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Une molécule contre la douleur découverte à l’état naturel en Afrique

Une équipe de recherche dirigée par Michel De Waard, directeur de recherche à l’Inserm au sein du Grenoble Institut des neurosciences (Inserm, Université Joseph Fourier, CNRS) à Grenoble, a découvert qu’une plante médicinale africaine produisait des quantités importantes de molécules antidouleur. Plus surprenant, après analyse, la molécule s’est avérée identique au Tramadol, un médicament de pure synthèse très largement utilisé comme analgésique dans le monde entier. D’après les chercheurs, c’est la première fois qu’un médicament de synthèse issu de l’industrie pharmaceutique est découvert à forte concentration dans une source naturelle. Cette découverte inédite vient d’être publiée dans le journal de chimie, Angewandte Chemie

Nauclea latifolia est un petit arbuste (aussi appelé pêcher africain) abondamment répandue dans toute l’Afrique sub-saharienne. En médecine traditionnelle, notamment au Cameroun, cette plante est utilisée dans le traitement de différentes pathologies incluant l’épilepsie, la fièvre, le paludisme et la douleur.

Afin d’identifier la présence et la nature de potentielles substances actives au sein de cette plante, Michel De Waard directeur de recherche à l’Inserm a initié une collaboration scientifique entre le Grenoble Institut des Neurosciences (Unité Inserm 836 UJF/CEA/CHU), le Département de Pharmacochimie Moléculaire (UMR UJF/CNRS 5063, Pr. Ahcène Boumendjel) et l’Université de Buea (Dr. Germain Sotoing Taiwe).

Grâce à leurs travaux, les chercheurs ont réussi à isoler et caractériser le composant responsable des effets anti-douleurs présumés de la plante à partir d’un extrait d’écorce de racines. A la surprise générale, ce composant existait déjà dans le commerce sous une forme synthétique : le tramadol.

Le plus surprenant pour nous a été de constater que cette molécule ne nous était pas inconnue. Elle était identique au Tramadol, un médicament de synthèse mis au point dans les années 1970 et utilisé couramment dans le traitement de la douleur, explique Michel De Waard, directeur de recherche à l’Inserm. Ce traitement est utilisé dans le monde entier car ses effets secondaires, notamment de dépendance, sont moins prononcés que ceux de la morphine dont il est dérivé, ajoute-t-il.

Le Tramadol[1] est en réalité une forme simplifiée de la morphine qui conserve les éléments indispensables aux effets analgésiques.

structure tramadol vs morphine

structure tramadol versus structure de la morphine

Pour confirmer leurs résultats, les chercheurs ont testé différents procédés pour prouver l’authenticité de cette origine naturelle. Leurs analyses ont par ailleurs été confirmées par trois laboratoires indépendants ayant reçus différents échantillons à différentes périodes de l’année.

« Tous les résultats convergent et confirment la présence de Tramadol dans l’écorce des racines de Nauclea latifolia. A l’inverse aucune trace de la molécule n’a pu être détectée dans la partie aérienne de l’arbuste (feuilles, tronc et branches) » explique le chercheur. Enfin, pour exclure la possibilité d’une contamination non intentionnelle des échantillons par du tramadol de synthèse, les chercheurs ont prélevé des échantillons à l’intérieur même des racines et ont pu confirmer la présence de la molécule.

D’un point de vue quantitatif, la concentration de tramadol dans les extraits d’écorce séchée est de 0,4 % et de 3,9 % soit des niveaux très élevés de principe actif.

Au-delà de l’aspect inédit de cette découverte (premier cas potentiellement exploitable d’un médicament de synthèse de l’industrie pharmaceutique découverte dans une source naturelle et dans des proportions si élevées), ce résultat majeur ouvre des perspectives aux populations locales pour accéder à une source de traitement de bon marché et valide les concepts de médecine traditionnelle (sous forme de décoction d’écorces de racines).

« Il existe plus de 10 espèces différentes de cet arbuste en Afrique, nous pourrions imaginer refaire les mêmes tests afin de déterminer la présence ou non de Tramadol selon les espèces. » conclut Michel De Waard.

Par ailleurs, cette étude permet d’effectuer une mise en garde contre les risques de pharmacodépendance liés à la surconsommation des racines de cette plante. En effet, le Tramadol est à classer dans la catégorie des opiacés au même titre que la morphine dont il est dérivé.

plant de citronnier


[1] Aucun médicament n’est dépourvu de risque et tous ont des effets secondaires dont certains potentiellement nocifs. Il est impossible de prédire avec une certitude absolue les effets de n’importe quel traitement avec un médicament. Tous les médicaments ont à la fois des effets bénéfiques et un risque de nocivité. On peut réduire au maximum ce risque en veillant à ce que les médicaments prescrits aient la qualité requise, soient sûrs, efficaces et utilisés par le bon patient, à la posologie et au moment voulus. Source OMS

Nanisme : une piste pour restaurer la croissance osseuse

La forme la plus commune de nanisme, l’achondroplasie, touche environ un enfant sur 15 000 naissances1. Elvire Gouze, chargée de recherche à l’Inserm et ses collaborateurs de l’Unité Inserm 1065 « Centre méditerranéen de médecine moléculaire » à Nice, sont parvenus à restaurer la croissance osseuse de souris atteintes de cette pathologie du développement. Les chercheurs ont établi la preuve de concept d’un traitement basé sur l’injection d’un facteur de croissance humain, particulièrement prometteur, qui rétablit le processus de croissance des os longs. Il en résulte une baisse de la mortalité chez les souris traitées et l’absence de complications associées à la maladie. Aucune toxicité apparente n’a été observée à court terme.
Ces résultats sont publiés dans la revue Science Translational Medicine datée du 18 septembre.

Elvire Gouze

©Gouze/Inserm – Stéphanie Garcia et Elvire Gouze au sein du laboratoire 1065 « Centre méditerranéen de médecine moléculaire » à Nice

L’achondroplasie est une maladie génétique rare caractérisée par un développement osseux anormal. Les personnes atteintes de ce défaut de croissance, qui touche les os des membres inférieurs et supérieurs ainsi que certains os du crâne, sont de petite taille, n’excédant pas les 135 cm environ à l’âge adulte. Dans les cas plus sévères, des déformations du crâne et des vertèbres peuvent aboutir à des complications neurologiques et/ou orthopédiques. L’origine de cette pathologie est la mutation du gène FGFR3 (Fibroblast growth factor 3). La protéine issue de ce gène est un récepteur connu pour son rôle dans la régulation de la croissance des os. En temps normal, la croissance est permise uniquement par un mécanisme subtil au cours duquel le facteur de croissance FGF se fixe au récepteur FGFR3 et s’en détache. Dans le cas de l’achondroplasie, la perturbation du couple récepteur/facteur de croissance empêche la croissance des os de façon constante.

Une nouvelle stratégie pour restaurer la croissance osseuse
Dans cette étude, les chercheurs de l’Inserm et de l’université de Nice Sophia Antipolis ont trouvé un moyen de prévenir l’activation constante de la protéine. Ils ont mis en place une nouvelle stratégie qui consiste à utiliser un leurre, des récepteurs FGFR3 humains solubles fonctionnels injectés chez des souris atteintes de la maladie, pour rétablir l’équilibre nécessaire entre l’activation et l’inhibition de la croissance des os.


Les souris atteintes de nanisme ont reçu pendant 3 semaines, période où elles sont en pleine croissance, 2 injections par semaine de la solution contenant les récepteurs FGFR3 solubles. Grâce à ces récepteurs normaux supplémentaires, le facteur de croissance se fixe et se détache normalement, rétablissant la croissance des os.

Les souris mutées grandissent alors normalement et atteigne la taille adulte moyenne. Les chercheurs ont ensuite suivi les souris pendant 8 mois après l’arrêt du traitement pour s’assurer qu’il n’y avait pas de signes de toxicité du traitement. Grâce à cette surveillance, ils ont par exemple constaté que l’augmentation de la taille du bassin permet une reproduction avec des portées identiques aux souris non atteintes de la pathologie.

« De façon surprenante, notre stratégie prévient les complications les plus sévères observées chez les souris (baisse de la mortalité, problèmes respiratoires…). De ce fait, on pourrait penser que le traitement pourrait permettre par simple injection, d’éviter la chirurgie chez des enfants atteints de la pathologie » explique Elvire Gouze, chargée de recherche à l’Inserm.

Prévenir le développement de l’achondroplasie

Actuellement, aucun traitement n’a fait ses preuves pour prévenir le développement de la maladie même si certains ont été testés comme l’injection d’hormone de croissance ou l’allongement chirurgical des os, sans résultats probants.
« Le produit que nous avons testé dispose d’atouts majeurs par rapport à ceux testés dans d’autres études en cours: sa durée de vie dans l’organisme est suffisamment longue pour ne pas nécessiter d’injections quotidiennes. Nous pensons que notre approche pourrait être efficace pour traiter les enfants atteints d’achondroplasie et peut être d’autres formes de nanisme » souligne la chercheuse, principal auteur de l’étude.

Les chercheurs vont désormais s’attacher à vérifier l’absence d’effets toxiques à long terme. Avant d’entreprendre des études cliniques chez l’Homme, ils devront également trouver la dose minimale pour laquelle le traitement est efficace et celle où il devient toxique. Une des pistes à explorer serait aussi de savoir s’il est possible de démarrer plus tardivement le traitement ce qui élargirait le nombre de personnes qui pourraient en bénéficier.

1 Source : Orphanet Achondroplasie

Mucoviscidose : découverte de deux molécules à fort potentiel thérapeutique

crédit photo : © Inserm/ E. Puchelle

La mucoviscidose est une maladie génétique létale qui touche en France 1 enfant pour 4500 naissances. Une équipe internationale menée par des chercheurs de l’Institut fédératif de recherche Necker-Enfants malades (CNRS/Inserm/Université Paris Descartes)1, sous la direction d’Aleksander Edelman, vient de découvrir deux nouvelles molécules qui pourraient traiter les patients porteurs de la mutation la plus fréquente. À l’aide d’un criblage virtuel et d’expérimentations sur des souris et des cellules humaines en culture, les chercheurs ont pu sélectionner, parmi 200 000 molécules, deux composés permettant à la protéine mutée responsable de la maladie de se déployer et de remplir sa fonction. Ces résultats ont été récemment publiés en ligne dans la revue EMBO Molecular Medicine.


La mucoviscidose est une maladie génétique qui touche les épithéliums2  de nombreux organes, en particulier ceux des poumons, du pancréas et de l’intestin. Dans les poumons, elle se manifeste par une hydratation insuffisante de l’épithélium qui débouche sur une surabondance de mucus dans les bronches. Ce mucus retient les agents pathogènes et favorise des infections et des inflammations chroniques qui finissent par être mortelles pour les personnes atteintes.

La maladie est causée par des mutations dans le gène codant pour une protéine appelée CFTR (cystic fibrosis transmembrane conductance regulator). Cette protéine, essentielle pour le passage de l’eau à travers les épithéliums, est un canal ionique qui permet le passage d’ions chlorure à travers la membrane des cellules. Actuellement, environ 2000 mutations du gène conduisant à la maladie sont connues. Néanmoins, 70% des cas de mucoviscidose sont dus à une seule mutation appelée ΔF508. C’est cette mutation que ciblent les molécules qui viennent d’être découvertes.

Les chercheurs ont réalisé un criblage informatique sur 200 000 molécules, recherchant celles qui pourraient interagir avec une zone spécifique de la protéine anormale. Ils ont ainsi trouvé une douzaine de molécules potentiellement actives. Avec ces 12 molécules, ils ont réalisé des tests in-vitro sur des cultures de cellules humaines, et in-vivo sur des souris présentant cette mutation. Ils ont ainsi observé que deux de ces molécules permettent à la protéine mutée ΔF508-CFTR d’être acheminée à la membrane et de remplir son rôle.

Point fort de ce travail, les chercheurs ont décrit le mécanisme d’action de ces deux molécules. En soi, la protéine ΔF508-CFTR, malgré sa mutation, pourrait remplir de façon satisfaisante sa fonction. Le problème est qu’une fois synthétisée, elle est reconnue comme anormale par une autre protéine, la kératine 8, qui favorise sa dégradation. Ainsi, ΔF508-CFTR n’atteint pas la membrane cellulaire. Les molécules découvertes par les chercheurs font obstacle à l’interaction entre la kératine 8 et ΔF508-CFTR. Ainsi, la protéine peut se déployer convenablement et remplir son rôle de canal ionique. Les chercheurs pensent que, dans le cadre d’un éventuel traitement, les deux composés découverts pourraient être associés à des molécules « potentiatrices », qui permettent d’augmenter l’activité de ΔF508-CFTR.

À présent, les chercheurs veulent savoir si, chez les souris modèles de la mucoviscidose, ces deux molécules permettent effectivement de diminuer leur susceptibilité aux infections. Dans les années à venir, ils espèrent aussi commencer les tests cliniques sur des personnes malades.

Ces recherches sont soutenues par divers contrats, notamment européens3, et les associations « Vaincre la Mucoviscidose », « Mucoviscidose : ABCF » et « Mucovie ».

Notes

(1) Travaux de recherche menés par des chercheurs du Centre de recherche croissance et signalisation, équipe Canalopathies épithéliales : mucoviscidose et autres maladies, de l’Institut fédératif de recherche Necker-Enfants malades (CNRS/Inserm/Université Paris Descartes), en collaboration avec des chercheurs de l’Institut de physiologie et biologie cellulaires (CNRS/Université de Poitiers) ; du Department of Bioinformatics, Institute of Biochemistry and Biophysics, Polish Academy of Sciences, (Warszawa, Poland) ; du Department of Molecular Genetics, German Cancer Research Center, (Heidelberg, Germany) ; du Laboratory of Plant Molecular Biology, Faculty of Biology, Warsaw University (Warszawa, Poland) ; du Department of Physiology, McGill University (Montreal, Canada) ; de la Sociéte Epithelix (Genève, Suisse).
(2) L’épithélium est un ensemble de cellules jointes entre elles (tissu) qui fait la séparation entre l’intérieur et l’extérieur de l’organisme.
(3) Contrats européens FP6 : NEUPROCF, contrats ANR : EICO-CF et CORCF (à partir de 2014) ; Legs Poix-Université Paris Descartes.

21 septembre : Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer

crédit photo : ©Fotolia

A l’occasion de la journée mondiale de la maladie d’Alzheimer qui se tiendra le 21 septembre 2013, le service de presse de l’Inserm vous compile les dernières actualités/avancées sur cette maladie.


L’application « Fondation Alzheimer » sur  Google Play et très prochainement sur Apple store 

L’application est éditée par « La Fondation Plan Alzheimer », hébergée par l’Inserm et rattachée à l’ITMO Neurosciences, Sciences cognitives, Neurologie, Psychiatrie.

Conçue par des médecins et des chercheurs, dans un langage accessible, l’application « Fondation Alzheimer », pour smartphones et tablettes, s’adressera à tous : malades, familles, professionnels de santé, chercheurs et grand public.

 L’objectif de cette application est d’informer, de commenter et de partager, en direct et en continu, les dernières évolutions et avancées en matière de prise en charge et de recherche. Les informations seront régulièrement mises à jour sous forme de textes et de courtes séquences audio et vidéo dans lesquelles interviennent de grands experts français et étrangers.

Pour lire le dossier de presse de la Fondation

Prix de la Fondation Claude Pompidou 2013 décerné à Luc Buée pour la recherche sur la maladie d’Alzheimer

Crée en 2010, le Prix Claude Pompidou permet au lauréat, d’acquérir des équipements technologiques hautement performants, souvent très couteux mais indispensables à la recherche.

Cette année, la Fondation a décerné ce prix à Luc Buée, directeur de l’équipe « Alzheimer & Tauopathies » de l’unité mixte de recherche 837 (Inserm/Université Lille 2/Université Lille Nord de France).

Ses travaux portent sur les lésions retrouvées dans le cerveau des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et en particulier sur la dégénérescence neurofibrillaire.

Pour lire le communiqué de presse sur les travaux de Luc Buée

Kits de presse « Alzheimer »

L’Inserm met à votre disposition une sélection de contacts pour vos interviews, reportages ainsi que les dernières découvertes des chercheurs de l’Inserm sur la maladie d’Alzheimer.

Télécharger le kit de presse

La recherche en Europe

Retrouvez sur www.horizonhealth.eu les actualités de la recherche européenne en cours sur la maladie d’Alzheimer :
http://www.horizonhealth.eu/article/when-brain-starts-shed-its-leaves/228

Tout au long du mois de septembre retrouvez, sur ce site, plus spécifiquement les derniers résultats des projets européens ToPAG (Toxic protein aggregation in neurodegeneration), JPND ( Joint Programming Initiative on combating neurodegenerative diseases) et IMPACT (Implementation of quality indicators in Palliative Care sTudy).


Les dernières actualités Inserm sur cette maladie
 

Une nouvelle piste thérapeutique pour les maladies à prions et la maladie d’Alzheimer. août 2013

Les travaux réalisés par les équipes de Benoit Schneider et  Odile Kellermann (Unité Inserm 747 « Cellules Souches, Signalisation et Prions », Université Paris Descartes) ainsi que de Jean-Marie Launay (Unité Inserm 942 Hôpital Lariboisière et fondation FondaMental), mettent au jour une enzyme, la kinase PDK1, impliquée dans l’accumulation, dans les neurones, des protéines pathologiques caractéristiques des maladies à prions et de la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs démontrent que le blocage pharmacologique de cette enzyme exerce un effet bénéfique contre ces pathologies.

Pour retrouver le communiqué de presse

 

FIBRO-TARGETS – L’Europe mise sur la fibrose du myocarde comme cible thérapeutique de l’insuffisance cardiaque

L’Union Européenne vient d’accorder un financement au projet de recherche FIBRO-TARGETS (Targeting cardiac fibrosis for heart failure treatment), coordonné par l’Inserm sur une durée de 4 ans. L’objectif est de déterminer les mécanismes susceptibles de devenir des cibles thérapeutiques de la fibrose interstitielle myocardique responsable de l’insuffisance cardiaque. FIBRO-TARGETS rassemble 11 partenaires européens, organismes publics de recherche et industriels, répartis dans 6 pays. Il s’agit du second projet que l’Inserm coordonne sur l’insuffisance cardiaque après celui lancé en février dernier : HOMAGE (Heart OMics in AGEing – valider les biomarqueurs spécifiques de l’insuffisance cardiaque).
Les 11 partenaires se sont réunis à Amsterdam le 03 septembre pour le lancement du projet FIBRO-TARGETS.

Centre d'Investigation Clinique Plurithématique (CIC-P) Pierre D

© Inserm / P. Delapierre

Suite à une maladie du muscle cardiaque, le cœur subit un remodelage dont la fibrose interstitielle myocardique est un des mécanismes clés. Cette fibrose se caractérise par une modification de la structure du tissu cardiaque qui devient plus rigide. Elle résulte de l’accumulation excessive des protéines constituant la matrice extracellulaire et de modifications de leurs propriétés. Ce remodelage matriciel altère les fonctions diastolique et systolique aboutissant, à terme, à l’insuffisance cardiaque, dont les symptômes sont : essoufflement, congestion, œdèmes et fatigue.

L’insuffisance cardiaque est une maladie grave car souvent irréversible et on estime à plus de 6.5 millions le nombre de personnes atteintes en Europe.

Elle est la cause première d’hospitalisation chez les sujets âgés de plus de 65 ans. Sa fréquence est en progression alarmante du fait du vieillissement de la population et de l’explosion des facteurs de risques cardiovasculaires (diabète, obésité, hypertension artérielle). Intervenir très tôt sur des mécanismes majeurs dont la fibrose interstitielle myocardique pourrait ralentir la progression vesr l’insuffisance cardiaque et son aggravation.

« Jusqu’à présent, le seul moyen de quantifier la fibrose est la biopsie, méthode invasive et peu précise pour estimer le degré de fibrose totale. Depuis une dizaine d’années, l’imagerie cardiaque permet une bonne évaluation anatomique et fonctionnelle du myocarde. Mais ces deux méthodes restent non prédictives.

C’est donc l’enjeu du projet FIBRO-TARGETS qui propose une approche innovante permettant une détection précoce d’anomalies cardiaques aux moyens de marqueurs de la fibrose interstitielle myocardique. »

 explique le Professeur Faiez Zannad, chercheur de l’unité Inserm U1116, Centre d’Investigation Clinique P. Drouin Inserm 9501 à Nancy, coordinateur des projets FIBRO-TARGETS et HOMAGE.

Grâce aux nombreuses données rassemblées par le consortium FIBRO-TARGETS, la fibrose interstitielle myocardique a été identifée comme une cible thérapeutique majeure pour la prévention et le traitement de l’insuffisance cardiaque. Le projet FIBRO-TARGETS vise donc à identifier précisément les mécanismes principaux impliqués dans la fibrose interstitielle myocardique et à concevoir des approches thérapeutiques ayant pour cible certains de ces mécanismes. Les fibroblastes cardiaques (cellules spécifiques du muscle cardiaque) représentent 60 à 70% des cellules cardiaques et sont la principale source de production des protéines extracellulaires responsables de la fibrose. Ces mécanismes étant identifiés, il s’agit donc d’intervenir directement sur la prolifération des fibroblastes et la synthèse de la matrice extra-cellulaire avec des molécules d’intérêt thérapeutique pour la prévention, la réparation ou le ralentissement du remodelage cardiaque.

Les objectifs de FIBRO-TARGETS sont premièrement de confirmer les principaux mécanismes biologiques impliqués dans la fibrose interstitielle myocardique. Puis, il s’agira de valider expérimentalement de nouvelles molécules et stratégies thérapeutiques ciblées visant à améliorer la qualité de la matrice cellulaire et limiter la fibrose interstitielle myocardique. Cela permettra ensuite d’établir des scénarios cliniques potentiels afin de traiter l’insuffisance cardiaque. Enfin, les cibles pourront être utilisées comme biomarqueurs pour prédire et qualifier la réponse aux traitements contre la fibrose interstitielle myocardique.

Pour atteindre ces objectifs, les chercheurs européens tenteront d’élucider aux cours d’études de physiologie et pharmacologie expérimentales, de biologie moléculaire et de chimie pharmaceutique, les mécanismes de la fibrose interstitielle cardiaque à partir de modèles in vitro et in vivo existant et/ou développés au cours du projet. Ils valideront également la pertinence des nouvelles approches thérapeutiques développées au cours du projet. La deuxième étape, translationelle, consistera à classer les patients à risque qui sont les plus susceptibles de répondre aux thérapies ciblées selon une médecine personnalisée. Cette classification en groupes de patients se fera selon des profils déterminés en utilisant l’imagerie et des marqueurs circulant associés aux nouvelles cibles proposées.

L’aboutissement de FIBRO-TARGETS participera à la résolution d’un problème de santé publique majeur du 21ème siècle affectant particulièrement les personnes âgées.

Les bienfaits d’une nouvelle molécule dans l’angioplastie coronaire

crédit photo : ©Inserm

Une équipe de chercheurs français associant l’APHP et l’Inserm met en évidence les bienfaits d’une nouvelle molécule dans la réduction des complications de l’angioplastie coronaire avec stent. C’est ce que révèle une étude publiée dans la revue « The Lancet ».


Menée par le Pr Philippe Gabriel Steg, de l’hôpital Bichat, (AP-HP) et l’équipe de recherche affiliée au Département Hospitalo-Universitaire FIRE, à l’Université Paris-Diderot et à l’Unité Inserm U-698, l’étude a porté sur plus de 24 000 patients traités par angioplastie et sur un nouveau traitement antiplaquettaire injectable inhibant la formation des caillots de plaquettes, le cangrelor.

Les chercheurs ont analysé la totalité des résultats obtenus avec ce nouveau traitement comparé au traitement conventionnel. Ce nouveau médicament, fabriqué par The Medicines Company, n’est pas encore approuvé pour l’utilisation clinique et est encore expérimental.

L’angioplastie coronaire avec stent consiste à dilater, à l’aide d’un cathéter à ballonnet, les dépôts qui rétrécissent le calibre des artères du coeur, puis à placer un grillage métallique, appelé stent, dans l’artère, de façon permanente. Cette technique interventionnelle est réalisée sous anesthésie locale, sans chirurgie et est devenue la principale technique pour revasculariser les artères des patients souffrant d’angine de poitrine ou d’infarctus du myocarde.

On estime qu’il est réalisé environ 120 000 angioplasties par an en France.

Malgré les bons résultats de cette technique, elle peut être associée à des complications, essentiellement dues à la formation de caillots dans les artères pendant ou après la procédure. Pour cette raison, les angioplasties sont réalisées sous couvert d’un traitement anticoagulant et antiplaquettaire qui vise à inhiber puissamment la formation de caillots.

Les résultats de l’étude, qui seront présentés le 1er septembre au Congrès Européen de Cardiologie d’Amsterdam, montrent une réduction significative d’environ 1/5 (3,8% contre 4,7%) des complications les plus graves de l’angioplastie (décès, infarctus, revascularisation urgente et formation de caillot dans les stents) et, en particulier, une réduction de 40% du risque de formation de caillot dans les stents grâce à cette nouvelle molécule.

Ces bénéfices sont obtenus dès 48 heures et se confirment 30 jours après l’angioplastie Ils sont concordants pour les différents groupes de patients étudiés.

« Cette découverte pourrait constituer un progrès thérapeutique important pour les patients devant être traités par angioplastie coronaire avec stent et offrir de nouvelles perspectives de traitement encore plus efficace et plus sûr. » indique le Pr Steg du service de cardiologie de l’hôpital Bichat à Paris.

Les cyclistes du Tour de France vivent 6 ans de plus que la population française

De Tom Simpson à Marco Pantani et Laurent Fignon, de nombreux cyclistes professionnels ont perdu la vie prématurément. Ces décès dramatiques ont amené à s’interroger sur les risques à long terme liés à la pratique du haut niveau, et du cyclisme sur route en particulier, et constituent l’une des demandes fortes de la récente commission sénatoriale de lutte contre le dopage. Pour autant, depuis plus de 20 ans et dans de nombreuses disciplines, plusieurs études ont montré que les sportifs présentaient une durée de vie supérieure à la moyenne.

cyclistes 

©Fotolia

Pour mieux comprendre ce paradoxe, l’IRMES (Institut de Recherche bioMédicale et d’Épidémiologie du Sport, INSEP, Université Paris Descartes, AP-HP, Inserm), le Centre d’Expertise de la mort subite (Inserm, AP-HP, Université Paris Descartes), l’Institut Imagine (Hôpital Necker, AP-HP, Université Paris Descartes, Inserm), le labex GrEX (Université Paris Descartes, Inserm, CNRS, Hôpital Necker, AP-HP) et le Centre d’Épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDC, INSERM) ont étudié la longévité des cyclistes français ayant terminé au moins une fois le Tour de France depuis 1947.

Menées par Eloi Marijon, ces équipes ont en effet mesuré la durée de vie de tous les cyclistes français (786) engagés sur le Tour de France depuis la fin de la seconde guerre mondiale (ils représentent 30% de tous les engagés). Elles ont analysé les causes de mortalité sur cette période (la totalité des causes est accessible depuis 1968) : 208 cyclistes (26% du total) étaient décédés au 1er septembre 2012, dont près des deux tiers de cause cancéreuse ou cardiovasculaire.

La mortalité de ces sportifs est 41% plus faible que celle de la population générale.

 Dans l’analyse des causes spécifiques, ce résultat reste valable tant pour la mortalité par cancer (inférieure de 44%) que pour la mortalité respiratoire (inférieure de 72%) ou cardio-vasculaire (inférieure de 33%). Ces réductions de mortalité sont associées à une augmentation de leur durée de vie, calculée à 6,3 ans de plus que celle de la population générale.

Les décès traumatiques (accidents de la route liés à la pratique du cyclisme) ne diffèrent pas de la population générale masculine. Ces causes externes prédominent chez les coureurs décédés jeunes, expliquant la tendance observée (mais non significative) à une mortalité plus importante chez les cyclistes de moins de 30 ans.

Pour expliquer les résultats épidémiologiques très importants de ces sportifs de haut niveau, il faudra maintenant chercher du côté des prédispositions (en particulier génétiques), des relations désormais bien établies entre performance physique et durée de vie, des avantages sociétaux qu’ils ont pu retirer par la suite ainsi que des modes de vie sains qu’ils maintiennent après leur carrière. Nombre d’entre eux poursuivent en effet une pratique sportive longtemps après leur activité professionnelle et très peu fument. Par ailleurs, les effets potentiels du dopage ont été analysés par la mesure des taux de mortalité sur trois périodes. Des années 1950-1960 (époque des amphétamines) aux années 1970-1980 (stéroïdes anabolisants), le taux de mortalité n’a pas changé. Et malgré les circonstances singulières des vingt dernières années (recours fréquent à l’EPO et aux hormones de croissance, de 1991 à nos jours), la longévité des athlètes français ne s’est pas non plus réduite récemment. Il n’est toutefois pas encore possible d’estimer la longévité à long terme des athlètes de cette dernière période, les résultats présentés ici ne constituant qu’une analyse préliminaire à suivre avec attention.

Il sera également intéressant de réaliser une comparaison à terme avec les équipiers d’autres nations et d’évaluer les modes de prise en charge spécifiques et le suivi longitudinal organisés par les fédérations et institutions françaises ainsi que leur effet sur la performance.

La circoncision est efficace pour réduire « dans la vraie vie » le risque d’être infecté par le VIH

crédit photo : ©Inserm

Réalisée dans le bidonville d’Orange Farm en Afrique du Sud, l’étude Anrs 12126 confirme l’efficacité d’un programme de circoncision volontaire à large échelle. Le suivi de plus de 3300 hommes montre une réduction de 57% à 61% du taux de nouvelles infections chez les hommes circoncis par rapport à ceux qui ne le sont pas. Cette étude menée par le Pr Bertran Auvert (UMRS-1018 Inserm) et ses collègues  prouve également qu’un programme de circoncision peut être efficacement et rapidement implanté dans les communautés africaines où cette pratique ne constitue par une norme sociale. Ces résultats, publiés dans PLOS Medicine, incitent à accélérer la mise en œuvre de programmes de circoncision volontaire sur le continent africain afin d’améliorer la prévention de la transmission du VIH.


L’effet protecteur de la circoncision sur le risque d’être infecté par le VIH chez l’homme a été démontré dans trois essais randomisés. La première publication date de 2005 (étude Anrs 1265 menée en Afrique du Sud), et ses résultats ont été confirmés ensuite au Kenya (en 2007) et en Ouganda (2007). Ces études ont établi que le risque d’être infecté par le VIH des hommes circoncis était réduit de 50% à 60%. Ces résultats ont conduit l’OMS et l’ONUSIDA à recommander en 2007 la circoncision de l’adulte comme stratégie de prévention additionnelle contre le VIH dans les communautés ayant une forte prévalence du VIH et une faible prévalence de la circoncision.

Il restait toutefois à prouver que l’implantation de la circoncision « dans la vraie vie »  permet de réduire à la fois l’incidence (taux de nouvelles contaminations) et la prévalence (proportion de personnes infectées) de l’infection par le VIH chez les hommes. Des résultats préliminaires avaient été apportés en ce sens lors de la conférence de l’IAS de 2011 par Bertran Auvert et ses collègues dans l’étude Anrs 12126  (Bophelo Pele). Les chercheurs confirment ces résultats dans la revue PLOS Medicine (1).

Il s’agit de la première publication scientifique démontrant « dans la vraie vie » l’efficacité de la circoncision masculine pour réduire le risque d’être infecté. 

Conduite entre 2007 et 2011, l’étude Anrs 12126 Bophelo Pele a été menée par le Pr Bertran Auvert (UMRS 1018 Inserm, Hôpital Ambroise Paré et Université de Versailles Saint-Quentin) et ses collègues du National Institute for Communicable Diseases, de la faculté des sciences Sociales, et de la société Progressus (Johannesburg, Afrique du Sud), de l’Université Johns Hopkins (USA) et de l’hôpital Bichat (Paris). Elle a consisté à proposer une circoncision gratuite et médicalisée à tous les hommes volontaires âgés de 15 à 49 ans au sein d’une population de 110 000 adultes du bidonville d’Orange Farm en Afrique du Sud. Plus de 20 000 circoncisions ont ainsi été réalisées, accompagnées d’un large programme d’information et de prévention.

Parmi la population du bidonville, un échantillon de 3338 hommes a été recruté. Ils ont été interrogés par questionnaire anonyme sur leurs pratiques sexuelles et ont été invités à réaliser un dépistage du VIH. Le dépistage incluait un test permettant de déterminer, en cas de séropositivité, si la contamination était récente.

La proportion d’hommes circoncis est passée, dans cet échantillon, de 12% au départ de l’étude à 53% ; elle atteint 58% chez ceux âgés de 15 à 29 ans. Fait important, les comportements sexuels, en particulier l’usage du préservatif, ne sont pas différents selon que les hommes ont été circoncis ou pas. En revanche, il ressort une diminution importante à la fois de la prévalence et de l’incidence de l’infection par le VIH chez les hommes circoncis.

Les chercheurs estiment qu’en l’absence du programme de circoncision volontaire, la prévalence du VIH aurait été 19% plus élevée au sein de la population étudiée.

Cet effet est davantage marqué chez les hommes les plus jeunes avec une prévalence qui aurait été 28% plus élevée parmi ceux âgés de 15 à 29 ans. Parallèlement, il est observé une diminution du nombre de contaminations récentes parmi les hommes circoncis. La circoncision est ainsi associée à une réduction de 57% à 61% du taux de nouvelles infections.

Pour le Pr Bertran Auvert, « ces résultats sont importants à deux titres. D’une part, ils confirment l’efficacité de la circoncision pratiquée à l’échelle d’une population pour diminuer sensiblement la transmission du VIH parmi les hommes au sein de celle-ci. D’autre part, ils démontrent qu’il est possible d’obtenir ce résultat en seulement quelques années, y compris dans des populations où la circoncision n’est pas une pratique usuelle ».

L’étude Anrs 12126 plaide ainsi en faveur d’une accélération de l’implantation de programmes de circoncisions volontaires, notamment en Afrique sub-saharienne où vivent la grande majorité des 2,2 millions de personnes contaminées chaque année par le VIH dans le monde. Le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Anrs, estime que « compte tenu de l’impact observé dans cette étude pour la limitation du risque d’acquisition du VIH chez les hommes circoncis, la généralisation de la circoncision doit plus que jamais être une priorité de santé publique en Afrique australe et de l’Est ».

L’étude se poursuit pour connaître l’effet de la circoncision sur la réduction du risque d’infection dans la population générale, et en particulier dans la population féminine.

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