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Quand des neurones se taisent pour améliorer nos performances…

Pour porter son attention vers le monde, il faut « éteindre » momentanément une partie de soi, et c’est précisément ce que fait le cerveau. Mais pourquoi « éteindre » des neurones au moment où nous en avons le plus besoin ? Une équipe de chercheurs de l’Inserm dirigée par Jean Philippe Lachaux et Karim Jerbi (Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon) vient de démontrer qu’un réseau de neurones spécifiques appelé « réseau par défaut » fonctionne en permanence même lorsque nous n’avons rien à faire. Ils démontrent surtout que, lorsque nous devons nous concentrer, ce réseau perturbe la mise en route d’autres neurones spécialisés quand il n’est pas suffisamment désactivé. Ces travaux viennent d’être publiés dans The journal of neuroscience.

Lorsque nous portons notre attention vers ce qui nous entoure, certaines régions du cerveau s’activent : c’est le réseau de l’attention, bien connu des neurobiologistes. Mais d’autres régions interrompent dans le même temps leur activité, comme si elles gênaient d’ordinaire l’orientation de l’attention vers le monde extérieur. Ces régions forment un réseau très étudié en neurobiologie, et appelé communément « réseau par défaut », parce qu’il a longtemps semblé s’activer quand le cerveau n’a rien de particulier à faire. Cette interprétation a été raffinée par dix ans de recherche en neuroimagerie, qui ont fini par associer ce réseau mystérieux (« l’énergie noire du cerveau » selon l’un de ses découvreurs, Marcus Raichle) à de nombreux phénomènes intimes et privés de notre vie mentale : perception de soi, évocation de souvenirs, imagination, pensées …

Une étude réalisée par une équipe du Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (menée par Tomas Ossandon et dirigée par Jean-Philippe Lachaux, directeur de recherche à l’Inserm et Karim Jerbi, chargé de recherche à l’Inserm) vient de révéler comment ce réseau interfère avec notre capacité à porter attention, en mesurant pour la première fois l’activité des neurones du réseau par défaut dans le cerveau humain à l’échelle de la milliseconde; grâce à une collaboration avec le service d’épilepsie de Philippe Kahane à Grenoble.

Les résultats montrent sans ambigüité que lorsque nous cherchons un objet autour de nous, les neurones de ce réseau par défaut interrompent leur activité. Mais cette interruption ne dure que le temps strictement nécessaire à la recherche : aussitôt l’objet trouvé, et en un dixième de seconde à peine, le réseau par défaut reprend son activité comme avant. Et si parfois notre réseau par défaut ne se désactive pas suffisamment, nous mettons plus de temps pour trouver l’objet. Ces résultats attestent d’une compétition féroce au sein du cerveau pour nos ressources attentionnelles, qui, lorsqu’elles ne sont pas utilisées pour l’analyse active de notre environnement sensoriel, sont instantanément redirigées vers des processus mentaux plus internes. Le cerveau a donc horreur du vide et ne reste jamais sans rien faire, pas même pendant un dixième de seconde.

Lorsque nous cherchons attentivement un objet autour de nous, les régions cérébrales indiquées en rouge s’activent ; mais dans le même temps, il tout aussi nécessaire que celles indiquées en bleu se désactivent.

Lorsque nous cherchons attentivement un objet autour de nous, les régions cérébrales indiquées en rouge s’activent ; mais dans le même temps, il tout aussi nécessaire que celles indiquées en bleu se désactivent.

Progéria : résultats prometteurs d’une nouvelle thérapie génique chez l’animal

Depuis quelques années, la recherche scientifique autour de la Progéria, maladie qui entraine un vieillissement prématuré des enfants, avance à grand pas. En 2003 le gène a été découvert par l’équipe de Nicolas Lévy et en 2008 douze enfants ont pu entrer dans un essai clinique combinant deux molécules dans le but de ralentir les effets du vieillissement précoce caractéristique de la maladie. Toutefois, les chercheurs poursuivent leurs efforts, pour, cette fois-ci, tenter de corriger les conséquences du défaut génétique à l’origine de la Progéria. Jusqu’alors aucun modèle mimant exactement les effets de la maladie chez l’homme n’existait. Les travaux menés en étroite collaboration depuis plusieurs années par l’équipe Inserm/Université de la Méditerranée de Nicolas Lévy (1) et Annachiara De Sandre-Giovannoli avec l’équipe de Carlos López-Otín (Université d’Oviedo) (2) a permis de créer un tel modèle. Le traitement des souris par thérapie génique a permis de rallonger significativement la durée de vie et d’améliorer plusieurs paramètres chez des souris traitées. Ces travaux publiés le 26 octobre 2011 dans Science Translational Medicine ont été soutenus par l’AFM grâce aux dons du Téléthon.

La Progéria est une maladie génétique rare. Les enfants qui en souffrent donnent l’impression d’un vieillissement accéléré (cheveux rares, douleurs articulaires, peau fine et glabre, problèmes cardiovasculaires). En 2003, l’origine de la maladie est identifiée par Nicolas Levy et son équipe qui découvrent l’implication du gène LMNA codant des protéines nucléaires, les lamines A et C. La mutation entraîne la production d’une protéine raccourcie, la progérine, qui s’accumule dans les noyaux des cellules, et exerce un effet toxique provoquant leur déformation et différents dysfonctionnements. Il a depuis été montré que la progérine s’accumule progressivement dans les cellules normales, établissant un lien entre la maladie et le vieillissement physiologique.

En 2008, un essai clinique européen démarre chez 12 enfants atteints de Progéria. Ce traitement repose sur une combinaison de deux molécules existantes : les statines (indiquées dans le traitement et la prévention de l’athérosclérose et des risques cardiovasculaires) et les amino-bisphosphonates (indiquées dans le traitement de l’ostéoporose et dans la prévention des complications de certains cancers). L’utilisation de ces deux molécules vise à modifier chimiquement la progérine afin d’en réduire la toxicité. Cependant, si cette thérapie a pour objectif de ralentir l’évolution de la maladie, elle ne permet pas de réduire les quantités de progérine. Afin d’étudier cet aspect, il manquait aux chercheurs un modèle animal pertinent.

Un modèle « authentique » de Progeria…

Pour générer un tel modèle, les collaborateurs Espagnols et Français ont pensé à introduire chez des souris une mutation génétique (G609G) équivalente à celle identifiée chez l’homme (G608G) afin de reproduire le mécanisme pathologique exact en œuvre chez les enfants, pour pouvoir le bloquer. Ces souris modèles ont été générées sous la direction de Bernard Malissen par la plateforme IBISA localisée au Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy (3). Cette démarche a permis d’obtenir des souriceaux qui produisaient la progérine, caractéristique de la maladie chez l’homme. Les souris mutées présentent à partir de 3 semaines de vie, des défauts de croissance, une perte de poids des déformations osseuses ainsi que des anomalies cardiovasculaires et métaboliques mimant le phénotype humain et réduisant considérablement leur durée de vie (103 jours en moyenne vs 2 ans chez des souris sauvages). La progérine produite s’accumule dans les cellules murines selon un mécanisme génétique (épissage anormal) identique à celui observé chez l’homme, à l’origine des anomalies caractéristiques de la maladie.

… pour une thérapie génique ciblée

Grâce à ce modèle animal unique de Progéria, les chercheurs se sont attelés à la mise en place d’une thérapie ciblée sur la mutation, afin de réduire et si possible d’empêcher la production de la progérine. Pour cela, ils ont utilisé la technologie dite des oligonucléotides antisens « vivo-morpholino ». « Cette technologie, explique Nicolas Levy, est basée sur l’introduction chez les souris malades d’un oligonucléotide antisens synthétique. Cette séquence sert à bloquer, comme dans la progéria, ou au contraire à faciliter la production d’une protéine fonctionnelle par un gène. Dans le cas présent, la production de progérine mais aussi de Lamine A issues du gène, ont été réduites ».

Les souris traitées par cette nouvelle technologie ont ainsi vu leur espérance de vie augmenter de façon très significative, passant à 155 jours en moyenne avec un maximum de 190 jours.

L’équipe de Nicolas Lévy, toujours en collaboration avec celle de Carlos López-Otín, a l’intention de traduire ces travaux précliniques dans un nouvel essai thérapeutique à proposer aux enfants, éventuellement en association avec d’autres molécules pharmacologiques. D’autres recherches sont menées en parallèle afin de trouver des voies alternatives d’administration des oligonucléotides antisens.

André Syrota élu Vice-Président de Science Europe, un regroupement de 50 agences de financement et organismes de recherche en Europe

Science Europe, association regroupant 50 agences de financement et organismes de recherche issus de 23 pays européens vient de naître le 21 octobre à Berlin. Il s’agit d’une structure qui vise à promouvoir les intérêts de ses membres pour renforcer la recherche européenne et participer à la construction de l’Espace européen de la recherche.

Science Europe devient le représentant reconnu des principaux organismes de recherche et agences de financement nationaux en Europe. Il interagit avec des entités telles que les universités européennes, les organismes scientifiques intergouvernementaux européens et la Commission européenne afin de promouvoir un espace européen de la recherche cohérent. Les structures et actions de Science Europe visent à prendre en considération les intérêts et opinions des chercheurs de l’ensemble des systèmes de recherche en Europe.Science Europe comprendra 6 comités scientifiques couvrant toutes les disciplines y compris les sciences humaines et sociales.

Les 50 premiers organismes membres de Science Europe réunis en Assemblée le 21 octobre dernier à Berlin viennent d’élire leur Président, leurs 2 Vice-Présidents ainsi que leur comité de gouvernance composé de 7 membres (cf. détails ci-dessous).

Le président de Science Europeest Paul Boyle, Chief Executive of the Economic and Social Research Council (ESRC) and Research Council UK (RCUK).

André Syrota, P-DG de l’Inserm et nouveau Vice-Président de Science Europe se réjouit de cette initiative et s’efforcera de répondre au mieux aux préoccupations spécifiques des organismes de recherche.Les organismes de recherche membres deScience Europe représentent plus de la moitié des financements de la recherche en Europe.

Cette nouvelle structure basée à Bruxelles a vocation à accélérer la mise en œuvre des actions de la feuille de route pour la réalisation de l’espace européen de la recherche établie en 2009 par les EuroHORCS (1) et l’ESF (2).

Science Europe:
President: Paul Boyle, Chief Executive of the Economic and Social Research Council (ESRC) and Research Council UK (RCUK)
Vice-President: André Syrota, President and CEO of the French National Institute of Health and Medical Research (Inserm)
Vice-President: PärOmling, former General Director of the Swedish Research Council (VR)
Governing Board members:
– Franci Demšar, Director of the Slovenian Research Agency (ARRS)
– Matthias Kleiner, President of the German Research Foundation (DFG)
– Christoph Kratky, President of the Austrian Science Fund (FWF)
– Toivo Maimets, Chairman of the Estonian Science Foundation (ETF)
– Karl Ulrich Mayer, President of the Leibniz Association, Germany
– Elisabeth Monard, Director General of the Research Foundation Flanders (FWO)
– József Pálinkás, President of the Hungarian Academy of Sciences (MTA)

Notes

(1) EUROHORCs (European Heads of Research Councils) était une association européenne des dirigeants des organismes de recherche et agences de financement. Elle a été dissoute le 20 octobre 2011.
(2) European Science Foundation

Découverte d’un gène de prédisposition commun au mélanome et au cancer du rein

Une étude, réalisée par l’Inserm et l’Institut de cancérologie Gustave Roussy (IGR) de Villejuif et coordonnée par le Dr Brigitte Bressac-de Paillerets, chef du Service de Génétique de l’IGR, a permis d’identifier une mutation génétique responsable d’une prédisposition commune au mélanome (cancer de la peau) et au carcinome rénal (cancer du rein). La mutation concernée est appelée Mi-E318K, elle apparait sur le gène codant pour une protéine appelée MITF (Facteur de Transcription associé à la Microphthalmie) et confère à ce gène muté une suractivité entrainant une augmentation de risque de mélanome et de cancer du rein chez les individus porteurs de cette mutation. Les résultats de cette étude (1) viennent d’être publiés sous forme de lettre dans la revue scientifique Nature, en ligne sur leur site Internet.

Une étude récente a montré la coexistence de mélanome et de carcinome rénal chez certains patients. Le cancer du rein est fréquemment découvert après un diagnostic de mélanome, lors du bilan d’extension. A ce jour, aucun facteur de risque environnemental commun au mélanome et au cancer du rein n’a été mis en évidence. Cela suggère l’existence d’une prédisposition génétique commune à ces deux types de cancer.

Un groupe multicentrique (2) rassemblant des cliniciens, généticiens, biologistes, pathologistes, biostatisticiens,… a émis l’hypothèse que le gène MITF pouvait être impliqué dans ce phénomène car il a été décrit comme oncogène (accélérateur de cancer) dans le mélanome et qu’il est également connu pour intervenir dans une voie d’activation cellulaire impliquée dans le développement de cancer du rein.

L’équipe a réussi à identifier une anomalie dans la séquence de l’ADN, sur le codon 318, du gène MITF. Cette anomalie a été retrouvée chez 8% des patients atteints à la fois de mélanome et de cancer du rein. « L’anomalie, appelée Mi-E318K, quand elle est présente chez les individus, multiplie par 5 le risque de développer un mélanome, un cancer du rein ou les deux. Cette anomalie génétique, héritée et transmissible, empêche une modification, appelée « sumoylation », de la protéine MITF en réponse à un stress, ce qui lui confère un caractère oncogénique« , explique le Dr Brigitte Bressac-de Paillerets de l’Institut Gustave Roussy.

« L’hypothèse résultant de nos travaux est qu’une voie de signalisation cellulaire impliquant MITF serait normalement activée en réponse à un stress oxydant de la cellule causée par les ultraviolets (UV) ou par un manque d’oxygène. Quand MITF est normal, cette voie permettrait la réparation de la cellule ou la mort de la cellule si elle n’est pas réparable. La mutation du gène MITF, quand elle est présente, déséquilibrerait cette voie de signalisation cellulaire et aboutirait à un risque plus élevé de développer un mélanome et/ou un carcinome rénal », précisent les Drs Corine Bertolotto et Robert Ballotti, chercheurs au sein de l’Unité Inserm 895 à Nice.

Ces résultats ouvrent de nombreuses perspectives de développement en applications cliniques et en recherche. « En clinique, un test de dépistage pourrait être développé afin de rechercher cette mutation chez les personnes atteintes soit de mélanome soit de cancer du rein. La mutation deviendrait un bio-marqueur de risque, qui, si elle est présente, indiquerait la nécessité d’une surveillance particulière au niveau du rein et de la peau. Des conseils de prévention solaire pourraient aussi être donnés aux personnes atteintes de carcinome rénal, ayant une peau claire et/ou étant porteurs de nombreux grains de beauté », explique le Pr Marie-Françoise Avril (Hôpital Cochin-Tarnier, AP-HP, Paris). En recherche, ces travaux apportent un éclairage nouveau, à approfondir, sur les voies de signalisations impliquées dans le stress oxydant (UV et/ou hypoxie) et le développement de cancer. « Nos travaux démontrent la puissance de l’approche utilisée qui a permis d’identifier des variants génétiques rares conférant un risque modéré de cancer, ce qui représente actuellement un des défis majeurs de la recherche en génétique de maladies multifactorielles comme le cancer. Il convient maintenant d’identifier les co-facteurs génétiques et/ou environnementaux impliqués dans la coexistence du mélanome et du cancer du rein et, potentiellement, d’autres cancers », souligne le Dr Florence Demenais, directrice de l’Unité 946 Inserm-Université Paris Diderot.

Ce travail est un bel exemple de recherche translationnelle : le point de départ est une observation clinique, suscitant une question que vont résoudre les équipes de recherche, aboutissant à un retour à plus ou moins long terme vers une meilleure prise en charge des patients. Cette découverte en laboratoire pourra être exploitée en clinique par la mise au point d’un test de dépistage pour une prise en charge personnalisée d’une population maintenant définie. A moyen terme, elle conduira peut-être à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques. Enfin cette découverte peut aussi être exploitée en recherche puisqu’elle met en lumière de nouveaux mécanismes d’action cellulaire et participe à une meilleure compréhension de la cancérogenèse.

Notes :
(1) “A sumoylation defective MITF germline mutation predisposes to melanoma and renal carcinoma” – Bertolotto C et al, Nature
Published online 19 October 2011
(2) Institut de cancérologie Gustave Roussy ; INSERM ; Université de Nice Sophia-Antipolis ; Centre Hospitalier Universitaire de Nice ; Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire ; CNRS ; Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité ; Institut Universitaire d’Hématologie ; Fondation Jean Dausset ; Centre d’Etude du Polymorphisme Humain ; AP-HP ; Centre Léon Bérard ; Hôpital Saint-Joseph ; Centre Hospitalier Universitaire de Dijon ; Centre Hospitalier Universitaire Lyon Sud ; Hôpital Charles Nicolle ; CHU Rouen ; CHU Hôpital Nord de Saint-Etienne ; Faculté de Médecine, Université Paris-Sud 11 ; Centre Expert National Cancers Rares ; INCa ; Van Andel Research Institute ; National Cancer Center Singapore ; University of Genoa ; Hospital Clinic, IDIBAPS, and CIBER de Enfermedades Raras, Instituto de Salud Carlos III, Barcelona ; University Hospital Lund ; Hôpital René Huguenin – Institut Curie ; Commissariat à l’Energie Atomique, Centre National de Génotypage ; Université d’Evry Val d’Essonne ; Institut Paoli Calmettes.

Une solution contre la toxicité du mercure pour le cerveau

Des chercheurs de l’Inserm (Unité 968 « Institut de la Vision ») et du CNRS (laboratoire « Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux (CNRS/Universités Bordeaux 1 et 4)) viennent d’identifier des agents protecteurs contre la neurotoxicité du mercure. Ces agents, appelés chimiokines, déjà connus pour leur rôle dans l’infection et l’inflammation, démontrent leur efficacité à protéger le cerveau des souris dont l’alimentation est contaminée par du mercure. Les résultats obtenus démontrent que le mercure peut provoquer une neuroinflammation, et que la chimiokine CCL2 agit comme un système d’alarme neuroprotecteur dans les déficits neuronaux induits par le mercure. Ces résultats viennent d’être publiés dans la revue Toxicological Sciences.

Les pollutions chimiques et industrielles restent présentes dans notre environnement et sont une inquiétude pour la santé humaine. Les métaux lourds représentent les agents les plus polluants, et parmi eux le mercure. Son dérivé, le méthylmercure (MeHg) agit sur différents organes (fonction rénale et de reproduction) et sur le cerveau.

Des chercheurs français menés par William Rostène, directeur de recherche Inserm en collaboration avec des équipes japonaises ont étudié les effets neurotoxiques du MeHg et le blocage possible de cette toxicité via un système physiologique, celui des chimiokines. La première originalité de ce travail repose sur le modèle expérimental utilisé qui a pu reproduire chez la souris l’intoxication alimentaire des amérindiens Wayanas vivant en Guyane (1). Une perte d’environ 30% des cellules nerveuses dans le cortex des souris contaminées par le MeHg a été observée dès 3 mois de traitement avec des croquettes contenant de la chair de poisson Aimara Hoplias contaminé péché en Guyane.

Le second aspect original de cette étude a porté sur le fait qu’une chimiokine, le CCL2, a un effet protecteur vis-à-vis de la neurotoxicité au mercure. Les chimiokines sont de petites protéines connues initialement pour participer, dans le système immunitaire, à la maturation et à la migration des leucocytes, en particulier au cours de l’infection et de l’inflammation. Cependant les auteurs de cette étude ont récemment montré que les cellules nerveuses (neurones et cellules gliales) pouvaient également fabriquer et libérer ces chimiokines, dont le CCL2, et jouer ainsi un rôle de neuromédiateur dans le cerveau. Les chercheurs ont observé que le MeHg induisait une diminution des concentrations en CCL2 dans le cortex ainsi qu’une activation des microglies. D’une manière intéressante, les souris dépourvues du gène CCL2 présentent déjà une perte des neurones de 30%, perte qui est exacerbée par le MeHg. Cela suggère que la présence de CCL2 est nécessaire à la survie neuronale dans des conditions normales. En complément de ces expériences in vivo, des études réalisées sur des cultures de neurones ont montré que le blocage de la transmission de CCL2 augmentait la mort neuronale induite par le MeHg via un mécanisme faisant intervenir le système d’oxydoréduction (gènes SOD et glutathion).

Toxicité neuronale du mercure - copyright Inserm, Disc, F. Launay

Toxicité neuronale du mercure – copyright Inserm, Disc, F. Launay

L’ensemble de ces résultats démontre que le MeHg peut provoquer une neuroinflammation et que la chimiokine CCL2 agit comme un système d’alarme neuroprotecteur dans les déficits neuronaux induits par le MeHg. Ils viennent compléter et confirmer d’autres études récentes montrant les effets toxiques du mercure sur le métabolisme énergique et ses effets neurotoxiques.

Note :
(1) Dans le bassin amazonien, les populations amérindiennes et riveraines de certains fleuves sont contaminées par le MeHg présent dans le poisson (Aimara hoplias), la chaîne alimentaire étant elle-même contaminée par l’activité d’orpaillage et par le lessivage des sols naturellement riches en mercure. En 2005, 84% des amérindiens Wayanas vivant sur les berges du haut Maroni en Guyane française présentaient une concentration en mercure dans les cheveux dépassant la limite fixée par l’Organisation Mondiale de la Santé (10 μg/g) selon Thierry Cardoso. Une étude de l’Inserm menée par Sylvaine Cordier et ses collaborateurs en 2002 et portant sur les enfants du Haut-Maroni a montré une association entre l’imprégnation mercurielle et des déficits cognitifs et moteurs.

Vers l’utilisation des cellules souches adultes iPS pour la thérapie génique

Dans le cadre d’un projet mené par des équipes de l’université de Cambridge et du Sanger Institute, en collaboration avec une équipe de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, des chercheurs montrent pour la première fois que des cellules souches adultes appelées iPS (1), produites à partir de cellules de patients atteints d’une maladie du foie, peuvent être génétiquement corrigées puis différenciées en cellules hépatiques pour participer à une régénération du foie dans un modèle animal. Ces travaux, publiés le 12 octobre sur le site de la revue Nature, constituent une preuve de concept majeure pour envisager le recours futur à ces cellules souches chez l’Homme, en vue d’une thérapie génique.

cellules iPS humaines différenciées en hépatocytes (en rouge) dans une coupe de foie de souris. Les noyaux des cellules sont visibles en bleu.

© Institut Pasteur – Cellules iPS humaines différenciées en hépatocytes (en rouge) dans une coupe de foie de souris. Les noyaux des cellules sont visibles en bleu.

Depuis quelques années, les scientifiques savent produire des cellules ayant les propriétés de cellules souches à partir de cellules déjà matures et spécialisées de notre organisme, comme celles de la peau. Ces cellules souches, appelées « iPS », sont dites « pluripotentes » : elles peuvent fournir des cellules spécialisées, sur commande, possédant le même patrimoine génétique que les cellules d’origine. Les cellules iPS constituent une base potentielle à l’exploration de nombreux domaines thérapeutiques, notamment celui des greffes ou de la thérapie génique. Pour autant, les travaux menés sur ces cellules n’avaient pas à ce jour apporté de preuve de leur efficacité potentielle in vivo pour de telles utilisations.

Des chercheurs du Sanger Institute et de l’université de Cambridge (Royaume-Uni), avec la collaboration d’une équipe française Institut Pasteur/Inserm, viennent pour la première fois de démontrer que les cellules dérivées de cellules souches iPS peuvent être utilisées dans le cadre d’une thérapie génique pour contribuer à pallier les effets d’une pathologie dans un modèle de souris portant une insuffisance hépatique.

Les chercheurs ont travaillé sur une maladie génétique rare qui affecte le foie. Elle est due à une mutation ponctuelle dans le gène de l’enzyme alpha-1-antitrypsine, essentielle au bon fonctionnement des cellules hépatiques. Chez l’enfant, elle se manifeste par des symptômes plus ou moins bénins (jaunisse, distension de l’abdomen…), mais peut évoluer progressivement chez l’adulte vers un emphysème pulmonaire et une cirrhose, contre laquelle le seul espoir de guérison est une transplantation de foie.

Les chercheurs de l’université de Cambridge, dirigés par Ludovic Vallier et David Lomas, et du Sanger Institute, conduits par Allan Bradley, ont dans un premier temps prélevé des cellules de la peau de patients, et les ont mises en culture in vitro afin de les « dédifférencier » et de leur conférer les propriétés de cellules souches pluripotentes : c’est le stade « cellules iPS ». Les scientifiques sont alors parvenus, par génie génétique, à corriger dans ces cellules la mutation responsable de la maladie. Ils ont ensuite engagé ces cellules souches devenues « saines » dans la voie de maturation les conduisant à se différencier en cellules du foie.

Les scientifiques de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, menés par Hélène Strick-Marchand dans l’unité mixte Institut Pasteur/Inserm Immunité innée dirigée par James Di Santo, ont alors testé les nouvelles cellules hépatiques humaines ainsi produites sur un modèle animal atteint d’insuffisance hépatique. Leur travail a montré qu’elles étaient d’une part parfaitement fonctionnelles et aptes à s’intégrer dans le tissu existant, et d’autre part qu’elles contribuaient à la régénération du foie chez les souris traitées.

Ces travaux pionniers, publiés dans Nature, renforcent ainsi les espoirs des communautés scientifiques et médicales dans le recours aux cellules iPS à des fins thérapeutiques chez l’Homme.

Note
(1) Induced pluripotent stem cells – cellules souches pluripotentes induites

Vers un vaccin plus sûr contre la maladie d’Alzheimer

Des facteurs génétiques influencent la réponse immunitaire aux vaccins contre la maladie d’Alzheimer, l’une des pistes thérapeutiques les plus prometteuses contre cette pathologie. C’est ce qu’a étudié, dans un modèle chez la souris, l’équipe du professeur Pierre Aucouturier, Laboratoire Système Immunitaire et Maladies Conformationnelles (Inserm / UPMC) de l’Hôpital Saint-Antoine. Ces travaux montrent, qu’en plus des molécules du Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH), qui présentent l’antigène vaccinal aux cellules immunitaires, des facteurs génétiques, contrôlant certaines cellules immunitaires, influencent la qualité de la réponse à la vaccination. Ces résultats pourraient permettre de prévenir des réactions neuroinflammatoires, obstacle majeur à l’utilisation du vaccin contre la maladie d’Alzheimer chez l’homme. Cette étude vient d’être publiée dans The Journal of Immunology.

Vaccination, copyright Inserm, M. Depardieu

© Inserm, M. Depardieu – Vaccination

Depuis le début des années 2000, la recherche sur la maladie d’Alzheimer s’est orientée en partie sur l’étude d’un vaccin constitué du peptide amyloïde ß (Aß), dont l’accumulation dans le cerveau est notamment responsable de la pathologie. La vaccination de patients avec ce peptide a entraîné des réactions neuro-inflammatoires graves chez 6% d’entre eux. Afin de mettre au point un vaccin plus sûr et plus efficace, il est donc primordial de comprendre les facteurs qui influencent les réponses de l’organisme au peptide Aß.

La clé du vaccin serait génétique

L’équipe mixte de recherche Inserm/UPMC de Pierre Aucouturier, avec Cécile Toly-Ndour et Guillaume Dorothée, a mené ses travaux sur des souris exprimant différentes formes du Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH). Ces molécules, dont le rôle est de présenter les antigènes aux cellules immunitaires, présentent une importante diversité génétique qui peut expliquer des réponses différentes. En effet, des souris aux CMH différents présentent des réactions immunitaires cellulaires différentes après vaccination par le peptide Aß. Les chercheurs sont ensuite allés plus loin. En exprimant le CMH d’une lignée de souris chez une autre, ils ont montré que des facteurs indépendants du CMH mais liés au fond génétique, influencent de façon dominante la réponse anti-Aß. Ils ont ensuite prouvé que ces facteurs mettent en jeu une sous-population de globules blancs, les lymphocytes T régulateurs.

Ces résultats apportent une nouvelle piste pour orienter les cellules immunitaires de manière favorable, et ainsi améliorer l’approche immunothérapeutique, qui reste un des espoirs majeurs contre la maladie d’Alzheimer. Ces observations menées sur la souris demandent cependant à être validées chez l’homme.

Neuropaludisme : des mécanismes de type allergique impliqués

Des chercheurs de l’Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec l’Inserm et l’Université Paris Diderot, ont mis en évidence chez la souris le rôle d’un processus inflammatoire dans le développement du neuropaludisme, l’une des manifestations les plus graves du paludisme qui touche principalement les jeunes enfants. Cette découverte, si elle se confirmait chez l’homme, ouvrirait de nouvelles pistes thérapeutiques pour prévenir cette maladie. Cette étude vient de paraître sur le site de Journal of Experimental Medicine.

Neutrophile exprimant à sa surface les composants du récepteur de haute affinité pour l’IgE (vert, rouge et jaune) chez la souris infectée par le parasite Plasmodium

© Institut Pasteur – Neutrophile exprimant à sa surface les composants du récepteur de haute affinité pour l’IgE (vert, rouge et jaune) chez la souris infectée par le parasite Plasmodium

Le neuropaludisme est une forme très sévère du paludisme touchant principalement les enfants de moins de cinq ans. Cette maladie, qui se manifeste par une forte fièvre et des convulsions suivies de coma, est responsable, quand elle n’est pas mortelle, de séquelles neurologiques très graves.

Une étude de l’Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec l’Inserm et l’Université Paris Diderot, s’est intéressée à la façon dont le neuropaludisme survient quand la réponse immunitaire est mal contrôlée au niveau du cerveau. Dirigés par Salaheddine Mécheri de l’unité de Biologie des interactions hôtes-parasites à l’Institut Pasteur, ces travaux ont pu démontrer que le développement du neuropaludisme n’était pas directement lié au parasite se développant dans le globule rouge mais à la mise en place de novo d’un processus inflammatoire de type allergique.

Dans des modèles murins mimant la pathologie humaine, les chercheurs ont montré que le parasite induit la production d’un récepteur pour les anticorps de type Immunoglobulines E (IgE), les acteurs essentiels de l’allergie, sur un type particulier de globules blancs, les neutrophiles. Or, les neutrophiles sont des cellules du système immunitaire généralement dépourvues de ce type de récepteur. Le couple IgE/récepteur ainsi formé provoque alors une cascade d’événements inflammatoires à l’origine du neuropaludisme.
Pour confirmer ce résultat, les chercheurs ont administré ces neutrophiles dotés du récepteur à des souris résistantes au neuropaludisme (dénuées de ce récepteur). Ils ont pu ainsi valider que la formation du couple IgE/récepteur était indispensable au développement de la maladie.

Cette étude apporte de nouveaux éclairages dans la compréhension du neuropaludisme expérimental. Les chercheurs s’attachent maintenant à identifier la présence de ces neutrophiles et de ce mécanisme chez l’homme, une avancée qui ouvrirait la voie vers une cible thérapeutique potentielle. En effet, les traitements anti-allergiques, dirigés contre les récepteurs des IgE pour prévenir les phénomènes d’allergie chez certains individus, pourraient alors être utilisés comme traitement préventif contre le neuropaludisme.

Prix Nobel de Médecine et de physiologie 2011 : Jules Hoffmann

Le prix Nobel de Médecine et de physiologie est décerné cette année à Jules Hoffmann, biologiste de renommée internationale, accompagné de l’Américain Bruce Beutler et du Canadien Ralph Steinman. Directeur de recherche émérite au CNRS et professeur à l’Université de Strasbourg, Jules Hoffmann a consacré ses travaux à l’étude des mécanismes génétiques et moléculaires responsables de l’immunité innée chez les insectes. Une distinction dont se félicite l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé.

Les travaux primés cette année par le comité Nobel « ont ouvert de nouvelles voies pour le développement de la prévention et pour des thérapies contre les infections, les cancers et les maladies inflammatoires », explique le jury.

Jules Hoffmann, Prix Nobel de Médecine et de physiologie 2011

© Pascal Disdier, CNRS photothèque – Jules Hoffmann, Prix Nobel de Médecine et de physiologie 2011

Né au Luxembourg en 1941, Jules Hoffmann a effectué ses études universitaires à Strasbourg où il a obtenu une thèse de biologie expérimentale. Il entre au CNRS en 1964 puis crée le laboratoire CNRS « Réponse immunitaire et développement chez les insectes » qu’il a dirigé jusqu’en 2006. Ce laboratoire fait partie de l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire du CNRS dont il a été également directeur de 1994 à 2006. Ses nombreuses découvertes dans le domaine ont fait émerger une vision nouvelle des mécanismes de défense que les organismes, des plus primitifs jusqu’à l’homme, opposent aux agents infectieux.

Le comité Nobel souligne que Jules Hoffmann, 70 ans et Bruce Beutler, 55 ans « ont découvert les protéines réceptrices qui reconnaissent les micro-organismes (nocifs) et activent le système immunitaire, première étape de la réponse immunitaire de l’organisme ».

Pour André Syrota, Président d’Aviesan, « Ce nouveau Nobel attribué 3 ans après celui décerné à Françoise Barré Sinoussi et Luc Montagnier démontre s’il le fallait, l’excellence de la recherche académique française dans le domaine des sciences du vivant. » Il adresse ses plus chaleureuses félicitations à Jules Hoffmann ainsi qu’au CNRS et l’université de Strasbourg.

Président de l’Académie des sciences française en 2007 et 2008, Jules Hoffmann est également membre des Académies des sciences des États-Unis, d’Allemagne et de Russie. Il a reçu de nombreux prix prestigieux comme dernièrement le Prix Rosenstiel pour l’Immunité (2010), le Prix Keyo de Médecine (2011), le Prix Gairdner 2011 en sciences médicales, et le Prix Shaw 2011 en sciences du vivant et médecine. Il vient de recevoir la médaille d’OR 2011 du CNRS.

A propos d’Aviesan – Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé
L’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la Santé (Aviesan) est constituée par le CEA (Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives), le CNRS (Centre national de recherche scientifique), l’INRA (Institut national de la recherche agronomique), l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et automatique), l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), l’Institut Pasteur, l’IRD (Institut de recherche pour le développement), la CPU (Conférence des présidents d’université) et la Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires. Aviesan a pour but de développer, au plus haut niveau dans tous les domaines de la recherche en sciences de la vie et de la santé, un continuum allant des recherches fondamentales à leurs applications. L’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé est organisée en 10 Instituts Thématiques Multi-Organismes, organes fonctionnels de la coordination des recherches, qui ont notamment pour rôle la réalisation d’un état des lieux de la recherche française par grandes thématiques. www.aviesan.fr
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