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Pister la représentation des odeurs dans le cerveau grâce à l’imagerie par ultrasons

Une nouvelle technique d’imagerie par ultrasons a permis de visualiser pour la première fois, in vivo chez le rat, l’activité dans le cortex piriforme lors de la perception d’une odeur. Cette structure cérébrale profonde joue un rôle important dans l’olfaction et restait jusqu’à présent inaccessible par imagerie fonctionnelle. Ces travaux apportent également de nouvelles données sur le fonctionnement, encore mal connu, du système olfactif, notamment sur la façon dont sont traitées les informations au niveau cérébral.
Cette étude est le résultat d’une collaboration entre l’équipe de Mickaël Tanter de l’Institut Langevin (CNRS/Inserm/ESPCI ParisTech/UPMC/Université Paris Diderot) et celle de Hirac Gurden du laboratoire Imagerie et modélisation en neurobiologie et cancérologie (CNRS/Université Paris-Sud/Université Paris Diderot). Elle est publiée dans la revue NeuroImage du 15 juillet 2014.

Comment aboutir à une représentation de l’environnement extérieur à partir de la perception des sens ? Comment, par exemple, les informations olfactives liées à la nourriture ou aux parfums sont-elles traitées par le cerveau ? Si l’organisation du système olfactif est bien connue – elle est semblable des insectes jusqu’aux mammifères – son fonctionnement est encore peu compris. Pour répondre à ces questions, les chercheurs se sont donc intéressés à deux structures cérébrales qui constituent des relais majeurs pour l’olfaction : le bulbe olfactif et le cortex piriforme. Chez le rat, le bulbe olfactif se situe entre les deux yeux, juste derrière l’os du nez. Le cortex piriforme est par contre une structure beaucoup plus profonde du cerveau des rongeurs dont aucune image fonctionnelle n’avait pu être enregistrée chez un animal  vivant jusqu’à présent.

La technique d’imagerie neurofonctionnelle par ultrasons  développée par l’équipe de Mickaël Tanter, baptisée fUS (functional Ultrasound), a permis de suivre l’activité neuronale du cortex piriforme. Elle est basée sur l’envoi d’ondes planes ultrasonores dans les tissus cérébraux. Les échos renvoyés par les structures traversées par ces ondes permettent, après traitement des données, d’obtenir des images ayant une résolution spatiotemporelle inégalée : 80 micromètres et quelques dizaines de millisecondes.
Le contraste obtenu sur ces images est lié aux variations du flux sanguin dans le cerveau. En effet, l’activité des cellules nerveuses nécessite un apport en énergie : elle est donc couplée à un afflux de sang dans la zone concernée. En enregistrant les variations de volume dans les vaisseaux sanguins qui alimentent les différentes structures cérébrales, il est ainsi possible de connaître la localisation des neurones activés.

Plusieurs techniques d’imagerie, comme l’IRM, s’appuient déjà sur le lien entre volume sanguin et activité neuronale. Mais fUS est avantageuse en terme de coût, de maniabilité et de résolution. De plus, elle donne un accès facilité aux structures les plus profondes, situées plusieurs centimètres sous la boîte crânienne.

Les enregistrements effectués par cette technique dans l’équipe de Hirac Gurden ont permis d’observer la répartition spatiale de l’activité dans le bulbe olfactif. Lorsqu’une odeur est perçue, on observe une augmentation du volume sanguin dans des zones bien définies : à chaque odeur correspond une carte spécifique de neurones sollicités. Au-delà de ce résultat, les images révèlent aussi, pour la première fois, l’absence de cette répartition spatiale dans le cortex piriforme. A ce niveau, deux odeurs différentes entraînent la même activation de l’ensemble de la zone.

Les mécanismes cellulaires responsables de la disparition de la signature spatiale ne sont pas encore bien définis mais ce résultat permet déjà de formuler plusieurs hypothèses. Le cortex piriforme pourrait être une structure qui ne sert pas seulement à traiter les stimuli olfactifs mais plutôt à intégrer plusieurs types d’informations et à les mémoriser. Se détacher des cartographies strictes associées à chaque odeur permettrait de faire des associations et d’aboutir à un concept global. Par exemple, à partir de la perception de centaines de molécules odorantes contenues dans le café, le cortex piriforme permettrait de reconnaître une unique odeur : celle du café.

Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives pour l’imagerie et pour la neurobiologie. Les chercheurs vont maintenant s’intéresser à l’effet de l’apprentissage sur l’activité du cortex afin de mieux comprendre son rôle et les spécificités du système olfactif.

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Sur ces images, l’activation cérébrale détectée par imagerie ultrasonore est visualisée en rouge. A la présentation d’une odeur donnée, des territoires spécifiques sont sollicités dans le bulbe olfactif mais pas dans le cortex piriforme. © Michaël Tanter / Hirac Gurden

Impression 3D Laser du vivant : une approche innovante à Bordeaux

Ces dernières années, l’impression 3D a connu un véritable essor dans le domaine de la santé. Les dispositifs médicaux ou prothèses sur mesure ont été les premières applications de cette nouvelle technologie. En 2011, une mâchoire en titane, imprimée en 3D, était implantée pour la première fois. Deux ans plus tard, une femme de 22 ans aux Pays-Bas recevait une prothèse de crâne (la plus grande jamais posée). Mais qu’en est-il de la bio-impression, c’est-à-dire l’impression de matière vivante cellulaire dans l’optique de réaliser des tissus biologiques fonctionnels ? Comment bio-imprimer des structures cellulaires 3D avec un laser? Que peut-on imprimer actuellement avec les techniques existantes?


Outre les dispositifs médicaux réalisés à partir de matières inertes, les chercheurs se sont lancés un défi d’une toute autre nature : La Bio-impression consiste à imprimer de la matière vivante cellulaire !

Contrairement à l’impression classique 3D, la Bio-impression implique de considérer une 4ème dimension : la dimension temporelle au cours de laquelle les cellules imprimées vont s’organiser, migrer et se différencier de manière autonome pour former des tissus fonctionnels.
ModuLAB 1

Bio-imprimante 3D © Inserm/ Guillemot, Fabien – Alphanov / Lescieux, Ludovic


La Bio-impression Laser à Bordeaux, une approche innovante

Le laboratoire « Bio-ingénierie tissulaire » (Unité Inserm 1026)
développe des technologies Laser et de micro-fabrication en vue d’imprimer des tissus in vitro et in vivo. Cette unité mixte de recherche de l’Inserm et de l’Université de Bordeaux est l’une des seules au monde à utiliser ce procédé. Les travaux de Fabien Guillemot, chargé de recherche Inserm, et de son équipe ont donc fait figure de pionniers en Europe : dès 2005, ils ont permis de développer la Bio-impression assistée par Laser. L’objectif de l’équipe de Fabien Guillemot n’est pas seulement de positionner les cellules en 3D mais de définir et modéliser la dynamique d’auto organisation des cellules imprimées.

Quels résultats avec la Bio-impression assistée par Laser?

En laboratoire, la Bio-impression utilise les principes de l’impression 3D, et procède ainsi à l’assemblage couche par couche des constituants des tissus biologiques (tels que les cellules et la matrice extracellulaire) selon des organisations prédéfinies par conception numérique.

Cette technologie permet la fabrication de tissus complexes grâce à l’impression d’encres biologiques dont les concentrations cellulaires sont voisines des conditions physiologiques et ce, avec une très haute résolution et une vitesse d’exécution élevée (> 10 000 gouttelettes par seconde).

« Dans le domaine de la Bio-impression, la technologie Laser est celle qui offre la résolution la plus élevée » explique Fabien Guillemot, chargé de recherche Inserm.


Depuis 2005, l’équipe de recherche est parvenue à imprimer différentes structures et types cellulaires : des multicouches de kératinocytes (cellules de la couche superficielle de la peau et des phanères : ongles, poils, cheveux) et de collagène.

Impression de peau

Impression de peau réalisée en juin 2014
© Ludovic Lescieux Alphanov / Fabien Guillemot Inserm.


Les cellules imprimées sont viables (97% de viabilité après 6h) et les chercheurs ont confirmé que la Bio-impression n’affectait pas la différenciation cellulaire dans le cas d’impression de cellules souches humaines adultes.

Actuellement, les chercheurs travaillent sur l’impression de tissus de cornée et de la peau afin de répondre aux besoins de la médecine régénératrice, de la pharmacologie, de la cosmétique.

En parallèle, l’équipe de recherche mène également des expériences in vivo sur des souris. Elle est parvenue en 2010 à imprimer des cellules souches mésenchymateuses directement dans l’os de souris vivantes. La prochaine étape consiste à tester une chirurgie assistée par ordinateur qui permettrait d’imprimer des tissus in vivo directement à l’endroit même où cela est nécessaire.

Quelles perspectives pour demain?

La Bio-impression a pour objectifs de concevoir des tissus fonctionnels dans le but de créer :

  • Dans l’immédiat, des modèles prédictifs reproduisant la physiologie de tissus humains sains ou de tissus pathologiques permettant de tester de manière plus prédictive des molécules, ingrédients et candidats médicaments. Ces modèles physiologiques seront utilisés dans le domaine pharmaceutique.

  • D’ici 3 à 5 ans, des tissus individualisés, réalisés à partir des cellules du patient, permettant de sélectionner in vitro sur ces tissus les traitements et de développer des solutions thérapeutiques personnalisées. L’équipe de Fabien Guillemot a pour ambition d’inscrire la Bio-impression dans les développements du nouveau plan cancer qui concernent notamment la médecine individualisée.  Dans le domaine du cancer par exemple, il pourrait être possible grâce à la reconstruction en 3D des tissus du patient eux mêmes (en tenant compte de l’environnement cellulaire de la tumeur) ,de savoir s’il réagira bien ou non à telle ou telle chimiothérapie.

  • D’ici 7 à 10 ans, des tissus implantables pour la médecine régénératrice. Le développement et la fabrication de tissus biologiques représentent des enjeux socio-économiques majeurs. Le marché de l’ingénierie tissulaire est évalué à 15 Milliards de dollars en 2014 et devrait doubler d’ici 2018 (source : MedMarket Diligence, LLC.). Aussi, du fait de l’allongement de la durée de la vie et de l’incidence de pathologies majeures telles que le cancer et le diabète, le nombre de personnes en attente d’une greffe d’organe est en constante augmentation (51 000 personnes en Europe en 2013).


Malgré les avancées des recherches, il n’est actuellement pas possible d’imprimer des organes fonctionnels.

« Quand les chercheurs pourront créer des tissus fonctionnels, ils seront alors capables de modifier ces tissus pour les améliorer. Le débat éthique sera nécessaire pour savoir dans quelles mesures la modification des tissus sera possible et à quelles fins » (Fabien Guillemot)


]Pour en savoir plus : Lire le Dossier de presse« Impression 3D Laser du vivant : quelles avancées pour demain?« 
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