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Une carence en oméga 3 pourrait expliquer certains comportements dépressifs

Les conséquences des déficits en acides gras essentiels du régime alimentaire maternel sur le cerveau de son enfant sont peu connues. Cependant on sait que l’insuffisance en acides gras omega 3 est impliquée dans de nombreuses pathologies. Des chercheurs de l’Inserm et de l’INRA associés à des chercheurs espagnols ont fait suivre à des souris un régime pauvre en acides gras Oméga 3. Ils ont découvert que des niveaux réduits d’oméga 3 diminuaient les fonctions des neurones impliqués dans le contrôle des comportements émotionnels.

Les détails de ce travail sont disponibles dans la version online de la revue Nature Neuroscience.

Dans les pays industrialisés, les régimes alimentaires se sont appauvris en acides gras essentiels depuis le début du XXème siècle. Ainsi, le rapport entre les quantités d’acides gras polyinsaturés Oméga 6 et d’acides gras polyinsaturés Oméga 3 dans les rations alimentaires n’a cessé d’augmenter au cours du XXème siècle. Ces acides gras sont des lipides « essentiels » car l’organisme ne peut les synthétiser de novo. Ils doivent donc être apportés par le régime alimentaire.

Or, les lipides sont des éléments indispensables au fonctionnement du système nerveux et leur équilibre doit être préservé dans le cerveau.

Olivier Manzoni, Directeur de Recherche Inserm (Unité Inserm 862 « Neurocentre Magendie » Bordeaux et Unité 901 « Institut de Neurobiologie de la Méditerranée » Marseille) et Sophie Layé, Directeur de Recherche INRA (Unité INRA 1286 « Nutrition et Neurobiologie Intégrée », Bordeaux) et leurs collaborateurs ont émis l’hypothèse qu’une malnutrition chronique dès le développement intra-utérin, influence l’activité des neurones impliqués dans les comportements émotionnels (dépression, anxiété, …) à l’âge adulte.

Pour vérifier leurs hypothèses, les chercheurs ont fait suivre à des souris un régime reflétant ce déséquilibre entre acides gras Oméga 3 et Oméga 6. Ils ont découvert que le déficit des Omega 3 dans le cerveau perturbe la transmission nerveuse : mais pas n’importe laquelle ! En effet, les chercheurs ont observé que seuls les récepteurs cannabinoïdes, qui sont stratégiques pour la transmission nerveuse, voient leur fonction abolie. Ce dysfonctionnement neuronal s’accompagne de comportements dépressifs chez ces souris mal nourries.

Les endocannabinoïdes (endoCB) agissent sur la plasticité synaptique à long terme grâce à leur action rétrograde sur l’élément présynaptique
(DLT : dépression à long terme)

Le système cannabinoïde endogène, dit « endocannabinoïde » est très largement exprimé dans le système nerveux central où il participe à la transmission synaptique. Sur le plan physiologique et comportemental, le système endocannabinoïde est fondamental dans la douleur, l’apprentissage, la prise alimentaire et les comportements émotionnels.
Il existe 2 endocannabinoïdes principaux, qui sont des lipides signaux, constitués de longues chaînes d’acides gras. Ils sont produits en réponse à l’activité neuronale et activent des récepteurs spécifiques appelés récepteurs cannabinoïdes. Les principaux récepteurs cannabinoïdes exprimés dans le système nerveux central sont appelés CB1R.
Le système endocannabinoïde est un acteur majeur de la plasticité synaptique et il est connu que sa dérégulation est impliquée dans les troubles de l’humeur.

Chez les souris déficientes en oméga 3, les habituels effets produits par l’activation des récepteurs cannabinoïdes tant au niveau synaptique que comportemental, n’apparaissent plus. Ainsi, les récepteurs CB1R perdent leur activité au niveau synaptique et l’effet anxiogène du cannabis disparaît.

En conséquence, les chercheurs ont découvert que chez les souris soumises au régime alimentaire déficient en oméga 3, la plasticité synaptique dépendante des récepteurs cannabinoïdes CB1R, est perturbée dans au moins deux structures impliquées dans la récompense, la motivation et la régulation émotionnelle : le cortex préfrontal et le noyau accumbens. Ces parties du cerveau contiennent en effet un grand nombre de récepteurs cannabinoïdes CB1R et ont d’importantes connections fonctionnelles l’une avec l’autre.

« Nos résultats viennent corroborer aujourd’hui les études cliniques et épidémiologiques ayant mis en évidence des associations entre un déséquilibre Oméga3/Oméga6 et les troubles de l’humeur, expliquent Olivier Manzoni et Sophie Layé. Pour déterminer si les déficits en Oméga 3 sont responsables de ces désordres neuropsychiatriques, des études complémentaires sont bien sûr nécessaires ».

En conclusion, les auteurs estiment que leurs résultats apportent les premiers éléments biologiques permettant d’expliquer les corrélations observées entre régimes pauvres en Oméga 3, très répandus dans le monde industrialisé, et les troubles de l’humeur comme la dépression.

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© Illustration extraite de Médecine/Sciences © janvier 2004 (p.50)

Longévité et nutrition : comment C. elegans vit plus longtemps grâce à son régime alimentaire

Pour allonger la durée de vie de tous les organismes, depuis la levure jusqu’aux primates, les scientifiques emploient une méthode expérimentale universellement reconnue : le régime alimentaire (1). A Lyon, l’équipe de Marc Billaud et Florence Solari, du Centre de Recherche sur le Cancer de Lyon (CNRS/Inserm/université Lyon 1/centre Léon Bérard) vient de mettre en évidence les mécanismes qui permettent au ver C.elegans soumis à un régime strict de vivre 40% plus longtemps. Ces mêmes mécanismes pourraient également être impliqués dans la protection contre le cancer. Ce travail est publié dans le numéro de février de la revue Aging Cell.

Les études sur la longévité montrent que parmi les facteurs qui influencent l’espérance de vie d’un individu, 70% d’entre eux seraient liés à son environnement et son mode de vie. C’est le cas du régime alimentaire qui consiste à réduire l’apport en nourriture sans dénutrition. De plus, ce régime préviendrait le développement de cancers. Il existerait donc des mécanismes communs au contrôle de la longévité et au développement des tumeurs.

Depuis plusieurs années, Marc Billaud, Florence Solari et leurs collaborateurs étudient les mécanismes impliqués dans la modulation de la longévité et leurs liens avec le cancer. Les chercheurs utilisent pour cela l’organisme modèle Caenorhabditis elegans. Ce petit ver a permis par le passé de faire des découvertes pionnières dans la description des voies de signalisation impliquées dans la longévité, voies dont le rôle s’est avéré conservé chez les mammifères.

Dans cette étude, les chercheurs ont isolé, chez C.elegans, de nouveaux « gérontogènes » (2). Parmi eux : le gène slcf-1 dont l’inhibition produit des effets bénéfiques sur la longévité, effets qui sont similaires à ceux observés lorsque l’apport en nourriture est limité. Ils ont montré que la limitation de l’apport alimentaire chez C.elegans provoque l’inhibition de l’expression du transporteur SLCF-1 dans les cellules intestinales et déclenche une augmentation du niveau de pyruvate. Celle-ci altère le métabolisme mitochondrial et induit un stress oxydant.

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© Inserm/ F.Solari

Ce stress de faible intensité induit une réponse adaptative responsable de l’augmentation de la durée de vie.

Les mêmes effets sont retrouvés lorsque le gène slcf-1 est inactivé (pas de production du transporteur SLCF-1) et bien que l’apport en nourriture ne soit pas limité.

Ce travail a permis de révéler l’importance du métabolisme du pyruvate dans le contrôle de la durée de vie en conditions de restriction calorique. Il montre de plus qu’une protéine connue pour avoir des effets suppresseurs de tumeurs (la protéine PTEN) se trouve également impliquée dans la cascade d’évènements décrits ci-dessus.

« Il serait envisageable de tester dans des modèles animaux, en particulier chez les mammifères, si la simple addition de pyruvate à la nourriture mimerait la restriction calorique avec les effets bénéfiques sur l’état de santé et celui sur la diminution d’incidence des cancers », précisent les auteurs.

Notes
(1) Le régime alimentaire consiste à réduire l’apport en nourriture sans dénutrition
(2) Gène impliqué dans les processus de vieillissement

L’Inserm impliqué dans les 10 cohortes financées par les investissements d’avenir

Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche vient de rendre publique la liste des projets de cohorte retenus dans le cadre des investissements d’avenir. L’Inserm est impliqué dans les 10 projets retenus. A l’issue d’une sélection importante (10 projets retenus sur 44), l’Inserm sera porteur de projets de 4 grandes cohortes et associé aux 6 autres.

Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche vient de rendre publique la liste des projets de cohorte retenus dans le cadre des investissements d’avenir. L’Inserm est impliqué dans les 10 projets retenus. A l’issue d’une sélection importante (10 projets retenus sur 44), l’Inserm sera porteur de projets de 4 grandes cohortes et associé aux 6 autres.

Ces résultats correspondent à la volonté de l’Inserm de développer la recherche translationnelle. André Syrota, Président Directeur Général de l’Inserm tient à souligner : « la très grande qualité de la sélection réalisée par des experts internationaux de haut rang ». Cette sélection confirme, pour André Syrota, « la volonté de l’Inserm de s’inscrire dans une recherche multidisciplinaire qui doit favoriser notamment la recherche épidémiologique et clinique. Du fait du niveau de sélection, d’autres projets, certainement de qualité, n’ont peut-être pas été retenus. »

Les études menées par les chercheurs de l’Inserm consisteront à suivre de larges populations pour mieux comprendre l’impact des facteurs environnementaux sur le cancer, l’état de santé des étudiants, les maladies psychiatriques ou encore certaines maladies rares.

Cohorte COBLance : 2000 patients atteints de cancer de la vessie

Le cancer de la vessie touche très majoritairement les hommes. Avec plus de 10 000 nouveaux cas diagnostiqués en 2008 et plus 4 800 décès enregistrés il reste un des cancers les plus difficiles à traiter. La cohorte COBLance permettra de suivre pendant 9 ans 2000 patients atteints de cancer de la vessie chez lesquels des données épidémiologiques, économiques, urologiques, pathologiques et de biologie moléculaire seront recueillies. L’objectif majeur : identifier les molécules biologiques qui pourraient prédire l’évolution de la maladie.

Ce projet sera financé à hauteur de 2,059 millions d’euros.
Il sera porté par Simone Benhamou, directrice de recherche Inserm. Unité U946 « Variabilité génétique et maladies humaines »

E4N : suivre les enfants et petits enfants de plus de 100 000 femmes

La cohorte E4N a pour objectif l’étude de l’environnement familial et génétique de la descendance des femmes recrutées dans une première cohorte baptisée E3N (100 000 femmes suivies depuis 20 ans).

E4N évaluera l’impact sur l’état de santé à l’âge adulte de l’exposition à certains facteurs environnementaux au début de la vie.

Au niveau des femmes adultes, l’étude portera sur l’influence du traitement hormonal de la ménopause, l’influence des habitudes alimentaires et du style de vie sur le risque de développer des maladies dont les cancers.

Ce projet sera financé à hauteur de 7 948 200 €.
Il est porté par Françoise Clavel-Chapelon, directrice de recherche Inserm et responsable de l’équipe « nutrition, hormones, et sante des femmes » au sein de l’unité Inserm 1018.

CRCNA UMR 892Centre de Recherche en Cancérologie Nantes-Angers

© Inserm, P. Latron

HOPE-EPI : mieux connaitre et mieux traiter les cancers de l’enfant

En 2010, 17 000 données relatives aux cancers de l’enfant ont été recensées. Ce projet permettra, en mutualisant les efforts de collecte de données et de validation d’informations, d’identifier les risques environnementaux et les risques génétiques liés au cancer de l’enfant. La disparité des traitements sera identifiée ainsi que les effets secondaires à court et à long terme.

Ce projet sera financé à hauteur de 5 582 300 €.
Il est porté par Jacqueline Clavel, directrice de recherche Inserm, responsable de l’équipe « épidémiologie environnementale des cancers » au sein de l’unité Inserm 1018

RADICO : Fédérer les 250 000 personnes incluses dans les cohortes de patients atteints de maladies rares

On estime aujourd’hui qu’il existe 6000 maladies rares en France. Elles touchent 3 millions de personnes. Le projet RADICO est une fédération des cohortes de patients atteints de maladies rares dont les activités seront centralisées à l’hôpital Trousseau. Cette cohorte permettra la sélection de données pour les études épidémiologiques et permettra d’assurer l’émergence des programmes de recherche. Cette cohorte est fondamentale pour l’identification de gènes et de mécanismes à l’origine de nombreuses maladies humaines. Elle est également indispensable pour le développement d’essais thérapeutiques. Les découvertes issues de ce projet pourront également avoir d’autres retombées et contribuer à l’amélioration du traitement de maladies plus fréquentes.

Ce projet sera financé à hauteur de 10 072 118 €.
Il est porté par Serge Amselem, directeur de l’Unité inserm 933 « physiopathologie des maladies génétiques d’expression pédiatrique »

Ville européenne des Sciences

© Inserm, E. Begouen

30 000 jeunes adultes étudiés à la loupe : le projet I-Share

Mené en partenariat avec le PRES de Bordeaux, Cette cohorte est destinée à explorer les facteurs de risque des maladies chez 30 000 étudiants suivis au moins 10 ans. Peu d’informations sont disponibles sur l’état de santé des jeunes adultes, en dépit de risques spécifiques (troubles de l’humeur et suicide, conduites à risque et accidents, exposition à l’alcool et aux drogues).

Il est aussi important de comprendre comment les expositions de cette période d’âge influencent des maladies auxquelles ils seront confrontés dans leur futur. Le projet i-SHARE permettra d’explorer l’impact des facteurs de risque et des comportements sur des paramètres aussi variés que la morbidité immédiate ou à long terme, ou le succès et le devenir professionnel des étudiants.

Ce projet sera financé à hauteur de 8 911 664 €.
Il est porté par Christophe Tzourio, directeur de recherche Inserm. Unité 708 « Neuroépidémiologie »

30 000 patients atteints de sclérose en plaque : cohorte OFSEP

L’Inserm, l’université Claude Bernard Lyon 1 et les Hospices civils de Lyon piloteront conjointement cette cohorte comportant plus de 30 000 patients.

Le projet OFSEP permettra d’enrichir cette cohorte déjà existante de données biologiques, d’imagerie, et de données socioéconomiques. Il vise aussi à développer, au sein de cette cohorte générique, des cohortes plus ciblées.

A terme, les chercheurs espèrent améliorer la prise en charge et le développement de nouvelles thérapies de la sclérose en plaques.

Ce projet sera financé à hauteur de 10 341 968 €.
Il est porté par Christian Confavreux. Unité Inserm 842 « Neuro-oncologie et neuro-inflammation »

demyelinisation-sep

Processus de démyélinisation dans la SEP  © Inserm, F. Koulikoff

CANTO : quelle toxicité des traitements du cancer du sein ?

Menée conjointement par l’Institut Gustave Roussy et l’Inserm, en forte coopération avec la Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer, cette cohorte a pour objectif l’étude des toxicités chroniques des traitements anticancéreux chez 20 000 patientes atteintes d’un cancer du sein.

Malgré leur efficacité indiscutable, ces traitements présentent une toxicité chronique qui va toucher plus de 30000 patientes par an. La description de l’incidence, des caractéristiques cliniques et biologiques et des conséquences à long terme des toxicités chroniques seront recensées. L’impact psychologique du développement de ces toxicités chez les patientes sera analysé.

Ce projet sera financé à hauteur de 13 870 288 €.
Le projet CANTO est porté par Fabrice André directeur de l’unité de recherche U981 « Biomarqueurs prédicteurs et nouvelles stratégies moléculaires en thérapeutique anticancéreuse » et cancérologue à l’Institut de cancérologie Gustave Roussy (IGR, Villejuif).

Psy-COH : Les maladies mentales un des grands défis de santé publique

Porté par la Fondation FondaMental dont l’Inserm est un des membres fondateur, le projet Psy-COH va suivre 10 ans une cohorte de 2000 patients jeunes, atteints de 3 maladies psychiatriques majeures : schizophrénie, psychose maniacodépressive (« trouble bipolaire »), ou le syndrome d’Asperger. La recherche portera sur les molécules dont la présence apporte des indications sur certaines caractéristiques, en particulier génétiques de la maladie sur les facteurs de risque, la stratégie diagnostique, et le coût de chacune de ces maladies (économie de la santé). Le projet Psy-CHO permettra d’améliorer le diagnostic, la prise en charge et le traitement des maladies psychiatriques chroniques.

Ce projet sera financé à hauteur de 1 955 053 €.
Il est porté par Marion Leboyer. Unité Inserm 955 – Institut Mondor de Recherche biomédicale (IMRB)

CKD- Rein : Les maladies rénales enfin sur le devant de la scène

Pilotée par l’Université Paris-Sud, cette cohorte de patients porteurs d’une maladie chronique du rein est destinée à explorer les causes de l’apparition d’une insuffisance rénale, en étudiant en particulier les facteurs sociaux, environnementaux, comportementaux, génétiques et les biomarqueurs (caractéristiques biologiques spécifiques) prédictifs de l’évolution de la maladie, et d’observer la survenue des diverses complications des maladies rénales.

Ce projet sera financé à hauteur de 4 088 460 €.
Il est porté par Bénédicte Stengel, directrice de recherche Inserm au sein de l’équipe « épidémiologie de l’obésité, du diabète et de la maladie rénale chronique : approche vie entière, déterminants nutritionnels précoces » de l’unité Inserm 1018.

Lignée cellulaire HEK-293. rein

Lignée cellulaire HEK-293 (Human Embryonic Kidney), issue de tissu épithélial humain du rein, observé en microscopie confocale  © Inserm, O. Trassard

Cryostem : mieux comprendre la maladie du greffon contre l’hôte

Coordonné par Régis Peffault de Latour en partenariat avec la Société Française de Greffe de Moelle et de Thérapie Cellulaire (SFGM-TC), Cryostem a pour objectif de mieux caractériser la maladie du greffon contre l’hôte. Le projet a pour but de constituer une collection exhaustive de prélèvements biologiques (cellules, ADN, plasma) de patients greffés à partir de cellules souches hématopoïétiques, afin de mieux comprendre les facteurs génétiques et moléculaires de la maladie du greffon contre l’hôte responsable d’un taux encore inacceptable de morbidité et de mortalité après allogreffe. L’objectif à terme est de pouvoir diminuer les complications liées aux greffes de cellules souches hématopoïétiques dans les cancers du sang, et ainsi d’en augmenter le succès. La maladie du greffon contre l’hôte touche plus de 30 % des 1500 greffés par an en France.

Ce projet sera financé à hauteur de 3 430 000 €.

Il est porté par Régis Peffault de Latour, chercheur au sein de l’Unité Inserm 728 « Gvh et gvl : physiopathologie chez l’homme et chez l’animal, incidence et rôle thérapeutique »

Coups d’élan pour la Recherche française – La Fondation Bettencourt Schueller récompense 4 laboratoires prestigieux de l’Inserm

Madame Liliane Bettencourt, Présidente de la Fondation Bettencourt Schueller, a remis, mardi 25 janvier à l’Institut de France, en présence d’éminents représentants de la communauté scientifiques française, les Prix de la 11e édition des Coups d’élan pour la Recherche française.

Ces prix sont attribués chaque année à des laboratoires français de recherche renommés pour la qualité de leurs équipes et le caractère prometteur de leurs recherches afin de leur permettre d’optimiser leurs infrastructures (locaux, matériel) et de bénéficier d’une aide ponctuelle au fonctionnement.

Au total, à ce jour, 34 laboratoires (soit près de 1000 chercheurs) ont déjà bénéficié des Coups d’élan pour la Recherche française de la Fondation Bettencourt Schueller.

Institut de France

© S. Compoint

Cette année, la Fondation Bettencourt Schueller a décidé d’attribuer 1 000 000 € à 4 équipes de l’Inserm. Les lauréats sont :

Équipe dirigée par le Pr. François Goffinet, Unité Inserm 953 « Recherche épidémiologique en santé périnatale et santé des femmes et des enfants », Hôpital Cochin-Saint-Vincent de Paul, Paris
L’objectif des recherches du laboratoire de François Goffinet est d’accroître les connaissances nécessaires à une meilleure définition et une meilleure mise en application de pratiques et de politiques efficaces concernant la santé de la femme et de l’enfant dans la période qui entoure la grossesse et l’accouchement. Son équipe évalue les pratiques cliniques et les modes d’organisation des soins et met au point des indicateurs en santé périnatale dans le but de développer les connaissances permettant de définir de nouveaux protocoles de soins ou d’adapter des mesures réglementaires.
L’installation de l’unité dans un nouveau bâtiment de la maternité Port-Royal, soutenue par le Prix Coups d’élan, permettra de regrouper des services cliniques et des équipes de recherche, facilitant ainsi les interactions entre cliniciens et chercheurs dans le domaine de la santé périnatale et maternelle.

Équipe dirigée par le Pr. Michel Haïssaguerre, Unité Inserm 1045, Laboratoire « Electrophysiologie et stimulation cardiaque », Hôpital Haut-Lévêque, Bordeaux
a fonction cardiaque est, dans l’esprit de tous, associée à la contraction du muscle cardiaque. Cette action mécanique n’est cependant possible qu’après l’activation électrique des cellules cardiaques, s’exprimant par l’électrocardiogramme. Près de la moitié des décès d’origine cardiaque sont des dysfonctionnements électriques se traduisant par des morts subites, très largement liées à une arythmie instantanément mortelle (fibrillation ventriculaire), correspondant à une « tornade » électrique. Michel Haïssaguerre a montré que ces tornades électriques sont initiées par les cellules de Purkinje, provenant d’une fraction infime de la masse cardiaque. Ces travaux ont eu un impact considérable dans la compréhension et le traitement des troubles du rythme cardiaque. Le défi majeur reste l’identification des sujets menacés.
Le Prix Coups d’élan permettra à cette équipe de s’installer dans le nouveau Centre de recherche cardio-thoracique situé à Bordeaux.

Équipe dirigée par le Pr. Guido Kroemer, Unité Inserm 872, laboratoire « Apoptose, Cancer et immunité », Centre de Recherche des Cordeliers, Paris
Guido Kroemer s’intéresse aux interactions entre médicament, cellule cancéreuse et système immunitaire, et plus particulièrement aux mécanismes de l’apoptose, processus de mort cellulaire programmée. Ces recherches ont permis de démontrer que la chimiothérapie anticancéreuse est particulièrement efficace lorsqu’elle induit une mort cellulaire immunogénique et déclenche une réponse immunitaire contre le cancer. L’objectif ultime de ce projet de recherche est d’isoler les signaux émis par les cellules tumorales succombant à une mort cellulaire immunogénique et de définir quels médicaments anticancéreux seraient capables de déclencher ce processus apoptotique.
Le Prix Coups d’élan va permettre de rénover des locaux du Centre de Recherche des Cordeliers (Paris) où s’installera le l’équipe de Guido Kroemer, ainsi que d’équiper son laboratoire de matériel pour la culture cellulaire.

Équipe dirigée par le Dr. Julien Marie, Unité Inserm 1052, Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon, laboratoire « TGF-beta et échappement immunitaire », Centre Léon Bérard, Lyon
Parmi les cellules qui composent notre système immunitaire, les lymphocytes T présentent une activité spécifique et accrue contre les cellules cancéreuses et sont ainsi capables de les tuer efficacement in vitro. Cependant, au sein de l’organisme, cette activité antitumorale des lymphocytes T est moins efficace car elle est réprimée par l’action d’une protéine, le TGF-ß, produite par les cellules tumorales. Julien Marie s’intéresse au rôle joué par le TGF-ß dans le contrôle des lymphocytes T et cherche à élucider les mécanismes qui bloquent leur activation au moyen d’approches physiopathologiques nécessitant des investigations à l’échelle de l’organisme.
Le Prix Coups d’élan va permettre à ce laboratoire d’aménager, d’équiper et de mettre aux normes une animalerie pour souris dépourvues de germes pathogènes.

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Coups élan Bettencourt Schueller © S. Compoint

De gauche à droite : Dr. Julien Marie (Lauréat des Prix Coups d’élan 2010), Gabriel de Broglie (Chancelier de l’Institut de France), Pr. Hugues de Thé (Membre du Comité Scientifique de la Fondation Bettencourt Schueller), Pr. François Goffinet (Lauréat des Prix Coups d’élan 2010), Dr. Sebastian Amigorena (Membre du Comité Scientifique de la Fondation Bettencourt Schueller), Liliane Bettencourt (Présidente de la Fondation Bettencourt Schueller), Pr. Guido Kroemer (Lauréat des Prix Coups d’élan 2010), Pr. André Syrota (PDG de l’Inserm), Pr. Pierre Corvol (Président du Comité Scientifique de la Fondation Bettencourt Schueller).

Découverte d’une nouvelle stratégie bactérienne pour contrôler l’immunité

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’INRA, de l’Inserm et du CNRS viennent d’identifier un mécanisme qui permet à la bactérie pathogène Listeria monocytogenes de reprogrammer à son avantage l’expression des gènes de la cellule qu’elle infecte. L. monocytogenes sécrète une protéine capable de pénétrer dans le noyau des cellules afin de prendre le contrôle de gènes du système immunitaire de l’hôte. Ces travaux ont été publiés sur le site de la revue Science le 20 janvier 2011.

Lors d’une infection, les bactéries pathogènes doivent déjouer les défenses immunitaires de l’hôte infecté pour s’établir de façon pérenne dans son organisme. On savait jusqu’ici que le contrôle du système immunitaire de l’hôte passait par la manipulation de signaux cellulaires responsables de l’activation des cellules de l’immunité. Une étude réalisée chez Listeria monocytogenes, la bactérie responsable de la listériose humaine, vient pour la première fois de montrer que les bactéries pathogènes peuvent agir directement dans le noyau de la cellule hôte, pour reprogrammer à leur avantage des gènes sous la dépendance des interférons, destinés à activer le système immunitaire (1). Cette étude a été conduite par Hélène Bierne au sein de l’unité des Interactions bactéries-cellules (Institut Pasteur, Unité Inserm 604, INRA USC2020) dirigée par Pascale Cossart, en collaboration avec d’autres équipes de l’Institut Pasteur, du CNRS (Gif-sur-Yvette, Université Paris Diderot – Paris 7 et Grenoble) et de l’IBMC (Porto).

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Morphologie de listeria monocytogènes, bactérie responsable de méningite cérébrospinale. © Inserm/Gounon, Pierre

Ces travaux s’inscrivent dans la lignée d’une étude réalisée par la même équipe en 2009. Celle-ci avait permis l’identification d’un complexe capable de verrouiller l’expression des gènes en compactant l’ADN (2).

Ici, les chercheurs ont identifié une petite protéine bactérienne, nommée LntA, capable de faire sauter ce verrou en se fixant directement sur le complexe, ce qui provoque l’ouverture de l’ADN compacté et donc l’accès aux gènes.

On ignore encore comment, et à quel moment, la bactérie décide de la production de ce facteur LntA, mais son expression est indispensable au bon déroulement de l’infection par Listeria, qui peut grâce à elle activer ou réprimer à sa guise l’immunité de l’hôte.

Ces travaux laissent entrevoir le rôle d’une régulation épigénétique – des changements dans l’expression des gènes, ayant lieu sans altération de la séquence ADN – dans l’infection par L. monocytogenes. Cette découverte, si elle se vérifiait pour d’autres pathogènes, apporterait de précieuses informations permettant de mieux comprendre et, à terme, de mieux lutter, contre les maladies infectieuses et immunitaires.

Cette étude a reçu notamment le soutien financier de la Communauté européenne (programmes ERANET PathoGenomics et ERC).

Le premier médicament contre l’hépatite fulminante mis à l’essai

L’hépatite aiguë sévère et fulminante peut avoir pour origine une cause toxique (médicaments, champignons vénéneux, facteur d’environnement) ou infectieuse (hépatites virales). Elle peut entraîner une défaillance du foie, mortelle dans certains cas faute de transplantation hépatique. À ce jour, aucun traitement n’existe contre ces formes d’hépatite. Des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Paris-Sud 11 au sein de l’Unité « Pathogenèse et traitement de l’hépatite fulminante et du cancer primitif du foie » ont développé une protéine recombinante médicament HIP/PAP qui agit sur le processus de régénération hépatique en protégeant les hépatocytes de la mort cellulaire et en stimulant leur prolifération. Cette protéine fait actuellement l’objet d’une évaluation chez les patients dans le cadre d’un essai clinique de phase 2, et pourrait constituer dans les prochaines années une nouvelle classe de médicaments de l’insuffisance hépatocellulaire aiguë.

L’hépatite aiguë sévère et fulminante est un syndrome rare caractérisé par la destruction des cellules du foie qui sont alors incapables d’assurer leur fonction métabolique et de détoxification. Le foie est un organe singulier en ceci qu’il est le seul organe à avoir la capacité de se régénérer – et ainsi restaurer sa masse initiale – afin de compenser un dommage (hépatite) et/ou une perte tissulaire. Ce processus fondamental est à l’origine de la guérison spontanée d’un grand nombre d’hépatites aiguës. Malheureusement, lorsque, par exemple, le processus de destruction est étendu, les mécanismes de la régénération spontanée du foie sont inopérants ; la seule alternative pour éviter le décès des patients est alors la transplantation hépatique. Cependant, malgré d’indéniables progrès dans la conduite thérapeutique, la mortalité reste très élevée (de 45 à 95%).

Foie hépatite C

© Fotolia

Investie depuis de nombreuses années dans les domaines des biothérapies et des mécanismes moléculaires et cellulaires responsables de la régénération du foie, l’équipe de l’Unité Inserm U785/Université Paris-Sud 11, animée par les docteurs Jamila Faivre et Christian Bréchot, étudie la capacité de la protéine HIP/PAP, une petite protéine produite naturellement par divers tissus de l’organisme, à stimuler la régénération des cellules hépatiques.

Une première série d’expériences in vitro a révélé le mode d’action de HIP/PAP dans les hépatocytes primaires. « Quels que soient les inducteurs utilisés pour déclencher la mort des cellules hépatiques, il y a production en excès d’espèces réactives oxygénées (ROS) qui dépassent les systèmes anti-oxydants de défense des hépatocytes et conduisent à leur mort », a constaté Jamila Faivre.

« En éliminant le radical hydroxyle très délétère pour les cellules, la protéine HIP/PAP permet la survie des cellules hépatiques, et, in fine, la régénération du foie. »

Il est à noter que ce déséquilibre chimique entre stress oxydatif / systèmes antioxydants est aujourd’hui incriminé dans le développement de nombreuses maladies, telles que les cancers, les pathologies neurodégénératives ou cardiovasculaires, ainsi que dans des processus physiologiques comme le vieillissement.

Suite à ces premiers résultats, une étude in vivo d’évaluation de l’effet curatif de HIP/PAP a été entreprise dans un modèle murin. Des doses croissantes de protéine HIP/PAP leur ont été administrées à différents stades de la maladie. L’équipe de Jamila Faivre a observé que les souris traitées avec HIP/PAP à des stades avancées de la maladie ont présenté des taux de survie supérieurs aux souris contrôles de l’ordre de 70%.

Ces études s’accordent à montrer que la protéine HIP/PAP protège les cellules du foie de multiples agressions et stimule la régénération hépatique dans un foie nécroticoinflammatoire, et, cela même à un stade avancé de la maladie.

L’équipe Inserm U785/Université Paris-Sud 11, en étroite collaboration avec la société de biotechnologies Alfact innovation, a entrepris la production de lots cliniques GMP à l’échelle industrielle ainsi que des études de toxicologie réglementaire précliniques et cliniques. Un essai de phase 1 mené en 2009 a conclu à la non-toxicité de la protéine chez l’homme et a permis de déterminer la pharmacocinétique du produit (biodistribution, demi-vie biologique, posologies).

En septembre 2010, un essai clinique multicentrique de phase 2 a débuté. Il prévoit l’inclusion de 60 patients atteints d’hépatite aiguë sévère ou fulminante recevant une dose d’HIP/PAP ou de placebo injectée toutes les 12 heures pendant 3 jours. Les premiers résultats devraient être rendus publics fin 2012.

Les migraines et céphalées sans risque pour la cognition

Des maux de tête importants et à répétition sont associés à une présence plus forte de petites lésions cérébrales détectables par imagerie du cerveau (IRM). Pour autant, ils n’augmentent pas le risque de déclin cognitif. Ceci est vrai pour les céphalées classiques comme pour les migraines. Cette conclusion rassurante apportée par des chercheurs de l’Unité mixte Inserm-Université Pierre et Marie Curie, Paris « Neuroépidémiologie », est fondée sur le suivi d’une cohorte de 780 personnes de plus de 65 ans issues de la population générale à Nantes.

Les résultats de cette étude sont publiés ce jour dans la revue British Medical Journal online.

Des travaux récents, notamment l’étude CAMERA, ont examiné par IRM le cerveau des migraineux et ont montré qu’ils présentaient plus souvent des lésions des micro-vaisseaux du cerveau que le reste de la population.

Les lésions des micro-vaisseaux cérébraux
Les lésions des microvaisseaux cérébraux visibles sur l’IRM cérébrale peuvent être de différente nature: hypersignaux au niveau de la substance blanche et infarctus silencieux, plus rares, traduisant une perte de tissu au niveau de la substance blanche. Elles proviennent d’une détérioration des toutes petites artères cérébrales irriguant la substance blanche cérébrale qui assure, entre autres, la conduction de l’information entre différentes parties du cerveau. Ces lésions sont observées chez pratiquement toutes les personnes âgées mais leur sévérité est très variable d’un individu à l’autre et il a été montré qu’elles étaient plus sévères chez les hypertendus et les diabétiques. Une forte quantité d’hypersignaux entraîne de nombreuses complications cérébrales: détérioration cognitive et majoration du risque de maladie d’Alzheimer, dépression, troubles de la marche, risque augmenté d’accident vasculaire cérébral.

Or, selon plusieurs études, la présence en grande quantité de ce type de lésions cérébrales augmente le risque de détérioration cognitive (raisonnement, mémoire, etc.) et de maladie d’Alzheimer. C’est pourquoi l’équipe de recherche coordonnée par Christophe Tzourio, directeur de l’Unité mixte Inserm-Université Pierre et Marie Curie 708 « Neuroépidémiologie », a fait l’hypothèse que la migraine pourrait « abîmer » le cerveau.

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Examens cérébraux par IRM de deux personnes participant à l’étude EVA. A gauche on ne voit pas de lésion détectable. A droite, chez un autre participant de même âge, on visualise de nombreuses lésions en hypersignal (flèches) autour des ventricules et dans la substance blanche profonde. © Inserm, T. Kurth et coll.

Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont évalué l’impact de la migraine sur la cognition. L’équipe a utilisé la cohorte EVA composée de personnes âgées de plus de 65 ans recrutées dans la population générale à Nantes et suivies pendant une dizaine d’années. Des IRM cérébrales ont été pratiquées chez plus de 800 d’entre elles et ces personnes ont également eu un interrogatoire sur leurs céphalées par un neurologue.

« L’avantage de cette cohorte est qu’il s’agissait de personnes relativement âgées. Or, comme la migraine débute souvent avant 30 ans, si celle-ci avait effectivement un effet délétère et cumulatif sur le cerveau, nous devions observer des dommages cérébraux et un déclin cognitif accru chez les migraineux », explique Christophe Tzourio.

Les tests de cognition effectués portaient sur l’évaluation de l’orientation des volontaires dans le temps et dans l’espace, leur mémoire à court terme ou encore leur capacité et leur rapidité à effectuer correctement des tâches spécifiques.

Les résultats montrent que 21 % des personnes souffrent ou ont souffert de céphalées sévères au cours de leur vie. Pour plus de 70 % d’entre elles, il s’agissait de migraines dont certaines avec aura (voir encadré ci-dessous). Les IRM des participants ayant des céphalées sévères confirment qu’ils ont deux fois plus de risque d’avoir une quantité importante de lésions des micro-vaisseaux cérébraux par rapport aux sujets sans céphalées. En revanche, les scores cognitifs étaient identiques chez les personnes avec ou sans céphalées sévères, qu’ils aient ou non des lésions des micro-vaisseaux cérébraux. Chez les participants ayant une migraine avec aura (2% de l’ensemble de l’échantillon), une augmentation spécifique des infarctus cérébraux silencieux et de certaines lésions a été observée, confirmant ainsi les études précédentes, mais sans atteinte cognitive décelable. « Il s’agit d’un résultat très rassurant pour les nombreuses personnes qui souffrent de migraine. Malgré la présence accrue de lésions des micro-vaisseaux cérébraux, cette pathologie n’augmente pas le risque de déclin cognitif. Nous n’avons donc pas observé de conséquence négative de la migraine sur le cerveau. » conclut Tobias Kurth, premier auteur de cette étude, qui a conçu et réalisé ces analyses.

Migraine et lésions cérébrales : un lien suspect
Les maux de tête (ou céphalées) sont très courants dans la population. C’est notamment le cas de la migraine, une variété de céphalées très douloureuses, chroniques et handicapantes. On estime qu’environ 12% des adultes et 5 à 10 % des enfants sont atteints, ce qui représente 11 millions de migraineux en France. Il existe deux types de migraine, la migraine sans aura, de loin la plus fréquente, et la migraine avec aura (15% des migraines). L’aura migraineuse consiste en l’apparition de phénomènes le plus souvent visuels (zig-zags lumineux, impression de voir à travers un verre dépoli, etc.) dans les minutes précédant l’apparition des céphalées. Les mécanismes de la migraine et de l’aura sont encore largement inconnus mais on suspecte un rétrécissement transitoire des vaisseaux pouvant être responsable d’une baisse du débit de sang dans le cerveau et favorisant l’apparition de l’aura migraineuse. De nombreux travaux ont d’ailleurs montré que les personnes ayant une migraine avec aura ont un risque augmenté de faire un infarctus cérébral (ou attaque cérébrale). Fort heureusement, ce risque reste faible chez les migraineux mais cela confirme l’existence d’un lien entre migraine et vaisseaux du cerveau.

Comment l’anesthésie perturbe la perception de soi?

Des chercheurs de l’Inserm à Toulouse dirigés par Stein Silva (Unité Inserm 825 « Imagerie cérébrale et handicaps neurologiques ») en collaboration avec l’Equipe d’Accueil « Modélisation des agressions tissulaires et nociceptives » (MATN IFR 150), se sont penchés avec intérêt sur les illusions décrites par de nombreux patients sous anesthésie régionale. Dans leur travail publié dans la revue Anesthesiology, les chercheurs ont montré que l’anesthésie d’un bras modifie l’activité du cerveau et altère rapidement notre façon de percevoir notre propre corps. L’objectif final : comprendre comment les circuits neuronaux se réorganisent à ce moment précis et profiter de l’anesthésie pour les reconfigurer correctement après un traumatisme. De cette manière, ces techniques anesthésiques pourraient être utilisées dans l’avenir pour traiter les douleurs dites de membres fantômes décrites par les patients amputés.

Depuis quelques années, la recherche en neurosciences a montré que le cerveau est une structure dynamique. C’est grâce à l’existence de ses propriétés plastiques que des phénomènes tels que l’apprentissage, la mémorisation ou la récupération après une agression cérébrale sont possibles. Cependant, cette plasticité cérébrale n’a pas toujours un rôle bénéfique.

Par exemple, certains patients amputés qui présentent des douleurs chroniques (douleurs dites de « membre fantôme ») ressentent leur membre disparu comme étant « encore présent »). Ces illusions de « membre fantôme » sont liées à l’apparition au sein du cerveau de représentations inadaptées du segment du corps disparu.

Or, les personnes qui subissent une anesthésie régionale(1) décrivent ces mêmes images faussées.

Forts de ces constatations, les chercheurs de l’Inserm ont voulu savoir si l’anesthésie, en dehors de sa fonction première, pouvait être à l’origine de phénomènes analogues au niveau cérébral. Dans ce cas, elle pourrait constituer un nouvel outil thérapeutique capable de moduler l’activité du cerveau.

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© Stein Silva/Inserm

Une équipe dirigée par Stein Silva a donc suivi 20 personnes devant subir une anesthésie du bras avant une intervention chirurgicale. Des images 3D de mains sous différents angles de vues leur ont été soumises et leur capacité à reconnaitre une main droite d’une main gauche a été évaluée. Leurs performances reflétaient l’effet de l’anesthésie sur leur capacité à se représenter un schéma corporel correct.

A partir de ces tests, les chercheurs ont observé trois phénomènes :

– Tous les patients décrivent des sensations illusoires de leur bras (sensation de gonflement, différence de taille et de forme, posture imaginée).
– D’une façon générale, les patients sous anesthésie sont beaucoup plus lents à reconnaitre une main gauche d’une main droite et font beaucoup plus d’erreurs que ceux n’ayant pas subi d’anesthésie.
– De meilleures performances sont associées à la possibilité de voir le membre anesthésié. En d’autres termes, l’anesthésie d’une main (déafférentation périphérique[2]) modifie l’activité du cerveau et altère rapidement notre façon de percevoir le monde et notre propre corps.

Les chercheurs poursuivent actuellement leur travail pour caractériser précisément les régions cérébrales impliquées (imagerie cérébrale fonctionnelle). Dans l’avenir, ils espèrent également utiliser l’anesthésie à des fins thérapeutiques en modulant la plasticité post-lésionnelle (douleurs chroniques chez des patients amputés, amélioration de la récupération des cérébrolésés).

Pour Stein Silva, anesthésiste, chercheur à l’Inserm et principal auteur de l’étude, il faudra surement « développer des techniques d’anesthésie nouvelles qui permettront d’inhiber ou de stimuler directement des représentations cérébrales impliquées dans les phénomènes douloureux. »

(1) On parle ici d’anesthésie loco régionale. Elle se distingue de l’anesthésie locale (simple endormissement des tissus) par l’anesthésie du territoire desservi par un nerf ou un groupe de nerfs.
(2) Interruption, consécutive à l’anesthésie, du mécanisme neurologique permettant le « transport » des sensations provenant des voies afférentes.

Alzheimer et syndromes apparentés : la protéine Tau impliquée dans la dégénérescence neuronale serait capable de protéger l’ADN

Tau est une protéine essentielle à la stabilisation des cellules, notamment les neurones du cerveau. Dans le cas de nombreuses maladies appelées Tauopathies dont la plus connue est la maladie d’Alzheimer, les protéines Tau s’agrègent anormalement et seraient à l’origine de la dégénérescence neuronale. Aujourd’hui, l’équipe « Alzheimer & Tauopathies » dirigée par Luc Buée, directeur de recherche CNRS au sein de l’Unité Mixte 837 Inserm/Université Lille Nord de France/CHRU de Lille, vient d’identifier un nouveau rôle de cette famille de protéines. Tau serait impliquée dans la protection de l’ADN dans des conditions de stress cellulaire. Ces travaux ouvrent la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques permettant de progresser plus rapidement dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer et les pathologies apparentées.

Les résultats, publiés dans l’édition du mois de février de la revue The Journal of Biological Chemistry, sont disponibles en ligne.

Avec plus de 860 000 personnes atteintes en France, la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées représentent la première cause de perte des fonctions intellectuelles liée à l’âge. Cette altération cognitive est le résultat de l’accumulation de protéines Tau anormales dans les cellules nerveuses qui entraine leurs dégénérescences (cf. schéma). Le dysfonctionnement de Tau provient d’un excès de phosphorylation (addition d’un groupe phosphate à une protéine ou à une petite molécule) conduisant à l’agrégation des protéines. La raison pour laquelle celles-ci subissent une phosphorylation anormale reste inconnue.

L’équipe « Alzheimer & Tauopathies » dirigée par Luc Buée révèle qu’une fraction de la protéine Tau sous sa forme « déphosphorylée » est capable, en conditions de stress cellulaire, de se fixer à l’ADN pour le protéger.

Les chercheurs ont observé, dans des neurones de souris déficients en protéines Tau, des dommages de leur l’ADN, en condition de stress cellulaire (choc thermique), ce qui n’est pas le cas dans des neurones normaux. L’ajout de protéines Tau normales (déphosphorylées) dans ces neurones déficients a permis de les protéger à nouveau des dommages à l’ADN. Ces résultats montrent que la protéine Tau est l’élément protecteur, ce qui lui confère un rôle clé dans la réponse au stress.

L’équipe de recherche a également montré que seules les protéines Tau « déphosphorylées » sont capables de passer dans le noyau de la cellule nerveuse pour protéger l’ADN. Dans le cas de la maladie d’Alzheimer et de nombreuses Tauopathies où l’on observe d’importants dommages à l’ADN, la phosphorylation anormale des protéines Tau empêcherait leur passage dans le noyau. Ainsi Tau ne pourrait pas exercer son rôle entrainant des dommages accrus à l’ADN.

Ces travaux ouvrent la voie à de nouvelles pistes de recherche permettant de progresser plus rapidement dans la lutte contre cette maladie et les pathologies apparentées. « Nous cherchons aujourd’hui à identifier la région de Tau impliquée dans la liaison à l’ADN et proposons d’étudier les mécanismes du passage de Tau dans le noyau, explique Luc Buée. En effet, moduler la phosphorylation permettrait de restaurer l’ensemble des fonctions normales de Tau et de protéger à nouveau les neurones des malades ».

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Zoom sur la dégénérescence des neurones dans la maladie d’Alzheimer – Dans le cas des neurones sains (en haut), la protéine Tau est normale. Dans le cas de neurones malades (en bas), des amas de protéines Tau anormales (phosphorylées) se forment entrainant la dégénérescence. © Wikimedia Commons

La fluoxetine (Prozac) accroit la récupération de la motricité après un accident vasculaire cérébral

A Toulouse, des chercheurs de l’Inserm dirigés par François Chollet (Unité Inserm 825 « Imagerie cérébrale et handicaps neurologiques » viennent de faire une nouvelle avancée dans le traitement des accidents vasculaires cérébraux. Selon l’essai thérapeutique FLAME (Fluoxetine for motor recovery after acute ischaemic stroke), prescrire l’antidépresseur fluoxétine (Prozac) précocement après un accident vasculaire cérébral peut améliorer la récupération de la motricité et augmenter l’indépendance des patients souvent lourdement touchés. Les résultats de ces travaux sont publiés le 10 janvier 2011 dans The Lancet Neurology.

L’accident vasculaire cérébral ischémique (AVC) est consécutif à l’obstruction d’un vaisseau transportant le sang dans le cerveau. Il représente la troisième cause de mortalité et la deuxième cause de handicap de l’adulte en France et touche chaque année environ 130 000 nouveaux patients. Il fait l’objet d’un plan national porté par le ministre de la santé.

L’AVC provoque des dommages parfois irréversibles au cerveau, car les cellules nerveuses ne se renouvellent pas (ou très peu) et leur mort par privation d’oxygène entraîne des pertes fonctionnelles. L’hémiplégie (paralysie de la moitié du corps) et l’hémiparésie (faiblesse de la moitié du corps) constituent les handicaps les plus fréquents après un accident vasculaire cérébral.

Quelques études préliminaires avaient suggéré que les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine pouvaient améliorer la motricité après accident vasculaire cérébral. La même équipe avait montré en 2001(1), sur un petit nombre de patients, que ce médicament était susceptible d’améliorer la motricité en augmentant l’activation et l’excitabilité des neurones des aires motrices cérébrales. Cette première étude a conduit à la réalisation de l’essai clinique dont les résultats sont publiés aujourd’hui.

L’objectif de L’essai FLAME (Fluoxetine for motor recovery after acute ischaemic stroke) était de déterminer si la fluoxétine pouvait augmenter la récupération de la motricité dans un groupe de patients plus important.

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© Inserm, F. Koulikoff

Entre mars 2005 et juin 2009, 118 patients hospitalisés pour hémiplégie au sein de neuf unités neurovasculaires en France ont pris 20mg de fluoxétine par jour (59 patients) ou un placebo (59 patients) pendant trois mois après la survenue d’un accident vasculaire cérébral ischémique. Tous les patients ont bénéficié d’une rééducation. Des tests moteurs ont été effectués au début puis au bout de trois mois de traitement. Cette évaluation de la motricité incluait à la fois la réalisation de mouvements simples du membre supérieur et du membre inférieur (flexion extension des doigts, du poignet, du pied…) ainsi que des gestes plus complexes (mettre la main dans le dos, attraper un objet…) inclus dans une échelle d’évaluation motrice validée par la communauté scientifique.

Une récupération motrice avérée

Dans les jours et les mois qui suivent l’accident, tous les patients récupèrent une partie de leurs capacités de manière spontanée. Toutefois l’ampleur de la récupération fonctionnelle reste imprévisible.

Or, une amélioration plus importante de la motricité a été observée chez les patients sous fluoxétine par rapport à ceux sous placebo. Ce gain était présent à la fois au niveau de la récupération motrice des bras et des jambes. De manière générale, la régression de la paralysie est supérieure chez les patients sous fluoxétine par rapport aux personnes sous placebo.

Parallèlement après trois mois de traitement le nombre de patients indépendants dans la vie quotidienne (marche, toilette, gestes courants, déplacements…) était plus important sous fluoxétine que sous placebo.

Globalement le traitement a été bien toléré et les effets secondaires limités. Des troubles digestifs transitoires ont été observés plus fréquemment sous fluoxétine mais la survenue d’une dépression nerveuse s’est avérée plus fréquente sous placebo suggérant que la fluoxétine peut prévenir les syndromes dépressifs post AVC.

Pour François Chollet et ses collaborateurs : « L’effet positif du médicament sur la récupération de la motricité de ces patients suggère que l’action de la Fluoxétine, sur plasticité des neurones et non pas sur les vaisseaux constitue une nouvelle voie thérapeutique au moment de la phase aiguë des accidents vasculaires cérébraux ». Ils ajoutent : « la fluoxétine est un médicament relativement bien toléré, dans le domaine public et dont le coût est raisonnable. »

Des développements sont à prévoir dans un futur proche. Il faut évaluer l’effet à plus long terme, la durée de prescription optimale, l’effet sur les fonctions neurologiques autres que la motricité, l’opportunité de traiter les accidents vasculaires hémorragiques notamment. La question de l’autorisation de mise sur le marché dans cette indication se posera à court ou moyen terme.

Cet essai a reçu la promotion du CHU de Toulouse dans le cadre d’un financement public par le PHRC national.

(1) Le prozac et consorts au service des attaques cérébrales-janvier 2002

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