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VIH et Pays du Sud : Le suivi biologique des patients est coût-efficace sous certaines conditions de prix

crédit : ©Fotolia

Le suivi biologique des patients infectés par le VIH et sous traitement antirétroviral s’effectue dans les pays du Nord par des mesures régulières de la charge virale du VIH et des lymphocytes CD4 : il est peu pratiqué dans les pays du Sud en raison de son coût élevé et du manque d’équipement des laboratoires (surtout en milieu rural). Pourtant, ce suivi biologique est nécessaire pour identifier le plus précocement possible les patients en échec thérapeutique dont l’état nécessite un changement de traitement.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande aujourd’hui de pratiquer ce suivi biologique dans les pays du Sud « quand cela est possible« . Toutefois, le contexte actuel de baisse des financements internationaux alloués à la lutte contre le VIH/sida et de durcissement des contraintes budgétaires auxquels font face les pays à faibles ressources, en limite sérieusement les possibilités de réalisation. Dans ce contexte, de vifs débats tendent à opposer deux camps : d’une part, les partisans d’une approche dite « de santé publique » plaident pour un suivi clinique exclusif visant ainsi à minimiser les coûts. L’objectif est de faciliter l’accès aux traitements du plus grand nombre de patients. Le second camp considère, lui, que l’introduction d’un suivi biologique est indispensable pour améliorer la qualité de la prise en charge des patients sous traitement et ne pas pénaliser leur avenir thérapeutique (passage en 2e ligne, 3e ligne). Ils souhaitent ainsi éviter un « standard » de soins inéquitable entre le Nord et le Sud.

L’évaluation économique associée à l’essai Stratall ANRS/ESTHER dont les résultats sont publiés dans The Lancet Infectious Diseases online apportent des éléments déterminants pour aider à trancher ce débat. L’essai Stratall ANRS /ESTHER a été conduit entre mai 2006 et avril 2010 dans 9 hôpitaux de district ruraux au Cameroun par des équipes de chercheurs camerounais (Hôpital Central de Yaoundé, Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales de Yaoundé et laboratoire IMPM/CREMER/IRD), et français de l’IRD (UMI 233) et de l’Inserm/IRD/Aix Marseille Université (Unité mixte de recherche 912 « Sciences économiques et sociales de la sante et traitement de l’information médicale »). Il a reçu le soutien financier de l’ANRS et logistique de ESTHER. « Cet essai a comparé des patients bénéficiant d’un suivi clinique exclusif trimestriel à des patients ayant en plus un suivi biologique incluant des mesures de la charge virale du VIH et des CD4 à l’initiation du traitement puis tous les 6 mois. Au total, 459 patients ont participé à l’essai » explique le Docteur Christian Laurent de l’IRD (UMI 233), coordinateur de cet essai.

L’évaluation économique démontre que le suivi biologique devient coût-efficace au Cameroun selon le critère recommandé par l’OMS (coût par année de vie gagnée inférieur à 3 fois le PIB par habitant) dès lors que le prix des tests de la charge virale et du comptage des CD4 est inférieur à 69$.

Cela signifie qu’un pays comme le Cameroun dont le PIB par habitant est d’environ 1200$, dispose du niveau de richesse nécessaire qui lui permettrait de financer, en théorie, une stratégie de suivi biologique pour ses patients vivant avec le VIH et sous traitement.

Surtout, l’étude montre que le suivi biologique des patients traités devient aussi coût-efficace que la mise sous traitement de nouveaux patients lorsque le prix de ces deux tests descend à 20$.

« Ce résultat est capital car les décideurs de santé publique des pays du Sud sont le plus souvent soumis à des budgets fixes et limités qui peuvent les conduire à des arbitrages entre assurer la mise sous traitement de nouveaux patients éligibles et améliorer la prise en charge des patients déjà traités par un suivi biologique adéquat »

 ajoute le Docteur Sylvie Boyer de l’ Unité Mixte de Recherche 912 (Inserm/IRD/Aix-Marseille Université), premier auteur de l’article.

Au moment de l’étude, le coût total (incluant les consommables, le personnel et les équipements) des tests de charge virale et des CD4 variait entre 63$ (avec l’utilisation, pour la mesure de la charge virale, de tests génériques Biocentric développés par l’ANRS) et 95$ (en utilisant des tests de charge virale industriels). Depuis 2010, note le Professeur Eric Delaporte (IRD/Université Montpellier 1, UMI 233), co-auteur de l’article, « Des baisses importantes de prix des réactifs des tests de charge virale ont été observées au Cameroun. Ces prix oscillent aujourd’hui entre 15 et 20$, ce qui suggère qu’une augmentation de la demande contribue bien à faire baisser les prix de ces tests ».

Les résultats mettent également en évidence que le ratio coût-efficacité du suivi biologique s’améliore considérablement chez les patients initiant un traitement à un stade avancé de la maladie, avec un taux de CD4 inférieur à 200 cellules/mm3, car le nombre d’années de vie gagnées augmente de façon significative.

Cette étude économique est la première réalisée sur des données réelles, recueillies dans un contexte décentralisé de prise en charge du VIH, contexte qui représente la réalité des soins dans les pays à faibles ressources aujourd’hui. Elle met en lumière qu’un suivi biologique peut être coût-efficace sous certaines conditions de prix. « La poursuite de la baisse des prix est nécessaire de façon à rendre le suivi biologique accessible financièrement dans les pays à faibles ressources. Plutôt que de renoncer à mettre à disposition un suivi adéquat pour les  patients du Sud sous prétexte de non rentabilité économique, il faut plutôt créer les conditions pour rendre celui-ci coût-efficace. Cela passe notamment par le développement de nouvelles technologies bon marché (de type « point of care ») qui ne nécessitent pas un équipement lourd de laboratoire et une formation spécialisée et qui sont donc faciles d’utilisation en milieu rural » insiste le Professeur Jean-Paul Moatti, directeur de l’Unité mixte 912 (Inserm/IRD/ Aix-Marseille Université), coordinateur de cette évaluation économique.

Mémoire musicale : certains déficits commencent dans le cortex auditif

L’amusie congénitale est un trouble caractérisé par des compétences musicales diminuées, pouvant aller jusqu’à l’incapacité à reconnaître des mélodies très familières. Les bases neuronales de ce déficit commencent enfin à être connues. En effet, selon une étude menée par les chercheurs du CNRS et de l’Inserm au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS / Inserm / Université Claude Bernard Lyon 1), les personnes amusiques présentent un traitement altéré de l’information musicale dans deux régions cérébrales : le cortex auditif et le cortex frontal, surtout dans l’hémisphère cérébral droit. Ces altérations semblent liées à des anomalies anatomiques dans ces mêmes cortex. Ces travaux apportent des informations précieuses sur la compréhension de l’amusie et, plus généralement, sur le « cerveau musical », c’est-à-dire sur les réseaux cérébraux impliqués dans le traitement de la musique. Ils sont publiés dans l’édition papier du mois de mai 2013 de la revue Brain.

Etude des structures cérébrales de sujets sains ou pathologiques©Auzias/Inserm

L’amusie congénitale, qui touche entre 2 et 4% de la population, peut se manifester de diverses façons : par une difficulté à entendre une « fausse note », par le fait de « chanter faux », voire parfois par une aversion à la musique. Certaines de ces personnes affirment ressentir la musique comme une langue étrangère ou comme un simple bruit. L’amusie n’est due à aucun problème auditif ou psychologique, et ne semble pas liée à d’autres troubles neurologiques. Les recherches sur les bases neuronales de ce déficit n’ont commencé qu’il y a une dizaine d’années avec les travaux de la neuropsychologue canadienne Isabelle Peretz.

Deux équipes du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS / Inserm / Université Claude Bernard Lyon 1) se sont notamment intéressées à l’encodage de l’information musicale et à la mémorisation à court terme des notes.

Selon des travaux antérieurs, les personnes amusiques présentent une difficulté toute particulière à percevoir la hauteur des notes (le caractère grave ou aigu). De plus, bien qu’elles retiennent tout à fait normalement des suites de mots, elles peinent à mémoriser des suites de notes.

Pour tenter de déterminer les régions cérébrales concernées par ces difficultés de mémorisation, les chercheurs ont effectué, sur un groupe de personnes amusiques en train de réaliser une tâche musicale, un enregistrement de Magnéto-encéphalographie (technique qui permet de mesurer, à la surface de la tête, de très faibles champs magnétiques résultant du fonctionnement des neurones). La tâche consistait à écouter deux mélodies espacées par un silence de deux secondes. Les volontaires devaient déterminer si les mélodies étaient identiques ou différentes entre elles.

Les scientifiques ont observé que, lors de la perception et la mémorisation des notes, les personnes amusiques présentaient un traitement altéré du son dans deux régions cérébrales : le cortex auditif et le cortex frontal, essentiellement dans l’hémisphère droit. Par rapport aux personnes non-amusiques, leur activité cérébrale est retardée et diminuée dans ces aires spécifiques au moment de l’encodage des notes musicales. Ces anomalies surviennent dès 100 millisecondes après le début d’une note.

Ces résultats rejoignent une observation anatomique que les chercheurs ont confirmée grâce à des images IRM :

chez les personnes amusiques, au niveau du cortex frontal inférieur, on trouve un excès de matière grise accompagnée d’un déficit en matière blanche dont l’un des constituants essentiels est la myéline

. Celle-ci entoure et protège les axones des neurones, permettant au signal nerveux de se propager rapidement. Les chercheurs ont aussi observé des anomalies anatomiques dans le cortex auditif. Ces données renforcent l’hypothèse selon laquelle l’amusie serait due à un dysfonctionnement de la communication entre le cortex auditif et le cortex frontal.

L’amusie est ainsi liée à un traitement neuronal déficitaire dès les toutes premières étapes du traitement d’un son dans le système nerveux auditif. Ces travaux permettent ainsi d’envisager un programme de réhabilitation de ces difficultés musicales, en ciblant les étapes précoces du traitement des sons par le cerveau et de leur mémorisation.

Les bébés doués de conscience ?

Les bébés ont longtemps été considérés comme des êtres aux compétences limitées et ayant des comportements principalement automatiques, de type réflexe, qui ne s’accompagnent pas d’une expérience subjective consciente. Et pourtant : des chercheurs du CNRS au Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistiques (CNRS/ Ecole normale supérieure, Paris/EHESS) en collaboration avec des chercheurs de NeuroSpin (Inserm/CEA) montrent que les nourrissons possèdent dès 5 mois une forme de conscience similaire à celle des adultes. Ces résultats sont publiés dans Science le 19 avril 2013.

Un bébé de 5 mois qui a participé à cette étude avec sa mère.

©Sofie Gelskov

Comment déterminer si les bébés sont conscients de leur environnement alors même qu’ils ne savent pas encore parler et sont incapables de communiquer leurs propres pensées ? Pour résoudre cette question complexe, les chercheurs ont utilisé une approche alternative consistant à déterminer si les marqueurs neuronaux de la conscience observés chez des adultes pouvaient être également présents chez le bébé. En effet, chez l’adulte, des recherches récentes montrent que le cerveau répond en deux étapes à la perception d’un évènement extérieur. Pendant les premières 200 à 300 millisecondes, le traitement perceptif est totalement non-conscient et s’accompagne d’une activité neuronale qui augmente de façon linéaire, c’est-à-dire avec une amplitude qui croit de manière constante en fonction de la durée de présentation des objets perçus. Puis, une seconde étape, plus tardive (après 300 ms), se caractérise par une réponse non-linéaire correspondant au seuil de la conscience. Seules les durées de présentation assez longues pour atteindre ce seuil donnent lieu à une réponse tardive et s’accompagnent d’une perception consciente. Cette réponse tardive et non-linéaire du cerveau est considérée comme un marqueur neuronal de la conscience.

Dans cette étude, la présence de ce marqueur de conscience a été testée sur 80 nourrissons âgés de 5, 12 et 15 mois. Pour ce faire, ils ont été invités à regarder des visages présentés plus ou moins longuement (donc sur des durées inférieures ou supérieures à leur seuil de perception), tandis que les réponses électriques de leur cerveau étaient enregistrées par électro-encéphalographie. Pour tous les groupes d’âge, les chercheurs ont observé la même réponse tardive et non-linéaire que chez les adultes, confirmant la présence de cette « signature neuronale de la conscience » chez les bébés. Toutefois, alors que cette réponse est enregistrée autour de 300 ms chez l’adulte, celle-ci est beaucoup plus tardive chez les bébés, ne s’établissant qu’après au moins une seconde chez les enfants les plus jeunes. Ces résultats révèlent que les mécanismes cérébraux qui sous-tendent la conscience perceptive sont déjà présents très tôt chez les nourrissons. Mais ceux-ci sont relativement lents et subissent une accélération progressive au cours du développement.

Quinze souris astronautes pour soigner les hommes

C’est un équipage inhabituel qui s’apprête à décoller du cosmodrome de Baïkonour le vendredi 19 avril 2013. Dans le cadre d’une expérience de biologie médicale menée par le CNES, l’agence spatiale française (Guillemette Gauquelin–Koch, responsable des programmes sciences de la vie) en coopération avec la Russie, 15 souris astronautes vont passer un mois en orbite autour de la Terre à bord d’un biosatellite automatique BION. L’objectif de cette mission est d’étudier les conséquences fonctionnelles d’un voyage spatial, d’une part sur le système cardio-vasculaire et, d’autre part, sur les systèmes musculaires et osseux, afin de faire avancer la recherche médicale.

Mesure des fonctions sensori-motrices de la souris à l'aide d'un test comportemental de reflexe de traction

©P Latron/Inserm


L’objectif du projet Mice Telemetry on Bion (MTB), mené en coopération avec l’Institut des problèmes biomédicaux (IMBP) de Moscou, est de comprendre les mécanismes qui régissent les changements observés dans le système cardiovasculaire en microgravité. Cinq des souris sont équipées de capteurs implantables qui mesurent en continu la pression artérielle et la fréquence cardiaque, avant, pendant et après le vol. Ce suivi permanent, rendu possible grâce à un système de télémétrie adapté par le CNES pour être fonctionnel dans l’espace et compatible avec le biosatellite, est une première mondiale. Si les capteurs implantés reprennent un système commercial couramment utilisé en recherche, il a fallu reconcevoir complètement le récepteur des signaux de pression artérielle et l’enregistrement pour recevoir des mesures en continu pendant toute la mission. Le docteur Marc-Antoine Custaud du laboratoire de Biologie Neuro-Vasculaire et mitochondriale Intégrée (Université d’Angers/CNRS/Inserm) a accompagné scientifiquement le développement de ce projet et utilisera les données résultant de l’expérience pour comprendre les dysfonctions cardio-vasculaires induites par la microgravité.

Grâce au vol Bion, des études physiologiques animales interrompues depuis quelques décennies vont pouvoir reprendre.

Laurence Vicot et son équipe (unité Inserm 1059 « Biologie intégrative du tissu osseux » à Saint Etienne) apporteront aussi leur expertise pour mieux comprendre les conséquences d’un vol spatial sur les os.

Concernant les muscles, les études seront menées par Stéphane Blanc de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien de Strasbourg (CNRS/Unistra). Des prélèvements musculaires et osseux destinés aux deux laboratoires français seront donc effectués sur dix autres souris sur le site même de l’atterrissage. Le but est d’utiliser la puissance des techniques de pointe pour déterminer au niveau musculaire et osseux le fonctionnement/mal fonctionnement détaillé des réseaux métaboliques et des activités cellulaires en jeu dans les mécanismes d’adaptation. L’exploration osseuse va bénéficier des techniques d’exploration les plus sophistiquées (nanotomographie par rayonnement synchrotron, nanoindentation).

Toutes ces études, menées dans le cadre de la biologie spatiale, visent une meilleure compréhension des mécanismes et des facteurs de diverses pathologies existant sur Terre – risque cardio-vasculaire, ostéoporose et syndrome métabolique – puisque la recherche spatiale offre à l’heure actuelle les seuls modèles d’inactivité physique extrême au long cours pour tester les effets de la sédentarité.

Préparer l’homme à un vol spatial de longue durée

Le séjour en microgravité entraîne une décalcification osseuse similaire à l’ostéoporose qui touche les femmes après 50 ans et les hommes après 65 ans, ainsi qu’une fonte musculaire. Des prélèvements musculaires et osseux destinés aux 2 laboratoires français seront donc effectués sur dix autres souris sur le site même de l’atterrissage. Le but est d’utiliser la puissance des techniques d’exploration les plus avancées (protéomique, lipidomique, métabolique) pour déterminer au niveau musculaire et osseux le fonctionnement/malfonctionnement détaillé des réseaux métaboliques et des activités cellulaires en jeu dans les mécanismes d’adaptation à l’espace et comprendre comment ces phénomènes pourraient être inversés. L’exploration osseuse va bénéficier des techniques d’exploration les plus sophistiquées (nanotomographie par rayonnement synchrotron, nanoindentation).

Les objectifs à long terme sont de confronter ces résultats à ceux obtenus chez l’homme lors de simulation d’impesanteur par alitement (Bedrest) et d’ouvrir de nouvelles voies ciblées pour la mise en place de contremesures efficaces (mécanique, nutritionnelle ou pharmacologique) en support à l’exploration planétaire. Ces expériences visent à mieux comprendre les mécanismes intimes de l’ostéoporose et des syndromes métaboliques qui touchent les personnes en surpoids.

source @CNES

 

Légionellose : reprogrammation inédite des cellules hôtes à l’avantage de la bactérie Legionella pneumophila

 

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Institut Curie et de l’Inserm, ont mis en évidence un mécanisme qui permet à la bactérie Legionella pneumophila (agent principal de la légionellose) de « reprogrammer » l’expression des gènes des cellules qu’elle infecte. Ce mécanisme, jamais observé auparavant, facilite la survie et la prolifération de Legionella pneumophila pendant l’infection. Ces travaux apportent de précieuses informations sur la régulation de l’expression des gènes, ainsi qu’un éclairage important sur les tactiques employées par les bactéries pour manipuler les cellules hôtes. Ces recherches sont publiées en ligne le 17 avril sur le site de Cell Host & Microbe.

Afin d’échapper aux défenses immunitaires et de proliférer sans encombre, les pathogènes intracellulaires ont recours à diverses stratégies.

Certains sont capables de moduler l’expression des gènes d’une cellule hôte à leur avantage. Une des façons d’y parvenir est d’initier des modifications d’ordre épigénétique (c’est-à-dire de modifier non pas directement les gènes, mais leur environnement). C’est le cas de la bactérie Legionella pneumohila, agent de la légionellose, une maladie qui entraîne une infection pulmonaire aigüe et qui est potentiellement mortelle en l’absence de traitement.

Les équipes de Carmen Buchrieser, chef de l’unité mixte Biologie des bactéries intracellulaires, Institut Pasteur/CNRS, à l’Institut Pasteur, et de Raphaël Margueron, du Laboratoire Génétique et biologie du développement (CNRS/Institut Curie/inserm/Université Pierre et Marie Curie), à l’Institut Curie, viennent de mettre à jour un mécanisme épigénétique inédit qui permet à Legionella pneumophila de modifier l’expression des gènes des cellules hôtes afin de faciliter son propre développement. Au total, les scientifiques suggèrent un changement du niveau d’expression dans 4870 gènes de l’hôte. Certains de ces gènes, comme ceux codant pour l’interleukine 6 ou le récepteur TLR5, sont directement impliqués dans l’immunité innée.

Legionella pneumophila

Crédit photo : ©Institut pasteur

Le mécanisme déployé par Legionella pneumophila est le suivant : la bactérie secrète une enzyme appelée RomA dont l’action entraine une modification de la structure et de la conformation de l’ADN de la cellule hôte, ce qui restreint l’accès à de nombreux gènes. En conséquence, l’expression de ces gènes est nettement diminuée.

L’ensemble de ces travaux permet d’en savoir plus sur la régulation de l’expression des gènes eukaryotes (cellules possédant un noyau), et donc sur le fonctionnement des cellules en général.
Ils apportent également des informations sur les moyens mis en oeuvre par les pathogènes intracellulaires pour survivre et se développer pendant l’infection.

Maladie du foie : comprendre pour une meilleure prise en charge

Un certain nombre de patients hospitalisés pour des complications de cirrhose développent très rapidement un syndrome caractérisé par la défaillance aiguë du foie et/ou d’autres organes vitaux (ACLF)[1]. Jusqu’à présent, ce syndrome n’avait pas reçu de critères diagnostiques précis. Dans cette étude prospective, conduite par le Dr Richard Moreau, directeur de recherche Inserm (Unité mixte de recherche 773 « Centre de Recherche biomédicale Bichat-Beaujon »; Inserm/Université Paris Diderot) et praticien attaché dans le service d’hépatologie de l’hôpital Beaujon (AP-HP), les chercheurs ont étudié une cohorte de 1343 patients de 12 pays européens. Les résultats publiés dans la revue Gastroenterology, décrivent pour la première fois le profil spécifique des malades atteints de ce syndrome associé à la cirrhose. Ils pourraient également permettre d’affiner les règles actuelles d’attribution des organes aux malades les plus sévères, pour lesquels le risque de décès précoce est élevé.

La cirrhose est une maladie irréversible du foie. Elle se caractérise par une inflammation chronique qui entraîne la destruction des cellules hépatiques et leur régénération anarchique, sous forme de nodules. La maladie conduit à la perte des fonctions de l’organe et s’accompagne de multiples complications. Lorsque ces complications apparaissent (hémorragie digestive, infection bactérienne, accumulation de liquide dans l’abdomen…), on parle de cirrhose décompensée et les patients sont alors hospitalisés.

Un certain nombre d’entre eux développent rapidement un syndrome caractérisé par la défaillance aiguë du foie et/ou d’autres organes vitaux1 (ACLF pour « acute-on-chronic liver failure »). Ce syndrome est associé à un risque élevé de décès à un mois et n’avait, jusqu’à présent, pas de critères diagnostiques clairement établis permettant de décrire les malades qui en sont atteints.

Dans le cadre d’un consortium[2], des chercheurs de l’unité mixte de recherche 773 « Centre de recherche biomédicale Bichat-Beaujon » (Inserm/Université Paris Diderot), ont analysé les données de 1343 patients hospitalisés pour une complication aiguë d’une cirrhose entre février et septembre 2011 dans 29 services d’hépatologie localisés dans 12 pays européens[3]. Ils ont pu ainsi définir des critères diagnostiques robustes pour l’ACLF et montré qu’un tiers des patients enrôlés dans l’étude ont développé ce syndrome.

Les chercheurs ont constaté que, comparés aux patients sans ACLF, les malades développant une défaillance aiguë d’organe(s) étaient plus jeunes, souffraient plus fréquemment d’alcoolisme, avaient davantage d’infections bactériennes, des niveaux sanguins plus élevés de globules blancs et d’autres marqueurs de l’inflammation des organes.

De manière inattendue, la défaillance était plus sévère chez les patients sans antécédents de complications de cirrhose. On observait pour ces patients un nombre élevé de dysfonctionnements des organes (foie, rein, cerveau), de globules blancs dans le sang et une mortalité dans le mois qui suit l’admission à l’hôpital 15 fois plus élevée, comparés aux patients avec antécédents.

« L’identification des critères pour définir la défaillance aiguë d’organe(s) nous a permis de montrer qu’il s’agit d’un syndrome distinct des complications de cirrhose. En plus des défaillances des organes et de la forte mortalité associée, le développement de cette pathologie dépend de l’âge et des antécédents du patient. explique Richard Moreau, directeur de recherche Inserm, investigateur principal de l’étude.

Nous espérons mieux identifier les personnes à risque de décès précoce afin d’améliorer leur prise en charge. De plus, ces résultats pourraient conduire à affiner les règles actuelles d’attribution des organes pour la greffe des malades les plus sévères » conclut-il.

Foie

Le foie et la cirrhose

Le foie est un organe vital qui assure notamment le stockage du glucose et sa production ainsi que la synthèse et la dégradation d’autres produits (triglycérides, cholestérol, lipoprotéines, facteurs de coagulation).
Il y a environ 700 000 cas de cirrhose en France, dont 30 % au stade sévère, qui entrainent 10 000 à 15 000 décès par an. Le diagnostic survient en moyenne à l’âge de 50 ans.
Toutes les personnes exposées à un risque de cirrhose ne développent pas la maladie. Celle-ci ne se déclare en effet que dans 10 % à 20 % des cas.
La transplantation hépatique est le seul traitement à proprement parler de la cirrhose. Les premiers patients éligibles sont ceux dont l’espérance de vie à trois mois est la plus faible. Chaque année, environ 1 000 patients sont transplantés en France.
Consulter le dossier d’information sur le site Inserm.fr


[1] Rein, cerveau, poumon, appareil circulatoire

[2] Consortium appelé CLIF (pour « Chronic Liver Failure ») réunissant des chercheurs français et collaborateurs européens ;Richard Moreau est l’investigateur principal de la première étude conduite sous l’égide de ce Consortium..

[3] France, Belgique, Angleterre, Italie, Espagne, Allemagne, Pays-Bas, Irlande, Suisse, Autriche, Danemark, Tchéquie

Espérance de vie en bonne santé : dernières tendances

Une priorité essentielle pour l’Union européenne est d’assurer que sa population, bien que de plus en plus âgée, reste en aussi bonne santé que possible. C’est pourquoi l’Union européenne s’est fixé comme objectif d’augmenter le nombre d’années de vie en bonne santé de 2 ans, d’ici à 2020. L’action européenne conjointe sur les «années de vie en bonne santé » (EHLEIS) coordonnée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm, France), les États membres et la Commission européenne surveillent ainsi et analysent ensemble les tendances des espérances de santé en Europe. Voici les derniers résultats sur les espérances de vie en bonne santé à l’âge de 65 ans.

Doctor with female patient 

©fotolia

• Dans l’UE[1] l’espérance de vie à 65 ans en 2011 était de 18 ans pour les hommes et 21,4 ans pour les femmes. Ils pouvaient donc espérer attendre respectivement l’âge de 83 et 86,4 ans, soit une augmentation de plus d’un an depuis 2005 (1,3 ans pour les hommes et de 1,2 ans pour les femmes).

• L’espérance de vie en bonne santé perçue (années de vie où les gens se perçoivent en bonne santé ou en très bonne) a également augmenté de façon significative depuis 2005, de 1,5 ans pour les hommes et de 1,6 ans pour les femmes, plus que les gains de l’espérance de vie totale.

• Sur une note moins positive, les années de vie sans incapacité (années sans limitation d’activité) à 65 ans et au delà sont restées stables entre 2005 et 2011, augmentant de 0,2 ans seulement, à 8,8 ans pour les hommes, et diminuant de 0,2 ans, à 8,6 ans pour femmes. Cela signifie que les années vécues avec une limitation d’activité ont augmenté entre 2005 et 2011.

• L’espérance de vie sans maladie chronique a diminué significativement entre 2005 et 2010 mais a augmenté de façon marquée entre 2010 et 2011, de sorte que les valeurs de 2011 (7,2 ans pour les hommes et de 8,0 ans pour les femmes) étaient similaires à celles de 2005. Encore une fois, cela signifie que le nombre d’années vécues avec une maladie chronique a augmenté entre 2005 et 2011.

Tableau 1: Espérance de vie et espérance de santé à 65 ans pour l’Europe

(UE25) de 2005 à 2011* – par sexe 

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Figure 1: Evolution de l’espérance de vie et des espérances de santé à 65 ans pour l’Europe (UE25) de 2005 à 2011* – par sexe

 Evolution de l'espérance de vie et des espérances de santé à 65 ans pour l'Europe (UE25) de 2005 à 2011* - par sexe

Ces résultats apparemment contradictoires pourraient s’expliquer par une meilleure gestion des problèmes de santé et / ou d’incapacité associée (limitations d’activité), de sorte que les problèmes de santé et d’incapacité liés à l’augmentation de l’espérance de vie à 65 ans n’ont pas engendré une diminution de la qualité de vie. Il est probable que les gens, mieux informés aujourd’hui au sujet de leur état de santé réel, signalent d’avantage de problèmes de santé chroniques et à des stades plus précoces.

Le cas de la France

Comparée à la situation européenne moyenne, la France présente quelques spécificités :

L’espérance de vie à 65 ans est bien plus élevée que la moyenne européenne (19,3 ans pour les hommes et 23,8 ans pour les femmes), et a aussi davantage augmenté entre 2005 et 2011, et ce, plus pour les femmes (+1,8 an) que pour les hommes, (+1,6 an).

L’espérance de vie en bonne santé perçue a augmenté pour les deux sexes, autant que l’espérance de vie totale pour les hommes, atteignant 7,6 années (+1,6 an) en 2011, mais moins pour les femmes, atteignant 7,8 ans (+1,0), contrastant pour ces dernières avec la tendance européenne moyenne.

L’espérance de vie sans maladie chronique a augmenté légèrement mais significativement, contrairement à la moyenne européenne, atteignant 6,8 années pour les hommes (+0,4 an) et 8,4 années pour les femmes (+0,7 an). Cette tendance n’empêche pas l’augmentation du nombre d’années vécues avec des problèmes de santé chroniques sur la période 2005-2011.

L’espérance de vie sans limitation d’activité a augmenté d’à peine 0,3 an (non significatif) pour les femmes atteignant 9,9 ans. Pour les hommes français, qui se distinguent de la moyenne européenne, elle a davantage augmenté (+ 1,2 an) et atteint 9,7 ans ; les Français ont partagé leurs années de vie gagnées également entre années avec et sans limitation d’activité.

Figure 2 : Evolution de l’espérance de vie et des espérances de santé à 65 ans pour la France de 2005 à 2011 – par sexe

Evolution de l'espérance de vie et des espérances de santé à 65 ans pour la France de 2005 à 2011 - par sexe

La France se démarque en termes de santé sur trois points. A 65 ans, l’espérance de vie en bonne santé perçue des femmes françaises a moins progressé que la moyenne européenne. L’espérance de vie sans maladie chronique a plutôt augmenté, quand elle stagne pour la moyenne européenne. L’espérance de vie sans limitation d’activité des hommes français a augmenté parallèlement à l’espérance de vie ; pour les femmes, la progression des années de vie sans limitation d’activité est un peu plus favorable que la moyenne européenne, mais bien moins élevée que celle des hommes français. En France, les années de vie gagnées ne se sont pas systématiquement accompagnées de maladies déclarées, ni même de limitations d’activité, ce qui est le cas pour la moyenne européenne ; les années de bonne santé perçue sont, quant à elles, en moindre progression pour les 2 sexes. Les femmes françaises gardent un léger avantage sur les hommes en termes d’années de bonne santé perçue et sans limitation d’activité, mais celui-ci s’est nettement réduit.

Les spécificités françaises illustrent la diversité des situations européennes que l’on observait déjà à travers la mortalité. L’analyse simultanée de l’évolution de la santé et de la mortalité permet de préciser la situation des pays et les besoins en matière de soins et de prise en charge.

L’espérance de vie sans incapacité (EVSI) est un indicateur important des politiques européennes. L’EVSI a été choisi dans le cadre de la stratégie de Lisbonne (2000-2010) pour apprécier la qualité de la vie et l’état de santé fonctionnel des européens. Elle fait partie des indicateurs de santé de la Communauté européenne (ECHI) et a servi à fixer l’objectif principal du partenariat de l’Union de l’innovation (composante recherche et développement de la stratégie Europe 2020) sur le vieillissement actif et en bonne santé ; à savoir augmenter de 2 années le nombre des années vécues sans incapacité (EVSI ou Healthy Life Years) dans l’Union européenne d’ici à 2020.

L’EVSI est obtenue en décomposant l’espérance de vie en deux espérances de santé, avec et sans incapacité, grâce à l’introduction de la prévalence de l’incapacité observée en population générale dans le calcul de l’espérance de vie. Les mêmes principes sont appliqués pour calculer l’espérance de vie sans maladie chronique et l’espérance de vie en bonne santé perçue. Les informations utilisées (prévalence des limitations d’activité, problème de santé chronique et perception de sa santé) proviennent de l’enquête annuelle EU-SILC dont la réalisation est coordonnée par EUROSTAT. La santé perçue est mesurée par la question : « Comment est votre santé en général ? Très bonne, bonne, assez bonne, mauvaise, très mauvaise ». La présence de maladies chroniques est mesurée au travers des réponses à la question : « Avez-vous une maladie ou un problème de santé chronique ? Oui, non ». La prévalence de l’incapacité est mesurée au travers des réponses à une question générale sur les limitations d’activité : « Êtes-vous limité à cause d’un problème de santé, depuis au moins six mois, dans les activités que les gens font habituellement ? Oui, fortement limité ; oui, mais pas fortement limité ; non, pas limité du tout ».

EUROSTAT calcule et diffuse l’EVSI comme il le fait pour tous les indicateurs des politiques européennes. L’objectif est de fournir l’année t (i.e., 2013) l’EVSI de l’année t-2 (i.e., 2011). L’Action conjointe européenne, soutenue et supervisée par la Commission européenne, diffuse largement les résultats obtenus (country reports, sites web dédiés, Wikipédia, etc.), encourage une bonne interprétation des EVSI (training material and interpretation guide), promeut leur utilisation dans les politiques socio-économiques et surtout produit des analyses scientifiques sur les tendances et les écarts observés : déterminants, causes et mécanismes.


[1] Limitée aux 25 Etats membres de l’UE depuis 2005 (i.e., Bulgarie et Roumanie exclues)

L’étonnante capacité des cellules souches sanguines à répondre aux situations d’urgences

Une équipe de chercheurs de l’Inserm, du CNRS et du MDC, dirigée par Michael Sieweke du Centre d’Immunologie de Marseille Luminy (CNRS, Inserm, Aix Marseille Université) et du Centre de Médecine Moléculaire Max Delbrück de Berlin-Buch, révéle aujourd’hui un rôle inattendu des cellules souches hématopoïétiques : outre leur capacité à assurer le renouvellement continu de nos cellules sanguines ces dernières sont aussi capables de produire, « à la demande » et en urgence, les globules blancs qui permettent à l’organisme de faire face à une inflammation ou une infection. Cette propriété insoupçonnée pourrait être utilisée pour protéger des infections les patients ayant bénéficié d’une greffe de moelle osseuse, le temps que leur système immunitaire se reconstitue. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature datée du 10 avril 2013.

Macrophages © M Sieweke /Inserm

Les cellules de notre sang nourrissent, nettoient et défendent nos tissus mais leur durée de vie est limitée. Ainsi, l’espérance de vie d’un globule rouge ne dépasse guère trois mois, nos plaquettes meurent après une dizaine de jours et la grande majorité de nos globules blancs ne survivent que quelques jours.

Le corps doit donc produire en temps voulu des cellules de remplacement. C’est le rôle des cellules souches hématopoïétiques, plus communément appelées cellules souches sanguines.  Nichées au cœur de la moelle osseuse (le tissu mou situé au centre des os longs comme ceux du thorax, du rachis, du bassin et de l’épaule), ces dernières déversent chaque jour des milliards de nouvelles cellules dans le flux sanguin. Pour accomplir cette mission stratégique, elles doivent non seulement se multiplier mais aussi se différencier, c’est à dire se spécialiser pour produire des globules blancs, des globules rouges ou des plaquettes.

Depuis de nombreuses années, les chercheurs s’intéressent à la façon dont les cellules souches déclenchent ce processus de spécialisation. Michael Sieweke et son équipe ont ainsi précédemment découvert que ces dernières ne s’engageaient pas de façon aléatoire dans telle ou telle voie de différenciation mais « décidaient » de leur destin sous l’influence de facteurs internes et de signaux venus de l’environnement.

Restait une question d’importance : comment la cellule souche parvient-elle à répondre avec discernement aux situations d’urgences en fabriquant, par exemple, des globules blancs mangeurs de microbes comme les macrophages pour lutter contre une infection ?

Jusqu’à présent la réponse était entendue : la cellule souche ne savait pas  décoder ce genre de messages et se contentait de se différencier de façon aléatoire. L’équipe de Michael Sieweke vient de démontrer que loin d’être insensible à ces signaux, la cellule souche les perçoit et fabrique en retour les cellules les plus aptes à faire face au danger.

« Nous avons découvert qu’une molécule biologique produite en grande quantité par l’organisme lors d’une infection ou d’une inflammation indique le chemin à prendre aux cellules souches » déclare le Dr. Sandrine Sarrazin, chercheuse Inserm, co-signataire de la publication.

« Sous l’effet de cette molécule dénommée M-CSF (Macrophage Colony-Stimulating Factor), l’interrupteur de la lignée myéloide s’active (le gène PU.1) et la cellule souche produit rapidement les cellules les plus adaptées à la situation, au premier rang desquelles, les macrophages. »

« Maintenant que nous avons identifié ce signal, il serait possible de l’utiliser pour accélérer artificiellement la fabrication de ces cellules chez les malades confrontés à un risque aiguë d’infections » souligne le Dr Michael Sieweke, Directeur de recherche CNRS.

« C’est le cas des 50 000 patients dans le monde qui sont totalement démunis face aux infections juste après une greffe de moelle osseuse*.

Le M-CSF pourrait stimuler la production des globules blancs utiles tout en évitant de fabriquer des cellules susceptibles d’attaquer l’organisme de ces patients. Ainsi, ils seraient protégés des infections le temps que leur système immunitaire se reconstitue »

A propos de la découverte

Cette découverte apparemment toute simple est pourtant très originale tant par son approche que par les technologies de pointe qu’elle a nécessité. Ainsi, pour parvenir à leurs conclusions, l’équipe a dû mesurer le changement d’état au niveau de chaque cellule ce qui a constitué un double défi : les cellules souches sont en effet non seulement très rares (on en compte à peine une pour 10 000 cellules dans la moelle osseuse d’une souris) mais aussi parfaitement indistinguables de leurs descendantes.

« Pour distinguer les protagonistes, nous avons utilisé un marqueur fluorescent pour signaler l’état (on ou off) de l’interrupteur des cellules myéloides : la protéine PU.1. D’abord chez l’animal, puis en filmant les cellules en accéléré sous un microscope, nous avons ainsi montré que les cellules souches « s’allument » presque instantément en réponse au M-CSF » rappelle Noushine Mossadegh-Keller, assistante ingénieure CNRS, co-signataire de cette publication. « Pour en avoir le cœur net, nous avons alors récupéré une à une chaque cellule et confirmé que dans toutes les cellules où l’interrupteur était passé au vert, les gènes de la lignée myéloide étaient bien activés : une fois perçu le message d’alerte elles avaient bien changé d’identité. »

Adolescents aujourd’hui, adultes demain

Pour sa 9ème édition, le Forum Adolescences organisé par la Fondation Pfizer et ses deux partenaires, le Ministère de l’Education nationale et l’Inserm, explore la riche thématique des passages de l’enfance à l’adolescence et de l’adolescence vers l’âge adulte. Quels rites de passage ou moments initiatiques les adolescents traversent-ils pour devenir adulte ? Ont-ils évolué ? Quelle vision la jeune génération a-t-elle de la vie d’adulte ?

Les résultats de l’étude Ipsos Santé / Fondation Pfizer¹ « Regards croisés des adolescents, des adultes et des séniors » révèlent que pour 51% des adolescents et 67% des adultes, la sexualité et plus généralement les changements du corps sont les principaux marqueurs de l’adolescence. L’âge adulte est, quant à lui, synonyme de responsabilités pour 70% des jeunes et 74% des aînés.

Après cinq mois de préparation dans 33 lycées de 12 académies – Amiens, Caen, Corse, Lille, Limoges, Lyon, Nantes, Orléans-Tours, Poitiers, Strasbourg, Toulouse et Versailles – les lycéens débattront d’égal à égal avec les experts présents au Forum national le 10 avril 2013, à Paris. « J’attends avec hâte de voir à nouveau ces jeunes prendre la parole et défendre leur point de vue devant des experts de renom sans trembler et avec une certaine audace » s’enthousiasme Philippe Jeammet, psychanalyste et Président de la Fondation Pfizer.

adolescents université

©fotolia

Devenir et être adolescent : passer du rêve à la réalité

L’adolescence, une période sans borne ? Adolescents et adultes s’accordent sur l’âge d’entrée dans l’adolescence autour de 13-14 ans. En revanche, l’âge de sortie fait débat : les jeunes le placent à 19,9 ans alors que leurs aînés le fixent à 21,3 ans. Pour seulement 32% des adolescents et 15% des adultes, la majorité civile est un marqueur de la fin de cette période de transition.

Quels sont les identifiants de l’adolescence ? La sexualité est le principal marqueur pour 1 adolescent sur 2 et pour 2 adultes sur 3. « L’adolescent découvre la puissance sexuelle de son corps. Il découvre que la sexualité n’est pas adulte, n’est pas pour lui une vaine promesse, ni une rêverie » explique Olivier Douville, psychanalyste et anthropologue.

Les résultats de l’étude Ipsos Santé / Fondation Pfizer¹ révèlent, qu’outre la sexualité et les changements du corps, l’adolescence est une période d’ouverture aux autres, au champ des possibles mais également une période d’ambivalence faite de liberté (pour 45% des adolescents), de projets (42%), d’expériences (39%), de difficultés (38%), contraintes (38%) et problèmes (36%).

« Les choix réalisés par les adolescents interrogés révèlent le flou et la complexité qu’est l’adolescence pour eux. On constate également que les marqueurs employés par les jeunes caractérisent essentiellement l’autonomie » analyse Laïla Idtaleb, Directrice Ipsos Santé. « A contrario, chez les adultes, les items qualifiant l’adolescence sont beaucoup plus clairs, avisés, marqueurs de difficultés et de problèmes avec la sexualité comme référent à chaque fois ». En effet, les aînés associent essentiellement la sexualité des plus jeunes aux notions de difficultés (35%), de problèmes (35%) et de risques (29%).

L’adolescence, l’ouverture aux premières expériences et l’accès à l’autonomie

Les jeunes ont conscience que l’adolescence est jalonnée de plusieurs premières fois. Parmi les plus fréquentes, ils citent :
le premier téléphone portable à 89%
le premier baiser à 72%
la première cigarette à 34%
la première relation sexuelle à 30%
la première cuite à 28%
le premier joint à 15%

Certaines de ces expériences vécues pour la plupart entre 14 et 15 ans[1] auraient des vertus initiatiques voire intégratrices pour certains adolescents. Respectivement 39% et 29% des jeunes indiquent effectivement que consommer de la drogue et boire de l’alcool¹ sont des passages conseillés aux adolescents par d’autres adolescents.

L’adolescence marque également l’éloignement des parents et la remise en question de leur autorité. Cette quête d’autonomie se fait plus ou moins en douceur. 20% des adolescents, 23% des adultes et 36% des seniors associent l’adolescence à la « rébellion ». « Etre adolescent et négocier l’entrée dans l’âge adulte est difficile pour tous les jeunes. Certains le vivent plus mal que d’autres et sont dans la confrontation voire la rupture complète. Ces adolescents en difficulté sont aussi le miroir de ce que nous sommes et des évolutions de la société en général. L’expression de la difficulté bouge d’une génération à l’autre mais la cause reste la même » explique Catherine Sultan, magistrat, Vice-Présidente du TGI de Créteil et Présidente du Tribunal pour enfant de Créteil.

 

Devenir et être adulte : une étape de la vie propre à chaque individu

Les responsabilités (70% des adolescents et 74% des adultes), l’indépendance financière (respectivement 66% et 58%) et l’autonomie (42% et 39%) sont les trois piliers de l’âge adulte évoqués par les jeunes comme leurs aînés. Ce besoin de liberté, d’autonomie et d’affranchissement de l’autorité parentale explique que 29% des adolescents attendent avec hâte leur passage à l’âge adulte. Cependant, devenir adulte est majoritairement perçu par les adolescents comme un passage obligé (54% des adolescents). Enfin, près d’1 jeune sur 5 angoisse à l’idée de devenir adulte, surtout ceux qui manifestent des signes de mal-être (42% d’entre eux).

«S’ils baignent dans une ambiance pessimiste – leurs proches adultes tenant un discours relativement négatif – les adolescents peuvent être influencés. Les jeunes arrivent généralement à prendre du recul mais parfois pas tant que cela, et ils finissent par sélectionner et renforcer cette vision défaitiste » analyse le Professeur Philippe Jeammet. « Cependant, c’est une génération plus ouverte sur le monde, davantage dans les échanges, ce qui lui permet d’avoir une vision plus nuancée et moins manichéenne. Les adolescents font preuve d’un pragmatisme et d’un réalisme surprenant.»

Des rites «  institutionnalisés » qui disparaissent, des moments de passage plus individuels

Si 3 adolescents sur 4 estiment avoir des moments de passage à l’âge adulte peu différents ou comparables à ceux de leurs parents, 64% considèrent qu’ils sont très différents de ceux de leurs grands-parents. Ce hiatus générationnel s’observe en effet dans les résultats de l’étude Ipsos Santé / Fondation Pfizer¹. La jeune génération met en avant comme moments clés de l’âge adulte le départ du domicile familial (70%), le premier travail (64%) et la parentalité (61%). A ce triptyque logement/travail/parentalité répond celui des séniors, pour lesquels les principaux rites de passage à l’âge adulte sont le mariage / PACS (69%), le premier travail (69%) et le service militaire (69%). Les marqueurs du passage à l’âge adulte sont davantage individualisés chez les jeunes que chez les séniors, où ils sont plus institutionnels.

« L’entrée dans l’âge adulte n’est plus un rite mais un seuil. Le rite de passage est un dispositif culturel très sophistiqué et collectif ; le seuil est un infléchissement marqué par deux étapes : l’entrée dans la vie professionnelle stable et l’entrée dans la vie de famille autonome » explique le philosophe Pierre-Henri Tavoillot. « Chaque individu détermine ses seuils. Ce sera à chaque fois une expérience particulière, comme la naissance du premier enfant, le premier bulletin de paie, un séjour à l’étranger… C’est toujours une expérience individuelle.»

83% des adolescents plébiscitent l’accompagnement de leurs aînés pour devenir adulte (92% des adultes en ont conscience). « Les adolescents sont en attente d’autorité vis-à-vis des adultes qui sont un miroir de références, mais cette autorité ne doit pas leur être imposée » affirme le Professeur Philippe Jeammet. « Les jeunes ont besoin des adultes pour qu’ils les informent sur l’avenir, leur montrent des perspectives, les aident à découvrir leur potentialité. »

Focus sur le baromètre Bien-être Ipsos Santé / Fondation Pfizer¹

Des adultes plus conscients du bien-être des adolescents

 Malgré un contexte socio-économique difficile, les adolescents se portent toujours bien :

  • 71% se sentent bien à l’école¹ (comme en janvier 2012*)
  • 69% des ados sont satisfaits de ce qui leur arrive¹ (contre 73%*)
  • 47% disent se sentir souvent sous pression¹ (contre 49%*)
  •    25% se sentent mal dans leur peau¹ (comme en janvier 2012*).

La surprise vient cette année des adultes qui affichent un moindre pessimisme sur le moral des jeunes, notamment ceux qui sont en contact avec des adolescents. En effet,

  • 65% des aînés estiment que les ados sont souvent sous pression¹ (versus 74% en janvier 2012*) contre 47% des ados¹
  • 62% pensent que les ados sont souvent mal dans leur peau¹ (versus 74% en janvier 2012*) contre 1 ado sur 4¹.

« Cette meilleure perception du bien-être des jeunes par les aînés peut trouver plusieurs explications : les adultes ont certainement évolué et comprennent mieux les attentes des adolescents ; le traitement plus nuancé des ados par les médias peut également avoir influencé l’opinion des adultes. Enfin, la saisonnalité peut avoir joué un rôle : nous avons en effet effectué cette étude à une période plus proche de la rentrée scolaire, où les répondants sont généralement plus optimistes » explique Laïla Idtaleb, Directrice Ipsos Santé.


[1] Réflexion qualitative Ipsos santé / Fondation Pfizer réalisée auprès de 650 adolescents dans 33 lycées de 12 Académies volontaires – de décembre 2012 à février 2013.

Le système immunitaire de la mère protège-t-il le fœtus de l’infection congénitale par le cytomégalovirus ?

L’infection par le cytomegalovirus (CMV), un virus de la famille des herpesviridae, passe généralement inaperçue chez un individu sain, mais chez la femme enceinte elle peut être délétère pour le fœtus. Au sein de l’équipe « Immunité, gestation, thérapie » dirigée par Philippe Le Bouteiller, directeur de recherche à l’Inserm, Nabila Jabrane-Ferrat, chargée de recherche au CNRS au Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (unité Inserm / université Toulouse III – Paul Sabatier / CNRS), a démontré que certaines cellules immunitaires de la mère présentes à l’interface fœto-maternelle seraient capables d’enrayer l’infection pour protéger le fœtus. Ces travaux, ont été publiés dans la revue Plos Pathogens le 04 avril 2013.

La grossesse induit des modifications majeures au niveau de l’utérus qui sont nécessaires aux besoins du fœtus. Suite à l’implantation de l’œuf fécondé, la paroi de l’utérus (l’endomètre) est massivement infiltrée par une population spécifique de cellules immunitaires appelées cellules Natural Killer déciduales d’origine maternelle (dNK).

Les fonctions de ces cellules immunes sont finement régulées durant la grossesse. Dans l’endomètre elles n’ont pas de fonction tueuse mais une fonction protectrice pour la bonne implantation de l’embryon. Les dNK libèrent des facteurs solubles qui aident l’embryon à s’implanter dans le tissu maternel. Elles contribuent aux échanges entre la mère et le fœtus et sont en contact direct avec le placenta. En fournissant un microenvironnement enrichi, les dNK sont donc des acteurs clés de la grossesse.

Les auteurs de l’étude publiée ce mois-ci se sont demandé si ces cellules « armées pour tuer » pouvaient réveiller leur instinct grégaire en cas d’attaque d’un agent pathogène. Pour cela, ils ont étudié l’action des dNK en cas d’infection de la mère par le CMV pendant la grossesse.

L’infection congénitale par le CMV est un problème majeur de santé publique qui touche 0,2 à 0,5% des nouveau-nés en France et une cause reconnue de mortalité fœtale. La contamination par le CMV se fait par contact étroit avec des malades ou des porteurs sains. Les femmes enceintes doivent donc respecter les règles d’hygiène classiques pour éviter l’infection durant leur grossesse, le risque de contamination fœtale étant d’environ 30 à 50 %.

Le CMV ne déclenche aucun signe clinique chez l’adulte sain, en revanche il est dangereux pour le fœtus si sa mère est infectée. Le virus va passer dans la circulation sanguine de la mère, puis traverser la barrière placentaire et infecter les cellules du fœtus, provoquant de graves séquelles, voire la mort du fœtus. L’infection congénitale par le CMV est associée à un défaut du développement du placenta et du remodelage des artères utérines, détectable à l’échographie.

Les chercheurs ont pu observer des changements phénotypiques et fonctionnels des cellules dNK maternelles. De plus, l’analyse des tissus provenant d’interruptions de grossesse dues au CMV a montré que les cellules dNK sont capables de migrer sur le site même de l’infection dans le placenta.

Contre toute attente, les chercheurs ont donc constaté que les cellules dNK deviennent cytotoxiques afin de tuer les cellules infectées et contrôler l’infection.

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© N. Jabrane-Ferrat / Inserm. En rouge et vert les cellules NK qui essayent de se frayer un chemin vers la cellule infectée (bleu et vert).

Ces résultats suggèrent que les cellules dNK pourraient protéger le fœtus contre l’infection maternelle par le CMV et ouvrent de nouvelles voies pour l’élaboration de traitements. La prochaine étape sera de trouver comment déclencher de façon massive l’action cytotoxique des dNK face au virus.

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