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La précarité alimentaire est associée à des troubles ultérieurs du comportement chez les enfants

Lorsqu’un ménage rencontre des difficultés financières, le poste budgétaire consacré à l’alimentation est souvent restreint. Dans certaines situations, ces difficultés peuvent conduire à l’insécurité alimentaire, c’est-à-dire à un accès limité et irrégulier à une nourriture saine et équilibrée. En se basant sur le suivi de 2120 enfants, une équipe de chercheurs de l’Inserm dirigée par Maria Mechior (Unité Inserm 1018 « Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations) montre que dans les familles en situation d’insécurité alimentaire, les enfants ont un risque élevé d’avoir des troubles durables du comportement tels que l’hyperactivité et l’inattention.

Ces travaux ont été publiés dans la revue Plos One.

 

©fotolia

L’insécurité alimentaire est définie comme un accès restreint, inadéquat ou incertain à des aliments sains et nutritifs. Elle est principalement due à des difficultés financières et touche jusqu’à 10% des personnes en population générale. Des recherches antérieures ont montré que les enfants qui grandissent dans des familles en situation d’insécurité alimentaire ont un niveau élevé de problèmes psychologiques et comportementaux ; cependant les études réalisées à ce jour n’avaient ni distinguées différents types de difficultés comportementales ni étudiées les relations à long terme.

Cette étude menée par des chercheurs de l’Inserm est basée sur les données d’une cohorte de naissance représentative de la population du Québec. 2120 enfants nés en 1997-1998 ont été régulièrement suivis jusqu’à l’âge de 8 ans. Les chercheurs ont examiné le lien entre l’insécurité alimentaire lorsque les enfants avaient entre 18 mois et 4 ans et demi et leur comportement entre 4 ans et demi et 8 ans (c’est-à-dire la fréquence des symptômes de dépression/anxiété, d’agressivité, ou d’hyperactivité/inattention).

Sur l’ensemble des enfants suivis, 5.9% étaient en situation d’insécurité alimentaire dans la petite enfance. Par rapport aux enfants qui n’avaient pas connu l’insécurité alimentaire, ce groupe a une probabilité 3 fois plus élevée d’avoir des symptômes durables d’hyperactivité et ou d’inattention au cours de l’enfance.

Cette association subsiste même lorsqu’on tient compte du niveau de revenus des familles et d’autres caractéristiques pouvant être liées à l’insécurité alimentaire et au comportement des enfants : famille monoparentale, antécédents parentaux de psychopathologie, comportements négatifs des parents envers l’enfant. L’association est donc indépendante de ces autres facteurs.

L’insécurité alimentaire est un marqueur de difficultés sociales et économiques particulièrement importantes, dont l’impact sur la santé des adultes et des enfants est connu.

« L’incapacité des parents à s’occuper de façon régulière et satisfaisante de l’alimentation de la famille, pourrait fragiliser le lien parents-enfant dans la petite enfance, avec des effets sur le développement des enfants à long terme. » estiment les chercheurs.

Enfin, l’insécurité alimentaire entraîne des modifications du régime alimentaire dans les familles et pousse en général à consommer moins d’aliments frais et plus d’aliments riches en graisses et en sucres. Chez certains enfants les carences nutritionnelles (particulièrement en fer) ainsi que l’excès de sucre pourraient se manifester par un comportement hyperactif et inattentif.

Pour les chercheurs, « la diminution de l’insécurité alimentaire dans les familles pourrait contribuer à réduire la fréquence de difficultés de comportement chez les jeunes enfants. »

Médecine régénérative : lancement d’un essai clinique pour traiter les fractures non consolidées

50% des fractures ne cicatrisent pas seules et ont besoin d’une reconstruction osseuse chirurgicale, ce qui représente un million de patients en Europe. Le projet REBORNE (Régénération des défauts osseux utilisant de nouvelles approches d’ingénierie biomédicale) financé par la Commission Européenne et coordonné par l’Inserm, vient d’obtenir l’accord de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé pour débuter un essai clinique en chirurgie orthopédique visant   à réparer les os à partir de cellules souches adultes, combinées à un biomatériau. L’essai clinique se déroulera en France dans le CHU de Créteil et le CHRU de Tours avec la collaboration de l’Etablissement Français du Sang. 

L’originalité du projet REBORNE, commencé il y a 3 ans, réside dans le fait d’utiliser des cellules souches mésenchymateuses (CSM), présentes dans la moelle osseuse, pour intervenir dans la cicatrisation des fractures. Il s’agit d’amplifier en culture, puis d’associer les cellules souches adultes du patient à un biomatériau, et de greffer l’ensemble au niveau de la fracture. Les tests précliniques prometteurs permettent aujourd’hui le lancement de ce nouvel essai clinique.

Après un traumatisme (chute ou accident de la route), le risque de retard ou d’absence de consolidation du tibia, du fémur ou de l’humérus est très élevé et nécessite souvent une greffe osseuse autologue (prélèvement d’os du patient). Cependant, la quantité de greffon  disponible est limitée et des complications au niveau du site de prélèvement sont très souvent observées.

Les partenaires du projet européen REBORNE proposent un traitement alternatif à l’aide de cellules souches mésenchymateuses autologues, associées à un substitut osseux synthétique.

© P. Layrolle, Inserm

A partir d’un prélèvement de moelle osseuse effectué sous anesthésie locale, les cellules souches mésenchymateuses sont isolées et amplifiées en culture pendant 21 jours, avant d’être associées en salle d’opération à des granulés en céramique de phosphate de calcium, puis finalement implantées là où la consolidation des os est retardée. Le biomatériau servant ainsi « d’échafaudage », favorise la prolifération des cellules souches. Celles-ci se différencient ensuite en cellules osseuses et régénèrent le tissu osseux au niveau de la fracture. 

© P. Layrolle, Inserm

Formation d’os (en vert) et de moelle (en rouge) après implantation d’un mélange de cellules souches humaines et de granulés de biomatériau (gris/blanc) dans un site sous cutané chez la souris nude. Cette coupe histologique démontre l’ostéoinduction du mélange cellules/biomatériau avec la formation d’environ 41% de tissu osseux après 4 semaines d’implantation.

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a donné son accord le 03 janvier 2013 pour que l’essai, promu par l’Inserm, débute dès à présent en France avec 7 patients suivis au CHU de Créteil et au CHRU de Tours. D’ici la fin du projet (fin 2014), 30 patients seront recrutés en France, Espagne, Allemagne et Italie dans cette étude multicentrique européenne.

« L’objectif de l’essai est de démontrer que l’utilisation des biomatériaux et des cellules souches est sans danger et au moins équivalente aux traitements standards, sans leurs inconvénients. Cette chirurgie est moins invasive et préserve le stock osseux du patient. Pour ces raisons, elle est préférable à la greffe afin de déclencher la cicatrisation osseuse. »

explique Pierre Layrolle, directeur de recherche Inserm et coordinateur du projet REBORNE.

Pour en savoir plus

REBORNE – Régénération des défauts osseux utilisant de nouvelles approches d’ingénierie biomédicale

Le projet REBORNE a pour objectif de développer de nouveaux biomatériaux qui stimulent la formation de tissu osseux pour corriger les défauts de régénération osseuse en chirurgie orthopédique et maxillo-faciale. Les biomatériaux, combinés à l’utilisation des cellules souches, sont des alternatives intéressantes aux greffes biologiques.

REBORNE a démarré en janvier 2010 et dure 5 ans, avec un budget total d’environ 12 millions d’euros de l’Union Européenne (PC7). Le projet implique 24 partenaires, basés dans 8 pays européens : http://www.reborne.org/presentation.html

Inserm 

Créé en 1964, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la Santé.

Ses chercheurs ont pour vocation l’étude de toutes les maladies, des plus fréquentes aux plus rares, à travers leurs travaux de recherches biologiques, médicales et en santé des populations.

Avec un budget 2011 de 905 M€, l’Inserm soutient quelque 300 laboratoires répartis sur le territoire français. L’ensemble des équipes regroupe près de 13 000 chercheurs, ingénieurs, techniciens, gestionnaires…

L’Inserm est membre de l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, fondée en avril 2009 avec le CNRS, le CEA, l’Inra, l’Inria, l’IRD, l’Institut Pasteur, la Conférence des Présidents d’Université (CPU) et la Conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers régionaux et universitaires. Cette alliance s’inscrit dans la politique de réforme du système de recherche visant à mieux coordonner le rôle des différents acteurs et à renforcer la position de la recherche française dans ce secteur par une programmation concertée.

L’Inserm est le premier porteur de projets européens « Santé » avec 28 projets coordonnés par l’institut dans le cadre PC7.

EFS 

Etablissement public placé sous tutelle du ministère de la Santé, l’Etablissement français du sang a été créé en 2000. Dans le cadre du don de sang éthique, il a pour mission première d’assurer l’autosuffisance en produits sanguins sur tout le territoire. Au-delà de ce cœur de métier, l’EFS développe des activités thérapeutiques et des activités de recherche ayant pour objectif le progrès scientifique et médical au service des patients. L’EFS compte près de 10 000 collaborateurs.

L’EFS est, un acteur majeur de l’ingénierie cellulaire en France, mettant à disposition des CHU plus de la moitié des plateformes de thérapie cellulaires en France. Environ 60% des prélèvements de cellules souches sont préparés, conservés et distribués dans 18 sites de l’EFS (répartis dans 12 des 14 établissements de métropoles).

Grâce à ses plateformes l’EFS assure déjà majoritairement la mise en place des productions pour les essais de phase 1 et 2 au niveau national, les équipes de recherche liées à ces plates-formes faisant le lien indispensable entre recherche et production pour l’usage clinique.

L’EFS, ayant vocation à acquérir le statut d’Etablissement pharmaceutique MTI, structure un réseau de plateformes innovantes dédiées aux phases I & II. Ces plateformes expertes sont reconnues et cofinancées dans le cadre de projets nationaux (plateforme ECELLFRANCE de médecine régénérative, STEMRED pour la production de globules rouges de culture à partir de cellules pluripotentes induites) et européens (programme Cascade, Reborne et ADIPOA).

Le maillage territorial, associé au savoir-faire de l’EFS, en font un acteur et un moteur incontournable de la thérapie cellulaire et de la médecine régénérative.

La protéine à l’origine de la maladie de Huntington impliquée dans les tumeurs mammaires

Connue pour être responsable de la maladie de Huntington, une maladie neurodégénérative, la protéine huntingtine mutée est également impliquée dans la progression et l’agressivité des tumeurs mammaires. C’est le résultat des études menées par l’équipe de Sandrine Humbert[1], directrice de recherche Inserm à l’Institut Curie, et publiées le 9 janvier 2013 dans le journal EMBO Molecular Medicine. Au niveau cellulaire, la protéine huntingtine mutée empêche le bon fonctionnement du récepteur de type HER2[2] dont la surexpression conduit à une multiplication des cellules tumorales et à une survenue plus fréquente des métastases.

L’équipe de Sandrine Humbert montre pour la première fois que la protéine huntingtine est exprimée dans le tissu mammaire sain ainsi que dans les tumeurs mammaires. « De plus nous révélons que l’expression de la huntingtine mutante dans les tumeurs mammaires rend la tumeur plus agressive, en particulier parce que celle-ci développe davantage de métastases » explique Sandrine Humbert. Cette particularité tire son origine du lien existant entre la protéine huntingtine et le récepteur HER2. Placées à la surface de la cellule, les protéines HER2 agissent comme des « interrupteurs » et maintiennent l’équilibre entre multiplication, division et réparation cellulaires. À l’inverse, dans certaines cellules tumorales, ces « interrupteurs » sont en nombre trop important avec pour conséquence une multiplication anarchique des cellules, ce qui joue un rôle capital sur le pronostic et le traitement de la maladie.

« Notre travail établit que la protéine huntingtine mutante interfère avec le bon fonctionnement du récepteur HER2, provoquant ainsi son accumulation au niveau de la membrane. Cette accumulation active des voies de signalisation induisant des métastases », précise Sandrine Humbert.

Pour arriver à cette conclusion, l’équipe de chercheurs, en collaboration avec des médecins de l’Institut Curie et de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, a travaillé à la fois sur des modèles de souris combinant l’affection neurodégénérative et un cancer du sein, et sur des cellules. L’approche cellulaire a permis de montrer l’effet de la huntingtine sur la sévérité du cancer en induisant une suractivation de la voie de signalisation HER2. La protéine huntingtine mutante perturbe la fonction d’une autre protéine, la dynamine, ce qui conduit à une accumulation du récepteur HER2 à la surface de la cellule.

Une protéine aux localisations multiples

La huntingtine est la protéine mutée responsable de la maladie de Huntington. Affection neurologique rare, cette maladie touche 1 personne sur 10 000 et se manifeste à l’âge adulte. Les symptômes les plus caractéristiques sont des troubles mentaux (anxiété, irritabilité, dépression), une détérioration intellectuelle qui progresse jusqu’à la démence, auxquels sont associés des mouvements anormaux involontaires et saccadés des membres, de la tête et du cou.

   

Dans cette cellule cancéreuse mammaire, on peut observer le récepteur Her2 (vert) et la dynamine localisée sous la membrane (rouge). Lorsque la huntingtine mutante (à droite) est exprimée, la dynamine présente une localisation plus diffuse, partiellement nucléaire (bleu) et la quantité d’Her2 à la membrane est augmentée. A gauche, cellule cancéreuse où la protéine huntingtine n’est pas mutée.

Barre d’échelle : 10 mM. © C. Moreira Sousa/Institut Curie

L’anomalie génétique qui provoque la maladie de Huntington est une augmentation anormale de la répétition de trois acides nucléiques (C, A et G – appelé triplet CAG) au sein du gène codant pour la protéine huntingtine. Normalement, ce triplet CAG se répète entre 17 et 35 fois contre 40 fois au moins dans le cas de la maladie de Huntington. Plus les répétitions sont nombreuses, plus les symptômes apparaissent tôt.

Cependant, l’expression de la huntingtine n’est pas limitée aux cellules nerveuses différenciées. Elle est également exprimée à des niveaux élevés dans d’autres types cellulaires, comme dans les cellules épithéliales d’origine non-neuronale. Des équipes de recherche commencent ainsi à s’intéresser aux manifestations périphériques de la maladie de Huntington. Chef d’équipe dans une fondation de soins et recherche en cancérologie, Sandrine Humbert s’est naturellement dirigée vers l’étude du rôle de la huntingtine dans le tissu mammaire. C’est ainsi que son équipe montre que plus les répétitions sont nombreuses dans la protéine huntingtine, plus le cancer apparaît précocement. « Examiner la fonction de cette protéine dans d’autres types cellulaires que les neurones permet d’approfondir nos connaissances sur la biologie de la cellule et par extension sur les mécanismes de dérégulation à l’origine du cancer et des maladies neurodégénératives» précise -t-elle.

Vers un meilleur suivi des patientes atteintes de la maladie de Huntington

« Grâce aux nouvelles données acquises, nous allons examiner de manière plus précise les tumeurs de patientes atteintes de la maladie de Huntington. Nous pourrons ainsi déterminer si effectivement ces dernières doivent bénéficier d’un suivi particulier. Nous avons démontré que la taille de l’expansion du triplet CAG dans le gène codant la protéine huntingtine, à l’origine de son caractère mutant, était corrélée à une apparition plus précoce du cancer. Pour autant nous ne pouvons conclure à une plus forte incidence de la survenue de cancers du sein chez les femmes atteintes de la maladie de Huntington. Des études cliniques récentes suggèrent même le contraire. Ainsi, l’incidence du cancer du sein pourrait être plus faible chez les patientes atteintes de la maladie de Huntington. Par contre, lorsqu’un cancer du sein se déclare, il pourrait être, dans certains cas spécifiques, plus agressif » explique Sandrine Humbert. En parallèle, les chercheurs souhaitent étudier le rôle de la protéine huntingtine normale dans le cancer du sein.


[1]Sandrine Humbert est chef de l’équipe « Huntingtine, neurogenèse et cancer » dans l’unité Signalisation, neurobiologie et cancer Institut Curie/CNRS/Inserm

[2]Récepteur humain au facteur de transcription EGF (Human Epidermal Growth Factor Receptor-2)

L’obésité aggraverait les lésions associées à la maladie d’Alzheimer

Des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Lille 2/Université Lille Nord de France viennent de fournir la preuve expérimentale de la relation entre l’obésité et les pathologies liées à la protéine Tau dans un modèle de neurodégénérescence de la maladie d’Alzheimer. Ces travaux, réalisés chez la souris et publiés dans la revue Diabetes, renforcent l’idée d’une contribution majeure des anomalies métaboliques dans le développement de démences.

Avec plus de 860 000 personnes atteintes en France, la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées représentent la première cause de perte des fonctions intellectuelles liée à l’âge. Les altérations cognitives observées dans la maladie d’Alzheimer sont notamment le résultat de l’accumulation de protéines Tau anormales dans les cellules nerveuses en dégénérescence (voir schéma ci-dessous). On sait que l’obésité, un facteur de risque majeur du développement d’une résistance à l’insuline et du diabète de type 2, accroit le risque de démences lors du vieillissement. Cependant, les effets de l’obésité sur les pathologies liées à la protéine Tau et dont fait partie la maladie d’Alzheimer, autrement appelées Tauopathies, n’étaient pas clairement élucidés. Les chercheurs supposaient notamment que la résistance à l’insuline jouait un rôle majeur dans ces effets de l’obésité.

L’équipe « Alzheimer & Tauopathies » de l’unité mixte de recherche 837 (Inserm/Université Lille 2/Université Lille Nord de France) dirigée par le Dr. Luc Buée, en collaboration avec l’unité mixte de recherche 1011 « Récepteurs nucléaires, maladies cardiovasculaires et diabète », vient de montrer, chez la souris, que les sujets obèses développent une pathologie aggravée. Pour parvenir à ce résultat, de jeunes souris transgéniques, qui développent progressivement avec l’âge, une neurodégenerescence liée à la protéine Tau, ont reçu durant 5 mois un régime riche en graisse, induisant une obésité progressive.

« A l’issue du régime, les souris obèses ont développé une pathologie aggravée tant du point de vue de la mémoire que des modifications de la protéine Tau »

explique David Blum, chargé de recherche à l’Inserm.

Cette étude fournit la preuve expérimentale de la relation entre l’obésité et les pathologies liées à la protéine Tau dans un modèle de neurodégénérescence de la maladie d’Alzheimer. Elle indique par ailleurs que la résistance à l’insuline ne serait pas le facteur aggravant, contrairement à ce qui était suggéré dans les précédentes études.

« Nos travaux renforcent l’idée d’une contribution majeure des facteurs environnementaux dans le développement de cette pathologie neurodégénérative, souligne le chercheur.  Nous travaillons désormais sur l’identification des facteurs responsables de cette aggravation » ajoute-t-il.

La dégénérescence des neurones dans la maladie d’Alzheimer

© Wikipedia – Zwarck  / licence Creative Commons  CC-BY-SA-2.5

Ces travaux ont fait l’objet d’un soutien du LabEx DISTALZ (development of Innovative Strategies for a Transdisciplinary Approach to Alzheimer’s Disease) dans le cadre des investissements d’avenir.

POUR CITER CETTE PAGE :
Communiqué – Salle de presse de l’Inserm – L’obésité aggraverait les lésions associées à la maladie d’Alzheimer
avec ce lien cliquable:
http://presse.inserm.fr/lobesite-aggraverait-les-lesions-associees-a-la-maladie-dalzheimer/6040/

Pourquoi les bonnes résolutions en matière d’activité physique ne tiennent pas toujours…

L’inactivité physique est un problème majeur de santé publique qui a des causes sociétales et neurobiologiques. Alors que « Faire du sport » est la résolution prioritaire pour les Français en 2013 (sondage Ipsos rendu public lundi 31 décembre), Francis Chaouloff, directeur de recherche Inserm au NeuroCentre Magendie (Unité mixte Inserm 862, Université Bordeaux Ségalen), Sarah Dubreucq, étudiante en Thèse, et François Georges, chargé de recherche CNRS à l’Institut Interdisciplinaire de Neurosciences (CNRS / Université Bordeaux Ségalen), viennent de découvrir le rôle important joué par une protéine, le récepteur des cannabinoïdes CB1, lors de la réalisation d’un exercice physique. Ces chercheurs ont montré chez la souris que la localisation de ce récepteur dans une aire cérébrale associée aux systèmes de motivation et de récompense, contrôle le temps pendant lequel un individu se livre à un exercice physique volontaire. Ces résultats sont publiés dans la revue Biological Psychiatry.

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L’expertise collective menée par l’Inserm en 2008 a souligné les multiples bénéfices préventifs d’une activité physique régulière pour la santé. Pourtant, notre mode de vie dans la société industrielle restreint cette activité. Au-delà des origines sociales qui peuvent intervenir dans notre inactivité physique plus ou moins importante, celle-ci a également des bases biologiques.

« L’incapacité à ressentir du plaisir lors de l’activité physique, souvent citée comme une cause de non adhésion partielle ou totale à un programme d’exercice physique, indique que la biologie du système nerveux est bel et bien en jeu », explique Francis Chaouloff.

Mais de quelle manière précisément ? Les mécanismes neurobiologiques sous-jacents de cette inactivité physique restaient encore à identifier.

Grâce aux travaux réalisés par Francis Chaouloff (équipe de Giovanni Marsicano au NeuroCentre Magendie ; Unité mixte Inserm, Université Bordeaux Ségalen) et ses collaborateurs, ces mécanismes commencent à être décryptés. Ils impliquent de manière déterminante le système cannabinoïde endogène (ou système endocannabinoïde), et plus particulièrement un de ses récepteurs cérébraux. Les données mettant en avant des interactions entre le système endocannabinoïde, la cible du delta9-tétrahydrocannabinol (le principe actif du cannabis), et l’exercice physique, ne datent pas d’aujourd’hui. En effet, cela fait 10 ans que l’on sait qu’une session d’exercice physique active le système endocannabinoïde chez le sportif entraîné, mais le rôle exact de ce système lors de l’exercice physique est resté longtemps inconnu. Il y a 3 ans, la même équipe de recherche bordelaise a observé que des souris mutantes n’ayant plus de récepteur aux cannabinoïdes du type CB1, le principal récepteur du système endocannabinoïde dans le cerveau, couraient moins longtemps et sur de plus courtes distances que leurs congénères sains quand on leur donnait la possibilité d’utiliser une roue d’exercice. L’étude publiée ce mois-ci dans Biological Psychiatry tente de comprendre « comment », « où » et « pourquoi » l’absence de ce récepteur CB1 diminue partiellement (de 20 à 30 %) les performances d’exercice volontaire chez des souris ayant accès à une roue d’exercice 3 heures par jour.

Les chercheurs ont utilisé différentes lignées de souris mutantes pour le récepteur CB1 ainsi que des outils pharmacologiques. Ils ont tout d’abord montré que le récepteur CB1 contrôlant les performances de course est situé sur des terminaisons de neurones GABAergiques. Ils ont ensuite démontré que ce récepteur est localisé dans l’aire tegmentale ventrale (cf. schéma ci-dessous), une région cérébrale impliquée dans les processus motivationnels liés à la récompense, qu’elle soit naturelle (prise alimentaire, sexe) ou associée à la consommation de substances psychoactives.

Coupe longitudinale de cerveau de souris (haut) et schéma des interactions entre systèmes endocannabinoïde, GABAergique et dopaminergique lors de l’exercice physique volontaire (bas)

©Inserm/F. Chaouloff 

A gauche : la stimulation des recepteurs CB1 aboutit à l’excitation des neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale impliqués dans la motivation.
A droite : en l’absence de récepteur CB1, les performances sont diminuées de 20 à 30% en raison d’une motivation moindre.

ATV : Aire tegmentale ventrale/ NAc : noyau accumbens/ CPF : cortex préfrontal/ DA : dopamine

Sur la base de ces résultats et de travaux précédents, les chercheurs bordelais proposent le déroulement neurobiologique suivant : au début et pendant toute la durée de l’exercice physique, le récepteur CB1 est constamment stimulé par les endocannabinoïdes, des molécules lipidiques qui activent naturellement ce récepteur en réponse à de nombreux stimuli plaisants (récompenses) ou déplaisants (stress). La stimulation du récepteur CB1 par les endocannabinoïdes pendant l’exercice physique provoque une inhibition de la libération de GABA, un neurotransmetteur inhibiteur qui contrôle l’activité des neurones à dopamine associés aux processus de motivation et de récompense. De cette stimulation du récepteur CB1 résulte une « inhibition d’inhibition », c’est à-dire une activation des neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale. La stimulation du récepteur CB1 est donc un prérequis pour que l’exercice se prolonge, et ce, en procurant à l’organisme la motivation nécessaire.

A l’inverse, sans ces récepteurs CB1, le « frein GABAergique » continue de s’appliquer sur les neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale, diminuant alors partiellement les performances.

La découverte que les récepteurs CB1 jouent un rôle régulateur dans les circuits de la motivation à consommer différentes récompenses, naturelles, ou pas, n’est pas nouvelle. L’originalité de cette étude réside dans le fait que l’on peut ajouter l’exercice physique à la panoplie des récompenses naturelles régulées par le système endocannabinoïde. « Si cette hypothèse motivationnelle est validée, ce récepteur jouerait donc plus un rôle dans l’adhérence à l’exercice que dans les performances physiques stricto sensu », expliquent les chercheurs.

Cette étude révèle le rôle important joué par le système endocannabinoïde dans les performances d’exercice physique, et ce par l’impact qu’a ce système sur les processus motivationnels. Ces travaux ouvrent aussi de nouvelles voies de recherche quant aux médiateurs du plaisir, voire de l’addiction, associés à la pratique régulière de l’exercice physique. « Au-delà des endorphines, il nous faut donc maintenant considérer les endocannabinoïdes comme un autre médiateur potentiel des effets positifs de l’exercice physique sur notre humeur », estiment les chercheurs en conclusion.

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