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Une cible de choix pour le développement d’anti-inflammatoires

Dans une étude publiée en ligne le 12 décembre 2013 dans Immunity, des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm démontrent pour la première fois le rôle clé, en cas d’infection de l’intestin, d’une molécule appelée ATP, comme signal déclencheur de la réaction inflammatoire dirigée contre l’agent pathogène. En utilisant le modèle de la bactérie Shigella flexneri, les scientifiques ont en outre montré comment cette dernière était capable de bloquer la libération d’ATP, pour échapper à cette réaction de défense. La découverte de ce mécanisme de blocage pourrait par ailleurs intéresser le domaine thérapeutique : la mise au point de nouveaux médicaments reproduisant ce processus pourrait ouvrir de nouvelles pistes pour le traitement des maladies inflammatoires chroniques, comme la maladie de Crohn.

shigella

© Inserm/Tran Van Nhieu, Guy

Depuis quelques années, on savait que la présence dans le milieu extracellulaire d’ATP, une molécule normalement située à l’intérieur de la cellule,  peut signaler un danger à l’organisme et lui permettre de déclencher un processus inflammatoire de défense. Ceci peut être le cas lorsque le tissu est lésé et que les cellules libèrent leur contenu. Pour autant, on ignorait si un agent infectieux était capable de provoquer un tel mécanisme.

L’équipe de Philippe Sansonetti, chef de l’unité de Pathogénie microbienne moléculaire (Inserm U786 / Institut Pasteur), en collaboration avec des chercheurs du CHU de Toulouse et du Collège de France, vient de prouver in vitro et in vivo que l’infection par des bactéries pathogènes entériques – Shigella, Salmonella et E. coli entéropathogène dans cette étude – induit chez la cellule un processus actif de libération d’ATP dans le milieu extracellulaire : en présence de la bactérie, les cellules de l’épithélium intestinal provoquent l’ouverture de canaux à la surface de leur membrane, par lesquels les molécules d’ATP peuvent s’échapper.

En se fixant ensuite à des récepteurs extracellulaires, ces ATP déclenchent une cascade de réactions initiant la réponse immunitaire inflammatoire chargée d’éliminer la menace infectieuse.


Les chercheurs ont également prouvé que la bactérie Shigella flexneri était capable de bloquer cette libération d’ATP : elle injecte directement dans la cellule infectée une enzyme qui agit en refermant les canaux de libération. C’est la première fois qu’on observe qu’un pathogène est capable « d’étouffer » ce mécanisme et d’échapper ainsi aux défenses mises en place par l’organisme. Cette découverte souligne donc l’importance de l’ATP en tant que régulateur clef de l’inflammation dans l’intestin.

Si l’inflammation est un mécanisme naturel de défense qui joue un rôle essentiel dans la réponse tissulaire aux agressions, il s’avère que dans certains cas, elle persiste anormalement. Elle devient chronique et source de maladies dites inflammatoires. Celles-ci résultent d’un dysfonctionnement du système immunitaire qui s’attaque aux constituants normaux de l’organisme. En démontrant le potentiel de ce peptide bactérien pour enrayer le processus inflammatoire, ces travaux le désignent comme une nouvelle cible thérapeutique de choix pour le développement de médicaments anti-inflammatoires.

Il n’existe en effet aucun anti-inflammatoire sur le marché qui cible la libération de l’ATP. Or, celle-ci pourrait jouer un rôle important dans certaines maladies inflammatoires chroniques intestinales, comme la maladie de Crohn, mais également pour d’autres pathologies, comme les cancers, l’obésité, le diabète de type 2 ou encore artériosclérose), bien que celui-ci doive encore être précisé.

Le projet EUCelLEX, pour évaluer les enjeux sociétaux soulevés par l’utilisation de la médecine régénérative en Europe

Le projet de recherche européen EUCelLEX (Cell-based regenerative medicine: new challenges for EU legislation and governance), coordonné par l’Inserm, vient d’obtenir un financement de 500 000 € de l’Union européenne, pour une durée de 3 ans. Le projet consiste à dresser l’état des lieux de l’application des règles européennes en matière de banques de cellules ainsi que des pratiques actuelles concernant l’utilisation thérapeutique des cellules humaines selon les pays. L’objectif est de fournir des éléments factuels à la Commission européenne pour permettre l’élaboration de mesures législatives qui soient en adéquation avec les progrès médicaux dans ce domaine. Les 9 équipes de chercheurs réparties en Europe et au Canada se sont réunies à Paris dans les locaux du Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), le 04 décembre pour le lancement du projet. 

Les biobanques : l’avenir de la médecine régénérative

Les échantillons biologiques humains sont considérés aujourd’hui comme des éléments essentiels à l’avancement des sciences du vivant et de la médecine. Les données issues de l’analyse de ces échantillons permettent de mieux comprendre les maladies et ainsi de proposer des pistes thérapeutiques, notamment dans le champ de la médecine régénérative[1]. Leur collecte, leur stockage, leur transformation et leur distribution sont assurés par les biobanques, acteurs clés du transfert des connaissances scientifiques vers la pratique médicale. Grâce à ces banques de données biologiques, les chercheurs vont pouvoir identifier de nouveaux biomarqueurs cliniques et développer de nouvelles approches thérapeutiques telles que la médecine régénérative. Dans ce domaine, la recherche sur les cellules souches continue d’être prometteuse car elle a pour vocation de stimuler la capacité d’auto-guérison du corps.

Nécessité d’encadrer juridiquement l’utilisation des échantillons biologiques humains au niveau européen

Entre 2004 et 2006, l’Union européenne a adopté trois directives relatives aux cellules et tissus humains afin d’harmoniser leur acquisition, leur stockage et leur emploi à visée thérapeutique. Ces directives s’appliquent spécifiquement aux banques de tissus et de cellules, y compris de cellules souches et de cellules de sang de cordon, utilisées pour la médecine régénérative. Néanmoins, elles ont été mises en œuvre d’une façon très hétérogène d’un pays à l’autre. « Actuellement, les instruments juridiques européens sur l’utilisation des cellules souches adultes et embryonnaires à des fins de recherche par les acteurs publics et privés ne permettent pas un partage efficient de ces ressources au sein de l’Europe, ce qui peut être un obstacle à l’avancée de la recherche. » explique Emmanuelle Rial-Sebbag, coordinatrice du projet EUCelLEX.

De plus, les évolutions scientifiques de l’utilisation des cellules humaines s’articulent autour de nouveaux enjeux légaux et institutionnels. Notamment, le développement des infrastructures de recherches au niveau européen (BBMRI-ERIC, FCrin[2]) réinterroge la pertinence de ce cadre face à une pratique médicale en pleine évolution devant également tenir comptes des enjeux de santé publique. On constate donc aujourd’hui un élargissement des champs de questionnement posés et par voie de conséquence, une inadéquation de la législation européenne au regard de la recherche sur ces cellules. Il faut ajouter que certaines parties du processus de translation de la connaissance fondamentale jusqu’à la mise sur le marché de nouveaux produits sont inégalement régulées soit par les législations nationales des Etats membres, soit par l’Europe.

Les objectifs du projet EUCelLEX

C’est dans ce contexte que le projet EUCelLEX s’est donné pour objectif principal de dresser un état des lieux de la législation actuelle concernant l’usage thérapeutique des cellules somatiques, tant dans le secteur public que dans le privé et dans plusieurs pays européens.

Pour ce faire, le projet se propose d’évaluer la pertinence des instruments juridiques européens actuels afin de fournir des éléments pour l’élaboration d’un cadre juridique européen pour l’utilisation des cellules souches de toute nature (embryonnaires, adultes, IPS, issues du sang de cordon), à la lumière des récents développements scientifiques, juridiques et institutionnels qui ont eu lieu au sein de l’Europe. Afin de donner une image complète de la situation européenne cette étude juridique se complètera d’analyses de pratiques professionnelles ainsi que des recommandations éthiques prodiguées en Europe. Partant du constat que l’ensemble du processus translationnel, de la recherche à la mise sur le marché d’un produit, n’est que partiellement couvert par les règles de l’Union européenne, les équipes devront explorer l’hétérogénéité induite dès lors par la large marge de manœuvre laissée aux Etats.

Dans un premier temps les partenaires du projet vont chacun dans leur pays analyser les instruments juridiques et les politiques quant à l’utilisation des cellules souches au niveau national et européen.

Puis, ils compareront la réglementation en vigueur avec les pratiques qui permettront de développer des cellules souches dans un proche avenir, en particulier dans les infrastructures de recherche, afin de mettre en évidence les lacunes et proposer des solutions durables. Un intérêt particulier sera également porté aux pratiques émergentes telles que le « tourisme cellulaire » ou encore l’utilisation de thérapies non-éprouvées. Par exemple, dans certains pays d’Europe des médecins proposent de mettre en œuvre des techniques de médecine régénérative, techniques qui ne sont pas encore validées scientifiquement et qui ne répondent pas aux critères de sécurité imposés par la législation européenne et française.

L’objectif final est de fournir des recommandations à la Commission européenne afin de faciliter l’utilisation de cellules souches pour la santé dans un environnement juridique stabilisé.

Les résultats du projet pourront ainsi favoriser l’innovation dans la recherche et aider la Commission européenne à élaborer des mesures législatives spécifiques à ce domaine.

Les 4 phases du projet EUCelLEX :

1. Recueillir des informations sur la mise en œuvre juridique de la directive sur les tissus et les cellules, en se focalisant sur ​​ce qui est réglementé au niveau européen et ce qui est encore réglementé au niveau national.

2. Intégrer ces connaissances dans un cadre d’analyse plus large couvrant l’ensemble du domaine, allant de la recherche jusqu’aux soins, avec un focus sur les cellules souches et les banques de sang de cordon.

3. Faire une analyse de fond incluant la législation, la littérature, la jurisprudence et la collecte des opinions sur les aspects éthiques.

4. Créer des outils pour la participation des professionnels et des acteurs clés aux questionnements soulevés par l’utilisation des cellules souches.

Les chercheurs partenaires du consortium EUCelLEX répartis dans toute l’Europe et au Canada, vont mettre à profit leurs expertises scientifique, juridique et éthique au service de la mise en lumière des enjeux soulevés par l’utilisation des cellules souches pour la médecine de demain.

EUCelLEX – Cell-based regenerative medicine: new challenges for EU legislation and governance

Médecine régénérative à base de cellules : nouveaux défis pour la législation européenne et la gouvernance. (Référence : 601806)

Le projet EUCelLEX débute le 04 décembre 2013 et est soutenu par l’Union européenne (FP7) pendant 3 ans. Il est coordonné par l’Inserm et implique 9 partenaires, basés dans 7 pays européens, et au Canada :

Inserm (coordinateur), France : http://www.inserm.fr/
Leibniz Universitaet Hannover, Allemagne : http://www.uni-hannover.de/en/index.php
Central European University, Budapest, Hongrie : http://www.ceu.hu/
Legal pathway, Pays-Bas
Oxford University, Royaume-Uni : http://www.ox.ac.uk/
Medical University of Graz, Autriche : http://www.meduni-graz.at/en/
Fondation Nationale des Sciences Politiques, France : http://www.sciencespo.fr/
KU Leuven, Belgique : http://www.kuleuven.be/english/
McGill University, Canada : http://www.mcgill.ca/fr


[1] La médecine régénérative est un champ de recherche interdisciplinaire dont les applications cliniques sont axées sur la réparation, le remplacement ou la régénération des cellules, tissus ou organes pour restaurer une fonction altérée, quelle qu’en soit la cause, y compris les anomalies congénitales, les maladies, les traumatismes et le vieillissement. Elle utilise une combinaison de plusieurs approches technologiques visant à remplacer les greffes traditionnelles.

[2] Biobanking and Biomolecular Resources Research Infrastructure – European Research Infrastructure Consortium, French Clinical Research Infrastructure Network

Un nouveau Laboratoire International Associé sur la piste d’un « nez électronique » pour renifler l’Hypertension Artérielle Pulmonaire

crédit : ©Fotolia

Le Professeur André Syrota, Président Directeur Général de l’Inserm et le Professeur Peretz Lavie, Président du Technion, signeront la convention pour la création d’un nouveau Laboratoire International Associé (LIA), le 17 décembre 2013. Il réunira, autour d’un projet de « nez électronique » artificiel l’Unité Inserm 999 « Hypertension artérielle pulmonaire » et celle du département d’ingénierie chimique et du Russell Berrie Nanotechnology Institute, dirigé par le Professeur Hossam Haick. Ce dispositif devrait permettre de différencier les signatures olfactives spécifiques de certaines maladies via une analyse de l’haleine. Cette collaboration franco-israélienne focalisera ses recherches sur les patients présentant des risques de développer une Hypertension Artérielle Pulmonaire (HTAP).

Ce laboratoire International Associé vient s’ajouter à la liste des 17 LIA existant à ce jour et conforte ainsi la position de l’inserm sur la scène internationale. Ces associations entre laboratoires permettent à une équipe de chercheurs français et à une équipe de chercheurs étrangers de travailler ensemble sur un même projet.

André Syrota se félicite de cette nouvelle collaboration : “Ce nouveau LIA est un bel exemple de coopération scientifique basée sur l’excellence et la complémentarité que possèdent les deux équipes de recherche ». Le Professeur Peretz Lavie, Président du Techion se réjouit quant à lui de la mise en place ce nouveau laboratoire qui pose une nouvelle  pierre dans la collaboration entre le Technion et une des institutions les plus prestigieuses en France.

En associant les compétences de l’équipe française spécialisée dans l’hypertension artérielle pulmonaire et celles de l’équipe Israélienne en nanotechnologie, les chercheurs ont pour objectif de mettre au point un nez artificiel dédié, entrainé au dépistage précoce de l’HTAP.

L’hypertension artérielle pulmonaire est définie par une forte élévation de la pression artérielle pulmonaire évoluant vers l’insuffisance cardiaque. Elle touche 15 personnes par million d’habitants (1 sur 67 000 en Europe). Les symptômes surviennent initialement à l’effort (essoufflement, douleurs thoraciques, malaise).

Ce  » nez électronique  » (projet baptisé NA-NOSE pour HTAP) permettra de  faire la différence entre une personne malade et une personne saine grâce à l’analyse de son  haleine.


Ce nouveau procédé offrira la possibilité de développer un dispositif non invasif utilisable dans un cadre clinique, capable de détecter dans un échantillon d’haleine les marqueurs de la maladie, notamment chez les personnes asymptomatiques présentant des risques de développer une HTAP.

« Grâce à cette nouvelle technologie, nous gagnerons du temps par rapport aux techniques de dépistage existantes à ce jour qui mobilisent longuement un personnel très qualifié pour effectuer en particulier des échographies cardiaques et des épreuves  d’effort « . Par ailleurs, rien ne serait possible sans l’apport de l’équipe Israélienne qui est l’une des meilleures au monde en développement de nanomatériaux, commente  Marc Humbert directeur de l’Unité Mixte de Recherche Inserm/ Université paris-Sud 999 « Hypertension artérielle pulmonaire : physiopathologie et Innovation Thérapeutique ».

Les résultats de la prise en charge des patients seront alors répertoriés afin de réduire les délais de diagnostic. Les chercheurs sont mobilisés pour permettre aux médecins d’intervenir de manière précoce, et d’améliorer l’efficacité des soins apportés.

Les chercheurs espèrent définir de nouveaux biomarqueurs et cibles thérapeutiques dans l’hypertension artérielle pulmonaire grâce à ce Laboratoire International Associé franco-israélien.

Pour en savoir plus sur le « NA-NOSE pour HTAP »

Ce projet scientifique s’articule autour de plusieurs axes de recherche :

– Mettre au point un nez dédié à l’HTAP, entrainé au dépistage précoce et utilisable au lit du patient

– Identifier les signatures olfactives des patients HTAP (et sous-groupes de patients), notamment les patients à risque porteurs de mutations génétiques

– Identifier les composés volatiles présents dans la signature olfactive (utilisation de la chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse), et analyser leurs voies métaboliques afin de mieux comprendre la physiopathologie de l’HTAP

– Rechercher si ces composés volatils participent à la physiopathologie de la maladie en utilisant des modèles animaux d’HTAP

portrait AS Technion André Syrota, PDG de l’Inserm et Peretz Lavie, Président du Technion

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