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Identification d’un nouveau gène suppresseur de tumeur

Le sang est composé de nombreuses cellules qui assurent des fonctions vitales bien précises. Lorsque le fonctionnement de ce système s’emballe, il peut être responsable de certaines formes de cancer appelées hémopathies. En 2009, des mutations d’un gène unique ont été identifiées dans 3 formes différentes d’hémopathies humaines par Olivier Bernard, chercheur à l’Inserm au sein de l’Unité 985 « Génétique des tumeurs » à l’Institut de cancérologie Gustave Roussy, et ses collaborateurs. Deux ans après, les chercheurs confirment le rôle de ce gène « suppresseur de tumeur » dans des travaux à paraitre dans la revue Cancer Cell.

Les hémopathies humaines sont des formes de cancers dues à l’accumulation d’anomalies génétiques dont certaines touchent les cellules souches hématopoïétiques, ces cellules qui vont donner toutes les cellules sanguines.

On distingue deux grands types d’hémopathies malignes :
– Les hémopathies myéloïdes, lorsque les mutations vont toucher les cellules engagées dans la voie de différenciation qui conduit aux globules rouges, aux granulocytes et aux plaquettes (en vert sur le schéma).
– Les hémopathies lymphoïdes, lorsque les mutations vont toucher les cellules engagées la voie de différenciation qui conduit aux lymphocytes B ou T(en jaune sur le schéma).

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© Inserm/Disc, F. Koulikoff


En 2009, en étudiant des échantillons humains sélectionnés d’hémopathies myéloïdes, les équipes des Dr. Olivier Bernard et William Vainchenker ont identifié un gène modifié dans ces affections appelé TET2. Il restait à comprendre de quelle manière il fonctionnait et quelle était son implication précise dans la biologie des cellules souches hématopoïétiques et dans la production des cellules du sang Deux années supplémentaires ont permis aux chercheurs de répondre à cette question.

Dans ce nouveau travail publié dans la revue Cancer Cell, Olivier Bernard a généré deux lignées de souris chez lesquelles l’expression du gène TET2 a été modifiée. Les souris déficientes pour Tet2 présentent une quantité supérieure à la normale de cellules hématopoïétiques immatures, c’est-à-dire non encore engagées dans les voies de différenciation décrites dans le schéma ci-dessus. Avec le temps, ces souris développent des hémopathies myéloïdes qui ressemblent aux leucémies humaines.

En parallèle, l’analyse des échantillons humains, cette fois-ci ceux d’hémopathies lymphoïdes, montrent qu’il existe également des mutations de TET2, principalement dans les échantillons provenant d’hémopathies lymphoïdes affectant les lymphocytes T. Ces mutations peuvent survenir dans une cellule hématopoïétique très immature (multipotente).

Ces résultats confirment qu’une inactivation de la fonction du gène TET2 entraine le développement de tumeurs. Les chercheurs de l’Inserm viennent donc d’identifier un nouveau gène suppresseur de tumeur. Sa perte de fonction, et même une simple variation de son activité, prédispose au développement d’hémopathies malignes

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« Nos observations indiquent que les stratégies thérapeutiques devront à l’avenir tenter de cibler les cellules souches hématopoïétiques pour éradiquer ces maladies. On peut par exemple espérer que la restauration de la fonction de TET2 dans des cellules souches hématopoïétiques puisse être une nouvelle solution thérapeutique dans une grande proportion d’hémopathies malignes. » conclut Olivier Bernard. Rendez-vous dans deux ans ?

Ces travaux ont bénéficié d’un soutien financier de l’Inserm, de l’Institut National du Cancer (INCa), de la Ligue Nationale Contre le Cancer (LNCC), de l’Association de Recherche contre le Cancer (ARC) et de la Fondation Gustave Roussy.

L’identification d’un « interrupteur » responsable de la transformation d’un cerveau sain en cerveau épileptique

Présentée par : Christophe Bernard, neurobiologiste Inserm – L’épilepsie du lobe temporal est la forme d’épilepsie la plus fréquente chez l’adulte. Elle apparait le plus souvent après une agression du cerveau comme un traumatisme crânien ou une infection de type méningite. Christophe Bernard, directeur de recherche Inserm et son équipe marseillaise (Unité Inserm 751 « Epilepsie et cognition ») en collaboration avec une équipe américaine viennent de découvrir un gène clé dans le mécanisme de la transformation d’un cerveau sain en cerveau épileptique. Ce gène activé suite à l’agression initiale du cerveau contrôle l’expression de 1800 autres gènes dont les dérèglements participeraient à la construction d’un cerveau épileptique. En empêchant l’activité de ce « gène interrupteur » chez des rats, les bénéfices thérapeutiques sont immédiats. Ces travaux font l’objet d’une publication dans la revue Annals of Neurology.

L’épilepsie est la maladie neurologique la plus fréquente après la migraine. Elle touche 1-2 % de la population mondiale. L’épilepsie du lobe temporal (ELT) est la forme d’épilepsie la plus fréquente chez l’adulte. Elle est résistante à tout traitement pharmacologique dans 30 % des cas. De plus, l’ELT est souvent associée à des déficits de mémoire et d’apprentissage ainsi qu’à des états dépressifs ou anxieux. Ces désordres sont souvent vécus par les patients comme étant plus invalidants que les crises d’épilepsie elles-mêmes.

L’épilepsie du lobe temporal a souvent comme origine une agression du cerveau (méningite, traumatisme crânien, etc.). Des dizaines d’années peuvent s’écouler entre cette agression et l’apparition des premières crises. Cet intervalle libre permet d’envisager la recherche de traitements préventifs. Mais pour cela, il est essentiel de déterminer les mécanismes qui sont responsables de la transformation d’un cerveau « sain » en cerveau « épileptique » après une agression.

La recherche fondamentale a montré qu’une agression initiale du cerveau conduit à une réorganisation considérable des réseaux de neurones qui le composent. Cette réorganisation est responsable de l’apparition des crises et des désordres associés, comme les déficits de mémoire. Un des éléments le plus frappant de cette réorganisation est une modification de l’expression de milliers de gènes qui déterminent l’organisation fonctionnelle des cellules du cerveau. Chaque gène modifié constitue donc une cible thérapeutique potentielle. C’est la direction prise par la recherche fondamentale et pharmaceutique pendant de nombreuses années. Restaurer la fonction d’un gène pourrait être suffisant pour empêcher le développement de l’épilepsie. Mais ce type de stratégie – cible unique – n’est pas très efficace.

L’équipe « Epilepsie » dirigée par Christophe Bernard de l’Unité Inserm U751 à La Timone (Marseille), en collaboration avec une équipe américaine (Tallie Z. Baram, Université de Californie à Irvine) a voulu comprendre les mécanismes responsables de la réorganisation des gènes. « L’idée est que plus on agit en amont, plus le traitement sera efficace. » déclare le chercheur français.

Ils ont identifié un gène qui est activé par l’agression initiale, et qui, une fois activé, a la capacité de contrôler l’expression de 1800 autres gènes. Ce gène s’appelle NRSF (Neuron Restrictive Silencing Factor). La protéine NRSF ainsi générée va recruter d’autres protéines qui vont empêcher la lecture de l’ADN au niveau de certains gènes, et donc empêcher la production des protéines codées par ces gènes.

En utilisant des modèles animaux d’ELT, ils ont ensuite fabriqué et injecté des leurres chimiques (des peptides appelés oligodéoxynucléotides) qui captent et fixent la protéine NRSF produite, empêchant ainsi son action sur ses gènes cibles. Ce traitement permet de restaurer l’expression des gènes bloqués par NRSF, restaurer la production des protéines codées par ces gènes, et les fonctions assurées par ces protéines.

Ces leurres chimiques, injectés chez les animaux, ont un effet thérapeutique important : ralentissement de la progression de l’épilepsie, diminution du nombre de crises, et restauration d’une activité cérébrale (rythme thêta) qui joue un rôle central dans de nombreuses fonctions de mémorisation et d’apprentissage.

Il s’agit de la première identification d’un interrupteur majeur responsable de la transformation d’un cerveau « sain » en cerveau « épileptique » ; ce qui ouvre la voie aux traitements préventifs chez les personnes risquant de développer une épilepsie suite à une agression du cerveau.

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© Inserm / C.Bernard

Thierry Damerval nommé directeur général délégué de l’Inserm

Thierry Damerval, devient directeur général délégué de l’Inserm. Actuel directeur général délégué à la stratégie, il exercera en plus de ses fonctions actuelles, celles d’Hervé Douchin, directeur général délégué aux affaires administratives et financières de l’Inserm qui vient d’être nommé Inspecteur général de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche de 1ère classe.

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© Inserm, L. Prat

A 49 ans, Thierry Damerval devient directeur général délégué de l’Inserm. Né en 1961, ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure de Saint Cloud, agrégé de sciences naturelles et titulaire d’un doctorat de microbiologie de l’Université Paris Diderot, Thierry Damerval a débuté sa carrière au sein de l’Unité de physiologie bactérienne de l’Institut Pasteur.

En 1993, il rejoint le CEA en tant qu’assistant du directeur des sciences du vivant et responsable du programme « Organisation et fonctions cellulaires ». Il occupera différents postes à haute responsabilité au sein du CEA jusqu’en 2005.

Entre juin 2005 et janvier 2006, il est conseiller technique, chargé de la recherche et de l’innovation au Cabinet du Premier ministre, puis Directeur du Cabinet du Ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, jusqu’en mai 2007.

Depuis 2007, il était directeur général délégué à la stratégie de l’Inserm.

Thierry Damerval est chevalier de la légion d’honneur, chevalier dans l’Ordre national du Mérite et Chevalier des Palmes Académiques.

André Syrota, PDG de l’Inserm, souhaite rendre hommage au travail accompli par Hervé Douchin au service de l’Inserm depuis plus de dix ans, comme secrétaire général puis directeur général délégué aux affaires administratives et financières. Ses compétences, son expérience considérable acquise au CNRS puis à l’Inserm, sa connaissance des organismes de recherche et des universités constitueront un apport déterminant pour l’IGAENR.

Stress au travail et santé – situation chez les indépendants

Une expertise de l’Inserm

Dans de nombreux secteurs d’activité, le stress au travail est considéré comme faisant partie des risques pour la santé auxquels peuvent être confrontés les travailleurs salariés et non-salariés ou indépendants. Le terme de « stress », peut avoir plusieurs définitions en fonction des disciplines médicales, biologiques, médico-sociales, des sciences humaines et sociales qui y font référence. Quelle que soit l’approche disciplinaire, le stress peut être considéré comme un élément d’un processus complexe, à la fois biologique, psychologique et social en réponse à une situation aversive.

Le régime social des indépendants (RSI), qui assure la couverture maladie et de retraite des artisans et des commerçants, des professions libérales et des chefs d’entreprise indépendants, a sollicité l’Inserm dans le but de disposer d’un bilan des connaissances scientifiques sur le stress d’origine professionnelle chez les travailleurs indépendants.

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© Fotolia

A travers la procédure d’expertise collective, l’Inserm a réuni un groupe pluridisciplinaire de 14 experts en sociologie du travail, santé publique, épidémiologie, économie de la santé, psychosociologie, santé mentale et neurosciences qui ont analysé près de 1500 articles. Ce travail a permis de dresser un bilan des données concernant les principaux troubles qui pourraient être associés au stress au travail chez les indépendants, les modèles explicatifs intégrant les différents concepts mettant en relation stress et travail, et les stratégies de prévention individuelles et collectives.

Au cours de la réflexion, les experts ont tenté de répondre à plusieurs questions telles que : Quelles sont les caractéristiques des travailleurs indépendants en France et leurs conditions générales de travail ? Quels sont les principaux problèmes de santé associés aux stress ? En quoi la position de l’indépendant peut-elle différer de celle du salarié vis-à-vis des « stresseurs » et vis-à-vis de la santé ?

Dans cette expertise, les experts se sont efforcés de faire une analyse critique de la littérature scientifique, largement dévolue aux salariés et d’adapter ou étendre les résultats aux différentes catégories de travailleurs indépendants ou secteurs d’activités et métiers.

Lire l’intégralité du dossier de presse (colonne de droite)

Texte intégral de l’expertise collective disponible en ligne sur le site Inserm.fr

Une nouvelle cible dans le traitement des douleurs abdominales

Le syndrome de l’intestin irritable (SII), un des troubles fonctionnels intestinaux, est caractérisé par des douleurs et/ou un inconfort abdominal. Des chercheurs du laboratoire CNRS/Inserm « Institut de génomique fonctionnelle » et de l’unité Inserm « Pharmacologie fondamentale et clinique de la douleur », en collaboration avec les universités de Montpellier et de Clermont Ferrand, ont découvert une cible potentielle dans le traitement des douleurs abdominales générées par ce syndrome. Pour la première fois, ils ont montré chez l’animal que des canaux présents en grand nombre dans les neurones situés le long du côlon sont impliqués dans les phénomènes d’hypersensibilité colique. Ces canaux pourraient constituer, dans un avenir proche, une cible alternative efficace dans la prise en charge des douleurs abdominales liées au SII et, plus largement, aux douleurs viscérales. Les résultats de ces travaux sont publiés sur le site internet de la revue PNAS.

On estime que le syndrome de l’intestin irritable touche environ 10 % de la population, principalement des femmes et il représente la cause principale de consultation en gastroentérologie. Ce syndrome est associé à d’autres syndromes ou symptômes en lien ou non à des perturbations de la sensibilité : fibromyalgie, migraine, fatigue chronique, dépression, anxiété, phobie… La complexité et l’absence de cause évidente de la maladie font que son traitement, par des constipants ou des laxatifs pour les troubles de motricité et par des antispasmodiques ou des antidépresseurs pour les douleurs abdominales, reste souvent d’efficacité limitée.

Des canaux situés sur… des neurones du côlon

Les chercheurs se sont intéressés à une cible potentielle du traitement de la douleur abdominale, la famille des canaux calciques (dépendants du voltage). Ces canaux jouent un rôle important dans l’excitabilité des neurones en s’ouvrant lorsqu’un signal électrique les stimule. Les chercheurs ont montré pour la première fois l’implication de certains canaux calciques, « les Cav 3.2 », dans les phénomènes de sensibilité colique. Ces canaux, localisés dans des neurones dont les terminaisons nerveuses se situent dans le côlon (Figure ci-dessous), ont déjà été mis en cause dans des douleurs provenant de territoires cutanés, d’articulations et de muscles.

e schéma montre qu’une injection de traceur fluorescent dans la paroi du côlon est capable de marquer les extrémités des neurones sensoriels qui innervent cette région. Par leur fluorescence orange, il est ensuite possible d’identifier au sein des ganglions sensoriels les neurones détectant la douleur dans le colon.

Aujourd’hui, l’équipe des laboratoires de l’Inserm et du CNRS révèle qu’en cas d’hypersensibilité colique à l’origine des douleurs abdominales, les canaux « Cav3.2 » sont surexprimés et fonctionnellement plus actifs dans les neurones du côlon par rapport à d’autres neurones.

Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont mis en place un dispositif innovant. Ils ont réussi à individualiser spécifiquement les neurones provenant de la muqueuse colique et constaté, in vitro, grâce à l’injection de marqueurs fluorescents, qu’ils contenaient beaucoup de ces canaux ioniques. En parallèle, ils ont utilisé un modèle mimant le syndrome de l’intestin irritable chez l’animal et mesuré cette fois-ci, in vivo, la sensibilité colique (mesures des crampes abdominales) en fonction de l’activité des canaux « Cav3.2 ».

« Lorsque l’activité de ces canaux est limitée soit par l’inhibition de leur synthèse soit en les bloquant à l’aide de substances pharmacologiques, la sensibilité colique diminue », souligne Emmanuel Bourinet, un des principaux auteurs de l’étude.

Bien que les mécanismes en jeu dans la suractivité des canaux soient mal connus, les chercheurs suggèrent que « ce n’est pas l’augmentation de leur synthèse qui est en cause mais la place stratégique de ces canaux, localisés en grand nombre sur la membrane des cellules, qui pourrait expliquer leur activité plus importante dans ces contextes douloureux ».

L’équipe de recherche tente aujourd’hui de « mieux préciser le rôle des canaux ioniques Cav3.2 impliqués dans les processus de sensibilisation en utilisant des bloqueurs spécifiques des canaux qui pourraient, dans un avenir proche, représenter des alternatives efficaces dans la prise en charge des douleurs abdominales liées au SII et plus généralement des douleurs viscérales » concluent les chercheurs.

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Identification des neurones dans le colon © Inserm

Alimentation maternelle : quelles incidences sur l’expression des gènes ?

Au cours de la vie intra-utérine et pendant la lactation, une sous-nutrition entraîne des modifications autour de l’ADN à l’origine de pathologies métaboliques à l’âge adulte. A travers une étude menée chez l’animal, des chercheurs du CNRS, de l’INRA et de l’Inserm (1) ont mis en évidence, pour la première fois, de telles répercutions au niveau du gène de la leptine, l’hormone régulant satiété et métabolisme. Publiés dans The FASEB Journal, ces travaux pourraient avoir, à plus long terme, des impacts sur la prévention des maladies métaboliques, la procréation médicale assistée ou encore les soins aux prématurés.

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© Fotolia

Depuis une dizaine d’années, des études menées chez l’homme montrent que l’environnement intra-utérin et en particulier l’alimentation maternelle joue un rôle important dans l’apparition, à l’âge adulte, de maladies complexes telles que l’obésité, le diabète ou l’hypertension. A l’origine de telles observations, on retrouve des mécanismes moléculaires de « programmation » que les scientifiques tentent de décrypter.

Les chercheurs du Centre de recherche de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (CRICM, CNRS/UPMC/Inserm) et de l’Unité de nutrition humaine (INRA/Université Clermont 1) se sont intéressés spécifiquement aux conséquences de l’alimentation maternelle pendant la période périnatale (gestation puis lactation) sur les modifications épigénétiques du génome. Le terme épigénétique décrit des altérations stables de l’expression des gènes qui n’entraînent aucun changement au niveau de la séquence nucléotidique de l’ADN. Elles impliquent des transformations chimiques telles que la méthylation (1) de l’ADN et/ou la modification des histones (méthylation, acétylation, déacétylation).

Des souris gestantes ont été nourries depuis le premier jour de gestation et jusqu’au sevrage, soit avec un régime contenant 22 % de protéines (souris contrôles), soit avec un régime pauvre en protéines contenant 10% de protéines. Puis, à partir du sevrage, les souriceaux ont été nourris avec un régime contrôle.
Résultat : les souriceaux dont les mères avaient reçu un régime pauvre en protéines, à l’âge adulte, étaient plus maigres par rapport aux souriceaux contrôles et présentaient des troubles métaboliques. Les chercheurs ont directement relié ces conséquences de la carence en protéine pendant la période périnatale à une déméthylation au niveau du gène de la leptine. Cette modification épigénétique est spécifique puisque la méthylation globale du génome n’est pas affectée. Les scientifiques avaient choisi de s’intéresser au gène de la leptine car cette molécule est cruciale pour l’équilibre énergétique de l’organisme : c’est l’hormone qui régule les réserves de graisses.

Ces travaux révèlent donc le type de processus moléculaire qui s’est mis en place pendant la période périnatale, laissant une « empreinte » au niveau des gènes du fœtus et perdurant tout au long de la vie de l’individu.

La compréhension de tels mécanismes de programmation est absolument nécessaire pour définir les politiques de prévention pour ces maladies qui représentent un enjeu majeur de santé publique. Ce type d’étude présente également d’autres intérêts : qu’il s’agisse des conditions de culture des cellules dans les techniques de procréation médicale assistée ou en termes de nutrition des grands prématurés à l’hôpital.

Notes
(1) Des chercheurs du Centre de recherche de l’institut du cerveau et de la moelle épinière (CRICM, CNRS/UPMC/Inserm) et de l’Unité de nutrition humaine (INRA/Université Clermont 1)
(2) La méthylation est une modification chimique consistant en l’ajout d’un groupe méthyle (CH3) sur un substrat, en l’occurrence l’ADN. L’ADN peut être méthylé au niveau des cytosines mais aussi au niveau des protéines qui l’entourent, les histones.

La migraine : une affaire de gènes

On estime que la migraine touche 20% de la population générale soit, 11 millions de personnes en France. Pour la première fois, Tobias Kurth, directeur de recherche à l’unité Inserm 708 « Neuroépidémiologie » et ses collaborateurs internationaux, ont identifié trois gènes pour lesquels une variation génétique est associée à un risque accru de migraine dans la population générale. Ces résultats, obtenus à partir de données génétiques de 23 230 femmes migraineuses et non migraineuses puis confirmés par d’autres analyses incluant hommes et femmes, suggèrent l’existence de mécanismes communs aux différentes formes de migraines. Les résultats sont publiés dans la revue Nature Genetics.

La migraine est une variété de maux de tête récurrents caractérisée par une forte intensité des douleurs et la survenue fréquente d’autres symptômes tels que des nausées et/ou une sensibilité à la lumière et au bruit. Elle touche 3 à 4 fois plus souvent les femmes que les hommes. Bien qu’une composante génétique ait été soupçonnée depuis très longtemps, seules des formes rares de migraine ont, jusque-là, été associées à l’expression de gènes.

Grâce à l’analyse des données génétiques de plus de 23 000 femmes qui ont participé à l’étude « Women’s Genome Health Study », dont plus de 5.000 migraineuses, Tobias Kurth, directeur de recherche à l’Inserm et ses collaborateurs ont identifié des associations entre la migraine et des variants de trois gènes : TRPM8, LRP1 et PRDM16. Ces associations génétiques ont été confirmées par l’analyse des données de trois études européennes indépendantes incluant des hommes et des femmes. « Les personnes présentant ces variations ont donc plus de risque de développer une migraine. Cette association est observée pour les différentes formes de migraines, ce qui montre l’importance de ces résultats de portée générale« , affirme Tobias Kurth.

Parmi ces trois gènes, deux gènes sont clairement associés à la migraine: d’une part, le gène TRPM8, exprimé dans les neurones, dont le rôle a été mis en évidence dans la sensibilité au froid et la douleur (une des composantes de la migraine), et d’autre part, le gène LRP1, exprimé dans tout le corps, qui interagit dans le système nerveux avec d’autres protéines qui modulent la transmission de signaux entre les neurones. Le 3e gène, PRDM16, semble jouer un rôle aussi bien dans la migraine que dans les autres maux de têtes.

Bien que les mécanismes de la migraine restent mal compris et ses causes sous-jacentes difficiles à cerner, l’identification de ces dénominateurs communs permet d’éclairer les origines biologiques de cette affection fréquente et invalidante » souligne Tobias Kurth. Les chercheurs encouragent désormais la communauté scientifique à mener des études qui permettraient d’expliquer les contributions précises de ces gènes car « cette pathologie pourrait être due à la perturbation de voies de signalisation communes aux différentes formes de migraines » conclue-t-il.

Maladies hormonales : une enzyme majeure, la protéine kinase A en cause

Grâce à l’étude de patients atteints d’une maladie osseuse rare, l’acrodysostose, des chercheurs de l’unité Inserm 986, Caroline Silve, directrice de recherche à l’Inserm, et Agnès Linglart, pédiatre du service d’Endocrinologie de l’Enfant de l’hôpital Bicêtre Hôpitaux Universitaires Paris-Sud – AP-HP, avec la contribution de collègues médecins et biochimistes, ont élucidé le défaut moléculaire responsable d’une résistance généralisée à de nombreuses hormones. Ce défaut intervient au niveau d’un carrefour « universel » dont on ne connaissait pas jusqu’à ce jour le rôle dans la résistance hormonale : la protéine kinase A. La résistance concerne la parathormone, son peptide apparenté, les hormones hypophysaires de la fertilité, la thyréostimuline, la calcitonine, et probablement d’autres signaux passant par cette voie biologique. Ce travail est publié dans la revue The New England Journal of Medicine datée du 9 juin 2011.

En 1971, le prix Nobel de médecine est attribué à un médecin américain, Earl Sutherland, « pour sa découverte du mécanisme d’action des hormones » dans lequel il démontre l’existence et le rôle de l’AMPc (adénosine monophosphatase cyclique). Une fois activée, l’AMPc entraine une cascade de réactions qui amplifie le signal initial déclenché par de nombreuses hormones et aboutit à une réponse cellulaire adaptée (par exemple la stimulation de la formation et résorption osseuses par la parathormone, et la stimulation de la lipolyse par l’adrénaline.) Pour ces raisons, on qualifie l’AMPc de « second messager ». Ce mode d’action des hormones via l’APMc est l’un des concepts fondamental de la biologie actuelle. La protéine kinase A (PKA) en est le médiateur principal chez les mammifères.

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Après liaison de leur ligand spécifique (bioamines, peptides, hormones glycoprotéines etc…) un grand nombre de récepteurs sont couplés par la protéine Gs à l’activation de l’adénylcyclase (AC). Cette activation entraine la stimulation de la production d’AMPc, qui à son tour active la protéine kinase A (PKA). La PKA exerce alors son activité de phosphorylation qui catalyse de nombreuses réactions de la cellule. © Inserm, P. Rivière

Il existe plusieurs types de résistance hormonale bien caractérisés impliquant cette voie de signalisation (1). Jusque-là, les pathologies associées à une résistance de cette voie mettaient en cause essentiellement soit un récepteur, soit la protéine G.

Les chercheurs de l’Inserm ajoutent aujourd’hui à cette liste un nouveau syndrome causé par une mutation bien particulière de la protéine kinase A.

A partir de l’observation de patients atteints d’une maladie très rare, l’acrodysostose, les chercheurs ont élucidé le défaut moléculaire responsable d’une résistance généralisée à de nombreuses hormones agissant par la voie décrite dans le schéma ci-dessus.

En l’absence de l’AMPc, la PKA existe sous forme inactive où deux sous-unités régulatrices (R sur le schéma) verrouillent deux sous-unités catalytiques (C sur le schéma). La libération des sous-unités catalytiques et donc l’activation de l’enzyme PKA est déclenchée et dépendante de la fixation de l’AMPc aux sous-unités régulatrices.

Chez trois patients atteints d’acrodysostose, les chercheurs de l’Inserm ont identifié une mutation ponctuelle récurrente dans le gène codant pour la sous-unité régulatrice de la PKA (PRKAR1A). La mutation inhibe la liaison de l’AMPc à la PRKAR1A, qui ne peut plus libérer la sous-unité catalytique. L’activité de la PKA, médiateur principal de la signalisation via l’AMPc est donc diminuée.

De l’avis des deux chercheuses : « C’est la première fois que le rôle de la PKA est mis au jour dans les mécanismes de résistance hormonale. Il est par ailleurs remarquable que ce défaut soit toujours le même, chez 3 patients issus d’horizons géographiques variés et de familles différentes. »

Comme la résistance concerne l’ensemble des hormones agissant par cette voie de signalisation, même si vraisemblablement à des degrés divers, cette découverte devrait s’appliquer aussi bien à la compréhension d’autres maladies hormonales, métaboliques, ou de la croissance osseuse, qu’à la définition de nouvelles cibles et molécules thérapeutiques inattendues.

Note
(1) Par exemple, des mutations perte de fonction des récepteurs V2 pour la vasopressine et récepteurs pour le GnRH ont été identifiées dans des formes familiales de diabète insipide et d’hypogonadisme respectivement, des mutations du récepteur de la parathormone dans une forme de chondrodysplasie létale, et des mutations perte de fonction de la protéine Gs dans certaines formes de résistance à la parathormone.

Un mélanome mieux compris et mieux traité

Comment réagit un mélanome malin à la chimiothérapie ? Une équipe de l’Inserm apporte aujourd’hui de nouveaux éléments de compréhension, ouvrant la voie à la mise au point de traitements plus efficaces pour guérir et éviter les récidives. Les travaux de l’équipe de Corine Bertolotto (Centre méditerranéen de médecine moléculaire de Nice) sont publiés ce jour sur le site de la revue Genes & Development.

Les cancers de la peau sont les plus fréquents des cancers. Ils se guérissent très bien, sauf lorsqu’il s’agit d’un mélanome malin. Ce cancer rare, mais grave est lié à l’exposition aux rayons UV (soleil). Il est en constante augmentation. S’il peut survenir à tout âge, les cas chez les enfants restent exceptionnels, et le mélanome touche plus fréquemment les personnes entre 40 et 50 ans. En 2010, plus de 8 255 nouveaux cas de mélanome ont été diagnostiqués en France dont 53% chez les femmes et 47% chez les hommes. Dans cette maladie, qui fait plus de 1500 morts par an (1), le dépistage précoce augmente les chances de guérison, car sur une tumeur bien installée, les médicaments chimiothérapeutiques n’amènent généralement qu’une guérison incomplète, souvent suivie de rechutes fatales.

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© Fotolia

Sénescence contre apoptose

Sous l’effet des médicaments chimiothérapeutiques, ou d’autres facteurs, comme le stress oxydatif, certaines cellules du mélanome ne « meurent pas » mais peuvent entrer en sénescence. La sénescence est un programme présent dans toutes les cellules normales qui empêche la multiplication des cellules génétiquement « instables », potentiellement précurseurs de tumeurs. Ce programme reste latent dans certaines cellules cancéreuses comme les cellules de mélanome. Il peut être réactivé en certaines circonstances. D’où le potentiel intérêt thérapeutique de « pousser » les cellules vers la voie de la sénescence qui pourrait constituer une stratégie thérapeutique a priori intéressante. Or, les données publiées ce jour par l’équipe de l’Inserm permettent de mieux comprendre comment l’induction de la sénescence pourrait, en fait, être impliquée dans l’échec thérapeutique du mélanome.

Le sécrétome du mélanome

Les cellules en sénescence bien que ne proliférant plus, restent métaboliquement actives et sont capables de produire un ensemble de facteurs pro-inflammatoires, appelé sécrétome, qui modifie le microenvironnement de la tumeur. Les chercheurs en donnent confirmation, ayant pu établir que les cellules sénescentes du mélanome, exposées aux médicaments de chimiothérapie les plus couramment utilisés dans le mélanome (temozolomide et fotemustine), deviennent sénescentes et produisent un sécrétome aux propriétés pro-invasives et pro-tumorigènes. Les cellules tumorales deviennent non seulement de plus en plus difficiles à éliminer, mais elles deviennent plus mobiles, favorisant ainsi le développement de métastases à distance. « Nos données révèlent une partie des mécanismes contribuant à l’échec des chimiothérapies anti-mélanome et à l’émergence des rechutes. » résume Corine Bertolotto, Directrice de recherche Inserm, qui a dirigé cette étude.

Une nouvelle stratégie thérapeutique

Dès lors, la question dont se saisissent Corine Bertolotto et ses collaborateurs est : Comment se forme ce sécrétome ? Quelle est sa composition précise ? Une partie des événements moléculaires impliqués ont été déterminés par l’équipe niçoise et le sécrétome des cellules de mélanome entrées en sénescence a été caractérisé.

En particulier, un acteur essentiel du sécrétome semble être un messager cellulaire appelé CCL2 (chemokine-ligand-2) : son activité est responsable de l’augmentation de la capacité d’invasion des cellules non-sénescentes du mélanome et favorise le développement du mélanome in vivo.

Reste maintenant aux chercheurs à déterminer avec précision la composition exacte et le fonctionnement de tous les acteurs du sécrétome pour identifier des cibles d’interventions thérapeutiques pertinentes.

Note
(1) Données issues de la projection de l’incidence et de la mortalité par cancer en France en 2010, rapport InVS-INCa-Francim-HCL, avril 2010

L’albumine bovine en cause dans une maladie du rein

L’équipe de Hanna Debiec, chargée de recherche à l’Inserm et Pierre Ronco, directeur de l’unité mixte de recherche 702 « Remodelage et réparation du tissu rénal » (Inserm/UPMC) et chef de service de néphrologie et dialyses de l’hôpital Tenon (AP-HP) a identifié l’albumine bovine, un antigène alimentaire apporté notamment par le lait de vache, comme étant la cause d’une maladie rare du rein chez l’enfant de moins de 5 ans. Difficile à traiter, cette maladie peut mener à une insuffisance rénale nécessitant le recours à la dialyse ou à la greffe. Cette découverte met l’accent sur le risque alimentaire chez le jeune enfant où l’antigène a été retrouvé dans les dépôts rénaux qui caractérisent la maladie. Les travaux des chercheurs sont publiés dans la revue The New England Journal of Medicine datée du 2 juin.

La glomérulonéphrite extramembraneuse est une maladie rare qui touche les reins, ces organes vitaux qui filtrent le sang. Dans cette maladie, certains anticorps, des immunoglobulines, se déposent dans les glomérules, les structures qui filtrent le sang et produisent l’urine. La paroi des capillaires et les cellules qui la tapissent, composent le filtre glomérulaire qui va être « attaqué » par ces dépôts. Dans 85 % des cas, les causes de la maladie sont indéterminées : elle est dite « idiopathique ».

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Hanna Debiec et Pierre Ronco viennent d’identifier l’albumine bovine comme étant un antigène en cause dans les formes de la maladie du jeune enfant de moins de 5 ans. L’albumine bovine provient de l’alimentation et plus particulièrement du lait de vache naturel ou dont les composants sont incorporés dans certaines formules industrielles.

Pour aboutir à cette conclusion, les chercheurs ont étudié une population de 222 personnes dont 50 patients atteints de glomérulonéphrite extramembraneuse. Ils ont montré la présence d’albumine bovine non digérée et d’anticorps reconnaissant cette protéine dans le sérum de 11 patients malades dont 4 enfants âgés de moins de 5 ans.

« De façon inattendue, et uniquement chez l’enfant, cette albumine porte des charges électriques positives qui favorisent son dépôt dans la paroi des capillaires glomérulaires chargée négativement. C’est pourquoi les anticorps viennent ensuite réagir avec l’albumine déposée, ce qui induit les lésions », explique Hanna Debiec, chargée de recherche à l’Inserm.

Ces résultats impliquent pour la première fois un antigène alimentaire dans les glomérulonéphrites extramembraneuses. Les raisons pour lesquelles l’albumine bovine est modifiée et absorbée sans être digérée restent obscures. Les chercheurs suggèrent que « certaines méthodes de préparation industrielle peuvent la rendre partiellement résistante à la dégradation par les enzymes du tube digestif. La flore intestinale peut également jouer un rôle tout comme la perméabilité de la barrière intestinale aux protéines qui est plus grande chez le jeune enfant et peut être accrue par les infections digestives. »

« Nous poursuivons nos recherches car il est possible que d’autres antigènes de l’environnement puissent être en cause chez l’enfant comme chez l’adulte. Les identifier permettrait d’envisager des solutions pour prévenir ou traiter la maladie, par exemple par un régime adapté » souligne Pierre Ronco.

Ces travaux de recherche ont fait l’objet d’une protection par dépôt de demande de brevet par Inserm Transfert.

Comment évolue la glomérulonéphrite extramembraneuse ?
Les lésions du filtre glomérulaire engendrées par les dépôts d’anticorps, favorisent le passage anormal dans les urines de protéines de gros diamètre, comme l’albumine qui a un rôle important : gérer la répartition des liquides dans le corps. La baisse de la concentration de cette protéine dans le sang entraine alors une accumulation de sel et d’eau en dehors des cellules, provoquant des œdèmes. Dans les cas avancés, les glomérules et le reste du tissu rénal sont envahis par une fibrose importante, compromettant le fonctionnement du rein. A terme, la glomérulonéphrite extramembraneuse peut engendrer une insuffisance rénale grave qui, au stade terminal, nécessite le recours à la dialyse ou à la transplantation. La maladie récidive dans près de 40 % des cas sur le rein greffé. Chez l’enfant, elle est plus rare que chez l’adulte, ne représentant que 2 % des maladies identifiées par la biopsie.

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