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Face aux résistances du cancer, de nouvelles molécules voient le jour

Une équipe franco-italienne menée par des chercheurs du CNRS et de l’Inserm (1) vient de découvrir une nouvelle famille de composés qui pourrait permettre de traiter de nombreux cancers, notamment des tumeurs cérébrales et des cancers de la peau. Brevetées par le CNRS, ces molécules bloquent la voie de signalisation Hedgehog, une chaîne de réactions moléculaires dont le dérèglement serait impliqué dans plusieurs cancers. Ces composés pourraient à terme constituer de nouveaux médicaments, mais, dans un premier temps, ils devraient s’avérer de précieux outils pour mieux comprendre le rôle de la voie Hedgehog dans le développement de ces tumeurs et la résistance aux traitements de celles-ci. Effectués en collaboration avec le Laboratoire d’innovations thérapeutiques (CNRS / Université de Strasbourg), ces travaux sont publiés dans le Journal of Medicinal Chemistry.

La voie de signalisation Hedgehog est une cascade de réactions biochimiques complexes. Très active lors de l’embryogenèse, elle participe à la prolifération et à la différenciation des cellules, ainsi qu’à la mise en place de nombreux tissus. Chez l’adulte, elle joue notamment un rôle clé dans le maintien de cellules souches dans le cerveau. Le dérèglement de cette voie participerait au développement de nombreux cancers, notamment de tumeurs cérébrales très agressives chez l’enfant.

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© F. Manetti

A l’origine des dysfonctionnements affectant la voie Hedgehog, on trouve notamment des mutations d’un récepteur membranaire appelé Smoothened, maillon essentiel permettant l’activation de cette voie. Plusieurs laboratoires pharmaceutiques ont développé des molécules capables de bloquer Smoothened. Grâce à ces composés antagonistes (2) du récepteur, ils sont parvenus à enrayer le développement de certaines tumeurs. Cependant, les expériences menées sur des modèles animaux et chez l’Homme font état de l’apparition de résistances à ces traitements. De nouvelles mutations de Smoothened dans les cellules tumorales rendent inefficaces les antagonistes chargés de l’inactiver. Voilà pourquoi il est important d’en trouver de nouveaux et de mieux comprendre les mécanismes liés à ces résistances.

Pour découvrir de nouveaux composés antagonistes de Smoothened, l’équipe de chercheurs coordonnée par Martial Ruat a adopté une stratégie originale : un criblage virtuel de banques de molécules informatisées. Parmi quelque 500 000 molécules répertoriées dans ces banques, ils ont recherché celles dont la structure serait susceptible de produire le même effet que les molécules connues pour bloquer Smoothened. Sur une vingtaine de molécules candidates, les chercheurs en ont sélectionné une. Puis, en modifiant légèrement sa structure afin de l’optimiser, ils ont découvert une famille de composés, appelés MRT. Ils ont ensuite testé leur activité biologique sur des cellules de souris en culture. Résultat : les composés MRT, et plus particulièrement l’un d’entre eux, l’acylguanidine MRT83, bloquent la prolifération des cellules suspectées d’être à l’origine de tumeurs cérébrales. De plus, ces nouveaux composés inhibent Smoothened avec une activité égale ou supérieure à celle de composés déjà connus.

Plusieurs années de tests sont nécessaires avant que de nouvelles molécules prometteuses telles que les composés MRT puissent être commercialisées comme médicaments. Néanmoins, leurs propriétés pourraient permettre d’en savoir plus sur le fonctionnement, la structure tridimensionnelle et la localisation des récepteurs Smoothened. Ces composés MRT aideraient ainsi à comprendre l’origine des résistances que développent les tumeurs. Ces travaux pourraient déboucher sur la découverte de nouvelles cibles et stratégies thérapeutiques pour combattre certains cancers.

Notes
(1) Au sein de l’Unité « Neurobiologie & développement » (CNRS), en lien avec l’Université de Sienne (Italie)
(2) Est antagoniste une substance qui, en se fixant sur les mêmes récepteurs cellulaires qu’une autre substance, empêche d’obtenir l’ensemble ou une partie des effets produits habituellement par la cellule. Ici les antagonistes ont un effet « inverse » de celui du récepteur « muté ».

Une inversion de l’activité du cerveau provoquée par les hormones du stress détermine l’Etat de stress post traumatique (ESPT)

Qui a oublié le moindre détail de cet accident de voiture, survenu il y a 2 ans, au cours duquel nous avons éprouvé la peur de notre vie ? A l’inverse, qui se souvient encore du très bon repas dégusté l’an dernier, même si il était réellement, très très bon ? Aujourd’hui, les bases biologiques de cette capacité « adaptative » à se souvenir d’un événement stressant, sont de mieux en mieux connues. En revanche, on savait jusqu’alors peu de choses sur l’état de stress post traumatique (ESPT). Cet état pathologique est déclenché chez certains individus suite à l’exposition à un événement très stressant. Dans cet état, les personnes atteintes sont envahies par la peur même face à des éléments sans danger objectif. L’ESPT est-il spécifique de l’espèce humaine influencée par son histoire et sa culture ? Ou s’agit-il d’un état retrouvé dans diverses espèces, et qui résulte de changements biologiques communs ? Telles sont les questions que se sont posées Pier-Vincenzo Piazza, directeur du Neurocentre Magendie à Bordeaux (Inserm/ Université Victor Segalen) et ses collaborateurs. Leurs résultats sont détaillés dans la revue Science (publication accélérée on line sur Science Express, datée du 23 février).

Nous mémorisons plus facilement un événement stressant qu’un événement agréable. Cette mémorisation des événements négatifs est partagée par pratiquement toutes les espèces capables de comportements, preuve qu’il s’agit probablement d’une capacité sélectionnée au cours de l’évolution : elle permet la survie dans un environnement hostile.

Toutefois, l’exposition à des événements très stressants peut entraîner chez certains individus un état pathologique dont l’état de stress post-traumatique (ESPT) est l’exemple le plus emblématique. Aux Etats-Unis, on estime ainsi que ce syndrome touche 6,8 % de la population générale et que 30 % des vétérans de la guerre du Vietnam en sont atteints et 12 % des vétérans de la guerre du Golfe (source National Center for PTSD).

Dans cet état de stress, la mémoire de la personne est perturbée : elle n’est plus capable d’adapter sa réaction de peur au « bon » contexte et aux « bons » éléments prédictifs. Elle prend peur dans des situations qui ne présentent aucune menace. Les peurs deviennent alors de plus en plus envahissantes jusqu’à empêcher une vie normale. « Si vous êtes attaqué par un lion dans la savane alors qu’une nuée d’oiseaux vole dans le ciel, il sera normal d’éprouver un sentiment de peur lorsque vous reviendrez flâner dans la savane, la fois suivante, détaille Pier-Vincenzo Piazza. En revanche, vous ne devriez pas être apeuré si, en vous baladant sur un green de golf, un autre espace naturel ouvert, vous apercevez ou entendez des oiseaux à l’horizon. », précise le Directeur de recherche de l’Inserm. Si c’est le cas, vous avez peut-être développé un état de stress post-traumatique, conséquence de votre attaque par de lion.

Les groupes de Pier-Vincenzo Piazza et Aline Desmedt montrent que ces difficultés de mémorisation associées à l’ESPT ne sont pas spécifiques à l’être humain et sont retrouvées chez la souris. Pour cela, les chercheurs ont conditionné des souris à anticiper une menace (un choc électrique) plus ou moins forte par un contexte spécifique (un environnement annonciateur), et à distinguer ce contexte spécifique de stimuli présents lors du conditionnement mais qui ne prédisent pas la menace (un son).

En condition normale, les souris montrent une réaction de peur quand elles sont exposées au contexte spécifique (l’environnement annonciateur) de la menace mais ne réagissent pas au son qui ne la prédit pas.

Les chercheurs ont alors administré, après la session de conditionnement, des concentrations croissantes d’hormones glucocorticoïdes, la principale réponse biologique au stress chez les mammifères. Si l’administration de glucorticoïdes suit une menace intense, comme les personnes en état de stress post traumatique, les souris ne parviennent plus à restreindre la réponse de peur au « bon » contexte, et aux bons indices annonçant l’éventuelle menace. Les animaux commencent à montrer de la peur en s’immobilisant en réponse à des indices qui étaient présents pendant la situation stressante mais qui ne prédisent en rien la menace. Ces résultats montrent donc que l’ESPT résulte probablement d’une surproduction de glucocorticoïdes chez certains sujets au moment de l’événement traumatique.

Ces difficultés de mémorisation induites par les glucocorticïdes sont accompagnées par une réorganisation de l’activité du cerveau, et en particulier du circuit hippocampe-amygdale, un des circuits essentiels à l’encodage des souvenirs associés à la peur. Dans les conditions normales, quand une personne associe une menace à un contexte, on observe une forte activité dans l’hippocampe, la structure du cerveau nécessaire pour tous les apprentissages qui associent un contexte spécifique, un espace, à un événement. En revanche l’activité de l’amygdale est faible. L’amygdale est une zone du cerveau aussi impliquée dans la mémoire émotionnelle, mais elle mémorise les indices spécifiques, comme des sons, qui prédisent la menace.

Quand les sujets sont soumis à une augmentation des glucocorticoïdes et que des déficits de mémoire qui caractérisent l’ESPT sont observés, l’activité dans l’hippocampe baisse, celle relevée dans l’amygdale augmente. En état de stress post traumatique, les chercheurs notent donc une inversion de l’activité normale du cerveau. L’activité anormale dans l’amygdale peut expliquer le fait que le sujet commence à « sur-répondre » à des prétendus indices, présents au moment de l’événement traumatisant mais qui ne sont pas, en eux-mêmes, prédictifs d’un quelconque danger. L’activité faible dans l’hippocampe peut expliquer que le sujet ne reconnaît plus le bon contexte : il est donc incapable de d’avoir une réaction de peur uniquement face à une situation appropriée.

« L’ESPT n’est pas seulement un souvenir excessif de la situation traumatisante mais surtout un déficit de mémoire qui empêche la personne atteinte de restreindre sa réaction de peur au contexte qui prédit la menace », expliquent les chercheurs. Dans le syndrome de stress post traumatique, un fort souvenir de l’événement traumatisant est associé à l’amnésie du contexte environnant cet événement. Certains éléments du contexte, présents lors de l’événement traumatisant, sont considérés, à tort comme prédictifs de l’événement.

En conclusion, les auteurs expliquent que les problèmes de mémorisation dus à l’ESPT semblent être causés par une réponse biologique au stress anormale chez certains individus : une production excessive de glucocorticoïdes simultanée à une exposition à un stress intense provoque, chez ces individus, une inversion de l’activité normale des structures du cerveau qui encodent les souvenirs liés à la peur.

« Nous avons démontré que l’ESPT se produit aussi chez d’autres espèces que l’homme et qu’il a donc des origines biologiques communes. Le modèle souris de cette pathologie ouvre maintenant la voie à une meilleure compréhension des bases moléculaires de cet état pathologique qui pourraient permettre le développement de thérapies », concluent les chercheurs de l’Inserm.

Existe-t-il dans les profondeurs du cerveau un centre général de la motivation ?

L’équipe de Mathias Pessiglione, chargé de recherche Inserm du « Centre de recherche en neurosciences de la Pitié-Salpêtrière » (Inserm/UPMC-Université Pierre et Marie Curie/CNRS) a identifié la partie du cerveau impliquée dans la motivation lors d’une action mêlant effort physique et mental : le striatum ventral. Les résultats de leur étude sont publiés dans PLoS Biology le 21 février 2012.

Les résultats d’une activité (physique ou mentale) dépendent en partie des efforts consacrés à cette activité qui peuvent être motivés par une récompense. Par exemple, le sportif est susceptible de s’entrainer « plus intensément » si le résultat lui apporte un prestige social ou monétaire. Il en va de même pour l’étudiant qui prépare ses examens dans l’objectif de réussir sa carrière professionnelle. Que se passe-t-il lorsque des efforts physiques et mentaux sont nécessaires pour atteindre un objectif ?

L’équipe de Mathias Pessiglione de l’unité Inserm 975 « Centre de recherche en neurosciences de la Pitié-Salpêtrière » a cherché à savoir si des efforts mentaux et physiques sont conduits par un centre de motivation commun ou s’ils sont menés par des parties distinctes du cerveau. Les chercheurs ont donc étudié les mécanismes neuronaux qui découlent d’une activité mêlant l’action et la cognition.

Pour ce faire, un test de 360 essais, conjuguant effort mental et physique, a été réalisé sous l’œil d’un scanner. Les 20 participants volontaires allongés la tête dans un appareil d’IRM fonctionnelle doivent exécuter plusieurs séries de tâches leur permettant d’accumuler des gains qu’ils peuvent remporter mais qui sont plafonnés pour chaque série à partir de la première réponse fausse de la série. Ces tâches mêlent une action cognitive et une action motrice. Les participants doivent trouver le chiffre le plus grand numériquement parmi des chiffres de tailles différentes et le sélectionner en serrant soit la poignée située au niveau de leur main gauche ou de leur main droite en fonction de là où se trouve ce dit chiffre. A la fin de l’essai, un récapitulatif des gains est projeté de manière à motiver le participant.

© M. Pessiglione, Inserm

Représentation 3D du système motivationnel (striatum ventral) activé lors d’un effort physique ou mental.

Grâce aux images obtenues à partir des clichés des IRM effectués lors du test, l’équipe de Mathias Pessiglione a identifié dans la profondeur du cerveau un système motivationnel général, c’est-à-dire une structure capable d’activer n’importe quel type d’effort, qu’il soit mental (comme se concentrer sur ce qu’on fait) ou physique (comme soulever une charge). En effet, les chercheurs ont constaté que le striatum ventral s’activait en proportion de la somme en jeu et que plus le degré de motivation était fort, plus l’activation était importante. De plus, le striatum ventral se connecte à la partie médiane du striatum (le noyau caudé) lorsque la tâche à réaliser est difficile sur le plan cognitif (lorsque la taille physique et la grandeur numérique des chiffres ne correspondent pas). Réciproquement cette région ventrale sollicite la partie latérale du striatum (le putamen) lorsque la difficulté se situe sur le plan moteur (lorsqu’une forte pression doit être exercée sur les poignées).

Les chercheurs suggèrent donc que la motivation peut être codée par le striatum ventral. Ce dernier conduisant soit la partie motrice soit la partie cognitive du striatum selon l’action à mener pour l’amplifier. « Le striatum ventral pourrait commuter les connexions en fonction de la demande, c’est-à-dire amplifier l’activité neuronale dans le noyau caudé pour une opération cognitive et dans le putamen pour une action physique » explique Mathias Pessiglione.

Quand votre main gauche mime ce que fait votre main droite : une histoire de gène

Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’UPMC et de l’AP-HP au sein du Centre de Recherche de l’Institut du Cerveau et de la Moelle (CRICM) de la Pitié-Salpêtrière, viennent de mettre en évidence des mutations à l’origine de la maladie des mouvements en miroir congénitaux. Les personnes atteintes de cette maladie ont perdu la capacité de réaliser un mouvement différent des deux mains. Grâce au séquençage du génome de plusieurs membres d’une même famille française, le gène RAD51 a été identifié. Des travaux complémentaires menés chez la souris suggèrent qu’il s’agit d’un gène impliqué dans le croisement des voies motrices. Ce croisement est un point clé de transmission des informations cérébrales puisqu’il permet à la partie droite du cerveau de contrôler la partie gauche du corps et inversement. Ces travaux sont publiés dans la revue The American Journal of Human Genetics.

La maladie du miroir par Emmanuel Flamand-roze

Les mouvements en miroir congénitaux constituent une maladie rare qui se transmet de génération en génération. Les personnes atteintes ont perdu la capacité de réaliser un mouvement différent des deux mains : lorsqu’une main effectue un mouvement, l’autre main est « obligée » d’effectuer le même mouvement, même contre la volonté du sujet. Dans cette maladie, il est donc rigoureusement impossible d’avoir une activité motrice bi-manuelle telle que jouer du piano par exemple. Il arrive que l’on observe ces phénomènes chez les enfants, mais ils disparaissent généralement spontanément avant l’âge de 10 ans, surement grâce à la maturation des réseaux de neurones moteurs. Toutefois chez les personnes malades, les symptômes de la maladie débutent dès la petite enfance et restent inchangés tout au long de la vie.

En 2010, des chercheurs québécois ont découvert un gène responsable de la maladie grâce à l’analyse du génome des membres d’une grande famille canadienne. Des mutations avaient été identifiées dans le gène DCC (Deleted in Colorectal Carcinoma). Après cette découverte, l’équipe de chercheurs et de médecins coordonnée par Emmanuel Flamand-Roze a donc cherché des mutations de ce gène chez plusieurs membres d’une famille française atteinte de la maladie des mouvements en miroir congénitaux : sans succès. « Le gène DCC était intact, explique Emmanuel Flamand-Roze. Alors que l’on croyait toucher au but, il a donc fallut chercher une mutation dans un autre gène. » ajoute-t-il.

Par une approche couplant une analyse génétique conventionnelle et une analyse en « whole exome » (une technique d’analyse génétique de nouvelle génération permettant le séquençage entier de la partie signifiante du génome) les chercheurs ont démontré que le gène RAD51 était responsable de la maladie des mouvements en miroir congénitaux dans une grande famille française et confirmé ce résultat dans une famille allemande atteinte de la même maladie.

« Le gène RAD51 était bien connu de la communauté scientifique pour son rôle potentiel dans la survenue de certains cancers et dans les phénomène de résistance aux chimiothérapies » explique Emmanuel Flamand-Roze. « Nous avons donc cherché s’il pouvait avoir une fonction différente pouvant expliquer les symptômes moteurs de cette maladie. »

Le système moteur se constitue chez l’homme selon une organisation croisée : le cerveau gauche commandant la motricité du côté droit et réciproquement, avec un croisement qui s’effectue au niveau du tronc cérébral. En étudiant l’expression de la protéine RAD51 au cours du développement du système moteur chez la souris, les chercheurs ont découvert que ce gène pourrait être impliqué dans le croisement des voies motrices reliant le cerveau à la moelle épinière au niveau du tronc cérébral.

Cette découverte ouvre un champ complètement nouveau d’investigation pour la connaissance du développement du système moteur et pour une meilleure compréhension des mécanismes cérébraux qui contrôlent la motricité bi-manuelle (très mal connus). Elle pourrait ainsi permettre d’apporter un éclairage sur d’autres désordres moteurs impliquant une altération de l’organisation fine du mouvement tels que la dystonie ou sur certaines maladies génétiques neuro-développementales.

Supplémentation en Vitamine B et oméga 3 et cancer : de nouvelles données

Des chercheurs de l’Unité mixte de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Inserm-Inra-Cnam-Université Paris13) viennent de publier une étude qui montre que, chez les hommes avec antécédents de pathologies cardiovasculaires, la supplémentation en vitamines du groupe B et en acides gras poly-insaturés oméga-3 (les acides gras contenus dans les poissons gras, les fruits secs, notamment.) n’accentue pas de manière significative la survenue de cancers. En revanche, les femmes avec antécédents cardiovasculaires semblent présenter un risque plus élevé de cancer au terme des cinq ans de supplémentation. Le détail de ces travaux est publié dans les Archives of Internal Medicine. 

Bien que certaines études aient suggéré un bénéfice de la supplémentation en vitamine du groupe B sur la survenue de cancer, les quelques essais cliniques randomisés menés sur ce sujet au plan international au cours des dernières années, restent équivoques.

Les résultats des études menées sur l’influence de la supplémentation en acides gras poly-insaturés sont quant à eux hétérogènes. C’est pourquoi Valentina Andreeva et Pilar Galan et leurs collaborateurs ont souhaité étudier les effets des vitamines du groupe B et des acides gras poly-insaturés (AGPI) oméga-3 sur les cancers en suivant pendant 5 ans entre 2003 et 2009 plus de 2500 personnes âgées de 45 à 80 ans, ayant survécu à un infarctus, un accident vasculaire cérébral ou une angine de poitrine au cours des 12 derniers mois.

L’objectif de l’essai était de vérifier l’hypothèse de l’intérêt d’un apport supplémentaire en5-methyl-THF (et en vitamines B6 et B12) et/ou en oméga-3 dans la prévention de la récidive de pathologies ischémiques chez des sujets coronariens avérés ou ayant présenté un accident vasculaire cérébral.

Les résultats publiés cette semaine dans Archives of Internal Medicine sont issus d’une analyse spécifique réalisée dans le cadre de l’étude d’intervention SU.FOL.OM3 dont les résultats ont été publiés, en 2010, dans le British Medical Journal (1).

SU.FOL.OM3 est un essai de prévention secondaire randomisé en double aveugle, contrôlé par placebo dans lequel les participants âgés de 45 à 80 ans ayant des antécédents de pathologie cardiovasculaire ont été supplémentés quotidiennement pendant 5 ans avec des vitamines du groupe B (3 mg de vitamine B6, 560 μg de folates et 20 μg de vitamine B12) et/ou d’AGPI oméga-3 (600 mg d’acide eicosapentaénoïque, EPA, et d’acide docosahexaénoïque, DHA, dans un ratio 2:1) selon un plan factoriel.

A été testé l’effet de la supplémentation sur le développement de cancer au cours de ces 5 ans de suivi survenu chez 145 hommes et 29 femmes. Tous les types de cancers ont été suivis « Malgré le faible effectif, les résultats sont significatifs, estiment les auteurs car la méthodologie utilisée, un essai randomise en double aveugle, est rigoureuse ».

Les chercheurs concluent que « Ni la supplémentation en vitamines du groupe B ni la supplémentation en AGPI oméga-3 n’a eu d’effet significatif sur la survenue des cancers chez les hommes. En revanche, les femmes recevant des AGPI oméga-3 ont eu tendance à présenter un risque plus élevé de cancer par rapport au groupe placebo (HR ajusté =3,02 ; IC à 95 % = [1,33 ; 6,89]).Si les mécanismes sous-jacents ne sont pas clairs, un potentiel effet médiateur sur le métabolisme des oestrogènes est suggéré » ajoutent-ils.

Pour confirmer ou infirmer ces résultats, iI faut maintenant attendre de nouvelles études : essais randomisés, études de cohortes et études mécanistiques.

Note

(1) Supplementation with nutritional doses of B vitamins and omega-3 fatty acids » Galan P, Kesse-Guyot E, Czernichow S, Briancon S, Blacher J, Hercberg. Effects of B vitamins and omega 3 fatty acids on cardiovascular diseases: a randomised placebo controlled trial.BMJ. 2010 341:c6273

Cancers de l’enfant – Découverte de facteurs de susceptibilité génétique dans les tumeurs d’Ewing

La tumeur d’Ewing est un cancer osseux pédiatrique rare. Toutefois cette pathologie est plus fréquente dans les populations d’origine européenne. Olivier Delattre (1) et son équipe, David Cox (2) et Gilles Thomas (3) ont cherché à comprendre pourquoi. La réponse peut se trouver dans deux petites régions du génome : deux variants génétiques observés plus fréquemment dans les populations européennes. Les enfants porteurs d’une de ces deux variations génétiques ont un risque multiplié par deux de développer une tumeur d’Ewing. Cette découverte est publiée online dans Nature Genetics du 12 février 2012 (4).

La tumeur d’Ewing est une tumeur osseuse rare qui survient chez l’enfant, l’adolescent et le jeune adulte. Spécialiste de cette tumeur, le Dr Olivier Delattre, directeur de recherche Inserm, et son équipe à l’Institut Curie s’interrogeaient depuis de nombreuses années sur les différences d’incidence de cette tumeur selon l’origine géographique. Ils ont ainsi collaboré avec Gilles Thomas de la plate-forme Synergie Lyon Cancer et David Cox, deux chercheurs situés au Centre Léon Bérard (Lyon) pour répondre à cette question.

La plupart des tumeurs d’Ewing surviennent chez des enfants d’origine européenne et très rarement dans les populations africaines ou asiatiques. Par ailleurs, le nombre de cas dans ces deux populations reste faible même lorsqu’elles émigrent aux Etats-Unis (0,017 pour 105 individus afro-américains). « Par conséquent les facteurs environnementaux ne pouvaient pas être incriminés et il fallait chercher les raisons de cette différence dans le génome » explique Olivier Delattre.

Une telle étude génétique, sur une tumeur rare, a été possible grâce au développement de nouveaux outils, et notamment les GWAS(Genome Wide Association Study) qui permettent de dresser une cartographie des variations génétiques individuelles. L’analyse a été effectuée dans 401 prélèvements de tumeur d’Ewing, 684 prélèvements contrôles dans la population française et 3 668 dans la population américaine d’origine européenne. Sur plus de 700 000 variations génétiques observées, deux d’entre-elles (rs9430161 et rs224278) sont associées au développement de la tumeur d’Ewing« Les enfants porteurs de ces variants génétiques ont ainsi deux fois plus de risque de développer une tumeur d’Ewing que les autres » explique David Cox. Cette augmentation du risque relatif est importante pour mieux comprendre la maladie, mais reste sans conséquence pour les porteurs de ces variants car le risque absolu reste très faible, de l’ordre de 3 cas par millions de porteurs. Or ces deux variants génétiques sont beaucoup plus rares dans les populations d’origine africaine et asiatique, expliquant en partie la faible incidence de cette pathologie dans ces populations.

Améliorer la compréhension du développement tumoral

Au-delà de l’identification des deux variants de susceptibilité, cette découverte améliore la compréhension des mécanismes cellulaires conduisant au développement des tumeurs d’Ewing. Les deux régions mises en évidence se trouvent à proximité des gènes TARDBP et EGR2. Le premier possède des similitudes avec le gène dont l’altération est à l’origine des tumeurs d’Ewing ; quant au second, il fait partie d’un groupe de gènes régulés par le gène de fusion EWS-FLI-1, responsable de cette tumeur. « Désormais, nous allons pouvoir chercher à comprendre comment ces deux gènes renforcent l’effet de l’anomalie chromosomique EWS-FLI-1 responsable de la tumeur d’Ewing » ajoute Olivier Delattre.

Le point de vue d’Olivier Delattre

Olivier Delattre

© Noak/Le Bar Floreal/institut Curie

Olivier Delattre

La génétique des populations pour mieux comprendre la cancérogenèse

« Le matériel génétique, contenu dans le noyau de chacune de nos cellules, est une sorte de livre de 3 milliards de caractères écrit avec seulement un alphabet à 4 lettres : A, C, G, T. Même si l’enchaînement de ces caractères est quasi identique d’un individu à l’autre, il existe tout de même en moyenne 0,1 % (soit plusieurs millions) de différence entre deux individus. La diversité de la population humaine réside ainsi dans cette légère variabilité de notre séquence d’ADN. Une variation fréquente dans la population est appelée un variant. Certains variants sont associés à une pathologie : seuls ils ne présentent pas de risque, mais ils créent un terrain favorable à son développement. Il existe plusieurs moyens de rechercher de telles susceptibilités. Dans notre étude sur la tumeur d’Ewing, en raison de la forte variabilité d’une population à l’autre, la génétique des populations était la plus adaptée. Les variants ont la capacité de « moduler » l’activité de certains gènes et à ce titre, participent à la cancérogenèse. Leur connaissance améliore donc la compréhension des mécanismes tumoraux. »

Le commentaire de David Cox

David Cox

© Photo Centre Léon Bérard

David Cox

Application de la génomique en cancérologie

« Depuis le séquençage complet du génome humain au début des années 2000, notre capacité à explorer notre patrimoine génétique a explosé. Aujourd’hui, nous pourrions interroger plus de 5 millions de variants, des « polymorphismes », qui diffèrent d’une personne à l’autre. Ces variants sont une sorte d’enregistrement de l’histoire de l’ADN qui les entoure. Si une mutation qui augmente le risque d’une maladie survient dans une population, les variants qui l’entourent seront transmis avec la mutation pendant des générations. Comme nous ne savons pas où se trouveront ces mutations, nous utilisons ces variants pour les trouver, en comparant les fréquences des variants du génome chez des patients atteints d’une maladie, en comparaison avec des individus issus de la même population mais sains ».

Les tumeurs d’Ewing

  • Avec près de 100 nouveaux cas par an en France, la tumeur d’Ewing est la deuxième tumeur maligne primitive de l’os, en termes de fréquence.
  • Elle survient chez l’enfant, l’adolescent et le jeune adulte (jusqu’à 30 ans), avec un pic de fréquence à la puberté. Appelée aussi sarcome d’Ewing, elle se développe essentiellement dans les os du bassin, les côtes, les fémurs, lespéronés et les tibias.
  • En 30 ans, le traitement, à l’origine essentiellement basé sur la radiothérapie, a profondément évolué. Aujourd’hui, les formes localisées sont traitées majoritairement par une combinaison initiale de chimiothérapie et de chirurgie. Une chimiothérapie postopératoire, et parfois une radiothérapie, complètent le traitement. Le pronostic de la tumeur d’Ewing a bénéficié de l’apport de nouvelles chimiothérapies.
  • C’est à l’Institut Curie qu’a été découverte en 1984, et caractérisée, en 1992, dans l’unité d’Olivier Delattre, l’anomalie chromosomique responsable de cette tumeur. Il s’agit d’une translocation qui se produit, dans 90 % des cas, entre les chromosomes 11 et 22 et aboutit à la synthèse d’une protéine anormale EWS-FLI-1, et dans 10 % des cas, entre les chromosomes 22 et 21 et donne lieu à la synthèse d’une protéine anormale EWS-ERG. Il existe d’autres altérations, mais elles sont rares. La découverte de ces altérations génétiques a permis la mise au point, à l’Institut Curie en 1994, d’un test diagnostic de la tumeur d’Ewing.

Ces recherches ont été menées dans le cadre d’une large collaboration européenne. Outre l’Inserm et l’Institut Curie, elles ont été financées par la Ligue Nationale Contre le Cancer dans le cadredu « Projet de recherche épidémiologique 2099 » et par l’INCa dans le cadre des appels à projets libres 2008 et 2009.
Par ailleurs, l’équipe du Dr Olivier Delattre reçoit également l’aide financière de l’Association des Parents et des Amis des Enfants Soignés à l’Institut Curie (APAESIC), des associations Les Bagouz à Manon, Pas du Géant, Olivier Chape, Les Amis de Claire et Courir pour Mathieu, ainsi que de la Fédération Enfants et Santé.

Sur le même sujet

L’Institut Curie est une fondation reconnue d’utilité publique associant le plus grand centre de recherche français en cancérologie et deux établissements hospitaliers de pointe. Pionnier dans de nombreux traitements, il est référent pour les cancers du sein, les tumeurs pédiatriques et les tumeurs de l’œil. Il assure la diffusion d’innovations médicales et scientifiques aux niveaux national et international. Fondé en 1909 sur un modèle conçu par Marie Curie et toujours d’avant-garde, « de la recherche fondamentale aux soins innovants », l’Institut Curie rassemble 3 000 chercheurs, médecins, soignants, techniciens et administratifs. Pour en savoir plus : www.curie.fr

Le Centre Léon Bérard est l’un des vingt Centres de lutte contre le cancer français. Basé à Lyon et reconnu comme pôle de référence de cancérologie en Rhône-Alpes, il a trois missions : les soins, la recherche et l’enseignement. Plus de 23 000 patients, venus de toute la France, sont suivis chaque année dans ses services et plateaux techniques qui proposent des traitements innovants. 1400 médecins, chercheurs, soignants, techniciens et administratifs travaillent au Centre Léon Bérard. Pour en savoir plus : www.centreleonberard.fr

Le Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CRCL)

Le Centre de recherche en cancérologie de Lyon est une nouvelle structure de recherche créée en janvier 2011 et labellisée par l’Inserm, le CNRS, l’université Claude Bernard Lyon 1, le Centre Léon Bérard et avec pour partenaire hospitalier les Hospices Civils de Lyon. Cette structure rassemble 17 équipes de recherche, pour 370 membres dont 110 chercheurs et enseignants-chercheurs. L’activité du CRCL est tournée vers la recherche fondamentale en cancérologie, tout en ayant pour ambition de soutenir le développement d’une recherche translationnelle forte, au service des personnes malades.

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle du ministère de la Santé et du ministère de la Recherche. L’Inserm, seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine, s’est vu confier, en 2008, la responsabilité d’assurer la coordination stratégique, scientifique et opérationnelle de la recherche biomédicale. Ce rôle central de coordinateur lui revient naturellement par la qualité scientifique de ses équipes mais également par sa capacité à assurer une recherche translationnelle, du laboratoire au lit du patient. Pour en savoir plus : www.inserm.fr/

Notes :

(1) Olivier Delattre, directeur de l’unité Génétique et biologie des cancers – Institut Curie/Inserm U830
(2) David Cox, chargé de recherche Inserm, chercheur dans l’équipe Génétique du cancer du sein du Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon UMR Inserm 1052 CNRS 5286 / Centre Léon Bérard / Université Lyon 1
(3) Gilles Thomas, Professeur des Universités Lyon 1 – Praticien hospitalier Hospices Civils de Lyon, directeur de la plate-forme de bioinformatique Synergie Lyon Cancer Centre Léon Bérard / Université Lyon 1 et chercheur dans l’équipe Génétique du cancer du sein du Centre de Recherche en Cancérologie de Lyon UMR Inserm 1052 CNRS 5286 / Centre Léon Bérard / Université Lyon 1
(4) “Variants at TARDBP and EGR2/ADO loci associated with Ewing sarcoma susceptibility” Nature Genetics, 12 février 2012, online

Comment mieux prévenir les blessures à la tête pour les cyclistes ?

Les chercheurs de l’équipe d’Emmanuel Lagarde de l’unité Inserm 897 « Centre de recherche Inserm épidémiologie et biostatistique » en collaboration avec l’Université Victor Segalen Bordeaux 2 ont cherché à comprendre les obstacles à l’usage du casque et ce qui pourrait inciter à le porter. Bien que représentant une faible proportion des moyens de déplacements en vélo, les cyclistes sont à l’origine de 5 % des tués et 6 % des blessés graves en ville, la plupart souffrant d’un traumatisme crânien (1). C’est pourquoi les chercheurs ont étudié l’impact chez les adultes de deux stratégies de promotion (documentation et don d’un casque) en utilisant une méthodologie comparative randomisée. Les résultats de cette étude sur 1800 utilisateurs de vélo dans Bordeaux et son agglomération sont publiés dans la revue PLoS ONE le 15 février.

En 2010 en France métropolitaine, 59 cyclistes ont perdu la vie et 963 ont été gravement blessés1. Les deux tiers de ceux dont le pronostic vital est engagé présentent un traumatisme crânien (2). La protection des usagers d’un mode de transport à la fois bénéfique pour la santé et respectueux de l’environnement est une question qui reste aujourd’hui entière.

Pour étudier les facteurs importants de prévention des accidents en vélo, l’équipe d’Emmanuel Lagarde, directeur de recherche Inserm de l’unité Inserm 897 « Centre de recherche Inserm épidémiologie et biostatistique », a mis en place une étude sur le comportement de quelque 1800 cyclistes à Bordeaux et dans son agglomération, entre mai 2009 et septembre 2010. Les participants âgés de 18 à 75 ans ont répondu à un questionnaire sur leurs pratiques et opinions relatives au vélo et au casque. Puis ils ont été répartis en 4 groupes : le premier, recevant une brochure valorisant le port du casque ; le deuxième, un casque gratuit ; le troisième la brochure et le casque ; et le dernier ne recevant rien.

Suite à cela, un autocollant de couleur, à mettre sur le garde boue, leur a été attribué pour être plus facilement repéré dans les rues de Bordeaux par un réseau de 7 caméras automatisées développées spécifiquement par les chercheurs. Ce système permettait, de manière anonyme, de détecter les cyclistes, de mesurer leur vitesse et de repérer ceux portant ou non un casque.

Fig. 1 : Vue azimutale et algorithme de détection automatisé

Fig. 2 : Garde boue présentant le code couleur d’authentification des participants

Fig. 3 : Lecture des codes couleurs – vue latérale haute définition

Bien que 90 % des personnes sollicitées pour participer à l’étude pensent que le casque protège la tête, seulement 13 % déclarent avoir déjà utilisé un casque. Dans les premiers mois de l’étude, le port du casque a été observé 8 fois plus souvent chez ceux qui en avaient reçu un. « Mais au bout de quatre mois, plus aucune différence n’était observable entre les différents groupes : la majorité des cyclistes abandonne le casque » explique Emmanuel Lagarde. Il précise aussi que « la distribution de la brochure d’information n’a eu aucun effet sur l’utilisation ou non d’un casque ».

Grâce aux caméras installées par les chercheurs et suite à l’analyse des questionnaires, les scientifiques ont identifié deux facteurs incitant le cycliste à porter un casque :

– le fait de penser que le casque protège le visage

– le fait d’être influencé par la famille pour en porter un

Cette étude conclut que la promotion de l’usage du casque chez les cyclistes restera difficile. D’après les chercheurs, « la pression de l’entourage est un facteur important dans l’utilisation du casque par le cycliste ». Pour espérer être efficace, la prévention doit intégrer un accès aisé au casque, une éducation parentale et une communication sur l’intérêt préventif du port d’un casque à vélo. La sécurité des cyclistes est un sujet complexe, qui dépasse la question du casque. « Le comportement des cyclistes et ceux des autres usagers de la rue peuvent contribuer à la sécurité des cyclistes ; les aménagements de la voirie ont aussi une place importante » souligne Emmanuel Lagarde.

Cette étude est cofinancée par l’ANR, l’INPES et la région Aquitaine.

Notes

(1) Données de l’Observatoire national interministériel de sécurité routière (ONISR) 2010

(2) Amoros et al. BMC Public HEalth 2011, 11:653

Dengue : un anticorps prometteur caractérisé

Des équipes de chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’Inserm viennent de déterminer, pour la première fois, la structure et le mode d’action d’un anticorps capable de neutraliser simultanément les quatre formes du virus de la dengue, chez la souris. Ce travail représente une avancée majeure pour les recherches visant à mettre au point un vaccin efficace contre cette maladie. Cette étude est publiée ce jour dans la revue Structure.

Les difficultés rencontrées lors de l’élaboration d’un vaccin anti-dengue proviennent de la variabilité du virus de la dengue, qui compte quatre formes différentes. Appelées sérotypes, elles sont dotées de propriétés bien spécifiques à chacune. Les scientifiques ont déjà démontré que protéger un individu contre l’une de ces quatre formes, augmentaient non seulement les risques d’infections par les trois autres, mais également les risques de développer des formes sévères, voire mortelles de cette maladie. D’où la nécessité pour les chercheurs de mettre au point un vaccin ou un traitement ciblant les quatre sérotypes.

© Institut Pasteur

Des équipes de chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’Inserm, coordonnées par Félix Rey* et Hugues Bedouelle** (Institut Pasteur/CNRS) ont réussi à caractériser pour la première fois un anticorps capable de neutraliser, chez la souris, les quatre formes du virus de la dengue. Grâce à des analyses comparatives en cristallographie à haute-résolution, l’équipe de Felix Rey a pu visualiser la façon dont l’anticorps se fixe sur le virus, à travers les structures spécifiques de reconnaissance de chacune de ces formes.

Ces équipes ont également montré que cet anticorps reconnaît une protéine de surface du virus, avec plus ou moins d’affinité et de pouvoir neutralisant selon qu’il s’agit des sérotypes 1, 2, 3 ou 4. L’anticorps induit pour chacun d’eux le même mécanisme d’inactivation : la liaison de l’anticorps avec cette protéine de surface perturbe de façon irréversible l’architecture du virus. Ce changement structural le met définitivement hors d’état de nuire.

Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour la mise au point d’un vaccin efficace contre la dengue capable de protéger contre toutes les formes du virus de la dengue.

Ce travail a reçu le soutien financier de la chaire Merck SERONO, de l’ANR, de EMBO Long Term Fellowship, du ministère français de la Défense et du programme européen de recherche sur la dengue DENFRAME.

Notes :

* Félix Rey, chef de l’unité de Virologie structurale (Institut Pasteur / CNRS URA 3015),
** Hugues Bedouelle, l’unité de Prévention et Thérapie moléculaires des Maladies humaines (Institut Pasteur / CNRS URA 3012)

De nouveaux résultats soulignent l’importance des gènes synaptiques dans l’autisme

L’autisme, nommé grande cause nationale, sera un sujet d’actualité en France pendant toute l’année 2012. Paradoxalement ce syndrome, et surtout ses origines, restent mal connus. Une étude, publiée le 9 février 2012 dans Public Library of Science – Genetics, démontre que des mutations génétiques perturbant la communication entre les neurones seraient directement impliquées dans la maladie. Ces nouveaux résultats confirment l’origine neurobiologique des troubles du spectre autistique. Ils sont le fruit d’une collaboration entre des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm, et de l’AP-HP, avec l’université Paris Diderot, l’hôpital Robert Debré (AP-HP), le Centre Gillberg de Neuropsychiatrie (Suède), l’université d’Ulm (Allemagne), le Centre National de Génotypage du CEA, et la Fondation FondaMental.

Les troubles du spectre autistique (TSA) sont un groupe hétérogène de maladies du développement neurologique dont les origines génétiques sont mal connues. Des mutations dans plus d’une centaine de gènes ont déjà été associées aux TSA, mais il est difficile d’évaluer leurs rôles précis dans les fonctions neurales et de hiérarchiser leur importance relative. Les analyses génétiques menées à l’institut Pasteur ont permis de mettre en évidence de nouvelles mutations dans le gène SHANK2, allant jusqu’à la perte totale d’une copie du gène SHANK2 chez certains patients. Le gène SHANK2 code une protéine localisée au niveau des synapses, les points de contact et de communication entre les neurones.

Les chercheurs ont montré dans des cultures de neurones que les mutations du gène SHANK2 sont associées à une diminution du nombre de synapses et donc à une altération de la communication entre les neurones. D’autre part, des analyses plus fines réalisées sur les 3 patients chez qui une copie de ce gène manquait, ont mis en évidence d’autres anomalies chromosomiques, rares, mais déjà associées à d’autres maladies neuropsychiatriques.

« L’ensemble de ces résultats souligne l’importance cruciale des gènes synaptiques dans les troubles du spectre autistique, » explique le Pr Thomas Bourgeron, chef de l’unité Institut Pasteur-CNRS de génétique humaine et fonctions cognitives. « D’autre part, ils pointent vers l’existence de gènes modificateurs qui pourraient moduler les symptômes que nous regroupons sous le nom de TSA. »

Ces résultats représentent une confirmation importante du rôle des mutations génétiques dans le déclenchement et l’évolution de l’autisme. Des analyses plus approfondies seront nécessaires pour décrire plus précisément le rôle de ces altérations ainsi que leurs interactions.

Quand la sérotonine tombe sur un os

La sérotonine, un neurotransmetteur cérébral bien connu, est produite localement dans un site inattendu : le tissu osseux. C’est ce que viennent de montrer les chercheurs de l’Unité mixte de recherche 606 « Os et Articulation » (Inserm/Université Paris Diderot) associés au laboratoire de biochimie de l’hôpital Lariboisière et au laboratoire « Cytokines, hématopoïèse et réponse immune » (CNRS/Université Paris Descartes)à l’hôpital Necker à Paris. Cette sérotonine locale favoriserait la dégradation du tissu osseux. Ces résultats publiés cette semaine dans les PNAS suggèrent que des médicaments modulant les effets de la sérotonine, comme les antidépresseurs ou les antimigraineux, pourraient modifier dans un sens ou dans l’autre l’équilibre délicat entre formation et dégradation des os dans l’organisme.

© Inserm, J.-P. Roux

Zone de croissance et de résorption de l’os. Les ostéoclastes, cellules qui résorbent l’os, sont colorés en rouge

La sérotonine régule une vaste gamme de fonctions comme l’humeur, le comportement, le sommeil, la tension et la thermorégulation. Elle a également des fonctions importantes dans plusieurs tissus périphériques et assure la régulation des fonctions vasculaires, du cœur et dans la mobilité gastro-intestinale. Toutefois, la sérotonine circule dans l’organisme à des taux extrêmement faibles. Elle est majoritairement stockée dans les plaquettes et n’est disponible pour les organes périphériques que si elle est relarguée lors de l’activation de ces plaquettes.

Certains chercheurs se sont intéressés au rôle de la sérotonine sur le tissu osseux qui a récemment fait débat. Alors que certains chercheurs ont décrit une action négative de la sérotonine circulante sur le tissu osseux (elle empêcherait la régénération osseuse en agissant sur les ostéoclastes pour diminuer leur prolifération), d’autres ne retrouvent pas de modification osseuse en l’absence de sérotonine chez la souris.

Ostéoclaste ou ostéoblaste ?
Le remodelage osseux est un processus fortement intégré. Il est assuré par un équilibre fin entre la formation d’os assurée par les ostéoblastes et leur dégradation par les ostéoclastes. Ce renouvellement permanent assure une croissance harmonieuse, le maintien et la réparation des os tout au long de la vie.
Si cet équilibre est rompu, une trop forte activité des ostéoclastes aboutit à une augmentation marquée de la densité osseuse. Au contraire, une résorption osseuse accrue est associée à la perte osseuse et déclenche des maladies comme l’ostéoporose, l’arthrite et des lésions osseuses métastatiques.
Une bonne communication moléculaire entre ostéoblastes et ostéoclastes est donc nécessaire pour réguler l’engagement, la prolifération et la différenciation de précurseurs cellulaires osseux.

Face à ces résultats contradictoires, Marie Christine De Vernejoul et ses collègues ont souhaité aller plus loin. Grâce à leurs travaux menés chez la souris, ils ont découvert que cet effet sur le tissu osseux n’était pas dû à la sérotonine « circulante » mais à une production de sérotonine nouvelle. « Nos travaux montrent que la sérotonine est produite localement dans un site inattendu : le tissu osseux. Elle est synthétisée par les ostéoclastes, ces cellules osseuses en charge de résorber l’os. » explique la chercheuse Inserm Marie-Christine De Vernejoul.

Une fois synthétisée, la sérotonine agit directement sur les cellules qui la produisent, les ostéoclastes, en augmentant leur différenciation. Cette production de sérotonine locale fait partie d’un processus normal et contribue elle aussi à maintenir l’équilibre entre dégradation et formation osseuse.

« Cette sérotonine locale produite par les ostéoclastes est bien plus importante pour le tissu osseux que la sérotonine circulante, ce qui expliquerait les conclusions différentes observées jusqu’à présent par les scientifiques qui avaient étudié des modèles trop particuliers » ajoutent les auteurs.

D’un point de vue fonctionnel, les chercheurs ont découvert que les ostéoclastes expriment à leur surface le transporteur de la sérotonine et certains récepteurs à la sérotonine. Les drogues affectant le transporteur de la sérotonine, comme les antidépresseurs, et les récepteurs de la sérotonine, comme les antimigraineux, pourraient donc modifier la dégradation du tissu osseux et avoir des conséquences sur cet équilibre précieux entre dégradation et formation d’os.

A ce stade, les perspectives des chercheurs sont nombreuses. Ils vont maintenant étudier si la production de sérotonine par les ostéoclastes est augmentée par la carence en œstrogènes. Dans ce cas, cela pourrait signifier que la sérotonine joue rôle dans l’ostéoporose de la femme ménopausée.

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