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Diabète de type 1: autorégénérer ses cellules productrices d’insuline ?

Patrick Collombat, directeur de recherche Inserm et son équipe Avenir de l’Institut de Biologie Valrose à Nice, publient de nouveaux résultats sur le diabète de type 1. Les chercheurs montrent chez la souris que le pancréas contient des cellules capables de se transformer en cellules β productrices d’insuline et ceci à tout âge. Ils révèlent également que toutes les cellules β du pancréas peuvent être régénérées plusieurs fois et que le diabète des souris, induit chimiquement, peut ainsi être « soigné » de façon répétée. L’enjeu pour les chercheurs est désormais de montrer que ces processus sont applicables chez l’Homme.

Ces travaux sont publiés en ligne dans la revue Developmental Cell datée du 27 juin 2013

Le diabète de type 1, caractérisé par la perte sélective des cellules β pancréatiques produisant l’insuline, est une maladie touchant plus de 30 millions de personnes dans le monde. Malgré les thérapies actuelles, les patients diabétiques de type 1 présentent une espérance de vie réduite de 5 à 8 ans. C’est dans ce contexte que l’équipe Avenir « Génétique du diabète » travaille au développement de nouvelles approches visant à régénérer ces cellules.

Les chercheurs de l’Institut de Biologie Valrose (Inserm/Université Nice Sophia Antipolis) étaient parvenus en 2009 à transformer des cellules α productrices de glucagon en cellules β chez de jeunes souris. Aujourd’hui, grâce à l’utilisation de souris transgéniques, ils révèlent les mécanismes aboutissant à ce changement d’identité cellulaire. Ce sont précisément des cellules de canaux pancréatiques qui peuvent être mobilisées et littéralement transformées en cellules α puis β, et ceci à tout âge. Cette reconversion est obtenue par l’activation forcée du gène Pax 4 dans les cellules α du pancréas. La cascade d’événements qui en découle entraine la fabrication de cellules β toutes neuves, permise grâce au réveil de gènes du développement. Tout au long de ce processus, les cellules α sont régénérées et adoptent progressivement le profil des cellules β. Le pancréas dispose donc d’une source quasi inépuisable de cellules pouvant remplacer les cellules β.

La régénération de cellules β dans le pancréas

Pancreas

© Patrick Collombat / Inserm


A gauche : pancréas de souris contrôle (non diabétique)
A droite : pancréas de souris transgéniques démontrant une régénération massive des cellules β produisant de l’insuline (en rose) après induction chimique d’un diabète .

En créant artificiellement un diabète de type 1 chez les souris,

« nous avons également démontré que toutes les cellules β pancréatiques peuvent être régénérées au moins trois fois par ce mécanisme. Le diabète, ainsi induit chez la souris, peut être littéralement « soigné » de multiples fois grâce au nouveau stock de cellules β productrices d’insuline fonctionnelles »

explique Patrick Collombat, directeur de recherche Inserm et principal auteur de l’étude.

Ces résultats prometteurs obtenus chez la souris suggèrent que le pancréas contient des cellules pouvant régénérer plusieurs fois les cellules β perdues chez les diabétiques de type 1.

« Nous travaillons désormais sur la possibilité d’induire cette régénération à l’aide de molécules pharmacologiques. A partir de ces nouvelles données, nous allons nous attacher dans les années à venir, à déterminer si ces processus peuvent aussi être appliqués chez l’homme, un véritable défi pour proposer de meilleurs traitements du diabète de type 1. »  conclut-il.

Stress : il faut y être attentif !

Pressions au travail, tensions familiales, problèmes financiers … les causes de stress sont de plus en plus nombreuses. Dans le passé, plusieurs études ont montré que le stress pouvait avoir des effets négatifs sur la santé (maladies cardiovasculaires, diabète, hypertension …). Des chercheurs de l’Inserm au sein de  l’unité 1018  « Centre de recherche en épidémiologie et Santé des populations » en collaboration avec des chercheurs anglais et finlandais ont montré qu’il fallait être vigilant et accorder de l’importance aux personnes déclarant être stressées, particulièrement celles qui pensent que le stress affecte leur santé. Selon leur étude menée auprès de 7268 participants, ces personnes ont effectivement deux fois plus de risque que les autres de faire une crise cardiaque.

Ces résultats ont été publiés dans la revue European heart Journal.

Le stress est reconnu aujourd’hui comme l’un des principaux problèmes de santé. Face à une situation jugée stressante, plusieurs symptômes physiques, émotionnels, comportementaux peuvent apparaître (angoisse, difficultés de concentration, problème cutanée, migraines…). Des études passées et notamment les dernières études menées  au sein de la cohorte Withehall II[1], composée de plusieurs milliers de fonctionnaires britanniques, ont déjà montré que les modifications physiologiques associées au stress peuvent avoir un effet néfaste sur la santé.

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crédit : ©Fotolia

L’équipe d’Herman Nabi, chercheur Inserm au sein de l’Unité 1018  « Centre de recherche en épidémiologie et Santé des populations » est allée plus loin et s’est intéressée aux personnes déclarant être stressées pour voir plus précisément s’il existait une association entre leur  ressenti et la survenue quelques années plus tard d’une maladie coronarienne.

A partir d’un questionnaire établi dans le cadre de la cohorte Withehall II, les participants étaient invités à répondre à la question suivante : « dans quelle mesure estimez-vous  que le stress ou la pression que vous avez vécu dans votre  vie a  une incidence sur votre santé », les participants avaient quatre choix de réponses : pas du tout », « peu », « moyennement », « beaucoup » ou « extrêmement ».

Les participants ont également été interrogés sur leur perception de leur niveau de stress, ainsi que sur d’autres facteurs pouvant influer sur leur état de santé, comme le tabagisme, la consommation d’alcool, l’alimentation et les niveaux d’activité physique. La  pression artérielle, le diabète, l’indice de masse corporelle et les données socio-démographiques, tels que l’état civil, l’âge, le sexe, l’origine ethnique et le statut socio-économique, ont également été pris en compte.

D’après les résultats, les participants ayant rapporté, au début de l’étude, que leur santé était  « beaucoup ou extrêmement » affectée par le stress avaient plus du double du risque (2,12 plus élevé) d’avoir ou de mourir d’une crise cardiaque comparés à ceux qui n’avaient signalé aucun effet du stress sur leur santé.

D’un point de vue clinique, ces résultats suggèrent que la perception qu’ont les  patients de l’impact du stress sur leur santé peut être très précise, dans la mesure où elle prédit un événement de santé aussi grave et fréquent que la maladie coronarienne.

De plus, cette étude révèle également que cette association n’est pas influencée par des différences liées aux facteurs  biologiques, comportementaux ou psychologiques entre les individus. En revanche, les capacités à faire face au stress différent grandement entre les individus en fonction des ressources à leur disposition, comme le soutien de l’entourage.

Selon Hermann Nabi,  « le message principal est que les plaintes  des patients concernant l’impact du stress sur leur santé ne devraient pas être ignorées en milieu clinique, car elles peuvent indiquer un risque accru de développer une maladie coronarienne ou d’en mourir. Les futures études de stress devraient inclure les perceptions des patients sur l’impact du stress sur leur santé ».

A l’avenir, comme le souligne Hermann Nabi, « des essais seront nécessaires pour déterminer si le risque de  maladie peut être réduit en augmentant l’attention clinique portée à celles et ceux qui se plaignent d’un effet  du stress sur leur santé ».


[1] Créée en 1985, la cohorte Withehall II constituée de fonctionnaires britanniques, contribue de façon majeure à la recherche en épidémiologie sociale et est internationalement considérée comme l’une des principales sources de connaissance scientifique sur les déterminants sociaux de la santé.

Les polluants alimentaires aggravent les problèmes métaboliques chez des souris obèses

Certains polluants alimentaires sont soupçonnés d’être impliqués dans la survenue de troubles métaboliques ou de les aggraver notamment lorsqu’ils sont ingérés dans une alimentation riche en gras. Pour mieux comprendre leurs effets, des chercheurs de l’Inserm (U1060 « Laboratoire de recherche en cardiovasculaire, métabolisme, diabétologie et nutrition » Inserm/Inra/Université Lyon 1) ont  introduit un cocktail de polluants mélangeant de très faibles doses de dioxine, PCB, Bisphénol A et phtalates dans l’alimentation de souris rendues obèses par une alimentation riche en gras. Les résultats montrent que des perturbations métaboliques surviennent chez ces souris et qu’elles diffèrent selon le sexe de l’animal. Les femelles semblent plus touchées et présentent une aggravation de l’intolérance au glucose associée à l’obésité ainsi qu’une altération de la voie œstrogénique.

Ces travaux sont publiés dans Faseb Journal.

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©Fotolia

L’obésité est un problème majeur de santé publique parce qu’elle est un facteur de risque pour le développement de complications métaboliques (diabète, maladies cardiovasculaires). C’est une maladie multifactorielle. En plus des prédispositions génétiques et du mode de vie alliant excès alimentaire et sédentarité, un faisceau de preuves suggèrent l’implication des polluants, notamment alimentaires dans l’épidémie d’obésité et ses complications métaboliques.

Les chercheurs ont formulé l’hypothèse selon laquelle les polluants alimentaires pouvaient aggraver certaines complications métaboliques déjà causées par un régime trop riche ou trop gras.

Dans cette étude, les chercheurs de l’Inserm ont nourri des souris avec un régime riche en gras, (donc déjà à risque pour la santé) couplé à un mélange de polluants à très faibles doses.  Ce régime leur a été administré tout au long de leur vie ainsi qu’à leur mère avant leur naissance et pendant les périodes de gestation et d’allaitement. Il s’agit donc d’une exposition chronique.

Deux polluants persistants[1] (dioxine et PCB) dans l’environnement et deux polluants non-persistants[2] (Phtalate et Bisphénol A) ont été ajoutés à très faible doses (normalement sans effets sur la santé) à l’alimentation riche en gras (obésogène) des souris. Ils ont été choisis pour leur présence dans l’alimentation humaine et leur activité reconnue de perturbation endocrinienne. En parallèle, des souris « contrôles » ont reçu le régime obésogène sans ajout de polluants.

Puis, les chercheurs ont réalisé des tests de tolérance au glucose et de sensibilité à l’insuline et mesuré au niveau du foie, l’accumulation des lipides et l’expression de certains gènes clés du métabolisme énergétique dans les souris adultes.

Les résultats mettent en évidence des effets très fortement dépendants du sexe de l’animal.

Mâle et femelle : des effets différents

Chez les femelles nourries avec le régime gras, l’ajout de polluants entraine une aggravation de l’intolérance au glucose ainsi qu’une altération de la voie des oestrogènes. Chez les mâles, une altération du métabolisme des lipides et du cholestérol est observée. Ces résultats sont observés en absence de modifications du poids entre les souris exposées et non exposées aux polluants.

Chez les femelles exposées, les chercheurs  poursuivent l’hypothèse d’un lien entre l’intolérance au glucose observée et l’altération de la signalisation œstrogénique. Il est, en effet, connu que les estrogènes protègent contre les maladies métaboliques. En d’autres termes, leurs travaux suggèrent que chez les femelles obèses, l’exposition aux contaminants alimentaires pourrait se traduire par une baisse de la protection exercée par les estrogènes sur les maladies métaboliques.

« Nous apportons, grâce à cette étude, une preuve de concept que de faibles doses de polluants de l’ordre des doses considérées sans effet pour l’homme ont en réalité un effet lorsque l’exposition est chronique et que les polluants sont administrés en mélange dans une alimentation enrichie en calories » souligne Brigitte Le Magueresse Battistoni.

Cette étude a été menée dans le cadre de programmes de recherche soutenus par l’institut Benjamin Delessert (2010), l’ANSES (EST-2010/2/2007) et l’EFSD (programme 2011), par Brigitte Le Magueresse-Battistoni et Danielle Naville, 2 chercheurs qui travaillent dans l’équipe 1 de l’unité CarMeN animée par Hubert Vidal


[1] Ces produits s’accumulent au fil de la chaine alimentaire dans un processus appelé bioaccumulation et se retrouvent dans nos assiettes

[2] Ces produits se dégradent plus rapidement que les précédents mais, de par leur production intensive notamment dans l’industrie du plastique, ils sont omniprésents dans notre quotidien.

Un nouveau gène impliqué dans la dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale (FSHD)

Une publication dans le cadre des recherches sur la dystrophie musculaire facio-scapulo-humérale (FSHD), une des dystrophies musculaires les plus fréquentes, vient de paraître dans PLOS Genetics. L’équipe de Françoise Helmbacher de l’Institut de biologie du développement de Marseille (CNRS/ Aix-Marseille Université), soutenue par l’AFM-Téléthon en collaboration avec des chercheurs de l’Inserm, a identifié le gène FAT1 comme un nouvel acteur dans le développement des muscles et particulièrement chez les malades atteints de FSHD.

Le gène FAT1 permet la synthèse de la protocadhérine FAT1 qui est une protéine impliquée dans divers processus morphogénétiques. Ce gène agit dans les cellules musculaires en développement. Chez la souris, son ablation entraîne des défauts des muscles de la face et de la région des épaules, ainsi qu’une fonte musculaire précoce au stade adulte. En plus des anomalies musculaires, la dérégulation du gène FAT1 entraîne des défauts vasculaires dans la rétine et des malformations de l’oreille interne. L’ensemble de ces défauts ressemble fortement aux symptômes rencontrés dans la FSHD chez l’homme.

Myotubes humains en culture

© Inserm/UPMC/CNRS/AIM

Les chercheurs ont donc exploré le lien entre la FSHD et ce gène FAT1 chez l’Homme. Ils ont retrouvé une baisse significative du niveau d’expression du gène dans les muscles FSHD au stade fœtal et des anomalies de ce gène sont retrouvées plus fréquemment chez les patients FSHD que chez les personnes non atteintes. Cette association concerne non seulement la forme classique (FSHD1), attribuée à une anomalie sur le chromosome 4 impliquant un fonctionnement excessif du gène DUX4, mais aussi les cas de FSHD non associés à DUX4. Les chercheurs ont montré que le gène DUX4 est également capable d’exercer un effet de répression du gène FAT1 dans des cellules musculaires.

Ainsi, sous l’apparente complexité de cette maladie, ces découvertes placent le gène FAT1 comme un dénominateur commun des différents mécanismes génétiques responsables de la FSHD, et en conséquence comme une nouvelle cible thérapeutique. L’ablation sélective du gène FAT1 chez la souris représente un moyen unique de mimer fidèlement les symptômes de la FSHD chez l’homme. Ce modèle animal va permettre de renforcer les connaissances sur la pathogénèse de cette maladie.

L’étude a été menée par l’équipe de Françoise Helmbacher de l’Institut de biologie du développement de Marseille (CNRS/ Aix-Marseille Université), en collaboration avec le laboratoire de Nicolas Levy (Inserm/ Aix-Marseille Université UMR 910, La Timone, Marseille, équipe Marc Bartoli), avec les participations de Julie Dumonceaux (Institut de Myologie, Paris), de Flavio Maina (IBDM), Frederique Magdinier (Inserm UMR 910), et Linda Geng (Fred Hutchinson Cancer Research Center, USA).

La dystrophie facio-scapulo-humérale (FSHD) est une dystrophie musculaire héréditaire causée, dans sa forme majoritaire (la FSHD1), par une anomalie génétique portée par le chromosome 4 (4q35). Les premiers symptômes de la maladie peuvent apparaître à un âge très variable et se manifestent généralement par une atteinte musculaire de la face, des muscles de la région des épaules, puis des bras. La fonte musculaire se poursuit ensuite au niveau de la ceinture abdominale et des membres inférieurs. La prévalence de la maladie est de 1 cas pour 20 000 habitants (source : Orphanet), soit 3 000 personnes environ en France, ce qui en fait une des dystrophies les plus fréquentes.

Pesticides : Effets sur la santé, une expertise collective de l’Inserm

Depuis les années 1980, les enquêtes épidémiologiques ont évoqué l’implication des pesticides dans plusieurs pathologies chez des personnes exposées professionnellement à ces substances, en particulier des pathologies cancéreuses, des maladies neurologiques et des troubles de la reproduction. Ces enquêtes ont également attiré l’attention sur les effets éventuels d’une exposition même à faible intensité lors de périodes sensibles du développement (in utero et pendant l’enfance).

Dans ce contexte, la DGS a sollicité l’Inserm pour effectuer un bilan de la littérature scientifique permettant de fournir des arguments sur les risques sanitaires associés à l’exposition professionnelle aux pesticides, en particulier en secteur agricole et sur les effets d’une exposition précoce chez le fœtus et les jeunes enfants.

Pour répondre à cette demande, l’Inserm s’est appuyé sur un groupe pluridisciplinaire d’experts constitué d’épidémiologistes spécialistes en santé-environnement ou en santé au travail et de biologistes spécialistes de la toxicologie cellulaire et moléculaire.

D’après les données de la littérature scientifique internationale publiées au cours des 30 dernières années et analysées par ces experts, 

il semble exister une association positive entre exposition professionnelle à des pesticides et certaines pathologies chez l’adulte: la maladie de Parkinson, le cancer de la prostate et certains cancers hématopoïétiques (lymphome non Hodgkinien, myélomes multiples).

Par ailleurs, les expositions aux pesticides intervenant au cours de la période prénatale et périnatale ainsi que la petite enfance semblent être particulièrement à risque pour le développement de l’enfant.

tracteur pesticides © Fotolia

Pesticides : définitions, usages et voies d’exposition

Du latin, Pestis (fléau) et Caedere (tuer), le terme pesticide regroupe de nombreuses substances très variées agissant sur des organismes vivants (insectes, vertébrés, vers, plantes, champignons, bactéries) pour les détruire, les contrôler ou les repousser.

Il existe une très grande hétérogénéité de pesticides (environ 1 000 substances actives ont déjà été mises sur le marché, entre hier et aujourd’hui, actuellement 309 substances phytopharmaceutiques sont autorisées en France). Ils divergent selon leurs cibles, leurs modes d’actions, leurs classe chimiques ou encore leur persistance dans l’environnement.

–  Cibles : on distingue les herbicides, les fongicides, les insecticides…

– Il existe près de 100 familles chimiques de pesticides : organophosphorés, organochlorés, carbamates, pyréthrinoïdes, triazines…

– Il existe près de 10 000 formulations commerciales composées de la matière active et d’adjuvants et qui se présentent sous différentes formes (liquides, solides : granulés, poudres,…..).

– La rémanence des pesticides dans l’environnement peut varier de quelques heures ou jours à plusieurs années. Ils sont transformés ou dégradés en nombreux métabolites. Certains, comme les organochlorés persistent pendant des années dans l’environnement et se retrouvent dans la chaine alimentaire.

Dans l’expertise, le terme pesticide représente l’ensemble des substances actives, indépendamment des définitions réglementaires.

Des pesticides pour quels usages ?

En France, peu de données quantitatives par type d’usages sont accessibles. La majeure partie des tonnages (90%) est utilisée pour les besoins de l’agriculture, mais d’autres secteurs professionnels sont concernés : entretiens des voiries, jardins et parcs ; secteur industriel (fabrication, traitement du bois,…) ; usage en santé humaine et vétérinaire, lutte anti-vectorielle (moustique), dératisations…Il faut ajouter à cette liste les usages domestiques (plantes, animaux, désinsectisation, jardinage, bois).

En France, les fongicides représentent près de la moitié des tonnages. 80% des tonnages de pesticides sont utilisés pour un traitement des céréales à paille, maïs, colza, vigne. Les plus vendus ont comme principe actif le soufre ou le glyphosate.

Les sources d’exposition :

Les pesticides sont présents partout dans l’environnement. On peut les trouver dans l’air (air extérieur et intérieur, poussières), l’eau (souterraines, de surface, littoral, …), le sol, et les denrées alimentaires (y compris certaines eaux de consommation).

En milieu professionnel, la voie cutanée représente la principale voie d’exposition (environ 80%). L’exposition par voie respiratoire existe lors de circonstances particulières d’application (fumigation, utilisation en milieu fermé). L’exposition peut se produire à différents moments : manutention, préparation, application, nettoyage, ré-entrées (tâches effectuées dans des zones traitées), mais les plus exposantes sont la préparation des bouillies ou mélanges et les tâches de ré-entrées. En population générale, la voie orale est souvent considérée comme la principale voie d’exposition à travers l’alimentation.

Pesticides et cancers

L’expertise collective a ciblé 8 localisations de cancer : 4 cancers hématopoïétiques, ainsi que les cancers de la prostate, du testicule, les tumeurs cérébrales et les mélanomes. La plupart de ces localisations avaient été identifiées dans des méta-analyses antérieures comme potentiellement associées à une exposition aux pesticides, généralement sans distinction sur les matières actives incriminées.

  • Cancer de la prostate

D’après les données de la littérature, une augmentation du risque existe chez les agriculteurs, les ouvriers d’usines de production de pesticides et les populations rurales (entre 12 et 28% selon les populations). Quelques matières actives ont été spécifiquement documentées, en population générale : chlordécone ; en population professionnelle : carbofuran, coumaphos, fonofos, perméthrine. Toutes sont actuellement interdites d’usage. Pour certaines d’entre elles, un excès de risque est observé uniquement chez les agriculteurs ayant des antécédents familiaux de cancer de la prostate.

  • Cancers hématopoïétiques

D’après les données de la littérature, une augmentation de risque de lymphomes non hodgkinien et de myélomes multiples existe chez les professionnels exposés aux pesticides du secteur agricole et non agricole. Les pesticides organophosphorés et certains organochlorés (lindane, DDT) sont suspectés. Bien que les résultats soient moins convergents, un excès de risque de leucémies ne peut être écarté.

Concernant les autres localisations cancéreuses étudiées, l’analyse de l’ensemble des études reste difficile. Plusieurs raisons peuvent être évoquées : une incidence faible (cancer du testicule, tumeurs du cerveau et maladie de Hodgkin) ou l’existence d’un facteur de confusion important (comme par exemple, l’exposition aux ultras violets de la population agricole, facteur de risque reconnu pour le mélanome).

Pesticides et maladies neurodégénératives

L’expertise collective s’est intéressée a 3 maladies neurodégénératives, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer et la sclérose latérale amyotrophique, ainsi qu’aux troubles cognitifs, qui pourraient prédire ou accompagner certaines pathologies neuro-dégénératives.

  •  Maladie de Parkinson

Une augmentation du risque de développer une maladie de Parkinson a été observée chez les personnes exposées professionnellement aux pesticides. Un lien a pu être mis en évidence notamment lors d’une exposition aux insecticides et herbicides. L’association avec les fongicides n’a, à ce jour, pas été mise en évidence mais le nombre d’études est nettement moins important.

Pour les autres maladies neurodégénératives, les résultats sont plus contrastés. Par exemple, dans le cas de la maladie d’Alzheimer, les résultats des études de cohortes sont convergents pour révéler un excès de risque quand les études cas-témoins sont peu robustes. Quant à la sclérose latérale amyotrophique, trop peu d’études sont disponibles pour conclure.

Par ailleurs, plusieurs revues et une méta-analyse récente concluent à un effet délétère des expositions professionnelles aux pesticides notamment aux organophosphorés sur le fonctionnement cognitif. Cet effet serait plus clair en cas d’antécédents d’intoxication aigue.

 

Effets sur la grossesse et le développement de l’enfant

Il existe maintenant de nombreuses études épidémiologiques suggérant un lien entre l’exposition prénatale aux pesticides et le développement de l’enfant, à court et moyen terme.

  • Conséquences des expositions professionnelles en période prénatale

La littérature suggère une augmentation significative du risque de morts fœtales (fausses-couches) ainsi qu’une augmentation du risque de malformations congénitales lors d’une exposition professionnelle maternelle aux pesticides. D’autres études pointent une atteinte de la motricité fine et de l’acuité visuelle ou encore de la mémoire récente lors du développement de l’enfant. Enfin, une augmentation significative du risque de leucémie et de tumeurs cérébrales a été mise en évidence dans les méta- analyses récentes.

  •  Conséquences des expositions résidentielles en période prénatale (voisinage ou usage domestique)

Plusieurs études cas-témoins et de cohortes montrent une augmentation du risque de malformations congénitales chez les enfants des femmes vivant au voisinage d’une zone agricole ou liée aux usages domestiques de pesticides (malformations cardiaques, du tube neural, hypospadias).

Une diminution du poids de naissance, des atteintes neurodéveloppementales et une augmentation significative du risque de leucémie sont également rapportées.

Pesticides et fertilité

Le lien entre certains pesticides (notamment le dibromochloropropane), qui ne sont plus utilisés, et des atteintes de la fertilité masculine a été clairement établi mais de nombreuses incertitudes subsistent en ce qui concerne les pesticides actuellement employés.

Le lien entre pesticides et infertilité chez la femme est mal connu et mériterait d’être mieux étudié.

Mécanismes biologiques

La littérature ne permet pas actuellement d’identifier avec précision les mécanismes cellulaires et moléculaires mis en jeu dans les pathologies potentiellement associées à une exposition à certains pesticides. Toutefois, certains modes d’action des substances soutiennent les données épidémiologiques. Le stress oxydant semble par exemple jouer un rôle majeur, comme  dans la maladie de Parkinson. Des dommages à l’ADN ou des perturbations de certaines voies de signalisation pouvant conduire à une dérégulation de la prolifération ou de la mort cellulaire, ou des altérations du système immunitaire sont autant de mécanismes susceptibles de sous tendre les effets des pesticides sur la santé.

 La question des mélanges de pesticides 

Les populations sont exposées de façon permanente et à faible dose aux pesticides et à de nombreuses autres substances contaminant l’environnement. Ces mélanges de pesticides et autres substances pourraient donner lieu à des impacts sanitaires difficilement prévisibles actuellement, ce qui fait de la question des mélanges et des faibles doses un des enjeux importants de la recherche et de l’évaluation des dangers.

Les experts rappellent que «ne pas être en mesure de conclure ne veut pas dire obligatoirement qu’il n’y a pas de risque».

Si certaines substances sont mises en cause, c’est qu’elles ont été plus souvent  étudiées que d’autres (en particulier dans le contexte des États-Unis) ; de nombreuses substances actives n’ont pas fait l’objet d’études épidémiologiques.

Recommandations

Les recommandations soulignent la nécessité d’une meilleure connaissance des données d’exposition anciennes et actuelles de la population professionnelle exposée aux pesticides directement ou indirectement.

Les recommandations attirent également l’attention sur des périodes critiques d’exposition (périodes de développement) aussi bien en milieu professionnel qu’en population générale.

Des recherches pluri- et trans-disciplinaire doivent être soutenues pour permettre une caractérisation plus rapide des dangers potentiels des substances actives de pesticides.

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Une exposition précoce au bisphénol A altèrerait l’émail des dents

Les dents seraient-elles les nouvelles victimes du Bisphénol A ? Oui, selon les conclusions des travaux de l’équipe de chercheurs dirigés par Ariane Berdal de l’Université Paris-Diderot et Sylvie Babajko, directrice de recherche Inserm au sein de l’Unité Inserm 872 « Centre des cordeliers ». Les chercheurs ont montré que les dents de rats traités avec de faibles doses journalières de BPA pouvaient être altérées. L’analyse de ces altérations montre de nombreuses caractéristiques communes avec une pathologie de l’émail des dents récemment décrite et affectant environ 18% des enfants de 6 à 8 ans.

Ces résultats sont publiés dans American Journal of Pathology

Le bisphénol A (BPA) est un composé chimique qui entre dans la composition de plastiques et de résines. Il est utilisé par exemple dans la fabrication de récipients alimentaires tels que les bouteilles et biberons. On le retrouve également dans les films de protection à l’intérieur des canettes et des boîtes de conserves ou encore sur les tickets de caisse où il est utilisé comme révélateur. Des taux significatifs de BPA ont d’ailleurs été retrouvés dans le sang, les urines, le liquide amniotique et le placenta humains. De récentes études ont montré que ce composé industriel induit des effets néfastes sur la reproduction, le développement et le métabolisme d’animaux de laboratoire. Il est fortement suspecté d’avoir les mêmes conséquences sur l’homme.

Par mesure de précaution, la fabrication et la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A sont interdites depuis janvier 2011 en Europe. Cette interdiction s’étendra à tous les contenants alimentaires à partir de juillet 2015 en France.

Dans cette étude, la dent vient s’ajouter à la liste déjà longue des cibles du BPA.

Les chercheurs de l’Inserm ont montré que les incisives de rats traités avec de faibles doses journalières (5 microgrammes/kg/jour) de BPA pouvaient être altérées

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Cet effet est observé dans une fenêtre de développement qui ne dépasse pas 30 jours post-natals chez le rat traduisant une fenêtre de sensibilité à l’exposition.

L’analyse de ces dents montre de nombreuses caractéristiques communes avec une pathologie de l’émail appelée MIH (Molar Incisor Hypomineralization) qui affecte sélectivement les premières molaires et incisives permanentes. Cette pathologie de l’émail est retrouvée chez environ 18% des enfants de 6 à 8 ans. Les enfants atteints par cette pathologie présentent des dents hypersensibles à la douleur et susceptibles aux caries. Il est intéressant de remarquer que la période de formation de ces dents (premières années de la vie) correspond à celle où l’individu est le plus susceptible au bisphenol A.

Des premières observations de chercheurs faisaient états de « taches blanches » sur les incisives des rats traités avec des perturbateurs endocriniens dont le bisphénol A (BPA). Les chercheurs ont décidé de définir les caractéristiques des incisives de rats traités avec du BPA à faible dose, et de les comparer à celles des dents humaines atteintes de MIH.

L’observation macroscopique des taches sur les deux séries de dents montre des similitudes, notamment un émail fragile et fracturé.

Au niveau microscopique, l’analyse de l’émail a montré une diminution significative du rapport Calcium/Phosphore  et Calcium/Carbone dans les dents atteintes. Ceci se traduit par une baisse de la quantité de minéral rendant les dents plus fragiles et susceptibles aux caries.

Enfin, l’analyse des protéines présentes dans la matrice des dents de rats a montré l’augmentation de la quantité d’énaméline une protéine clé de l’émail en formation, et l’accumulation d’albumine traduisant une hypominéralisation. L’analyse de l’expression des gènes clés de l’émail a permis de mettre en évidence deux gènes cibles du BPA : l’énaméline et la kallicréine 4.

Pour Sylvie Babajko, dernier auteur de cet article « Dans la mesure où le BPA aurait le même mécanisme d’action chez le rat et chez l’homme, il pourrait être un agent causal du MIH ». La dent pourrait donc être utilisée comme marqueur précoce d’exposition aux perturbateurs endocriniens agissant comme le BPA et aiderait ainsi à dépister des pathologies lourdes apparaissant plusieurs années après. »

dents enfants

© Fotolia

Santé en questions : la drépanocytose, les voies de la guérison

Bandeau santé en question

L’Inserm et Universcience vous invitent à la conférence Santé en questions le mercredi 19 juin à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris à 19h, en présence de Monsieur Victorin Lurel, ministre des Outre-mer, et de Madame Claudie Haigneré, Présidente d’Universcience,

en duplex avec l’Université des Antilles et de la Guyane à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe* à 13h, et en présence du Professeur André Syrota Président-directeur général de l’Inserm.

Drépanocytose : les voies de la guérison

La drépanocytose, ou anémie falciforme, est une maladie génétique causée par la mutation d’un gène de l’hémoglobine. Il en résulte des douleurs très vives et des complications qui peuvent être mortelles ou responsables de  handicaps. Quels sont aujourd’hui les moyens de lutte contre cette maladie ? La thérapie génique est-elle un réel espoir ?

Autant de questions autour desquelles débattra le public avec les interventions de :

  • Pr Robert Girot, centre de la Drépanocytose Hôpital Tenon et Centre de Dépistage et d’Information pour la Drépanocytose (CIDD) à Paris
  • Pr Mariane de Montalembert, présidente du Réseau Ouest Francilien de Soins des Enfants Drépanocytaires (ROFSED) et pédiatre à l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris
  • Alice Thorinius-Rivière, présidente de l’association « Drépano Doubout » en Guadeloupe
  • Marc Romana, chercheur Inserm, biologiste moléculaire au CHU de Pointe-à-Pitre en Guadeloupe

Venez participer à ce moment d’échanges entre le public, la société civile et les scientifiques.

Un débat animé par Jean-Philippe Braly, journaliste pour le magazine « La Recherche ».

Entrée gratuite. Pour y assister :

  • à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris : rf.ecneicsrevinu@secnerefnoc
  • à l’Université de Pointe-à-Pitre, campus de Fouillole (amphithéâtre Guy Mérault) : entrée libre

*Sous le haut patronage du Ministère des Outre-mer

Cancers du rein, mélanomes de l’œil et mésothéliomes : un gène de prédisposition en commun

Une famille avec de nombreux cancers inexpliqués révèle que certaines prédispositions aux cancers du rein sont liées à des mutations du gène BAP1. Porté sur le chromosome 3, ce gène était déjà connu pour prédisposer à des cancers oculaires (mélanome uvéal) et de la plèvre (mésothéliome). Ces travaux réalisés par Marc-Henri Stern du laboratoire Génétique et Biologie des Cancers (Institut Curie/Inserm U830) en coordination avec le Pr Dominique Stoppa-Lyonnet (Institut Curie/Service de Génétique) sont publiés dans American Journal of Human Genetics en date du 6 juin 2013.

Tout est parti d’une famille présentant une histoire inhabituelle et inexpliquée, avec de multiples cas de cancers très divers chez des personnes jeunes. L’un de ses membres avait notamment développé successivement plusieurs atteintes du sein et du rein. Suivi de longue date par l’équipe du Service de Génétique de l’Institut Curie, aucune altération de gène classique de prédisposition à ces cancers n’avait été décelée. Le décryptage de son génome vient lever le mystère en révélant une mutation sur le gène BAP1 porté par le chromosome 3. 

“Rien dans la clinique ne nous orientait vers ce gène qui était connu pour prédisposer à des mésothéliomes et des mélanomes de l’œil” indique Marc-Henri Stern, chef de l’équipe Génétique et biologie des cancers du sein héréditaires (Institut Curie/Inserm U830) et coordinateur de l’étude.

Ce résultat a été confirmé par l’analyse des tumeurs rénales : dans des cellules malignes, seule la copie mutée, et donc non fonctionnelle, du gène BAP1 a été retrouvée. « Il arrive que certaines cellules perdent un chromosome. Si les cellules ont au départ deux bonnes copies du gène en question, cette perte n’est pas grave : la protéine peut toujours être fabriquée à partir de l’autre chromosome. Mais si les cellules ont une bonne et une mauvaise copies – ce qui est le cas lorsque l’on hérite d’une mutation transmise par l’un de ses parents –, il n’y a plus de bouée de secours. La perte du seul chromosome fonctionnel entraîne l’inactivation complète du gène dans la cellule : la protéine BAP1 ne peut alors être fabriquée ! » explique le chercheur. Or, la fonction la plus probable de la protéine BAP1 serait de faire partie d’un complexe qui modifie l’expression des gènes. Elle bloquerait, par un mécanisme inconnu à ce jour, la prolifération tumorale.

Les équipes de l’Institut Curie ne sont pas arrêtées là. Grâce à une collaboration avec l’équipe de Brigitte Bresac-de Paillerets (Institut de cancérologie Gustave Roussy) et le laboratoire de Nadem Soufir (hôpital Saint-Louis/Inserm/université Paris7 et de l’hôpital Bichat/AP-HP), elles ont constitué la série la plus importante de familles avec un syndrome BAP1, un syndrome extrêmement rare. Elle a révélé que 6 des 11 familles comportaient un nombre anormalement élevé de cancers du rein. L’analyse génétique réalisée sur les tumeurs de 4 des 9 personnes atteintes a confirmé l’inactivation du gène BAP1 dans les cellules malignes.

« Pour toutes ces familles, outre une surveillance ophtalmologique précoce, il est essentiel de mettre en place une surveillance rénale qui doit débuter dès l’âge de 25 ans. Ces cancers ont une meilleure chance de guérison s’ils sont détectés tôt » conclut Marc-Henri Stern.

Cancers du rein

En France, le cancer du rein représente environ 3 % de l’ensemble des cancers, avec 11 090 nouveaux cas en 2011, selon l’Institut National de Veille Sanitaire. De 2 à 3 % des cancers du rein sont liés à une prédisposition génétique, notamment  – pour trois quarts d’entre eux –   à une mutation du gène VHL, le gène associé au syndrome von Hippel Lindau.

Source : Les traitements du cancer du rein, INCa, mars 2013

Les promesses de l’optogénétique pour aider à mieux traiter les TOC

Grâce à un travail mené au Massachusetts Institute of Technology de Boston, Eric Burguière, chercheur à l’Inserm au sein du centre de recherche de l’ICM et ses collaborateurs ont réussi à réduire le comportement compulsif de souris à l’aide de l’optogénétique, une technique alliant stimulation lumineuse et génie génétique. En stimulant par la lumière des neurones bien spécifiques dans le cerveau, les chercheurs ont rétabli un comportement normal chez des souris présentant à l’origine des comportements répétitifs pathologiques comparables à ceux observés chez les patients atteints de TOC.

Ces résultats sont publiés dans la revue Science le 7 juin 2013

Les comportements répétitifs sont caractéristiques d’un certain nombre de maladies neuropsychiatriques, notamment dans le TOC où ils peuvent se développer de manière compulsive au point de devenir un véritable handicap pour la vie quotidienne (se laver les mains jusqu’à 30 fois par jour, vérifier à l’excès qu’une porte est bien verrouillée etc.). Le TOC touche 2-3% de la population et en France on estime que plus d’un million de personnes sont atteintes de ce trouble.

Le traitement habituel du TOC consiste à utiliser des traitements pharmacologiques (antidépresseurs, neuroleptiques) et/ou des psychothérapies comportementales. Toutefois malgré ces combinaisons thérapeutiques, des symptômes sévères persistent chez environ un tiers des patients. Il est donc nécessaire de mieux comprendre les mécanismes cérébraux qui sont à l’origine de ces comportements répétitifs pour mieux pouvoir les traiter.

De précédentes études en neuroimagerie ont permis d’identifier chez les personnes atteintes de TOC, des dysfonctionnements dans des circuits de neurones situés entre l’avant du cerveau (cortex orbitofrontal) et des structures cérébrales plus profondes (les ganglions de la base).

Dans cette nouvelle étude, Eric Burguière et ses collaborateurs (au laboratoire du Pr. Ann Graybiel au MIT) ont concentré leurs recherches sur ce circuit de neurones pour, à la fois examiner sa fonction en détail et développer une approche pour traiter les comportements compulsifs chez un modèle mutant de souris.

 Chez ces souris mutantes, les comportements compulsifs se traduisent  par des toilettages répétés tout au long de la journée pouvant déclencher des lésions cutanées.

 D’un point de vue physiologique, ces animaux n’expriment pas une protéine (du a l’absence du gène Sapap3) normalement présente dans les synapses des neurones du striatum, une structure faisant partie des ganglions de la base et associée à des fonctions telles que l’apprentissage de séquences, l’émergence d’habitudes, ou encore la prise de décision.

Grâce à ce modèle de souris, des premières observations ont permis aux chercheurs de montrer que l’émergence des compulsions chez les souris mutantes était due à un déficit d’inhibition comportementale. Les souris ne peuvent pas réprimer l’action de toilettage même lorsque cela n’est pas nécessaire. Ils ont ensuite pu montrer, grâce a des enregistrements de l’activité des neurones, que la défaillance de communication dans le cerveau entre le néocortex et le striatum conduit à une hyperactivité des neurones du striatum chez ces souris.

L’apport de la lumière

 Pour vérifier cette hypothèse, ils ont eu recours à l’optogénétique. Cette méthode consiste à modifier les neurones précédemment identifiés pour leur faire exprimer des protéines sensibles à la lumière, appelées opsines. Grâce à cette sensibilité accrue des cellules neuronales à la lumière, il devient possible de contrôler leur activité en les excitants ou au contraire en les inhibant via un simple faisceau lumineux.

Lorsque les chercheurs ont excité par stimulations lumineuses les neurones du cortex qui envoient des messages vers le striatum, les comportements compulsifs des souris ont été largement atténués. En revanche, en dehors de ces périodes de stimulation, les comportements compulsifs réapparaissaient.

« Nos découvertes montrent que la stimulation sélective du circuit peut rétablir un comportement normal chez des souris présentant à l’origine des comportements répétitifs pathologiques et qui ressemblent à des comportements observés chez certains patients atteints de TOC » précise Eric Burguière.

Cette étude est prometteuse d’un point de vue méthodologique car elle montre que l’approche avec la technique d’optogénétique pourra permettre d’identifier le rôle de circuiteries neuronales du cerveau qui, si elles sont dysfonctionnelles, peuvent provoquer des comportements pathologiques.

Pour le chercheur, cette étude est également intéressante du point de vue des perspectives cliniques. « J’ai effectivement choisi d’effectuer mon retour en France dans une équipe de l’Inserm[1] pour étudier en parallèle les effets physiologiques et comportementaux de stimulation cérébrale profonde chez des patients souffrant de TOCs, et chez des souris avec la technique d’optogénétique, et ce, afin de mieux comprendre l’effet de ces stimulations.

souris optognétique

©K. Deisseroth, Stanford University

L’optogénétique : une technique récente pleine de promesses

Née au milieu des années 2000, l’optogénétique est une technique qui combine les apports de l’optique et du génie génétique. Elle consiste à modifier génétiquement certaines cellules neuronales pour les rendre sensibles à la lumière. Le but ? Activer ou inhiber à distance une sous population neuronale précise grâce à un rayon de lumière ; et sans affecter les cellules voisines contrairement à la stimulation électrique. L’intérêt ? Étudier les relations causales entre l’activité de voies cérébrales ciblées et les comportements qu’elles contrôlent.


[1] (Equipe BEBG dirigée par le Dr. Luc Mallet à l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière) grâce à une aide apportée par la fondation FondaMental.

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