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Pour quelques euros de plus…

Comment apprendre le plus rapidement possible à exécuter des tâches motrices simples comme tricoter, jongler ou encore taper sur un clavier d’ordinateur ? Rien de plus simple : il suffit de vous récompenser par quelques euros. Mathias Pessiglione chercheur à l’Inserm et ses collaborateurs du CRICM (Centre de recherche de l’Institut du Cerveau et de la moelle épinière) viennent effectivement d’apporter la preuve scientifique que les récompenses monétaires améliorent l’apprentissage moteur chez l’homme. Cet effet passe par une libération accrue de dopamine dans le cerveau. Ces résultats sont publiés dans la revue Brain datée du 23 août 2011.

L’étude de Mathias Pessiglione, Stefano Palminteri et leurs collaborateurs a consisté à soumettre des volontaires au test suivant : regarder une image sur un écran représentant cinq touches d’un clavier d’ordinateur avec la consigne d’appuyer le plus rapidement possible sur 3 d’entre elles de manière simultanée. Une motivation financière est proposée à chaque exécution : 10 euros ou 10 centimes d’euros selon les cas. En proposant cet exercice, les chercheurs souhaitaient tester si une récompense financière pouvait influencer un apprentissage moteur.

Et le résultat est sans appel : les participants exécutent progressivement d’autant plus rapidement la tâche, qu’ils reçoivent la récompense la plus élevée (10 euros contre 10 centimes) même sans en être conscient. Ils ne savent effectivement pas à l’avance quel sera le montant de la récompense. « Une fois que nous avons fait ce constat, notre objectif a été d’essayer de comprendre ce qui se passait dans le cerveau des participants, explique Mathias Pessiglione, chercheur à l’Inserm. Nous avons fait l’hypothèse que le circuit de la dopamine pouvait être impliqué dans ces processus. » Il est en effet démontré depuis longtemps que la libération de dopamine permet de renforcer l’efficacité de certains neurones impliqués dans la coordination visuo-motrice (lien entre ce que je vois et ce que je fais).

Il fallait donc pour tester cette hypothèse, trouver des personnes chez qui la libération de dopamine était augmentée. C’est le cas des patients atteints de la maladie de Gilles de la Tourette. Cette maladie neurologique entraine des tics moteurs et vocaux involontaires, soudains, brefs et intermittents. Elle est caractérisée, entre autre, par une trop forte libération de dopamine dans le cerveau.

Les chercheurs de l’Inserm les ont donc soumis au même test consistant à appuyer le plus rapidement possible sur 3 touches de clavier d’ordinateur de manière simultanée. La moitié d’entre eux étaient traités par des médicaments bloquant le circuit de la dopamine (neuroleptiques) tandis que l’autre non.
Là encore le résultat est sans appel : lorsque la récompense monétaire est la plus élevée, les personnes sans traitement apprennent à exécuter la tâche bien plus rapidement que les personnes traitées et surtout plus rapidement que les volontaires sains.
Une dernière expérience a consisté à soumettre le test à des personnes présentant des troubles moteurs non liés à la dopamine (souffrant de torticolis spasmodique/dystonie focale). Leur rapidité à exécuter la tâche est comparable à celle des volontaires sains.

Ces travaux apportent la preuve scientifique que les récompenses monétaires améliorent l’apprentissage moteur chez l’homme et que cet effet passe par une libération accrue de dopamine dans le cerveau.

Ces résultats sont également un argument de plus en faveur d’un lien entre l’hyper dopaminergie des personnes atteintes du syndrome de Gilles de la Tourette et leurs tics moteurs. L’efficacité de molécules neuroleptiques atypiques (qui diminuent les tics sans altérer l’effet des récompenses chez les malades atteints de la maladie de Gilles de la Tourette) sont d’ores et déjà à l’étude par les chercheurs.

Une peau pigmentée grâce aux cellules souches

Après avoir reconstitué un épiderme à partir de cellules souches pluripotentes en 2009 (1), l’équipe de Christine Baldeschi de l’Institut I-STEM (2) (I-STEM/Inserm UEVE U861/AFM), dirigé par Marc Peschanski, vient de lui donner sa couleur : les chercheurs ont obtenu in vitro, avec la même stratégie, des mélanocytes fonctionnels, ces cellules qui pigmentent la peau et la protège des rayons UV. Cette ressource cellulaire illimitée pourrait à terme être proposée, comme alternative thérapeutique, aux patients atteints de troubles de la pigmentation de la peau, d’origine génétique ou non, tels que le Vitiligo. Des travaux financés notamment grâce aux dons du Téléthon.

Ces travaux, publiés dans la revue PNAS, sont disponibles en ligne

Une des fonctions de la peau est de protéger le corps des rayons UV (ultraviolets) du soleil. Cette tâche est assurée par des cellules pigmentées: les mélanocytes. En libérant de la mélanine, le pigment qui colore la peau, ils protègent les autres cellules de l’épiderme (kératinocytes) des effets mutagènes des rayons UV.

A l’heure actuelle, la thérapie cellulaire utilisée pour traiter les troubles de la pigmentation de la peau, est réalisée par autogreffe. Or, cette stratégie n’est efficace que s’il existe des zones non atteintes à côté des zones hypopigmentées, ce qui est le cas pour le vitiligo mais pas pour de nombreuses autres pathologies telles que l’albinisme. Pour répondre à cette contrainte, les chercheurs se sont penchés sur une stratégie alternative fondée sur une approche allogénique : utiliser une source externe et illimitée de cellules pigmentées parfaitement contrôlées.

En 2009, l’équipe était parvenue pour la première fois à obtenir les cellules de l’épiderme (kératinocytes) qui permettent le renouvellement constant de la peau, à partir de cellules souches pluripotentes d’origine embryonnaire. Forts de ces résultats publiés dans la revue The Lancet (novembre 2009) l’équipe vient aujourd’hui de franchir une nouvelle étape en identifiant le procédé de différenciation permettant de dériver des cellules souches, d’origine embryonnaire (hES) ou induites à la pluripotence (iPS), en une population pure et homogène de mélanocytes capables de produire de la mélanine et de s’intégrer à l’épiderme.

Comment obtenir des mélanocytes fonctionnels à partir de cellules souches ?

Les cellules souches pluripotentes, d’origine embryonnaire (hES) ou induites (iPS), possèdent deux caractéristiques fondamentales : une capacité d’expansion illimitée et une capacité de pluripotence c’est-à-dire à se différencier vers tous les types cellulaires du corps humain.

© I-STEM (I-STEM/Inserm UEVE U861/AFM) – Figure 2 : a. culture de mélanocytes (en vert) haut) ; b. coculture de mélanocytes (en vert) et kératinocytes (en rouge)

L’équipe du Dr Christine Baldeschi a identifié quelles étaient les conditions expérimentales nécessaires à la différenciation des cellules pluripotentes en cellules pigmentées (mélanocytes) semblables à celles naturellement présentes chez l’homme au sein de l’épiderme. Une fois isolées et amplifiées in vitro, ces cellules présentent les mêmes caractéristiques que des mélanocytes adultes (cf. figure 2.a ci-contre).

Ensuite, à partir de cette culture, les chercheurs ont étudié la fonctionnalité des mélanocytes ainsi obtenus. Ils ont démontré qu’ils étaient à la fois capables de s’insérer dans leur niche au niveau de la couche basale de l’épiderme (cf. figure 1) et de communiquer avec les kératinocytes avoisinant, comme c’est le cas physiologiquement au niveau de l’épiderme. En analysant des cocultures, l’équipe de recherche a mis en évidence que ces mélanocytes pouvaient transférer leur mélanine aux kératinocytes qui constituent l’épiderme (cf. figure 2.b ci-contre).

« Cette communication cellulaire est fondamentale, à la fois pour protéger les kératinocytes suite aux stress que sont les rayons ultraviolets, et également pour repigmenter la peau après une éventuelle greffe » expliquent Christine Baldeschi et Xavier Nissan.

Pour les chercheurs, les perspectives de ce travail sont grandes. « Ces cellules « toutes prêtes » seront proposées pour le traitement des patients atteints de Vitiligo mais également pour d’autres pathologies affectant la pigmentation pouvant être d’origines génétiques telles que les syndromes de Waardenburg et le syndrome de Griscelli »,affirme Marc Peschanski, directeur de recherche Inserm et directeur d’I-STEM.

 

Notes :
(1) 2009 : Première reconstitution d’un épiderme à partir de cellules souches embryonnaires humaines
(2) I-STEM: Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques crée le 1er janvier 2005. L’Inserm, l’Université d’Evry-Val-d’Essonne et l’AFM en sont les membres fondateurs.

Des microcapsules innovantes pour prévenir les maladies du cœur

Pour traiter les maladies cardiovasculaires, les chercheurs étudient depuis quelques années une approche prometteuse qui consiste à créer de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants grâce à l’utilisation de facteurs de croissance. Jusqu’à présent, la combinaison adéquate de ces facteurs ainsi que le système de diffusion aboutissant au développement de vaisseaux fonctionnels, n’avaient pas été découverts. Aujourd’hui, Ebba Brakenhielm, chargée de recherche à l’Inserm (unité 644, Rouen « Pharmacologie des dysfonctionnements endothéliaux et myocardiques ») et ses collaborateurs, viennent de mettre au point une stratégie innovante répondant à ce double défi. Ils ont conçu des microcapsules, contenant deux facteurs de croissance efficaces, qui, une fois injectées dans le muscle cardiaque, préviennent ses dysfonctionnements.

Ces résultats, publiés dans la revue Circulation, sont disponibles en ligne

Stimuler la croissance de vaisseaux sanguins, via la création de nouveaux vaisseaux (angiogenèse) et leur maturation(artériogénèse), représente une solution thérapeutique prometteuse dans le traitement des maladies cardiovasculaires, telles que l’infarctus du myocarde ou l’insuffisance cardiaque chronique. Cette thérapie nouvelle dite « angiogénique » est basée sur la diffusion ciblée de facteurs de croissance qui stimulent la migration et la prolifération de cellules vasculaires aboutissant à la formation et la croissance de vaisseaux sanguins. Toutefois, les récents essais cliniques basés sur l’administration d’un seul facteur pro-angiogénique n’ont pas montré les résultats bénéfiques attendus et les méthodes de diffusion utilisées présentaient de nombreuses limites.

Afin d’améliorer la thérapie angiogénique, les chercheurs de l’unité Inserm 644 « pharmacologie des dysfonctionnements endotheliaux et myocardiques » à Rouen, viennent de mettre au point une stratégie innovante permettant la libération contrôlée de facteurs pro-angiogéniques par des microcapsules formées à partir de biopolymères tels que l’alginate. En plus de l’innovation technologique, ils ont identifié une combinaison de facteurs de croissance qui stimule de façon synergique l’angiogenèse et l’arteriogenèse (création d’artères matures).
« Cette combinaison, libérée par des microcapsules administrées directement dans le muscle cardiaque, stimule la croissance de vaisseaux sanguins cardiaques stables et fonctionnels » souligne Ebba Brakenhielm, chercheuse à l’Inserm et principal auteur de l’étude.

De la formule à la microcapsule…

Facteurs de croissance encapsulés - Gauche: image de microscopie confocale

© Ebba Brakenhielm, Inserm – Facteurs de croissance encapsulés – Gauche: image de microscopie confocale « 3D » du FGF (en rouge) directement après son chargement dans la microcapsule – Droite: image de microscopie confocale du HGF (en rouge) encapsulé dans la microcapsule, visualisé 5 jours après le chargement.

Microphotographies des microcapsules destinées à contenir les facteurs de croissance - En haut : microscopie optique après coloration - En bas: microscopie électronique à balayage après séchage

© Florence Edwards-Lévy, CNRS-Université de Reims Champagne-Ardenne – Microphotographies des microcapsules destinées à contenir les facteurs de croissance – En haut : microscopie optique après coloration – En bas: microscopie électronique à balayage après séchage

Pour parvenir à ce double résultat, les chercheurs ont procédé par étapes. Ils ont d’abord constaté, in vitro, que l’association de deux facteurs de croissance, (FGF-2 et HGF), comparée à l’utilisation d’un seul facteur, stimule davantage la migration et la prolifération de cellules vasculaires animales et humaines.

Ensuite, ils ont vérifié leur observationin vivo en observant l’effet renforcé de cette formulation sur des cornées de souris : des vaisseaux fonctionnels et stables se sont formés.

En parallèle, les chercheurs se sont penchés sur le système permettant le transport et la diffusion ciblée des facteurs de croissance. Ils ont alors envisagé l’utilisation de microcapsules, préparées notamment à partir d’alginate.

« L’utilisation des microcapsules permet une diffusion locale lente et une protection des facteurs de croissance. Ils sont alors 3 à 6 fois plus actifs pour induire l’angiogenèse que des facteurs non encapsulés » précise Florence Edwards-Lévy, de l’Institut de Chimie Moléculaire de Reims (CNRS UMR 6229), qui travaille à la mise au point et à l’optimisation des microcapsules.

… pour prévenir les maladies cardiovasculaires

Chez le rat, cette thérapie angiogénique atténue le remodelage pathologique du cœur qui a lieu après l’infarctus. Au niveau du cœur, la création de nouveaux vaisseaux améliore la circulation du sang, permet l’oxygénation du muscle cardiaque et prévient ses dysfonctionnements. « Notre thérapie pourrait constituer une nouvelle approche pour la prévention de l’insuffisance cardiaque. Elle pourrait s’adresser notamment aux patients atteints de maladies coronariennes qui répondent mal aux traitements classiques pharmaceutiques et chirurgicaux ou aux patients développant une insuffisance cardiaque« , conclut Ebba Brakenhielm.

Ces travaux font l’objet d’un dépôt d’une demande de brevet par Inserm Transfert.

Du liquide dans les poumons : une solution pour protéger l’organisme après un arrêt cardiaque

L’idée n’est pas nouvelle, mais le système utilisé par les chercheurs de l’Inserm est inédit. Alain Berdeaux, Renaud Tissier et leurs collaborateurs de l’Unité Inserm 955 (Institut Mondor de recherche biomédicale) viennent d’apporter une nouvelle preuve au fait que le refroidissement très rapide de l’organisme permet de protéger les organes vitaux après un arrêt cardiaque. La technique mise au point chez l’animal consiste à refroidir l’organisme après un arrêt cardiaque en administrant dans les poumons des liquides riches en fluor. Ce système permet d’une part l’apport d’oxygène au poumon grâce à une « ventilation liquide » et, d’autre part d’abaisser la température corporelle jusqu’à 32°C très rapidement pour créer une hypothermie à visée thérapeutique. Celle-ci limite les séquelles après un arrêt cardiaque chez le petit animal.

Les résultats, publiés dans la revue Circulation, sont disponibles en ligne

Chaque année, environ 50 000 personnes font l’objet en France d’un arrêt cardiaque brutal en dehors du secteur hospitalier. La prise en charge de ces patients est une urgence absolue puisque chaque minute suivant l’arrêt cardiaque est cruciale. Si la circulation du sang n’est pas rétablie dans les 3-4 minutes après l’accident par une réanimation d’urgence, les organes vitaux (cœur, cerveau, foie, reins) commencent à souffrir du manque d’oxygène. Lorsque les secours arrivent à faire repartir le cœur, des séquelles sont alors fréquentes pour ces organes vitaux.

De nombreuses études ont déjà prouvé par le passé l’importance d’un refroidissement pour améliorer la survie et pour limiter les séquelles neurologiques chez des patients réanimés après un arrêt cardiaque. Chez le petit animal, il a aussi été montré que le bénéfice apporté par ce refroidissement dépendait de la vitesse à laquelle il était instauré après un arrêt cardiaque. Les travaux menés par les chercheurs de l’Inserm au sein de l’Institut Mondor de recherche biomédicale et de l’Ecole Vétérinaire d’Alfort démontrent l’efficacité d’un dispositif rapide permettant de faire face à cette exigence de réactivité.

Alain Berdeaux, Renaud Tissier et leurs collaborateurs ont développé chez le petit animal un système expérimental (cf. schéma ci-dessous) qui permet d’administrer des liquides riches en fluor (perfluorocarbones) dans les poumons pour établir une forme de respiration basée sur des liquides et non plus des gaz. On parle alors de « ventilation liquide ». Ces liquides présentent un double avantage : la teneur en oxygène du perfluorocarbone peut être assez élevée pour que les poumons continuent de fonctionner et sa température d’administration permet une hypothermie thérapeutique. S’il est administré à une température inférieure à la température corporelle, son passage dans le poumon abaisse très rapidement la température de l’organisme jusqu’à environ 32°C pour créer des conditions favorables à la préservation du cœur et des autres organes vitaux.

© Renaud Tissier

Un épisode de ventilation liquide diminue la température du cœur et du cerveau à 32°C en environ 5 à 15 min chez des petits animaux. A cette température, le cœur continue de battre et l’organisme entre dans un état proche de l’hibernation. A titre de comparaison, l’application de substances très froides sur la peau des animaux nécessite environ 45 min pour induire un refroidissement comparable.

© Patrick Bruneval / Clovis Adam

Chez les animaux ayant bénéficié de ce système expérimental, la survie et la qualité des tissus cérébraux et cardiaques ont été considérablement améliorés après un arrêt cardiaque de 5 à 10 minutes (cf. figure ci-contre). « Cette amélioration était très supérieure à celle obtenue avec d’autres stratégies permettant d’induire une hypothermie plus lente, renforçant à nouveau l’idée qu’il est essentiel d’agir vite après la réanimation cardio-pulmonaire » explique Renaud Tissier.

« Nous ne sommes pour l’instant qu’au stade des études précliniques menées chez l’animal mais les perspectives cliniques de ce travail sont importantes, notamment pour le traitement de l’arrêt cardiaque, dont le pronostic reste effroyable à ce jour » déclare Alain Berdeaux. Et de conclure : « Les férus de cinéma pourront largement faire le parallèle entre nos travaux et certaines séquences du film Abyss. » Quand la science-fiction devient réalité….

Ces travaux font l’objet d’un dépôt d’une demande de brevet par Inserm Transfert.

Des vaisseaux sanguins participent à l’éradication des tumeurs

Cancer du sein : pour la première fois, des vaisseaux sanguins très spécifiques ont été découverts dans les tumeurs. Ces vaisseaux facilitent l’accès vers les cellules cancéreuses de certains globules blancs : les lymphocytes tueurs, et entraînent ainsi une destruction efficace des tumeurs. Menée par l’équipe de Jean-Philippe Girard, directeur de recherche Inserm à l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier), en collaboration avec l’Institut Claudius Regaud, ces travaux font l’objet d’une publication dans Cancer Research (août 2011).

Une catégorie de globules blancs, les « lymphocytes tueurs », sont chargés de reconnaître et de détruire les cellules cancéreuses dans l’organisme. Cependant, l’éradication de la maladie requiert la présence d’un grand nombre de cellules tueuses au contact des tumeurs. Comment ces lymphocytes parviennent-ils à pénétrer dans les tumeurs pour les détruire ? Si ce mécanisme demeurait mystérieux jusqu’à présent, l’équipe de Jean-Philippe Girard à l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS / Université Toulouse III – Paul Sabatier), en collaboration avec des chercheurs de l’Institut Claudius Regaud (Centre de Lutte Contre le Cancer de Toulouse) (1) lève le voile sur l’infiltration des lymphocytes dans les tumeurs. En menant une étude clinique sur près de 150 patientes souffrant d’un cancer du sein, les scientifiques ont découvert la présence d’un type particulier de vaisseaux sanguins, appelés HEV, dans les tumeurs. En temps normal, ces vaisseaux HEV – pour High Endothelial Veinule – sont présents dans les ganglions lymphatiques (2) où ils constituent la porte d’entrée pour les lymphocytes arrivant par le sang. Les cellules qui tapissent la paroi de ces vaisseaux HEV sont bombées, arrondies, et cette morphologie très caractéristique facilite le passage des lymphocytes du sang vers le tissu.

L’équipe toulousaine a constaté que la présence d’un grand nombre de lymphocytes tueurs dans les tumeurs du sein était liée à la présence d’un grand nombre de vaisseaux HEV dans ces tumeurs. Cela suggère que, comme dans les ganglions, les HEV constituent la porte d’entrée des lymphocytes dans les tumeurs. De plus, les chercheurs ont observé qu’avec beaucoup de vaisseaux HEV dans une tumeur, la probabilité de guérison des patientes était augmentée. La présence de ces vaisseaux HEV dans une tumeur serait donc un facteur de bon pronostic.

Prochaines étapes pour les chercheurs : confirmer ces résultats sur de plus grands groupes de patientes et étudier l’influence des vaisseaux HEV sur la réponse aux thérapeutiques (chimio et radiothérapies) couramment utilisées dans le traitement du cancer du sein. Des travaux sont également en cours pour examiner le rôle des vaisseaux HEV dans les mélanomes, les cancers des ovaires et du colon. A plus long terme, l’objectif vise à augmenter la quantité de vaisseaux HEV dans les tumeurs et/ou les faire apparaître dans les tumeurs qui n’en n’ont pas, afin de permettre un recrutement massif de lymphocytes tueurs pour éradiquer les cellules cancéreuses.

Visualisation en microscopie d’une coupe de tumeur du sein montrant un vaisseau sanguin HEV (en vert) entouré de lymphocytes (en rouge). La flèche blanche indique un lymphocyte en train de se faufiler à travers le vaisseau HEV.

© Jean-Philippe GIRARD – IPBS (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier)

Visualisation en microscopie d’une coupe de tumeur du sein montrant un vaisseau sanguin HEV (en vert) entouré de lymphocytes (en rouge). La flèche blanche indique un lymphocyte en train de se faufiler à travers le vaisseau HEV.

 

Notes

(1) Ces travaux ont bénéficié du soutien financier de la Ligue Nationale Contre le Cancer (Equipe Labellisée Ligue 2009), de la Fondation RITC (Recherche et Innovation Thérapeutique en Cancérologie) et de la région Midi-Pyrénées.
(2) Les ganglions lymphatiques sont le lieu de prolifération et de différenciation des cellules immunitaires. Les vaisseaux lymphatiques amènent un antigène (souvent issus d’un pathogène), du tissu jusqu’aux ganglions, permettant ainsi d’entraîner une réponse immunitaire spécifique en activant les lymphocytes T et B.

Identification de nouveaux facteurs de prédisposition génétique à la sclérose en plaques

Une équipe internationale composée notamment de plusieurs équipes hospitalières et de recherche françaises vient d’identifier 29 nouveaux variants génétiques associés à la sclérose en plaques, apportant des informations clés sur la physiopathologie de cette maladie neurologique très invalidante. La majeure partie des gènes identifiés est impliquée dans le système immunitaire, et révèlent les voies biologiques qui sous tendent le développement de la sclérose en plaques. Les résultats de ces travaux, coordonnés par les Universités de Cambridge et d’Oxford, et financé par le Wellcome Trust, sont publiés cette semaine dans la revue Nature. C’est la plus grande étude génétique de la sclérose en plaques jamais réalisée à ce jour grâce à la contribution de près de 250 chercheurs, membres de l’International Multiple Sclerosis Genetics Consortium et du Wellcome Trust Case Control Consortium.

La France, représentée par le Réseau Français d’Etude Génétique de la Sclérose en Plaques (REFGENSEP) coordonné par Bertrand Fontaine (Centre de recherche de l’Institut du cerveau et de la moelle, Unité mixte Inserm/CNRS/ Université Pierre et Marie Curie 975-7225, Paris) et le Centre National de Génotypage (CNG) dirigé par Mark Lathrop, a participé activement à cette recherche. Dix chercheurs et cliniciens français sont signataires de l’article scientifique publié aujourd’hui. Depuis 1999, le réseau REFGENSEP recrute des patients volontaires pour la recherche génétique au sein de 33 centres répartis en France.

© RIEGER F. – Sclérose en plaques, les cellules en rouge sont en train de mourir (mort cellulaire). Astrocytes exposés au facteur glycotoxique.

Les résultats publiés aujourd’hui récompensent le travail conjoint des neurologues et des scientifiques associé à l’engagement des patients et des associations qui les représentent. L’équipe dirigée par Bertrand Fontaine travaille activement depuis de nombreuses années sur l’identification des gènes de prédisposition à la sclérose en plaques et a participé à la coordination de cette vaste étude. « Après plus de 30 ans de recherche, seul un effort commun et international pouvait nous laisser espérer identifier les gènes majeurs impliqués dans la sclérose en plaques. C’est le résultat de cet effort commun dont nous publions les résultats aujourd’hui. La stratégie que nous avons utilisée peut être appliquée à d’autres maladies et devrait permettre d’accélérer la compréhension des maladies multi-factorielles » explique Bertrand Fontaine.

La sclérose en plaques est l’une des maladies neurologiques la plus répandue chez les adultes jeunes, affectant près de 2,5 millions de personnes dans le monde. Elle résulte de la destruction de l’enveloppe protectrice des fibres nerveuses, la gaine de myéline, puis des fibres elles-mêmes dans le cerveau et la moelle épinière. Ce processus entraîne, à long terme, une perturbation du passage de l’information

véhiculée par l’influx nerveux. Les symptômes qui apparaissent alors, tels que des troubles de la vue, de la marche, du toucher, de la concentration, et des troubles sphinctériens, affectent la vie quotidienne des patients. Dans l’étude publiée cette semaine dans Nature, les chercheurs ont analysé l’ADN de 9772 personnes atteintes de sclérose en plaques issues de 15 pays et de 17 376 contrôles sains. Les résultats confirment 23 variants déjà connus et en identifient 29 autres comme facteurs de prédisposition génétique à la maladie. Cinq autres sont fortement suspectés et devront faire l’objet d’études réplicatives pour être confirmés.

Un grand nombre de gènes identifiés par ces travaux jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement du système immunitaire, en particulier dans la fonction des cellules T (un type de globules blancs responsable de la réponse de défense contre des pathogènes, mais aussi impliqués dans l’auto-immunité) ainsi que dans l’activation des interleukines (médiateurs des cellules immunitaires). Fait intéressant, un tiers des gènes identifiés dans cette recherche ont déjà été impliqués dans d’autres maladies auto-immunes (telles que la maladie de Crohn et le diabète de type 1), indiquant un processus immunitaire commun à ces pathologies. Des recherches antérieures avaient suggéré un risque accru de sclérose en plaques chez les personnes déficientes en vitamine D. Parmi les gènes identifiés aujourd’hui, deux sont impliqués dans le métabolisme de cette vitamine, fournissant des pistes supplémentaires sur un lien possible entre les facteurs de risque génétiques et environnementaux. Ces travaux devraient ouvrir de nouvelles pistes de compréhension de la maladie et de recherche de nouveaux traitements.

En savoir plus

  • Le Wellcome Trust est une fondation mondiale de bienfaisance dédiée à la réalisation des projets innovants en matière de santé humaine et animale. Il finance les projets les plus brillants de recherche biomédicale et de sciences humaines en médecine. Il est indépendant des intérêts politiques et commerciaux http://www.wellcome.ac.uk
  • International Multiple Gernetics Consortium https://imsgc.org
  • Pour plus d’informations sur la sclérose en plaques, vous pouvez contacter l’association pour
    la recherche sur la sclérose en plaques en France http://www.arsep.org

Hépatite C : une nouvelle piste vaccinale

Développer un vaccin efficace contre l’hépatite C : tel est l’objectif d’une étude européenne coordonnée par David Klatzmann du laboratoire Immunologie-immunopathologie-immunothérapeutique (CNRS/UPMC/Inserm) et soutenue par l’ANRS. Pour la première fois, les chercheurs sont parvenus à produire chez l’animal des anticorps à large spectre contre le virus de l’hépatite C. Publiés le 3 août 2011 dans la revue Science Translational Medicine, ces résultats ouvrent la voie à la mise au point d’un vaccin contre l’hépatite C et plus largement, vers une nouvelle technologie pour le développement de vaccins contre d’autres infections (VIH, dengue…).

 

L’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est un problème de santé publique majeur. Dans le monde, 200 millions de personnes sont chroniquement infectées et, dans certaines régions, 10 à 30 % de la population est touchée. Les complications majeures de l’infection par le VHC (comme l’insuffisance hépatique ou les cancers du foie) provoquent environ 50 000 morts par an au niveau mondial. L’OMS estime que sans intervention rapide pour contenir la propagation de l’infection, la mortalité liée à l’infection par le VHC pourrait dépasser celle causée par le VIH. Il existe des traitements antiviraux qui permettent d’éradiquer le virus mais ils sont très coûteux et peu accessibles aux pays du Sud et il n’y a pas encore de vaccin préventif de l’infection dont le besoin est pourtant manifeste.

Dans le cadre d’une étude européenne coordonnée par David Klatzmann du laboratoire Immunologie-immunopathologie-immunothérapeutique (CNRS/UPMC/Inserm) et soutenue par l’ANRS, la start-up Epixis révèle les résultats prometteurs d’une nouvelle stratégie de développement vaccinal obtenus par plusieurs équipes françaises (1).
Dans le but de développer un vaccin contre le VHC, les chercheurs ont mis au point une technologie basée sur l’utilisation de « pseudo-particules » virales. De telles structures artificielles ressemblent aux particules virales mais elles n’en n’ont pas la dangerosité puisqu’elles ne contiennent pas de matériel génétique et ne permettent pas au virus de se multiplier (2). La nouveauté de l’étude réside dans l’élaboration de pseudo-particules virales « chimériques », c’est-à-dire construites avec des fragments issus de deux virus différents. Ici, il s’agit d’une pseudo-particule issue d’un rétrovirus de souris recouverte de protéines du VHC.
En réaction à une vaccination avec ces pseudo-particules virales, les chercheurs ont observé, pour la première fois, la production d’anticorps neutralisants le virus VHC chez la souris et le macaque. Il est largement accepté que les anticorps neutralisants sont les principaux médiateurs d’une immunité protectrice pour la plupart des vaccins utilisés chez l’homme.

Ces mêmes anticorps se sont révélés avoir une activité à large spectre, c’est-à-dire capables d’induire une immunité neutralisante contre les différents sous-types du VHC. Jusqu’à présent, les tentatives dans ce sens avaient échoué.

Ces résultats sont importants pour la mise au point d’un vaccin préventif contre le virus de l’hépatite C. Plus généralement, ils sont applicables au développement de stratégies similaires pour des vaccins contre d’autres infections, comme le VIH, la dengue, leVirus Respiratoire Syncytial (RSV)…

Ces travaux ont été soutenus par l’ANRS et par un contrat de recherche européen « CompuVac » financé dans le cadre du 6ème Programme-cadre de recherche et de développement (PCRD). Ils impliquent 18 partenaires européens dont le CNRS, l’UPMC, l’ENS de Lyon, l’Institut Pasteur, le CEA, l’Inserm, l’Université Claude Bernard – Lyon 1, la société Epixis.

© D. Klatzmann/CNRS Schéma illustrant les pseudo-particules virales chimériques utilisées dans l’étude

 

Notes

(1) Ont notamment été impliquées dans cette étude : des équipes du laboratoire Immunologie-immunopathologie-immunothérapeutique (CNRS/UPMC/Inserm), du laboratoire de virologie humaine (Inserm/Université Claude Bernard Lyon 1/ENS Lyon), de l’Unité de génomique virale et vaccination (CNRS/Institut Pasteur), du service d’immunovirologie (CEA/Université Paris-Sud 11).
(2) L’utilisation de pseudo-particules virales est bien connue et appliquée, par exemple dans le vaccin contre le papillomavirus.

Schizophrénie : une maladie plurielle

Cherchant à mieux comprendre les causes de la schizophrénie, Marie Odile Krebs, de l’Unité 894 Inserm – Université Paris Descartes « Centre de psychiatrie et neurosciences », à l’hôpital Sainte-Anneet Guy A. Rouleau de l’Université de Montréal (Canada) ont utilisé une nouvelle approche pour séquencer l’ADN d’individus atteints de schizophrénie. Le but des chercheurs était d’identifier des variations génétiques susceptibles d’être impliquées dans la schizophrénie. Se démarquant d’une approche « gène candidat », les analyses génétiques ont été faites en examinant l’ensemble de l’exome (1) d’individus atteints de schizophrénie et dont les parents ne montraient aucun signe de la maladie. Premiers résultats de « whole exome » dans la schizophrénie, ces travaux ont été publiés dans la revue Nature Genetics.

© Fotolia

La schizophrénie est une maladie chronique caractérisée par une vaste gamme de symptômes pouvant comprendre des hallucinations et idées délirantes, un retrait social et des troubles cognitifs. Elle touche, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 24 millions d’individus à travers le monde.

Afin d’identifier des mutations génétiques associées à la schizophrénie, l’étude menée en partie par les chercheurs de l’Inserm a consisté à analyser l’ensemble de l’exome, environ 20,000 gènes, chez chacun des 42 participants (individus affectés et parents respectifs) en se focalisant sur l’identification de mutations dites« de novo », c’est-à-dire présentes dans le matériel génétique des patients mais absentes chez leurs parents.

Les résultats obtenus démontrent que les mutations de novo sont plus fréquentes chez les individus atteints de schizophrénie que dans la population générale. La fréquence des mutations de novo observée expliquerait en partie le taux élevé de schizophrénie à l’échelle mondiale.

La plupart des gènes identifiés n’ont jamais été auparavant impliqués dans la schizophrénie et représentent donc de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles dans une maladie pour laquelle 30 % des personnes atteintes résistent au traitement.

La stratégie clinique développée par les chercheurs est nouvelle. Elle s’intéresse aux cas sans antécédents familiaux, souvent délaissés des études génétiques. Les mutations identifiées apparaissent dans de nombreux gènes différents et permettront de commencer à établir de nouveaux réseaux génétiques pour comprendre comment ces mutations prédisposent à la schizophrénie. « Nos résultats confortent l’idée qu’il n’existerait pas « une » mais « des » schizophrénies, hétérogénéité à laquelle les cliniciens sont quotidiennement confrontés » précise Marie Odile Krebs.

Ces travaux permettront de mieux comprendre cette maladie et apportent un regard nouveau sur la nature des anomalies génétiques pouvant causer la schizophrénie.

 

Note :
(1) L’exome correspond à l’intégralité des séquences exoniques du génome. Ces séquences sont transcrites en ARN messager puis traduites en protéines pour assurer le bon fonctionnement de l’organisme.

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