constitue un immense territoire largement inexploré.

Un aperçu des vastes réseaux cérébraux dont l’activité augmente avec le score de lecture, en réponse à des phrases écrites. Dès qu’une personne sait lire, la réponse aux mots écrits augmente rapidement dans diverses aires visuelles, dont l’une est spécialisée dans l’analyse de la forme des lettres (graphe de droite). De plus, l’ensemble des régions de l’hémisphère gauche impliquées dans le traitement du langage parlé (médaillon) devient susceptible de s’activer également en réponse au langage écrit.cp_dehaene_08112010_fin

Un aperçu des vastes réseaux cérébraux dont l’activité augmente avec le score de lecture, en réponse à des phrases écrites. Dès qu’une personne sait lire, la réponse aux mots écrits augmente rapidement dans diverses aires visuelles, dont l’une est spécialisée dans l’analyse de la forme des lettres (graphe de droite). De plus, l’ensemble des régions de l’hémisphère gauche impliquées dans le traitement du langage parlé (médaillon) devient susceptible de s’activer également en réponse au langage écrit.

(1) Argument développé dans le livre Les neurones de la lecture publié par Stanislas Dehaene aux Editions Odile Jacob en 2007
(2) IRM fonctionnelle : Imagerie par résonance magnétique qui permet de déterminer l’activité du cerveau d’une personne lorsqu’elle effectue une tâche.
(3) Les hôpitaux Sarah sont une chaîne d’hôpitaux privés sous contrat de l’état Brésilien, spécialisés dans la réhabilitation neurologique.

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