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Comportements néfastes pour la santé et statuts socio-économiques : des écarts entre les pays

Les différences de santé entre groupes socio-économiques constituent l’un des résultats les plus constants de la recherche épidémiologique. L’équipe d’Archana Singh-Manoux de l’unité Inserm 1018 a mis en place une collaboration entre la cohorte française GAZEL (quelque 20000 personnes) et la cohorte britannique Whitehall II (environ 10000), afin de mieux comprendre le rôle des comportements de santé dans la genèse des inégalités sociales de mortalité selon les contextes socioculturels. Quelle que soit la population suivie (française ou britannique), l’association entre position socio-économique et mortalité d’une part, comportements de santé (régime alimentaire, activité physique, consommation d’alcool et de tabac) et mortalité d’autre part ; sont du même ordre de grandeur. En revanche, les chercheurs ont montré que chez les participants britanniques, les comportements néfastes étaient d’autant plus répandus que les personnes appartenaient à une classe sociale peu élevée. Ce qui est moins le cas dans la cohorte française.

Les résultats, publiés dans la revue PloS Medicine datée du 22 février sont disponibles en ligne.

Foule monde

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Les recherches épidémiologiques ont montré des différences de mortalité selon la position socio-économique dans différents pays. Silvia Stringhini, doctorante en d’épidémiologie dans l’Unité Inserm 1018, a montré que les « comportements sociaux » de santé (régime alimentaire, activité physique, consommation d’alcool et de tabac), qui constituent le mode de vie des individus, expliqueraient en grande partie l’association entre la position socio-économique et la mortalité dans un papier publié en 2010 (Stringhini et al., JAMA 2010). Jusqu’à présent, la contribution de ces comportements aux inégalités sociales de santé dans différents contextes culturels restait peu connue. C’est pourquoi, dans cette nouvelle étude, les chercheurs ont comparé leurs résultats à ceux de la cohorte française GAZEL en vue de les généraliser.

Le profil des cohortes
La cohorte épidémiologique GAZEL, à laquelle participent activement plus de 20 000 volontaires, agents et anciens agents d’EDF – GDF, a été mise en place en 1989. La cohorte Whitehall II, mise en place en 1985, est basée sur plus de 10 000 fonctionnaires britanniques.
Ces deux cohortes sont comparables pour l’âge des participants, la période de suivi, les mesures de la position socio-économique et les comportements de santé. Plusieurs indicateurs de la position socio-économique ont été utilisés : la profession, le niveau d’étude et le revenu.

La comparaison entre les pays
Quatre comportements potentiellement néfastes pour la santé ont été étudiés : consommation excessive d’alcool et de tabac, régime alimentaire déséquilibré, manque ou faible niveau d’activité physique.

  • Le lien entre la position socio-économique et la mortalité est similaire dans les deux cohortes : le taux de mortalité en France comme en Grande-Bretagne est deux fois plus important dans la catégorie socio-économique la moins élevée par rapport à la catégorie la plus élevée.
  • Dans la cohorte britannique, globalement, les comportements néfastes pour la santé sont plus fortement associés au statut socio-économique que dans la cohorte française.
  • Les chercheurs observent les mêmes résultats pour les différents indicateurs de la position socio-économique (profession – niveau d’étude – revenu).

Contrairement à ce qui se passe en Grande-Bretagne, ces résultats montrent que les comportements néfastes pour la santé semblent avoir une moindre influence sur les inégalités sociales de mortalité en France.

« La répartition sociale des comportements néfastes pour la santé dans la population est très différente d’un pays à l’autre. Cependant, l’association entre les comportements de santé et la mortalité suggère que la santé des populations pourrait être améliorée en ciblant les comportements néfastes quel que soit le contexte culturel » conclut Silvia Stringhini.

Les auteurs de l’étude s’accordent sur la prise en compte, pour la prévention, des différences culturelles qui jouent sur la répartition des comportements néfastes : « d’autres facteurs semblent contribuer aux inégalités sociales comme l’environnement, le stress et la prévention au travail, la sécurité sociale ou encore l’accès aux soins », ajoute Silvia Stringhini. Autant de facteurs dont l’étude comparative permettrait à terme d’identifier les déterminants universels et les cibles des inégalités sociales de santé.

Deux gènes de prédisposition à la glomérulonéphrite extramembraneuse identifiés

Un consortium européen de chercheurs (1), dont les équipes françaises de Pierre Ronco, directeur de l’unité mixte de recherche 702 « Remodelage et réparation du tissu rénal » (UPMC / Inserm), Hanna Debiec (Inserm / UPMC) et de Bénédicte Stengel (Inserm / Univ Paris Sud UMR_S 1018) ont identifié des gènes de prédisposition à une maladie du rein : la glomérulonéphrite extramembraneuse. Difficile à traiter, celle-ci peut mener à une insuffisance rénale nécessitant le recours à la dialyse ou à la greffe. La découverte de ces gènes définit des biomarqueurs de la glomérulonéphrite extramembraneuse, ce qui pourrait considérablement améliorer la surveillance et la prévention de la maladie.

Les travaux des chercheurs, publiés dans la revue The New England Journal of Medicine datée du 17 février 2011, sont disponibles en ligne. Dans le même numéro, une lettre de Hanna Debiec et Pierre Ronco complète les aspects génétiques de la glomérulonéphrite extramembraneuse par des données immunologiques.

La glomérulonéphrite extramembraneuse est une maladie rare qui touche le rein. Dans 85 % des cas, ses causes sont indéterminées : elle est dite « idiopathique ». Dans cette maladie, certains anticorps, des immunoglobulines, se déposent dans les glomérules du rein, qui sont des structures sphériques formées d’anses capillaires servant à filtrer le sang et à produire l’urine. La paroi des capillaires et les cellules (podocytes) qui la tapissent, composent le filtre glomérulaire, qui va être « attaqué » par ces dépôts. Les lésions du filtre entrainent le passage anormal dans les urines des protéines de gros diamètre, comme l’albumine, et la diminution de la concentration de ces protéines dans le sang. Le sel et l’eau vont alors s’infiltrer dans les compartiments extracellulaires, provoquant des œdèmes. Dans les cas avancés, les glomérules présentent une fibrose importante, compromettant le fonctionnement du rein. A terme, la glomérulonéphrite extramembraneuse peut engendrer une insuffisance rénale grave qui, au stade terminal, nécessite le recours à la transplantation. Malheureusement, la maladie récidive dans près de 40 % des cas sur le rein greffé.

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Néphron : coupe au cryostat dans un glomérule de rein humain chez un malade atteint de glomérulonéphrite extramembraneuse. Superposition des images 15050 et 15051. On met en évidence que les dépôts d’immunoglobulines sont à l’extérieur de la membrane basale, ce qui permet de caractériser cette maladie. © Inserm, Oriol, Rafael

Les mécanismes d’apparition de la glomérulonéphrite extramembraneuse sont encore mal connus. Hanna Debiec et Pierre Ronco ont cependant déjà dévoilé ceux d’une forme rare de glomérulonéphrite extramembraneuse néo-natale. En effet, ils ont étudié le cas d’un enfant né d’une mère atteinte d’un déficit en endopeptidase neutre, une enzyme normalement présente sur les podocytes du glomérule rénal. Les chercheurs ont découvert que la jeune femme a produit des anticorps contre cette enzyme, apportée pendant la grossesse par le placenta, et ils ont montré que les anticorps ont franchi la barrière placentaire, pénétré la circulation sanguine de l’enfant et atteint leur cible à la surface des podocytes, créant des dépôts extra-membraneux. Une autre équipe franco-américaine quant à elle, a récemment identifié chez 70% des adultes atteints de glomérulonéphrite, un autre antigène cible des anticorps sur les podocytes, le récepteur de la phospholipase A2 (PLA2R1). Contrairement à la glomérulonéphrite extramembraneuse de l’enfant d’origine allo-immune, la maladie de l’adulte est due à une réaction auto-immune.

Les équipes du Consortium ont exploré les bases génétiques de la maladie en étudiant de manière approfondie le génome de 556 malades adultes 398 hommes atteints d’une glomérulonéphrite extramembraneuse idiopathique et de près de 2 400 témoins. L’étude française a porté sur un groupe de sujets atteints de néphropathies glomérulaires, la cohorte GN-Progress, établie par Bénédicte Stengel et collaborateurs.

Les résultats montrent que le risque de développer une glomérulonéphrite extramembraneuse est 80 fois plus élevé chez les patients possédant 2 variants des gènes :

  • PLA2R1, situé sur le chromosome 2q24,
  • HLA-DQA1, situé sur le chromosome 6p21. Son rôle serait de présenter certaines parties (épitopes) de PLA2R1 au système immunitaire, qui en retour stimulerait la production d’anticorps contre PLA2R1.

Les résultats suggèrent en outre que des variations de séquence du gène PLA2R1 pourraient modifier les propriétés de cet antigène, influençant ainsi le développement de la réponse auto-immune.

Cependant, l’étude montre aussi que le risque de glomérulonéphrite extramembraneuse idiopathique est plus élevé avec les variants de HLA-DQA1 qu’avec ceux de PLA2R1, ce qui suggère que HLA-DQA1 pourrait favoriser le développement d’anticorps contre d’autres antigènes qui restent à identifier.

Ces résultats sont corroborés par la lettre publiée par Hanna Debiec et Pierre Ronco dans le même numéro de The New England Journal of Medicine, indiquant que 57% des sérums de patients atteints de glomérulonéphrite extramembraneuse « idiopathique » contiennent des anticorps anti-PLA2R1 alors que l’antigène PLA2R1 est retrouvé dans les dépôts immunologiques des glomérules chez les 3/4 des patients. La recherche d’autres cibles antigéniques de PLA2R1 s’avère donc nécessaire.

L’identification de ces 2 gènes de prédisposition à la glomérulonéphrite extramembraneuse idiopathique illustre parfaitement les découvertes récentes sur les mécanismes des maladies autoimmunes. En effet, celles-ci impliquent bien une « gâchette »-gène de réponse immune (ici HLA-DQA1), une « balle »-anticorps (ici des immunoglobulines anti-PLA2R1) et une « cible »-antigène, (ici l’antigène glomérulaire PLA2R1).

(1) Pierre Ronco et Hanna Debiec (Unité Inserm/UPMC UMR_S 702), Bénédicte Stengel (Unité Inserm/Univ Paris Sud UMR_S 1018), Centre National de Génotypage, Robert Kleta (University College de Londres, Angleterre), Peter Mathieson (Université de Bristol), Jack Wetzels (Radboud University, Nijmegen, Pays-Bas).

Nouveau : l’Inserm lance les communiqués-vidéos

Le service de presse de l’Inserm innove et lance une série de vidéos qui accompagne les principales publications scientifiques internationales de ses équipes. Lors de la diffusion de certains de ses communiqués de presse, l’Inserm propose désormais de courtes vidéos, qui illustrent les meilleurs résultats issus de ses laboratoires le jour même de leur parution. Dans un esprit communautaire et volontairement tourné vers le Web 2.0, ces vidéos sont accessibles sur les sites de partage. Qui mieux que le chercheur peut partager son enthousiasme et sa passion pour ses travaux ?

Si dans la plupart des cas, la présence localisée du méningocoque dans la gorge est sans aucune conséquence, elle peut accidentellement conduire à une méningite ou un choc sceptique. La gravité de ces deux dernières infections pousse les chercheurs du monde entier à mieux comprendre le mode de fonctionnement de cette bactérie, qui, dès lors qu’elle quitte son lieu de prédilection (la gorge) devient extrêmement dangereuse. L’équipe Avenir dirigée par Guillaume Duménil au sein de l’unité mixte de recherche Inserm 970, Université Paris Descartes « Paris centre de recherche cardiovasculaire » vient d’identifier comment cette bactérie se dissémine et quitte la gorge pour passer dans la circulation sanguine. Ces travaux ont été publiés le 11 février 2011 dans la revue Science.

Retrouvez l’ensemble des vidéos dans l’espace multimedia ou sur la chaine You Tube Inserm vidéo

Le sommeil permet de trier les informations importantes de celles qui ne le sont pas !

Le sommeil participe de manière très active au processus de fabrication des souvenirs. Mais comment notre cerveau distingue-t-il, parmi la multitude d’informations que nous traitons chaque jour, ce qui doit absolument être conservé en mémoire de ce qui peut être oublié ? Une étude publiée le 16 février 2011 dans la revue Journal of Neuroscience menée conjointement par Géraldine Rauchs (Unité Inserm U923, Caen), et ses collaborateurs Fabienne Collette et Pierre Maquet de l’université de Liège (Belgique), montre que le sommeil joue un rôle primordial dans la mémorisation à long terme des informations considérées comme importantes.

La mémoire comment ça marche ?

La mémoire est une fonction complexe qui nous offre la possibilité d’apprendre à skier, à jouer du piano mais également de se souvenir de nos vacances, notamment des détails, des émotions, des odeurs, etc. Nous sollicitons en permanence notre mémoire à court terme, qui permet d’utiliser des informations dans l’immédiat. Lorsque nous apprenons des informations plus importantes pour nous et qui seront utilisées ultérieurement, nous sollicitons notre mémoire à long terme. Pour stocker les souvenirs de manière durable en mémoire à long terme, ceux-ci vont devoir subir un processus lent et complexe dit de consolidation. Mais comment distinguer les informations à oublier de celles à conserver ?

L’activité de l’hippocampe au centre des souvenirs

Les chercheurs ont proposé à des personnes jeunes de faire travailler leur mémoire. Vingt-six volontaires (11 hommes et 15 femmes) âgés de 23 à 27 ans ont accepté de participer à cette étude. Les chercheurs leur ont présenté des mots. Certains devaient être retenus tandis que d’autres devaient être oubliés. Après avoir été confrontée à l’ensemble des mots, la moitié des sujets a pu dormir la nuit suivant cette phase d’apprentissage tandis que les autres ont été privés de sommeil. Ils ont ensuite été revus trois jours après pour tester leur mémoire sur l’ensemble des mots présentés.

Grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) fonctionnelle, les chercheurs ont montré que l’activité du cerveau lors de la phase d’apprentissage des mots permettait de déterminer le devenir des souvenirs après une nuit de sommeil. Ainsi l’hippocampe, petite structure située en profondeur du lobe temporal du cerveau et jouant un rôle majeur dans la mémoire, est plus actif lorsqu’il s’agit de retenir un mot plutôt que lorsqu’il s’agit de l’oublier. C’est également le cas pour les mots effectivement mémorisés comparés à ceux qui ont été involontairement oubliés alors que les personnes devaient les retenir.

Une activité modulée par le sommeil

Le résultat le plus original de cette étude est que cette activation de l’hippocampe lors de l’apprentissage détermine également ce qui sera consolidé au cours du sommeil de ce qui ne le sera pas.

Ces résultats montrent que l’activation de cette petite région lors de la confrontation à des informations nouvelles est un signal important indiquant à notre cerveau parmi toutes les informations qu’il reçoit lesquelles doivent être consolidées au cours du sommeil. « Notre étude va dans le sens de certains travaux qui suggèrent que l’hippocampe marquerait des populations neuronales spécifiques au moment de l’apprentissage (comme avec des étiquettes). Ces populations étiquetées seraient ensuite réactivées au cours du sommeil, mécanisme à la base du processus de consolidation » conclut Géraldine Rauchs.

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Visualisation par imagerie cérébrale fonctionnelle des régions cérébrales plus activées pour les mots à retenir comparés aux mots à oublier (vert) et pour les mots à retenir qui ont été effectivement mémorisés comparés à ceux qui étaient à retenir mais ont été involontairement oubliés (rouge) chez les sujets ayant dormi après l’apprentissage, comparés aux sujets privés de sommeil. © Inserm, Université de Liège

Le méningocoque envoie des « éclaireurs » pour se disséminer

Si dans la plupart des cas, la présence localisée du méningocoque dans la gorge est sans aucune conséquence, elle peut accidentellement conduire à une méningite ou un choc sceptique. La gravité de ces deux dernières infections pousse les chercheurs du monde entier à mieux comprendre le mode de fonctionnement de cette bactérie, qui, dès lors qu’elle quitte son lieu de prédilection (la gorge) devient extrêmement dangereuse. L’équipe Avenir dirigée par Guillaume Duménil au sein de l’unité mixte de recherche Inserm 970, Université Paris Descartes « Paris centre de recherche cardiovasculaire » vient d’identifier comment cette bactérie se dissémine et quitte la gorge pour passer dans la circulation sanguine. Ces travaux sont publiés le 11 février 2011 dans la revue Science.

Le méningocoque est une bactérie spécifique à l’homme. Elle est souvent présente à l’état non-pathogène dans la gorge de porteurs sains (5% à 30% de la population).

Cette persistance dans l’organisme peut tout de même s’avérer dangereuse dans certains cas. Le lieu où se multiplie la bactérie, la gorge, représente une porte d’entrée pour qu’elle se dissémine via la circulation sanguine ou qu’elle pénètre dans le cerveau. Dans ces deux derniers cas, l’infection devient alors très grave et provoque un choc septique ou une méningite. Sans une prise en charge très rapide, le taux de mortalité lié à ces deux infections est très important.

Guillaume Duménil et son équipe de recherche à l’Inserm se sont donc intéressés de près à cette bactérie, qui, lorsqu’elle passe dans la circulation sanguine devient dangereuse. « Certaines avancées acquises ces dernières années ont servi de point de départ à ce travail publié dans Science », explique le chercheur. « On sait par exemple que les méningocoques sont dotés de structures particulières : les pili. Ils leur permettent à la fois d’adhérer aux cellules de la gorge, de s’y multiplier et de former des agrégats. Nous étudions de près la protéine principale qui compose les pili : la piline » ajoute Guillaume Duménil.

Les chercheurs ont alors découvert que la protéine subissait différentes modifications au cours du temps. Parmi elles, l’une s’est avérée plus intéressante que les autres : l’ajout d’un phosphoglycérol. Ce groupement chimique une fois greffé à la piline donne le signal de dissémination.

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Cycle d’invasion de la bactérie responsable de la méningite © Inserm, G. Duménil

Des bactéries isolées de la colonie partent « en éclaireur »

A partir de ces premiers résultats, les chercheurs ont découvert la présence du gène qui permet le transfert du phosphoglycérol sur la piline : le gène pptB. Ce gène fonctionne à plein régime seulement lorsque la bactérie est au contact des cellules qui tapissent la paroi de la gorge. « L’emballement » du gène pptB, provoque l’ajout du phosphoglycérol à la piline. Celle-ci perd alors l’une de ses propriétés essentielles : sa capacité à former des agrégats. En conséquence, certaines bactéries se détachent de la colonie et se disséminent peu à peu. Cette stratégie va être utilisée par la bactérie à la fois pour coloniser d’autres endroits de la gorge et pour traverser les cellules qui la tapissent. « On pourrait presque comparer ce phénomène à la formation de métastases cancéreuses » souligne Guillaume Duménil.

C’est la première fois que des chercheurs identifient avec autant de précision la cascade d’évènements qui conduit la bactérie dans la circulation sanguine. C’est une première étape. « On sait dorénavant comment le méningocoque passe de la gorge au sang. Nous espérons pouvoir démontrer que ce processus est identique lorsque la bactérie passe du sang au cerveau et déclenche une méningite », conclut Guillaume Duménil.

Par ailleurs, si les chercheurs arrivent à trouver des molécules qui bloquent la dissémination, ils pourraient détenir là un outil à la fois préventif (blocage de la colonisation de la gorge et du passage vers la circulation sanguine) et thérapeutique (limitation de la colonisation des vaisseaux sanguins et de la transmission au cerveau).

Si la stratégie développée par le méningocoque assure sa multiplication dans la gorge et donc sa survie au cours de l’évolution, elle provoque aussi la mort de l’organisme, et donc sa propre mort. Encore une preuve que vivre en bonne intelligence avec son hôte n’est pas si facile.

Ces travaux font l’objet d’une protection par brevet, déposée par Inserm Transfert.

Une nouvelle piste pour un candidat-vaccin contre le virus du Sida

Des chercheurs français associant l’Université Paris Descartes, le CNRS et l’Inserm au sein de l’Institut Cochin, en collaboration avec la société Mymetics et avec le soutien de l’ANRS, ont développé un candidat-vaccin contre la transmission sexuelle du VIH chez des macaques femelles. Cinq singes, vaccinés par voies nasale et intramusculaire, ont été protégés contre l’infection du VIH par voie vaginale. Ce candidat-vaccin est le fruit de quinze années de recherche sur l’entrée du virus dans l’organisme et sur l’immunité locale au niveau des muqueuses. L’approche est nouvelle : elle consiste à induire la production d’anticorps spécifiques de la surface du virus au niveau des muqueuses génitales, mimant le phénomène observé dans une population de femmes naturellement immunisées contre le VIH et qui résistent à l’infection. Ces travaux sont publiés dans la revue Immunity du 10 février 2011.

Les pistes de recherche poursuivies ont pour objectif d’induire la production d’anticorps sanguins et/ou de cellules tueuses contre le VIH. L’originalité du candidat-vaccin développé par les chercheurs est d’induire la production d’anticorps au niveau des muqueuses, qui soient capables de prévenir très tôt l’infection par voie muqueuse, c’est-à-dire avant la multiplication du virus et sa dissémination dans le sang. Cinq macaques femelles (Macaca mulatta) ont été vaccinées par voies intramusculaire et nasale. Six mois plus tard, elles ont été exposées de façon répétée (13 fois) au VIH par inoculation vaginale. Les cinq animaux se révèlent protégés du développement de l’infection et restent séronégatifs, six mois après la dernière infection par le VIH.

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« L’analyse comparative des anticorps induits par la vaccination dans le sang et au niveau des muqueuses montre que ce sont seulement les anticorps muqueux spécifiques de la surface du virus -aussi bien IgG que IgA- qui permettent de protéger les macaques de l’infection par voie muqueuse. Ce type d’anticorps a été décrit comme un corrélat de la protection chez des femmes résistant à l’infection malgré des rapports sexuels non protégés et qui seraient donc naturellement immunisées. Cela permet de penser que notre candidat-vaccin simule ce type de réponse naturelle », explique Morgane Bomsel.

Pour élaborer ce candidat-vaccin, les chercheurs ont étudié la protéine transmembranaire Gp41 de l’enveloppe du VIH. Il s’agit de la partie de l’enveloppe virale variant le moins parmi toutes les souches virales du sida. Gp41 contrôle, à la fois, l’entrée du virus dans les cellules de la muqueuse et l’infection d’une famille de lymphocyte T, les principales cellules cibles du VIH. Pour favoriser l’induction d’anticorps neutralisants lors de l’immunisation, les autres parties de l’enveloppe du VIH, non-neutralisantes ont été retirées du candidat-vaccin.

Le vecteur vaccinal de ce candidat-vaccin ou virosome est utilisé depuis plus de 10 ans dans plusieurs candidat-vaccins destinés à l’Homme. Grâce à sa surface lipidique mimant la surface du virus, ce virosome permet aux antigènes de Gp41 d’adopter une structure similaire à celle qu’ils ont in situ. Cela favorise l’induction d’anticorps neutralisants lors de la vaccination.

« En plus d’une réponse immune de type humorale (c’est-à-dire liée à la production d’anticorps) anti-VIH puissante au niveau des muqueuses, sans avoir besoin d’une réponse cellulaire cytotoxique, le vaccin fonctionne relativement bien in vitro contre les sous-types B et C du VIH, responsables de 95% des cas aux Etats-Unis, en Europe et en Inde. Ce succès est prometteur », indique Morgane Bomsel.

« Cependant, il reste beaucoup de travail à réaliser. Il existe plusieurs limites à ces résultats : le vaccin n’a été testé que sur des singes femelles. Il protège d’une infection vaginale non traumatique, ne reflétant pas nécessairement la réalité. Reste donc à étudier le vaccin chez des mâles et à voir son efficacité contre d’autres voies d’infection sexuelles (rectum, tractus oro-uro-génital). Enfin, il faut poursuivre cette étude, notamment quant à la durée de la réponse immunitaire protectrice », conclut Morgane Bomsel.

En tout état de cause, comme l’a récemment souligné le Pr Françoise Barré- Sinoussi, Prix Nobel de médecine, les modèles animaux montrent leur pertinence dans les recherches visant à développer des candidats-vaccins.

Ce travail a été rendu possible grâce au financement de l’Agence nationale de recherches contre le Sida et les hépatites virales (ANRS), SIDACTION – Ensemble contre le Sida et la fondation pour la recherche médicale (FRM) et réalisé en collaboration avec la société américaine Mymetics (Nyon, Suisse).

Cinq nouveaux facteurs de risque identifiés pour la maladie de Parkinson

Des chercheurs américains et européens, au sein d’un consortium international sur l’étude génomique de la maladie de Parkinson ont identifié 11 régions génomiques de susceptibilité à la maladie de Parkinson dont 5 nouvelles. Cette méta-analyse est publiée en ligne dans la revue The Lancet datée du 2 février 2011.

La maladie de Parkinson : origine non seulement environnementale mais aussi génétique

La maladie de Parkinson est la seconde maladie neurodégénérative la plus fréquente, caractérisée par une perte progressive des neurones dopaminergiques et une accumulation de corps de Lewy. Bien que l’origine de cette maladie ait été longtemps considérée comme purement environnementale, l’identification, durant ces 10 dernières années, d’au moins 13 loci et 9 gènes (Parkine, PINK1, DJ-1, ATP13A2, SNCA, UCHL1, LRRK2, GIGYF2 et Omi/HTRA2) impliqués dans des formes rares monogéniques(*) de la maladie de Parkinson, ont permis de montrer l’importance des facteurs génétiques dans la survenue de ce désordre complexe.

De manière intéressante, certains des gènes impliqués dans les formes monogéniques de la maladie de Parkinson, tels que SNCA et LRRK2, sont aussi des facteurs de risque dans des cas sporadiques, formes les plus communes de la maladie

Méta-analyse d’études d’associations à grande échelle : identification de nouveaux facteurs de risque pour la maladie de Parkinson

Depuis 2007, plusieurs études d’association à grande échelle menées chez des cas parkinsoniens et des témoins appariés, d’origines géographiques diverses, ont permis d’identifier au moins 6 régions chromosomiques contenant les gènes MAPT, SNCA, HLA-DRB5, BST1, GAK et LRRK2.

Parmi elles, cinq études d’association indépendantes ont été réalisés aux Etats-Unis et en Europe, portant sur un total de 5333 patients parkinsoniens et 12 019 témoins et couvrant quelque 7,7 millions de variants génétiques.

L’ensemble des nombreuses données issues de ces études à large échelle ont fait l’objet d’une analyse combinée (méta-analyse). Les régions génomiques les plus significativement associées à la maladie de Parkinson ont été par ailleurs retrouvées dans une population indépendante de 7053 patients parkinsoniens et 9564 témoins, ce qui valide les données de la méta-analyse.

Ces travaux, fruit d’une collaboration internationale entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, l’Islande, ont été menés en France par Alexis Brice (Université Pierre et Marie Curie-Paris, CNRS UMR 7225, INSERM UMR_S975, Centre de Recherche de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière, Paris, France), Maria Martinez (Unité mixte Inserm 1043, Toulouse). Ils ont abouti à l’identification de 5 nouvelles régions chromosomiques (ACMSD, STK39, MCCC1/LAMP3, SYT11 et CCDC62/HIP1R), en plus de la confirmation des 6 régions génomiques déjà connues.

Les variants des gènes MAPT et SNCA expliquent à eux seuls, près de 30% du risque de survenue de la maladie de Parkinson. Les chercheurs ont également évalué dans la population générale la distribution et les effets cumulés des facteurs de susceptibilité associés aux 11 régions chromosomiques incriminées. Résultat : les 20% des individus qui portent le plus grand nombre de facteurs de susceptibilité ont 2,5 fois plus de risque de développer la maladie, comparés aux 20% d’individus porteurs d’un faible nombre de facteurs de susceptibilité.

Ces travaux précisent pour la première fois l’importance du rôle des facteurs de risque génétiques dans la survenue de la maladie de Parkinson dans la population générale.

L’identification de ces facteurs génétiques impliqués dans les formes les plus communes de la maladie de Parkinson va permettre non seulement des avancées importantes dans la compréhension de la physiopathologie de cette maladie neurodégénérative, mais aussi le développement d’outils diagnostiques et pronostiques.

Etude de la maladie de Parkinson.

Région cérébrale qui dégénère dans la maladie de Parkinson. Trois corps de Lewi (l’un situé au centre, très caractéristique) qui confirment le diagnostic de la maladie de Parkinson. © Inserm, E. Hirsch

Note
(*) Une maladie est dite monogénique quand sa genèse est provoquée par la mutation d’un seul gène. On estime aujourd’hui qu’il en existe près de 6 000.

Lancement de la première collaboration internationale sur la génétique de la maladie d’Alzheimer.

Un consortium mondial vise à découvrir et cartographier les gènes de la maladie
Un groupe de chercheurs de différents pays annonce aujourd’hui le lancement de l’International Genomics of Alzheimer’s Project (IGAP, Projet international de génomique de l’Alzheimer), une collaboration mise en place pour découvrir et cartographier l’ensemble des gènes de susceptibilité à la maladie d’Alzheimer. Les travaux de recherche menés dans le cadre de cette collaboration internationale auront lieu essentiellement au sein d’universités européennes et nord-américaines. Ils associeront les connaissances, le personnel et les ressources de quatre consortiums les plus en pointe dans la recherche sur la génétique de la maladie d’Alzheimer.

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Ces quatre groupes sont :

L’European Alzheimer’s Disease Initiative (EADI, initiative européenne pour la maladie d’Alzheimer) en France, dirigée par Philippe Amouyel, docteur en médecine et chercheur, Directeur de l’Unité mixte de recherche Inserm-Institut Pasteur de Lille-Université de Lille 2 « Santé publique et épidémiologie moléculaire des maladies liées au vieillissement ».

L’Alzheimer’s Disease Genetics Consortium (ADGC, consortium de génétique pour la maladie d’Alzheimer) aux Etats-Unis, dirigé par Gerard Schellenberg, chercheur, à la faculté de médecine de l’Université de Pennsylvanie.

Le Genetic and Environmental Risk in Alzheimer’s Disease (GERAD, risque génétique et environnemental dans la maladie d’Alzheimer) au Royaume-Uni, dirigé par Julie Williams, chercheuse, à l’Université de Cardiff.

Le Cohorts for Heart and Aging Research in Genomic Epidemiology (CHARGE, cohortes pour le cœur et le vieillissement en épidémiologie génomique), dirigé par Sudha Seshadri, docteur en médecine, à l’Université de Boston.

« Ces travaux sont extrêmement importants, parce qu’ils font progresser notre capacité à détecter et traiter la maladie d’Alzheimer », déclare le Dr. Amouyel. « L’identification des gènes qui contribuent au risque de survenue d’une maladie Alzheimer et qui influencent la progression de cette maladie nous aidera à découvrir les causes de la maladie, à identifier des protéines et d’autres nouvelles cibles pour le développement de médicaments et à proposer des méthodes de dépistage génétique des personnes qui présentent le plus de risque de développer un Alzheimer, lorsque des mesures préventives seront disponibles », annonce le Dr. Schellenberg.

Chaque consortium travaille actuellement avec plusieurs milliers de participants – à la fois des personnes souffrant de maladie d’Alzheimer et des personnes non atteintes par la maladie – mais les scientifiques des quatre groupes ont abouti à la conclusion que ce n’est qu’ensemble qu’ils pourront réunir suffisamment de participants afin accélérer la découverte de l’ensemble des gènes impliqués dans la maladie. La création de l’IGAP permet donc de rassembler une base de données partagée par l’ensemble de ces chercheurs, qui inclut les données génétiques de plus de 40 000 personnes.

Les docteurs Amouyel, Schellenberg, Seshadri et Williams s’enthousiasment de cette collaboration qui regroupe, pour la première fois, les meilleures équipes de recherche en génomique du monde travaillant sur la maladie d’Alzheimer. Ils espèrent tous vivement que cette collaboration fera beaucoup progresser les connaissances sur la maladie d’Alzheimer. « Travailler ensemble à cette échelle nous fait gagner des années dans notre compréhension de cette terrible maladie et dans le développement de nouveaux traitements », confie le Dr. Williams.

La constitution de l’IGAP est soutenue par l’Alzheimer’s Association (www.alz.org) et la Fondation Plan Alzheimer (www.fondation-alzheimer.org). « Nous sommes heureux de financer ce projet, qui réunira des groupes de recherche bien établis et très estimés dans le monde entier, afin de permettre un partage et une analyse sans précédent des données génomique sur la maladie d’Alzheimer », affirment William Thies, chercheur, médecin chef et conseiller scientifique en chef de l’Alzheimer’s Association, et Philippe Lagayette, président de la Fondation Plan Alzheimer en France.

La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative, progressive et fatale, contre laquelle il n’existe à ce jour ni méthode de prévention ni traitement satisfaisants. Les médicaments disponibles ne réduisent que marginalement la gravité de la maladie, ce qui laisse à ce jour cette maladie sans solution durable. La maladie d’Alzheimer progresse, sur une période de plusieurs années, jusqu’à l’invalidité totale et au décès.

Dans le World Alzheimer Report 2010 (Rapport mondial sur la maladie d’Alzheimer de 2010, http://www.alz.co.uk/research/worldreport/), l’association Alzheimer’s Disease International estime que 35,6 millions de personnes dans le monde sont affectées par cette maladie et que ce chiffre atteindra 65,7 millions en 2030 et 115,4 millions en 2050. Selon ce rapport, le coût total de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées dans le monde est estimé à 450 milliards d’euros en 2010.

Dans le World Alzheimer Report 2010 (Rapport mondial sur la maladie d’Alzheimer de 2010, http://www.alz.co.uk/research/worldreport/), l’association Alzheimer’s Disease International estime que 35,6 millions de personnes dans le monde sont affectées par cette maladie et que ce chiffre atteindra 65,7 millions en 2030 et 115,4 millions en 2050. Selon ce rapport, le coût total de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées dans le monde est estimé à 450 milliards d’euros en 2010.

« La hausse fulgurante de la prévalence et du coût de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées constitue un risque économique et sanitaire mondial, insiste le Dr. Schellenberg. Cela motive encore davantage les collaborations innovantes, comme ce projet international sur le génome, qui cherche à accélérer les découvertes ».

« Notre première tâche sera de rassembler toutes les données existantes des différents groupes afin de pouvoir les analyser en commun, annonce le Dr. Amouyel. L‘étape suivante consistera à inclure de nouvelles analyses sur des sujets qui ne font pas encore partie de ces études, afin d’augmenter les effectifs mondiaux et à accroître ainsi notre capacité à détecter de nouveaux gènes. »

L’International Genomics of Alzheimer’s Project (IGAP)
L’objectif principal de l’IGAP est de comprendre les déterminants de la susceptibilité génétique à la maladie d’Alzheimer. Dans ce but, l’IGAP cherchera à identifier tous les gènes qui contribuent au risque de développer cette maladie. Les chercheurs de l’IGAP auront accès aux données génétiques combinées d’un très grand nombre de malades d’Alzheimer et pourront les comparer aux données génétiques d’un au moins aussi grand nombre de personnes âgées non affectées par la maladie d’Alzheimer. Au cours de la phase initiale du projet, plus de 20 000 malades d’Alzheimer et environ 20 000 sujets âgés en bonne santé seront ainsi comparés. Au fil des travaux, 10 000 malades d’Alzheimer et le même nombre de sujets âgés en bonne santé viendront s’ajouter à l’étude. Les sujets de ces études sont issus de différents sites de recherche sur la maladie d’Alzheimer en Europe, aux Etats-Unis et au Canada. Les résultats des études de l’IGAP seront présentés lors de congrès scientifiques et dans des publications au fur et à mesure de leur développement.
Les experts de l’IGAP prévoient de présenter leurs premiers résultats lors de la conférence internationale sur la maladie d’Alzheimer (International Conference on Alzheimer’s Disease (AAICAD)) de l’Alzheimer’s Association qui aura lieu pour la première fois à Paris du 16 au 21 juillet 2011, à la porte de Versailles.

L’EADI est soutenu par la Fondation Plan Alzheimer, l’Institut Pasteur de Lille et l’Inserm. L’ADGC est soutenu par le National Institute on Aging (institut national américain du vieillissement) et le National Institute of Health (NIH, ministère de la Santé américain). Le GERAD est soutenu par le Medical Research Council (conseil pour la recherche médicale britannique). Le CHARGE est soutenu par le NIH, Erasmus University et d’autres acteurs.

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