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La fragilité des chromosomes mieux comprise

Pourquoi certaines régions chromosomiques sont-elles sensibles à l’apparition de cassures ? Répondre à cette question est crucial, car cette fragilité est impliquée dans le développement de tumeurs. Une équipe de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Inserm/Université de Strasbourg) vient de lever une partie du voile sur ce mystère. Laszlo Tora et ses collègues ont découvert que les cassures au niveau des gènes humains les plus longs sont dues à un phénomène jugé jusqu’ici peu probable dans les cellules des mammifères : une interférence entre deux processus génétiques clefs, la transcription (1) et la réplication de l’ADN (2). Publiés dans le journal Molecular Cell du 23 décembre 2011, ces travaux pourraient mener, à terme, à des stratégies anti-tumorales inédites.

Laszlo Tora et ses collègues ont commencé par étudier la transcription de gènes humains de très grande taille (plus de 800 kilobases -3), connus pour présenter des cassures de l’ADN appelées « sites fragiles communs ». Leur hypothèse de départ : comme le temps requis pour la transcription de ces très grands gènes est extrêmement long, ce processus de transcription pourrait être impliqué dans l’apparition des sites fragiles.

Pour la tester, les chercheurs ont utilisé la technique de cytométrie en flux. Cet outil leur a permis de trier les cellules selon leur avancement dans le cycle cellulaire (4) – cellules en phase G1 (transcription des gènes et croissance de la cellule), S (réplication de l’ADN), G2 (croissance et préparation à la division cellulaire) puis M (division cellulaire). Et, il est apparu que la transcription des très grands gènes dépasse largement la durée du cycle cellulaire, pour se terminer au début du cycle suivant, en phase G1 ou bien S. Un premier résultat étonnant : jusqu’à présent, il était admis, chez les mammifères, que la transcription des gènes avait lieu durant un même cycle cellulaire, et majoritairement en phase G1.

Comme la réplication survient pendant la phase S, les chercheurs ont soupçonné une interférence entre transcription et réplication pour expliquer les cassures sur les très grands gènes des mammifères. Ils ont donc étudié le processus de réplication sur ces gènes. Résultat : la réplication dans la région des sites fragiles survient à la fin de la phase S, alors que la transcription est encore en cours dans ces mêmes régions ! Cette découverte bouscule les connaissances actuelles en génétique. En effet, avant ces travaux, il était généralement admis que les machineries de transcription et de réplication de l’ADN ne pouvaient pas se rencontrer chez les mammifères.

Pour aller plus loin, l’équipe a cherché ensuite à savoir précisément ce qui pouvait fragiliser l’ADN quand réplication et transcription sont concomitantes. Ils ont mis en évidence des structures en boucle qui perdurent, dues à l’hybridation de l’ADN avec la molécule d’ARN produite lors de la transcription. Ce sont ces boucles ADN/ARN qui déstabiliseraient l’ADN jusqu’à provoquer des cassures en cas de stress.

Laszlo Tora et ses collègues ont commencé par étudier la transcription de gènes humains de très grande taille (plus de 800 kilobases -3), connus pour présenter des cassures de l’ADN appelées « sites fragiles communs ». Leur hypothèse de départ : comme le temps requis pour la transcription de ces très grands gènes est extrêmement long, ce processus de transcription pourrait être impliqué dans l’apparition des sites fragiles.

Pour la tester, les chercheurs ont utilisé la technique de cytométrie en flux. Cet outil leur a permis de trier les cellules selon leur avancement dans le cycle cellulaire (4) – cellules en phase G1 (transcription des gènes et croissance de la cellule), S (réplication de l’ADN), G2 (croissance et préparation à la division cellulaire) puis M (division cellulaire). Et, il est apparu que la transcription des très grands gènes dépasse largement la durée du cycle cellulaire, pour se terminer au début du cycle suivant, en phase G1 ou bien S. Un premier résultat étonnant : jusqu’à présent, il était admis, chez les mammifères, que la transcription des gènes avait lieu durant un même cycle cellulaire, et majoritairement en phase G1.

Comme la réplication survient pendant la phase S, les chercheurs ont soupçonné une interférence entre transcription et réplication pour expliquer les cassures sur les très grands gènes des mammifères. Ils ont donc étudié le processus de réplication sur ces gènes. Résultat : la réplication dans la région des sites fragiles survient à la fin de la phase S, alors que la transcription est encore en cours dans ces mêmes régions ! Cette découverte bouscule les connaissances actuelles en génétique. En effet, avant ces travaux, il était généralement admis que les machineries de transcription et de réplication de l’ADN ne pouvaient pas se rencontrer chez les mammifères.

Pour aller plus loin, l’équipe a cherché ensuite à savoir précisément ce qui pouvait fragiliser l’ADN quand réplication et transcription sont concomitantes. Ils ont mis en évidence des structures en boucle qui perdurent, dues à l’hybridation de l’ADN avec la molécule d’ARN produite lors de la transcription. Ce sont ces boucles ADN/ARN qui déstabiliseraient l’ADN jusqu’à provoquer des cassures en cas de stress.

Primordiale, cette découverte ouvre de nouvelles perspectives de recherche en médecine : les fameuses boucles apparaissent comme de possibles cibles pour réduire l’instabilité génomique et l’apparition de tumeurs.

Notes

(1) Processus lors duquel l’ADN est copié en ARN. Cet ARN est ensuite « traduit » en protéines afin de faire fonctionner la cellule.
(2) Processus permettant à l’ADN de se dédoubler avant la division de la cellule.
(3) La taille de l’ADN se mesure en Kilobase (1 kb = 1000 bases d’ADN)
(4) Ensemble des quatre phases par lesquelles une cellule passe pour se diviser, constitué de G1 (phase de transcription des gènes et de croissance de la cellule), S (réplication de l’ADN), G2 (croissance et préparation à la division de la cellule), et M (division).

Maladie de Charcot-Marie-Tooth et maladies rénales : un gène commun en cause

La maladie de Charcot-Marie-Tooth (MCMT), une maladie neurologique grave, peut être associée, dans certains cas, à des maladies du rein. Jusqu’à présent, aucune base génétique ou physiologique commune n’a été décrite pour expliquer cette association. L’équipe de Corinne Antignac, directrice de l’unité mixte de recherche Inserm/Université Paris Descartes « Néphropathies Héréditaires et rein en développement » de l’hôpital Necker – Enfants malades (AP-HP) vient de mettre en évidence le rôle d’un gène (INF2) qui, lorsqu’il est muté, est la cause majeure de l’association entre ces deux maladies. Bien que les cellules du rein (podocytes) et les cellules qui entourent les nerfs (cellules de Schwann) n’aient pas la même fonction, cette découverte met l’accent sur le rôle d’une machinerie cellulaire commune. Les résultats sont publiés dans la revue The New England Journal of Medicine datée du 22 décembre 2011.

La maladie de Charcot-Marie-Tooth (MCMT) est une maladie neurologique héréditaire qui touche environ une personne sur 2500. Elle se caractérise par une faiblesse musculaire progressive qui atteint notamment les extrémités des membres. Cette affection est liée à l’atteinte des nerfs périphériques (reliant la moelle épinière aux muscles) qui perturbe la conduction de l’influx nerveux. Des cas de maladies rénales ont été répertoriés chez les patients atteints de la maladie de Charcot-Marie-Tooth. Plus récemment, des mutations du gène INF2 ont été identifiées chez des patients atteints de maladies rénales. Or on sait que certaines protéines interagissant avec la formine INF2 codées par le gène INF2 sont étroitement liées au processus de myélinisation, c’est-à-dire la formation d’une gaine de protéines de myéline autour des nerfs qui favorise la conduction des influx nerveux. Dans l’étude publiée cette semaine, les chercheurs ont émis l’hypothèse selon laquelle des mutations du gèneINF2 seraient impliqués dans la MCMT et ont cherché à expliquer le point commun entre la maladie rénale et neurologique.

L’équipe de Corinne Antignac de l’unité mixte de recherche Inserm/Université Paris Descartes de l’hôpital Necker – Enfants malades (AP-HP) a analysé les profils génétiques de 16 patients atteints à la fois de la MCMT et d’une maladie rénale. Les chercheurs ont montré que pour 75% des cas, le gène INF2 est muté. « La mutation du gène INF2 est une cause majeure de l’association entre la maladie de Charcot-Marie-Tooth et la maladie rénale » explique Corinne Antignac. Les chercheurs ont montré que la protéine INF2 (de la famille des formines) issue du gène INF2 est localisée à la fois dans les cellules qui tapissent la paroi des capillaires du rein (podocytes) et dans les cellules de Schwann qui entourent les nerfs. Les chercheurs ont voulu savoir quelles étaient les conséquences de la mutation d’INF2 dans ces cellules.

Les podocytes et les cellules de Schwann ont la particularité d’avoir un squelette cellulaire très développé qui est essentiel au transport des molécules synthétisées dans les cellules. Dans le cas où le gène INF2 est muté, « Nous avons observé la désorganisation du squelette des podocytes et des cellules de Schwann qui assure normalement le déplacement de protéines telles que celles de la myéline et son maintien le long des terminaisons nerveuses » explique Corinne Antignac. Au niveau des nerfs, en absence de myéline, l’influx nerveux est ralenti et perturbe la transmission de l’information. « Le rôle de la myéline au niveau des nerfs explique l’association entre la mutation du gène et l’atteinte neurologique des malades de Charcot-Marie-Tooth. Il nous reste cependant à élucider le rôle potentiel de certaines protéines de la myéline présentes au niveau des podocytes qui expliquerait les lésions rénales » ajoute-t-elle.

Podocytes : Cytosquelette très développé marqué en rouge. Microscopie en fluorescence - © Corinne Antignac / Inserm

© Corinne Antignac / Inserm – Podocytes : Cytosquelette très développé marqué en rouge. Microscopie en fluorescence

Cellules de Schwann. Cytosquelette très développé marqué en rouge. Microscopie en fluorescence. © Corinne Antignac / Inserm

© Corinne Antignac / Inserm – Cellules de Schwann. Cytosquelette très développé marqué en rouge. Microscopie en fluorescence.

Bien que les cellules étudiées aient des fonctions très différentes, ces observations ont permis de mettre en évidence une machinerie cellulaire commune. 

« Nous pensons que ce type de mutation est en cause dans d’autres maladies, comme la surdité observée chez certains patients avec la MCMT car on sait que des anomalies d’une protéine de la famille d’INF2 peuvent induire une surdité « , conclut Corinne Antignac.

Une seule anomalie à l’origine des trois manifestations principales de la dyslexie

Des chercheurs de l’Inserm et du CNRS au sein de l’Unité 960 (« Laboratoire de neurosciences cognitives ») viennent de mettre en évidence qu’une seule anomalie dans une région cérébrale bien précise : le cortex auditif, pourrait être à l’origine des trois manifestations principales de la dyslexie : réussir à manipuler mentalement des sons de parole, difficultés de mémorisation à court terme (capacité à répéter une liste de mots par exemple), et un ralentissement de la capacité de nommer rapidement des séries d’images. Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Neuron datée du 21 décembre.

Si la compréhension du message écrit est le but de l’apprentissage de la lecture, l’identification des mots est indispensable à cette compréhension. La dyslexie se manifeste chez un enfant, après le début de l’apprentissage de la lecture, par l’absence de maîtrise des correspondances entre les graphèmes (lettres ou groupes de lettres) et les phonèmes (sons de la parole). La persistance du trouble caractérise la dyslexie (1).

Une anomalie du développement d’aires cérébrales normalement impliquées dans la représentation et le traitement des sons de la parole (la phonologie) est la plus fréquemment rencontrée et constitue l’hypothèse majoritairement admise pour la dyslexie.

L’activité cérébrale de 44 participants adultes, dont 23 dyslexiques, a été enregistrée grâce à la magnétoencéphalographie (MEG) en réponse à un bruit modulé en amplitude à un rythme variant linéairement de 10 à 80 Hz.

Un tel son engendre une réponse corticale auditive dont la fréquence est calée sur le rythme du son, mais cette réponse est plus forte à la fréquence à laquelle le cortex tend à osciller spontanément. Après une reconstruction de source du signal MEG, une analyse temps-fréquence des réponses corticales auditives a été réalisée afin de comparer les profils de réponse dans cortex auditifs droit et gauche, et entre les participants dyslexiques et non dyslexiques (contrôles).

Les chercheurs ont montré chez les dyslexiques une sensibilité réduite du cortex auditif gauche aux sons modulés autour de 30 Hz. La réponse corticale à ces fréquences serait nécessaire au découpage de la parole en unités linguistiques pouvant être associées aux graphèmes. En effet, le défaut de sensibilité aux fréquences de modulation situées autour de 30 Hz corrèle avec les difficultés de traitement phonologique et la dénomination rapide d’images. Les dyslexiques montrent en revanche une réponse corticale accrue aux modulations d’amplitude des sons situées au-delà de 40 Hz. Cette particularité est associée à un déficit de mémoire phonologique. Ces données suggèrent qu’une seule anomalie de résonance du cortex auditif avec la parole serait à l’origine des trois facettes principales de la dyslexie.

Note 
(1) Source : dossier de presse expertise collective « Dyslexie, dysorthographie et dyscalculie »

Le « bruit » silencieux des gènes bactériens…

Des chercheurs de l’Inra, d’AgroParisTech, CNRS, de l’Inserm, et de l’Université de Montpellier ont réussi à observer l’expression de gènes bactériens avec une précision inégalée. Par des techniques de fluorescence et de microscopie, les chercheurs ont pu compter le nombre de protéines synthétisées à la molécule près, et dans chaque bactérie individuelle d’une population. En observant une étape précoce de l’expression génique, ils sont également parvenus à associer les fluctuations de l’expression d’une cellule à l’autre avec les mécanismes moléculaires spécifiques de contrôle à l’oeuvre sur les gènes étudiés. Cette avancée pourrait permettre à l’avenir de prédire le type de mécanisme de contrôle de l’expression d’un gène sur la base du profil de fluctuation de son expression. C’est aussi une perspective intéressante pour la biologie synthétique (1) puisque cela permettra de mieux maîtriser la part aléatoire de l’expression dans les constructions synthétiques. Ces résultats sont publiés le 22 décembre 2011 dans la version en ligne des PNAS.

Le niveau d’expression de la plupart des gènes d’une cellule dépend de l’environnement dans lequel est placée cette cellule. De nombreux mécanismes de contrôle de l’expression génétique ajustent l’expression de chaque gène en fonction de l’environnement présent et permettent ainsi l’adaptation de la cellule à cet environnement. Mais, même dans un environnement stable, un gène donné n’est pas toujours exprimé au même niveau dans chaque cellule d’une population. En effet le mécanisme d’expression des gènes est un processus largement stochastique (2), largement « bruité ». C’est-à-dire que ce n’est pas un processus continu, régulier et totalement déterminé mais au contraire un processus pour partie aléatoire. A l’échelle d’une cellule unique, ceci est en partie dû au faible nombre de molécules mises en jeu : une seule copie du gène, quelques molécules régulatrices de ce gène, quelques molécules disponibles pour transcrire ce gène en ARN messager, puis quelques molécules disponibles pour enclencher la traduction de ce messager en protéine, etc. La stochasticité de l’expression des gènes peut ainsi conduire dans certains cas à une hétérogénéité de phénotypes au sein d’une population parfaitement identique génétiquement : schématiquement, une sous-population devient « verte » tandis qu’une autre devient « rouge » alors qu’elles sont génétiquement identiques et placées dans un environnement identique.

Une équipe de microbiologistes de l’Inra et d’AgroParisTech, une équipe de biophysiciens du CNRS, de l’Inserm et de l’université de Montpellier et un mathématicien du CNRS se sont associés pour développer une nouvelle méthode permettant de mesurer au fil du temps l’expression d’un gène donné, aussi faible soit-elle, dans chaque cellule bactérienne d’une population. Et cela, sans les détruire et en comptant directement, de manière absolue, le nombre de molécules produites. Ils se sont focalisés sur la première étape de l’expression, la transcription du gène en ARN messager, pour déterminer le degré et les caractéristiques du processus aléatoire relevant de cette étape précise. Ils ont étudié un petit ensemble de gènes impliqués dans les voies de dégradation et de synthèse du glucose lors d’un changement environnemental précis chez la bactérie modèle Bacillus subtilis et dont ils avaient précédemment étudié les mécanismes moléculaires de contrôle. Un modèle mathématique basé sur la connaissance préalable de ces mécanismes a permis d’analyser et d’interpréter leur impact sur le caractère aléatoire de l’expression des gènes étudiés, à l’état basal (« veille ») ou induit (« éveillé »).

Niveaux d'expression différents d'un même gène au sein des bactéries d'une même population, représentés par des couleurs différentes. © CNRS/CBS

© CNRS/CBS Niveaux d’expression différents d’un même gène au sein des bactéries d’une même population, représentés par des couleurs différentes

Des travaux récents ont pu montrer que l’expression génique avait lieu par « impulsions », séparées par des périodes d’inactivité. La fréquence et la force de ces impulsions permettent de caractériser l’expression d’un gène donné à l’échelle d’une cellule et de mieux comprendre le processus d’adaptation cellulaire impliquant ce gène. En particulier, il est important d’identifier ces caractéristiques lorsque le gène est exprimé au niveau basal –c’est-à dire lorsque les conditions ne nécessitent pas son expression – car les effets de la stochasticité sont a priori les plus marqués (puisque dans ces conditions le nombre de molécules impliquées dans l’expression est plus faible). Ceci permet de comprendre comment la sélection naturelle a « préparé » au mieux la population cellulaire à s’adapter à la survenue d’une condition environnementale dans laquelle ce gène donné devra être exprimé. Il s’agit en quelque sorte de caractériser la « respiration basale » d’un gène en « veille », dans chaque cellule, pour mieux comprendre comment il est « réveillé », à l’échelle de la population, lorsqu’un changement environnemental le nécessite. Plus généralement, les chercheurs ont pu associer les caractéristiques des mécanismes moléculaires spécifiques de contrôle de l’expression de chacun des gènes étudiés aux caractéristiques de la stochasticité de l’expression de cellule en cellule.

Ce travail a permis la mise au point d’une méthode puissante d’exploration de la part aléatoire de l’expression génétique à l’échelle d’une cellule bactérienne (utilisable aussi pour des cellules eucaryotes). Ce type de mesure permet d’affiner la modélisation de l’expression des gènes et donc d’une part de comprendre, et d’autre part de prédire plus précisément leur comportement selon les conditions environnementales. Par ailleurs, dans une perspective de biologie synthétique, il est important de pouvoir associer à tel mécanisme de contrôle de l’expression génétique un profil de variation de cette expression entre chaque cellule d’une même population clonale, c’est-à-dire contenant exactement la même information génétique.

L’autophagie cellulaire : une clé du succès des chimiothérapies via une réponse immunitaire spécifique

Contrairement aux idées reçues, la chimiothérapie ne détruit pas à elle seule une tumeur. En plus de ces effets directs, appelés cytotoxiques, sur les cellules cancéreuses, elle permet de mobiliser le système immunitaire du patient contre sa tumeur. Guido Kroemer, professeur universitaire et praticien hospitalier à l’Université Paris Descartes – HEGP (AP-HP), et son équipe « Apoptose, cancer et immunité » (Institut de cancérologie Gustave Roussy, Inserm, Université Paris-Sud, Centre de Recherche des Cordeliers) ont démontré qu‘une mort cellulaire immunogènique est à l’origine de ce processus. Ainsi, la mort des cellules cancéreuses provoquée par la chimiothérapie stimule une réponse immunitaire spécifique contre les cellules tumorales résiduelles, et c’est cette réponse qui est responsable des effets à long terme du traitement anticancéreux.

D’une certaine manière, certains agents chimiothérapeutiques convertissent les cellules tumorales en vaccin thérapeutique grâce à l’induction de la mort cellulaire immunogénique. Pour être immunogénique, la mort des cellules cancéreuses doit être précédée par l’autophagie, une dégradation partielle des cellules suite à des stress externes, notamment provoqués par les traitements anticancéreux. Les cellules tumorales mourantes libèrent des messages d’alerte, dont de l’ATP (molécules de stockage d’énergie), recrutant ainsi les cellules immunitaires et permettant une réponse ciblée contre les cellules cancéreuses encore présentes. En effet l’ATP extracellulaire est responsable de l’attraction des cellules dendritiques, les sentinelles du système immunitaire, au sein de la tumeur. Celles-ci alertent et activent les lymphocytes T, qui sont alors capables de s’attaquer spécifiquement aux cellules tumorales restantes. Cette découverte ouvre un nouveau champ de recherche sur le lien entre chimiothérapie et la réponse immunitaire spécifique anti-tumorale. « Nos résultats montrent que l’autophagie des cellules tumorales est essentielle pour alerter le système immunitaire du patient », explique Guido Kroemer.

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Processus d’autophagie immunogène

Il faut savoir que l’autophagie est souvent supprimée dans les cellules tumorales, ce qui inhibe la libération d’ATP par les cellules tumorales mourantes et réduit donc l’efficacité thérapeutique au niveau immunitaire. Les scientifiques ont trouvé une stratégie pour augmenter la réponse thérapeutique dans ces cas. En inhibant l’enzyme qui dégrade l’ATP extracellulaire, ils ont provoqué l’augmentation de la concentration de ces molécules énergétiques au sein de la tumeur. Ils ont également observé un rétablissement du recrutement des cellules immunitaires et une amélioration des effets de la chimiothérapie suite au rétablissement de concentrations élevées d’ATP extracellulaire. Cela pourrait être une piste de traitement supplémentaire pour les patients dont le cancer ne présente peu ou pas d’autophagie. Il reste donc à évaluer de tels traitements hautement expérimentaux et efficaces – chez la souris – dans des essais cliniques chez l’homme.

VIH : Un mécanisme de l’inflammation chronique décrypté

Une équipe de chercheurs dirigée par Pierre Delobel (Unité 1043 – Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan/ CHU de Toulouse) a mis en évidence un des mécanismes clés de l’inflammation généralisée chronique qui persiste chez la plupart des patients infectés par le VIH malgré le traitement antirétroviral. Cette inflammation est notamment liée à un défaut de reconstitution de l’immunité de la muqueuse intestinale conduisant au passage de bactéries de la flore intestinale dans le sang. L’étude Anrs EP44 PERSIST montre qu’un défaut de production d’une chimiokine par la muqueuse intestinale empêche les lymphocytes CD4 de migrer vers celle-ci et de reconstituer son immunité. Cette observation ouvre des voies de recherche pour lutter contre l’inflammation, qui se révèle délétère à long terme pour les patients.

La majorité des patients infectés par le VIH présente une inflammation généralisée persistante, même sous traitement antirétroviral efficace. Si cette inflammation est asymptomatique sur le plan clinique, elle contribue à altérer le pronostic à long terme, notamment en favorisant le vieillissement accéléré et la survenue de pathologies cardiovasculaires. Une altération de l’immunité de la muqueuse intestinale est en cause. Celle-ci, en effet, conduit au passage constant de bactéries de la flore intestinale vers la circulation sanguine, entrainant ainsi un état inflammatoire chronique.

Les résultats de l’étude Anrs EP44 PERSIST, publiés dans le Journal of Clinical Investigation du 12 décembre décrivent pour la première fois un des mécanismes clés de l’altération immunitaire de la muqueuse intestinale. Réalisée sous la direction du Dr Pierre Delobel au CHU de Toulouse, et ses collègues de l’Inserm, cette étude a concerné 20 patients infectés par le VIH en succès thérapeutique et 10 témoins séronégatifs. Elle montre que, chez les patients infectés par le VIH, certains lymphocytes CD4, qui sont normalement destinés à migrer vers la muqueuse intestinale, restent bloqués dans la circulation sanguine. Ces CD4, porteurs des marqueurs CCR9 et α4ß7, ont pour rôle de faire « barrière » entre le tube digestif et la circulation sanguine et donc d’empêcher le passage des bactéries vers le sang. Les chercheurs retrouvent, chez les patients VIH+, ces CD4 en nombre anormalement diminué dans la muqueuse intestinale mais paradoxalement en nombre élevé dans le sang. Inversement, chez les témoins non infectés par le VIH, ces CD4 sont peu nombreux dans le sang car ils ont migré normalement vers la muqueuse intestinale. Les chercheurs mettent en évidence que ce phénomène est lié à un défaut de sécrétion d’une chimiokine, appelée CCL25 par les cellules intestinales. Cette protéine a pour fonction d’attirer les lymphocytes CD4 exprimant CCR9 et α4ß7 vers la muqueuse intestinale.

« Lorsque les patients prennent un traitement antirétroviral efficace, le nombre de leurs lymphocytes CD4 sanguins, y compris ceux exprimant CCR9 et α4ß7, remonte sensiblement, explique Pierre Delobel. Ces lymphocytes devraient donc en toute logique être attirés vers la muqueuse intestinale. Mais comme la production de la chimiokine CCL25 y est insuffisante, ces lymphocytes n’atteignent pas leur cible au niveau de l’intestin.

Il ajoute : « C’est un vrai cercle vicieux : le déficit immunitaire de la muqueuse conduit à une altération de celle-ci, qui entraîne le déficit en CCL25, qui lui même entretient le déficit immunitaire de la muqueuse ».

La description de ce mécanisme ouvre des perspectives intéressantes pour la prise en charge de l’inflammation systémique persistante observée chez les patients VIH+, malgré le traitement antirétroviral. Cela constitue tout d’abord un argument supplémentaire en faveur d’un traitement antirétroviral précoce de l’infection par le VIH, avant que l’immunité de la muqueuse intestinale ne soit profondément altérée. Cela permet par ailleurs de rechercher désormais des traitements immunologiques susceptibles de restaurer la production intestinale de CCL25.

L’étude ANRS EP44 PERSIST a été financée par l’Anrs qui en est le promoteur et a été réalisée dans le cadre d’une collaboration entre le service des Maladies Infectieuses et Tropicales des Prs Bruno Marchou et Patrice Massip, le pôle Digestif du Pr Jean-Pierre Vinel, et le laboratoire de Virologie du Pr Jacques Izopet (Inserm UMR1043) au sein du CHU de Toulouse.

Un gène protecteur des cancers colorectaux

L’équipe de Patrick Mehlen, du Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon (CRCL, Inserm/CNRS/Centre Léon Bérard/Université Claude Bernard Lyon 1) vient de démontrer qu’un gène (nommé « DCC » pour Deleted Colorectal Cancer) protège contre le développement de tumeurs colorectales, en induisant la mort des cellules cancéreuses. Les chercheurs lyonnais ont mis au point un modèle animal porteur d’une mutation sur le gène DCC. Les souris porteuses de la mutation développent des tumeurs car ce gène ne peut plus induire la mort des cellules cancéreuses. Cette découverte pourrait aboutir plus largement à la mise au point d’un nouveau traitement anti-cancéreux ciblé visant à réactiver la mort des cellules cancéreuses.
Les résultats de cette étude sont publiés dans une Lettre de la revue Nature datée du 11 décembre 2011.

L’équipe de Patrick Mehlen, directeur du Laboratoire d’Excellence DEVweCAN au Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon (CNRS/Inserm/Centre Léon Bérard/Université Claude Bernard 1) étudie le processus de mort cellulaire – apoptose – et plus particulièrement le mécanisme qui permet aux cellules de comprendre qu’elles doivent s’engager dans un processus d’autodestruction lorsqu’elles deviennent anormales. L’équipe de Patrick Mehlen a proposé que ce mécanisme passe par des sentinelles localisées à la surface des cellules et qui scrutent leur environnement. Les chercheurs ont nommé ces sentinelles des « récepteurs à dépendance ».

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© Inserm, DISC- L’action des récepteurs à dépendance

Les chercheurs se sont penchés sur le concept de ces « récepteurs à dépendance ». Dans le cas où un récepteur cellulaire est associé à son ligand, le message classique indique que « tout va bien » et conduit à la survie de la cellule. Par contre, lorsque le récepteur est privé de son ligand, il peut envoyer un message qui conduit à la mort de la cellule, un mécanisme également appelé « apoptose ». Appliqué à la recherche contre le cancer, l’absence de ligand pourrait induire la mort de cellules cancéreuses qui prolifèrent de manière anarchique.

Dans cette étude, l’équipe de Patrick Mehlen montre que le gène DCC (pour Deleted Cancer Colorectal), qui code pour un « récepteur à dépendance », protège l’organisme de l’apparition de cancer en provoquant la mort des cellules qui deviennent cancéreuses. Les chercheurs ont utilisé un modèle de souris où le gène DCC est génétiquement modifié. La mutation de ce « récepteur à dépendance » empêche l’induction de l’apoptose. Lorsque que le gène DCC est éteint par mutation, la souris, développe spontanément des cancers du côlon.

« L’organisme est naturellement protégé du développement de cancers grâce à la présence de ce gène suppresseur de tumeur. Malheureusement, certaines cellules cancéreuses échappent à ce contrôle en bloquant ce mécanisme de « récepteurs à dépendance ». On sait ainsi que le gène DCC est éteint dans la majorité des cancers chez l’homme« , explique Patrick Mehlen.

Le travail des chercheurs pourrait déboucher dans un futur proche sur un nouveau traitement ciblé visant à réactiver la mort des cellules cancéreuses pour détruire les cancers, tels que le cancer du sein, du poumon… »Notre groupe a d’ailleurs développé plusieurs candidats médicaments qui réactivent la mort cellulaire induite par le récepteur DCC dans des modèles animaux et nous espérons être capable de tester ces candidats médicaments en essai clinique chez l’homme d’ici 3 ans« , conclut Patrick Mehlen.

Patrick Mehlen vient de se voir décerner le Prix Liliane Bettencourt pour les Sciences du Vivant qui lui sera remis le 15 décembre prochain.

Consulter le site web de la Fondation

Le cortex joue un rôle essentiel dans les apprentissages émotionnels

Une collaboration entre une équipe de chercheurs français de l’Unité Inserm 862 « Neurocentre Magendie, Bordeaux » dirigée par Cyril Herry et une équipe de chercheur suisses du Friedrich Miescher Institute of Biomedical Research dirigée par Andreas Lüthi à l’Institut de recherche biomédicale Friedrich Miescher a montré, pour la première fois, que le cortex, la plus importante zone du cerveau qui est généralement associée à de hautes fonctions cognitives, est également une zone clé pour les apprentissages émotionnels. Cette étude initiée par les chercheurs suisses et publiée dans la revue Nature constitue un travail d’avant-garde en matière d’exploration des émotions dans le cerveau.

Les troubles anxieux constituent une famille de pathologies complexes touchant environ 10 % des adultes. Les patients atteints de ces troubles craignent certaines situations ou objets de manière exagérée sans proportion aucune avec le danger qu’ils présentent en réalité. L’amygdale, structure cérébrale profonde, joue un rôle clé dans le traitement de la peur et de l’anxiété. Son fonctionnement peut être perturbé en cas de troubles anxieux.

© Inserm, P. Latron

Bien que les chercheurs connaissent les neurones de l’amygdale et leur rôle dans l’expression de la peur, leur connaissance de l’implication d’autres régions du cerveau reste limitée. Or, il ne peut y avoir de peur sans stimulation sensorielle : avant d’avoir peur, nous entendons, nous voyons, nous sentons, nous goûtons ou nous ressentons quelque chose qui la déclenche. Ce signal sensoriel est notamment traité dans le cortex, région la plus vaste du cerveau.

Pour la première fois, des scientifiques français et suisses ont réussi à visualiser le trajet d’un stimulus sensoriel dans le cerveau lors de l’apprentissage de la peur et à identifier les circuits neuronaux sous-jacents.

Que se passe-t-il dans le cerveau ?

Au cours des expériences réalisées par les chercheurs, des souris ont appris à associer un son à un stimulus désagréable de sorte que le son lui-même devienne désagréable pour l’animal.

Les chercheurs ont utilisé l’imagerie calcique biphotonique afin de visualiser l’activité des neurones dans le cerveau au cours de ce processus d’apprentissage. Cette technique d’imagerie implique l’injection d’un indicateur chimique qui est ensuite absorbé par les neurones. Lorsque les neurones sont stimulés, les ions calcium pénètrent dans les cellules, où ils accroissent la brillance de l’indicateur, qui peut alors être détecté au microscope à balayage.

Dans des conditions normales les neurones du cortex auditif sont fortement inhibés. Au cours de l’apprentissage de peur, un microcircuit « dés-inhibiteur » au niveau du cortex s’active : Ainsi, pendant une courte fenêtre temporelle au cours de l’apprentissage, la libération d’acétylcholine dans le cortex permet l’activation de ce microcircuit et la désinhibition des cellules de projection excitatrices du cortex. Ainsi, lorsque l’animal perçoit un son pendant l’apprentissage de la peur, il sera traité de façon bien plus intense que dans des conditions normales ce qui favorise la formation de la mémoire. Toutes ces étapes ont été visualisées grâce aux techniques développées par les chercheurs.

Pour confirmer leurs découvertes, les chercheurs ont eu recours à une autre technique récente très innovante (l’optogénétique) pour perturber la dés-inhibition de façon sélective au cours de l’apprentissage. Lorsqu’ils ont testé la mémoire de leurs souris (c’est-à-dire l’association entre le son et le stimulus désagréable) le lendemain, ils ont observé une altération sévère de la mémoire démontrant directement que le phénomène de dés-inhibition corticale est indispensable à l’apprentissage de la peur.

La découverte de ce microcircuit désinhibiteur cortical, ouvre des perspectives cliniques intéressantes et les chercheurs peuvent désormais imaginer, dans des situations bien précises, comment empêcher qu’un traumatisme se mette en place et ne devienne pathologique.

La vaccination antigrippale H1N1 protège à la fois la femme enceinte et le nouveau-né

En pleine campagne de vaccination 2011-2012 contre la grippe saisonnière, Odile Launay, directrice du centre d’investigation clinique en Vaccinologie Cochin Pasteur (Inserm/AP-HP/Institut Pasteur/Université Paris Descartes) rend compte des résultats de l’étude clinique PREFLUVAC menée pendant la pandémie grippale de 2009. Les chercheurs ont étudié la réponse à la vaccination de 107 femmes enceintes après l’injection d’une dose de vaccin antigrippal H1N1 administré sans adjuvant. Les chercheurs concluent que la vaccination antigrippale est immunogène chez la femme enceinte et protège les nourrissons par les anticorps transmis à travers le placenta.
Ces résultats, publiés dans la revue Annals of Internal Medicine datée du 6 Décembre 2011, sont disponibles en ligne.

La grippe est une infection respiratoire aiguë, contagieuse, due aux virusInfluenzae. Les virus grippaux se répartissent entre différents types : A, B et C. Les virus A et B sont à l’origine des épidémies saisonnières mais seul le virus A est responsable de pandémies. Très tôt au cours de la pandémie grippale de 2009, les femmes enceintes et les nourrissons sont apparus comme étant à très haut risque de complications et de décès en cas d’infection comme cela avait été observé au cours des pandémies grippales antérieures. Dès août 2009, une étude publiée dans The Lancet montrait que 10 % des formes graves étaient observées chez les femmes enceintes alors qu’elles représentent environ 1 % de la population (en France). La vaccination antigrippale H1N1 a donc été recommandée de façon prioritaire chez la femme enceinte.

L’équipe d’Odile Launay, directrice du centre d’investigation clinique en Vaccinologie Cochin Pasteur (Inserm/AP-HP/Institut Pasteur/Université Paris Descartes) a mis en place une étude vaccinale dont le but était de démontrer l’immunogénicité, c’est-à-dire la réponse en terme de production d’anticorps, après une injection unique du vaccin A (H1N1) administré sans adjuvant (1) chez la femme au 2e et 3e trimestre de la grossesse et de mesurer le passage trans-placentaire des anticorps maternels chez le nouveau-né.

Dans cette étude, 107 femmes entre 22 et 32 semaines d’aménorrhée suivies dans 5 maternités en France, ont été vaccinées entre le 3 novembre et le 4 décembre 2009 par une injection unique du vaccin A H1N1 administré dans le bras.

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Des prélèvements sanguins ont été pratiqués pour mesurer le taux d’anticorps protégeant contre le virus de la grippe :

  • avant la vaccination
  • 3 et 6 semaines après la vaccination
  • à l’accouchement
  • 3 mois après l’accouchement

A l’accouchement un prélèvement du sang du cordon ombilical a permis de mesurer la quantité d’anticorps antigrippaux transmis au nouveau-né. Tous les événements observés chez la mère et chez l’enfant ont été recueillis pendant le suivi de l’étude.

Avant la vaccination, 19 % des patientes avaient déjà des anticorps dirigés contre le virus H1N1 à des taux considérés comme protecteurs. Trois et 6 semaines après la vaccination, 98 % des patientes avaient des anticorps à des taux considérés comme protecteurs. A l’accouchement et 3 mois après l’accouchement, la proportion des patientes ayant des anticorps à des taux considérés comme protecteurs étaient de 92 % et 90 %. Chez le nouveau-né (au sang de cordon), des anticorps à des taux considérés comme protecteurs étaient mesurés dans 95 % des cas avec des concentrations d’anticorps plus élevés que chez la mère (rapport de 1,4 entre les taux chez le nouveau-né et les taux chez la mère à l’accouchement).

« Ces résultats montrent que la vaccination antigrippale est immunogène chez la femme enceinte et permet également de protéger les nourrissons par les anticorps transmis à travers la placenta« , conclut Odile Launay.

Cette étude mais aussi d’autres, portant sur un nombre plus important de femmes enceintes, ont confirmé l’absence de toxicité du vaccin antigrippal administré au cours de la grossesse. Cette année encore, la vaccination antigrippale est fortement recommandée chez la femme enceinte. La composition du vaccin contre la grippe est actualisée tous les ans en fonction des souches virales qui ont circulé majoritairement durant l’hiver précédent et qui sont susceptibles d’être présentes lors de l’hiver suivant. « Le virus grippal H1N1 2009 est toujours circulant, c’est pourquoi le virus vaccinal H1N1 inactivé est intégré dans la vaccination antigrippale saisonnière actuelle. Il est donc vivement recommandé de vacciner les femmes enceintes pour les protéger et protéger leur enfant pour lequel le vaccin ne peut être administré qu’à partir de l’âge de 6 mois » explique Odile Launay.

 

Note
(1) Les vaccins contre la grippe saisonnière ont tous la même composition et ne contiennent pas d’adjuvant à l’exception d’un vaccin, GRIPGUARD, indiqué chez les personnes de 65 ans et plus. L’adjuvant permet de stimuler la réaction immunitaire.

Résultats de l’essai Anrs HC21 VASCU-IL2 – Une nouvelle approche pour le traitement des maladies auto-immunes

Une équipe française présente une approche novatrice pour le traitement des maladies auto-immunes. Dans le cadre de l’essai Anrs HC21 VASCU-IL2, les Professeurs David Klatzmann et Patrice Cacoub (Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) et leurs collègues de l’AP-HP, de l’Université Pierre et Marie Curie, du CNRS et de l’Inserm ont traité des patients présentant une complication auto-immune de l’hépatite C chronique avec de faibles doses d’interleukine-2. En stimulant une population précise de lymphocytes T, le traitement a permis d’obtenir une amélioration clinique marquée chez la majorité des patients. Ces résultats, publiés dans le New England Journal of Medicine du 30 novembre 2011 (1), ouvrent des perspectives nouvelles pour le traitement des maladies auto-immunes et inflammatoires.

Parmi les quelque 300 000 personnes chroniquement infectées par le virus de l’hépatite C (VHC) en France, 5% à 10% développent des complications auto-immunes atteignant les vaisseaux sanguins, appelées vascularites. Ces complications inflammatoires touchent notamment la peau, les articulations, les nerfs et les reins, avec une symptomatologie pouvant être sévère. Les équipes des Professeurs Patrice Cacoub et David Klatzmann (service de Biothérapies et service de Médecine Interne de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris) ont montré il y a quelques années que les patients atteints de vascularites induites par le VHC présentent un déficit en lymphocytes T régulateurs (Tregs). Ces cellules du système immunitaire ont notamment pour fonction de prévenir l’apparition des maladies auto-immunes. Les chercheurs ont également montré qu’une fois les patients guéris de leur hépatite C, le taux des Tregs revient à la normale parallèlement à la guérison de la vascularite. Cela les a conduits à évaluer une approche thérapeutique originale visant à faire remonter le taux des Tregs chez des patients atteints de vascularites liées à une hépatite C chronique résistante aux traitements antiviraux. C’est l’objet de l’essai Anrs HC21 VASCU-IL2, dont les résultats sont publiés cette semaine dans The New England Journal of Medicine.

Pr David Klatzmann, centre d’Investigation clinique - Biothérapies et immunologie, hôpital Pitié-Salpêtrière. Copyright Inserm/Etienne Begouen

© Inserm/Etienne Begouen – Pr David Klatzmann, centre d’Investigation clinique – Biothérapies et immunologie, hôpital Pitié-Salpêtrière.

L’approche des chercheurs repose sur l’administration d’interleukine-2 (IL-2). Cette molécule est évaluée depuis plus de vingt ans pour le traitement de maladies pour lesquelles un renforcement des lymphocytes T est souhaité. Cependant, son efficacité est modeste et son usage est aujourd’hui limité à quelques indications, comme le cancer du rein ou le mélanome. Dans ces indications, l’IL-2 est administrée à fortes doses, entraînant des effets indésirables importants.

L’utilisation de l’IL-2 dans les maladies auto-immunes est a priori paradoxale. La survenue de ces maladies est en effet souvent due à l’attaque des tissus sains par une population particulière de lymphocytes T dits effecteurs (Teffs). A l’état normal, ces cellules ne s’attaquent pas aux cellules saines car elles sont contrôlées par les Tregs. La crainte des chercheurs était qu’en administrant de l’IL-2, les deux types de lymphocytes soient stimulés, avec un risque d’aggravation de la maladie auto-immune. C’est pourquoi les chercheurs ont choisi d’administrer l’lL-2 à très faibles doses, espérant activer uniquement les Tregs et non les Teffs.

L’essai réalisé a inclus 10 patients présentant des vascularites induites par une hépatite C chronique résistante à un traitement antiviral. Ils ont reçu quatre cures de cinq jours d’IL-2, à trois semaines d’intervalle, à des doses 10 à 20 fois plus faibles que celles habituellement utilisées en oncologie. Après six mois de suivi, le traitement par IL-2 à faibles doses se révèle très bien toléré, il a induit une stimulation significative des Tregs chez tous les patients, sans activation des Teffs, et il a entraîné une amélioration clinique marquée chez huit patients.

Ces résultats montrent pour la première fois chez l’homme que l’IL-2 à faibles doses a des effets thérapeutiques dans le contexte d’une maladie auto-immune, ouvrant la voie à ce type de traitement dans des maladies comme le diabète, la polyarthrite rhumatoide, la sclérose en plaque, le lupus…. Des essais de traitement par l’IL-2 du diabète de type 1 sont déjà en cours à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Cet essai thérapeutique a été financé par l’Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS), avec la participation de l’AP-HP (hôpital Pitié-Salpêtrière), du centre d’Investigation clinique en Biothérapies impliquant l’AP-HP, l’Université Pierre et Marie Curie, le CNRS (UMR 7211) et l’Inserm (Unité 959).

(1) David Saadoun, Michelle Rosenzwajg, Florence Joly, Adrien Six, Fabrice Carrat, Vincent Thibault, Damien Sene, Patrice Cacoub, David Klatzmann. Efficacy of low-dose IL-2 in HCV-vasculitis. N Engl J Med 2011;365:2067-77.

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