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VEGF-C, un facteur de croissance indispensable pour fabriquer de nouveaux neurones

Le déclin du mécanisme de neurogénèse (néoformation de neurones) au cours du vieillissement est impliqué dans l’émergence de pathologies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer. Des travaux de recherche associant des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Pierre et Marie Curie au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (Inserm/ CNRS / Université Pierre et Marie Curie), en collaboration avec une équipe du centre de recherche cardiovasculaire de Yale, démontrent l’importance du facteur VEGF-C dans l’activation des cellules souches neurales et en conséquence dans la production de nouveaux neurones. Ces résultats, publiés dans Cell Reports, apportent un nouvel espoir dans le développement de thérapies qui permettraient d’améliorer la production de neurones pour pallier le déclin cognitif chez les personnes atteintes d’Alzheimer.

Tout au long de sa vie, un adulte est capable de générer, à partir de cellules souches neurales (CSN), de nouveaux neurones afin de maintenir l’ensemble des capacités cognitives. Cette neurogénèse se produit au niveau de l’hippocampe, structure du cerveau jouant un rôle central dans la mémoire. Cependant, l’âge et certains accidents cérébraux entraînent un déclin de cette fonction, ce qui peut contribuer à l’apparition de troubles cognitifs graves, tels que la maladie d’Alzheimer.

Si les étapes de la néoformation de neurones sont bien connues, les mécanismes moléculaires de ce phénomène sont eux moins bien compris. En effet, les CSN passent la majorité du temps à l’état de quiescence durant lequel la cellule est hors du cycle cellulaire et ne se divise pas. Des facteurs répresseurs qui maintiennent cette phase de quiescence ont été identifiés alors qu’il existe encore de nombreuses interrogations quant aux facteurs permettant la sortie de cette « dormance » cellulaire.

C’est dans ce contexte que Jean-Léon Thomas et Anne Eichmann ont décidé de se pencher sur les facteurs de croissance de l’endothélium vasculaire (VEGF) et leurs récepteurs (VEGFR) – déjà suspectés de participer à la régulation de la croissance et du maintien des cellules neurales. Plus spécifiquement, ils ont choisi de s’intéresser au pouvoir activateur potentiel du facteur VEGF-C associé à son récepteur VEGFR3.

Leurs expériences in vitro et in vivo confirment que les CSN des rongeurs possèdent le récepteur VEGFR3 et produisent elles-mêmes le facteur VEGF-C. La stimulation des CSN par le VEGF-C mène à l’activation de ces cellules, c’est-à-dire à leur entrée en cycle cellulaire et à leur conversion en progéniteurs neuraux, pour finalement produire de nouveaux neurones. La particularité d’action du VEGF-C dans le cerveau, par rapport à d’autres facteurs de croissance vasculaires comme le VEGF-A, est qu’il induit une réponse des CSN à des concentrations où il ne provoque pas de prolifération vasculaire. Cette propriété confère un intérêt potentiel au VEGF-C comme activateur spécifique des CSN cérébrales.

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© Inserm, Jinah Han. Parmi les cellules souches neurales de l’hippocampe (caractérisées par l’expression de Nestine (blanc) et de GFAP (rouge)), les cellules qui possèdent le récepteur VEGFR-3 (en vert) sont très nombreuses .

Chez les souris déficientes en VEGFR3 dans les CSN, ce phénomène de neurogénèse est aboli. Les scientifiques montrent ainsi que le signal VEGF-C/VEGFR3 non seulement participe mais est absolument nécessaire au « réveil » des cellules souches neurales et donc à la création de nouveaux neurones.

Ce modèle mutant a aussi permis à l’équipe d’observer une corrélation entre troubles de l’humeur et détérioration de la fonction neurogénitrice de l’hippocampe. Comme suspecté, ces souris dont l’activation des CSN est compromise, vont développer avec l’âge une anxiété exagérée, similaire à celle retrouvée chez les patients Alzheimer. Ce résultat suggère que la signalisation neurale VEGF-C/VEGFR3 participe au maintien des fonctions cognitives dans le modèle murin.

Des observations validées chez l’homme

Dans la suite logique de ce travail mené chez le rongeur, les chercheurs se sont interrogés sur la présence de mécanismes similaires chez l’homme. Ils ont alors découvert que cette voie de signalisation est conservée dans les cellules neurales humaines où elle promeut aussi la prolifération et la survie cellulaires in vitro.

Bien que ces résultats soient encore préliminaires, ils apportent des arguments en faveur de l’idée que l’activité des CSN adultes pourrait participer au contrôle physiologique et comportemental à l’échelle de l’organisme. De même, la régression de cette activité au cours du vieillissement pourrait être associée à l’instauration de troubles de l’humeur comme l’anxiété et la dépression.
Au point de vue thérapeutique, ces travaux sont encourageants : VEGF-C serait un bon candidat pour améliorer la production de nouveaux neurones et compenser le déclin cognitif des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Classement 2014 de l’Office européen des brevets : l’Inserm 6e déposant français, 1er déposant académique européen en recherche biomédicale

L’Inserm, secondé par sa filiale Inserm Transfert, progresse encore dans le classement 2014 des déposants français de brevets établi par l’Office européen des brevets (OEB). L’Inserm se positionne comme le 6e déposant français (toutes organisations et tous secteurs confondus), le 4e déposant européen dans le secteur « Biotechnologie » et le 5e déposant européen dans le secteur « Pharmaceutiques »[1].

Toujours selon le classement 2014 de l’Office européen des brevets, 227 demandes de brevets ont été déposées au nom de l’Inserm, confortant sa position par rapport aux années précédentes de premier organisme académique européen en recherche biomédicale. Au plan français, l’Inserm gagne cinq places par rapport au classement OEB 2012 (11e position en 2012, 6e place cette année).

« Ce classement reflète une stratégie de recherche innovante dont la protection est l’une des pièces maîtresses pour favoriser son transfert industriel au bénéfice des patients et de la société », se félicite Yves Lévy, PDG de l’Inserm.

A l’heure actuelle, l’Inserm détient un portefeuille de brevets de 1279 familles de brevets (+102% depuis 2006). Inserm Transfert, qui est en charge de la stratégie de la propriété intellectuelle de l’Inserm, de la gestion et de la commercialisation du portefeuille a rédigé et déposé en 2014 plus de 50% des demandes de brevets et licencié 26,5% du portefeuille auprès de partenaires industriels français et mondiaux (grands  groupes industriels en santé, ETI, PME ou start-ups).

« Le portefeuille très diversifié de l’Inserm, qui couvre les grands domaines pathologiques avec des applications en diagnostic et développement thérapeutique, constitue un vivier d’opportunités pour les partenaires industriels à des stades précoces de l’innovation. Ceci explique en grande partie la position actuelle de l’Inserm dans le classement de l’OEB. », commente Pascale Augé, Présidente du Directoire d’Inserm Transfert.

Brevets

© Inserm Transfert, au 1er janvier

A propos de l’Inserm  – www.inserm.fr

L’Inserm, Institut national de la santé et de la recherche médicale, est, depuis 1964, le seul organisme public français dédié à la recherche biologique, médicale et à la santé humaine avec près de 13 000 chercheurs, ingénieurs et techniciens et quelque 300 laboratoires de recherche. L’Institut se positionne sur l’ensemble du parcours allant du laboratoire de recherche au lit du patient et mène une recherche multithématique qui permet l’étude de toutes les maladies, des plus fréquentes aux plus rares. L’Inserm est membre fondateur d’Aviesan*, l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé créée en 2009.
* Autres membres fondateurs d’Aviesan : CEA, CNRS, CHRU, CPU, INRA, INRIA, Inserm, Institut Pasteur, IRD

A propos d’Inserm Transfert – www.inserm-transfert.fr

Filiale de droit privé de l’Inserm fondée en 2000, Inserm Transfert SA gère l’intégralité de la valorisation et du transfert des connaissances issues des laboratoires de recherche de l’Inserm vers l’industrie, de la déclaration d’invention au partenariat industriel. Inserm Transfert propose aussi ses services dans le montage et la gestion de projets européens et internationaux, de projets de grande envergure en épidémiologie et en santé publique. Elle gère une enveloppe de 2 M € dédiée à la preuve de concept. Enfin, Inserm Transfert soutient également les entrepreneurs dans le secteur des biotechnologies, en partenariat avec Inserm Transfert Initiative, une société d’amorçage au capital de 39,7 millions d’euros dédiée aux sciences de la vie.

[1] Sources : www.epo.org ; Conférence de presse : cliquez ici ; Rapport annuel : cliquez ici

Résultats préliminaires de l’essai clinique JIKI visant à tester l’efficacité du favipiravir pour réduire la mortalité chez les personnes infectées par le virus Ebola en Guinée.

Les données préliminaires de l’essai clinique JIKI, qui teste l’efficacité du favipiravir[1] pour réduire la mortalité liée à Ebola, donnent deux informations importantes :

• une absence d’efficacité chez les personnes qui arrivent aux centres de soin avec un niveau très élevé de réplication virale et qui ont déjà des atteintes viscérales graves,
• et des signes d’efficacité encourageants chez les personnes qui arrivent dans les centres de soins avec un niveau élevé ou moyen de réplication virale et qui n’ont pas encore développé de lésions viscérales trop sévères.

Avec cette catégorisation en deux groupes, on comprend beaucoup mieux la maladie à virus Ebola, et on peut recadrer la place des monothérapies antivirales dans l’arsenal thérapeutique contre la maladie.

L’essai, promu par l’Inserm et financé par la Commission Européenne dans le cadre du projet européen REACTION de l’Initiative Horizon 2020, est soutenu par deux ONG, Médecin Sans Frontière (MSF) et Alliance for International Medical Action (ALIMA), deux réseaux de laboratoires, Belgian First Aid & Support Team (B-FAST) et European Mobile Laboratory (EMLab), la Croix Rouge Française, et le Service de Santé des Armées.

Ces données préliminaires sont présentées mercredi 25 février en « late breaker » lors du congrès international CROI (Conference on Retroviruses and Opportunistic Infections) à Seattle.

Essai clinique JIKI Inserm – Centre de traitement anti-ébola à Guékédou en Guinée © X Anglaret & D Sissoko /Inserm

Compte tenu de la forte mortalité due au virus Ebola malgré des soins de base symptomatiques de qualité, l’étude de thérapeutiques spécifiques innovantes est indispensable. Parmi les médicaments potentiellement utiles pour lutter contre le virus se trouve le favipiravir (T705), un antiviral déjà testé (et bien toléré) chez l’humain adulte contre le virus de la grippe. Celui-ci n’a (pas plus que les autres traitements envisageables) jamais été testé chez l’homme pour traiter Ebola, mais a démontré son efficacité in vitro et chez la souris.

Dans le cadre de la mission qui a été confiée à Aviesan d’organiser la recherche en situation d’urgence, l’essai clinique JIKI, essai de phase II, multicentrique et non comparatif, a débuté le 17 décembre 2014 en Guinée pour tester la capacité du favipiravir à réduire la mortalité chez les personnes infectées par le virus Ebola.
Promu par l’Inserm, co-financé par la commission européenne, l’essai JIKI est mené en partenariat avec MSF, ALIMA, la Croix Rouge française, EMLab, B-Fast, et le Service de Santé des Armées, et se déroule dans quatre centres de traitements Ebola à Guekedou (MSF), Nzérékoré (ALIMA), Macenta (Croix Rouge Française) et Conakry (centre de traitement des soignants).

Dans ces centres, les adultes et enfants de plus de un an présentant un test PCR Ebola positif et acceptant de participer (pour les mineurs : consentement parental), reçoivent un traitement par favipiravir pendant 10 jours en plus des soins de base. Le Favipiravir est fourni par FUJIFILM Corporation/Toyama Chemical Co., Ltd. Le favipiravir se présente sous la forme de comprimés de 200 mg (les comprimés peuvent être dissous dans une boisson) et est administré selon la posologie suivante[2] :
– Adultes : Jour 0 : 2400 mg à H0, 2400 mg à H8 et 1200 mg à H16, puis 1200 mg deux fois par jour pendant 9 jours ;
– Enfants : doses adaptées aux poids.

L’essai JIKI est suivi par un comité indépendant de surveillance, qui s’est réuni les 11 décembre 2014, 5 janvier, 14 janvier et 26 janvier 2015. Lors de cette dernière réunion, le comité a autorisé les investigateurs à publier les données intermédiaires, jugeant qu’elles contenaient des messages à partager rapidement avec la communauté internationale.
Ces messages, obtenus chez les 80 premiers participants (69 adolescents ou adultes, et 11 enfants) sont les suivants :

– 42% des participants sont arrivés dans les centres de soin avec un test PCR très positif (« cycle threshold », CT, <20) reflétant une charge virale très élevée . Parmi ces patients, 81% avaient une insuffisance rénale réfractaire et 93% d’entre eux sont décédés. Dans les trois mois précédant la mise en place de l’essai, la mortalité parmi les personnes se présentant avec les mêmes caractéristiques était de 85%[3] .La comparaison entre l’essai et les données précédant l’essai montre qu’il est très peu probable qu’on puisse prouver ultérieurement que la monothérapie par favipiravir réduise la mortalité dans cette population en stade avancé.

– 58% des participants sont arrivés dans les centres de soin avec un « cycle threshold », CT, >20,reflétant une charge virale très élevée[4]. Parmi ces patients, 42 % avaient une insuffisance rénale mais seuls 15% sont décédés. Dans les trois mois précédant la mise en place de l’essai, la mortalité parmi les personnes se présentant avec une CT >20 était de 30%. La comparaison entre l’essai et les données précédant l’essai laisse donc espérer que la monothérapie par favipiravir puisse réduire la mortalité dans cette population en stade moins avancé.

Pour les chercheurs, ces données préliminaires encouragent :
– à poursuivre l’essai en s’attachant à donner le traitement par favipiravir le plus tôt possible après le début des symptômes, de façon à traiter des malades chez lesquels la multiplication virale est contrôlable et qui n’ont pas encore développé de lésions viscérales trop sévères (notamment rénales) ;
– à explorer d’autres options thérapeutiques pour les patients qui se présentent dans les centres de traitement à un stade trop avancé de la maladie.

Pour Yves Levy, président directeur général de l’Inserm « Ces résultats d’un essai non comparatif doivent être confortés sur un plus grand nombre de malades. Ils ouvrent cependant d’autres voies thérapeutiques, par des associations de médicaments, surtout chez les malades plus avancés. Enfin ils montrent que la place de la recherche est entière pour répondre à une crise sanitaire. Il faut souligner la qualité de la collaboration Guinéenne et Française, le rôle pionnier de MSF dans cette recherche, la qualité du partenariat avec toutes les ONG concernées, et la réactivité de la Commission Européenne sans lesquels ces progrès n’auraient pas pu être obtenus. »

« MSF est heureux de voir que le Favipiravir semble avoir un effet positif chez certains patients souffrant du virus Ebola. Mais il semble aussi que les patients les plus vulnérables, ceux qui ont le plus de risques de décéder de la maladie, ne bénéficient pas du tout des effets du favipiravir. Ceci et le fait qu’il ne s’agit que de résultats préliminaires, font qu’il est bien trop tôt pour commencer à utiliser le favipiravir en dehors du cadre d’un essai clinique. La recherche sur le favipiravir, et sur d’autres traitements potentiels contre le virus Ebola, doit être poursuivie et MSF est prêt à jouer un rôle dans ces essais cliniques », dit le Dr Bertrand Draguez, directeur médical chez MSF. »

Pour Augustin Augier, secrétaire général de Alima : « Ces résultats encourageants vont permettre de renforcer le lien de confiance entre les populations touchées par la maladie ebola et le système de santé car enfin, même si c’est incomplet, une solution thérapeutique est disponible. C’est un pas important pour éteindre les dernières poches de l’épidémie. »

Le commissaire européen chargé de la recherche, des sciences et de l’innovation, M. Carlos Moedas, a déclaré: « Je suis ravi des résultats encourageants de l’un des projets soutenus par l’Union européenne pour affronter Ebola. Nous disposons des premiers éléments de preuve que le traitement « favipiravir » serait efficace contre la maladie à un stade précoce. Si ces résultats sont confirmés par l’étude clinique toujours en cours, ce serait le premier traitement à être déployé pour lutter contre cette maladie mortelle durant l’épidémie actuelle. Ces résultats montrent le succès de la réaction rapide de la Commission européenne à l’épidémie, en soutenant la recherche urgente de plusieurs traitements et vaccins potentiels contre Ebola via les fonds du programme de recherche européen Horizon 2020. Ceci est un incroyable exemple de ce que les meilleurs scientifiques peuvent réaliser avec le soutien de l’UE quand il y a tant en jeu. Cela montre que le financement par l’Union européenne peut conduire à des découvertes qui sauvent des vies et qui sont le résultat d’une coopération rapide, européenne, internationale et industrielle. »

‘Ce projet a reçu le soutien du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020 de l’Union Européenne’

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[1] Le Favipiravir est fourni par FUJIFILM Corporation/Toyama Chemical Co., Ltd

[2] Le détail de cette posologie a fait l’objet d’une communication dans la revue The Lancet Infectious Diseases.

[3] Sur cet échantillon, un taux de mortalité de 93 % n’est pas significativement différent des 85% obtenus parmi les personnes qui s’étaient présentées avec les mêmes caractéristiques (p=0,39)

[4] Dans les laboratoires participants à l’essai, une CT <20 équivaut à une charge virale de plus de 108 copies de virus par ml de sang.

 

Asthme sévère : la piste thérapeutique du gallopamil se confirme

Une équipe de chercheurs de l’Inserm du Centre de Recherche Cardio-thoracique de Bordeaux (Inserm/Université de Bordeaux, CHU de Bordeaux) démontre l’efficacité clinique du gallopamil chez 31 patients atteints d’asthme sévère. Cette maladie chronique est caractérisée par le remodelage des bronches qui majore l’obstruction des voies aériennes, déjà observée dans l’asthme « classique ». Contrairement au traitement de référence, le gallopamil se révèle capable de réduire la taille du muscle lisse bronchique. Ces travaux sont publiés le 29 Janvier 2015 dans l’American Journal of Respiratory and Critical Care Medicine.

L’asthme sévère est une affection chronique des voies aériennes qui touche entre 1 et 3 % de la population mondiale de manière très hétérogène selon les pays. Elle est caractérisée par une gêne respiratoire permanente, une activité physique limitée, des crises nocturnes fréquentes, et des crises d’asthmes prolongées qui nécessitent un traitement par voie générale[1]. Ces symptômes conduisent à un nombre conséquent d’hospitalisations en urgence et une grande altération la qualité de vie des patients, voire à des décès.

Dans l’asthme sévère, l’obstruction des bronches est à l’origine de la diminution importante de la capacité respiratoire. Cette obstruction bronchique est due à un remodelage des voies aériennes et notamment à l’augmentation de l’épaisseur du muscle lisse bronchique (MLB) qui les tapisse. Ce phénomène est associé à un pronostic défavorable et à une résistance aux traitements, même intensifs. Jusqu’à aujourd’hui, aucune molécule pharmacologique n’a réussi à prévenir la prolifération excessive de ces cellules musculaires, y compris les corticostéroïdes, traitement de référence de l’asthme sévère.

Dans des travaux précédents, Patrick Berger et ses collègues avaient déjà démontré in vitro et ex vivo que cette croissance disproportionnée était déclenchée par une entrée anormale de calcium dans ces cellules musculaires lisses bronchiques[2]. Dans ce même article, les scientifiques avaient montré in vitro l’effet anti-prolifératif du gallopamil – normalement prescrit dans le cadre de certaines pathologies cardiaques du fait de son action inhibitrice sur les canaux calciques.

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© Inserm, Pelletier L. Les images de la partie gauche montrent l’aspect caractéristique de l’inflammation pulmonaire dans l’asthme avec un épaississement de la paroi des bronches, beaucoup de cellules inflammatoires et une production anormale de mucus. Les souris traitées par l’inhibiteur des canaux calciques (à droite) sont complètement protégées.

Pour évaluer son efficacité in vivo, les chercheurs ont alors mis en place une étude clinique promue par le CHU de Bordeaux et soutenue par le Ministère de la Santé et l’Inserm. Pendant 12 mois, ils ont ainsi mesuré l’effet du médicament sur l’épaisseur du MLB et de la paroi bronchique et la fréquence des crises d’asthmes de 31 patients.

Après analyse, les données montrent une réduction significative du MLB chez les asthmatiques traités avec du gallopamil par rapport au groupe placebo. En conséquence, il a permis une diminution significative de l’épaisseur de la paroi bronchique chez les patients.

Après cette phase, les deux groupes de patients ont été suivis pendant les 3 mois qui suivirent l’arrêt du traitement. Il apparait alors que les personnes traitées avec le gallopamil ont alors significativement moins de crises prolongées que le groupe placebo.

Cette étude pilote apporte ainsi la preuve de concept que l’inhibiteur des canaux calciques est bien capable de réduire le remodelage bronchique en agissant sur les cellules musculaires lisses chez des personnes souffrants d’asthme sévère.

 D’autres études comportant des cohortes de patients plus larges seraient à mettre en place pour confirmer ces résultats. Au demeurant, si le gallopamil paraît agir sur la survenue des crises d’asthme prolongées, Patrick Berger insiste sur la nécessité de tester le gallopamil en traitement de plus longue durée afin de vérifier cette observation.

[1] Appelées aussi exacerbations en termes médicaux

[2] Berger P, et al., Bronchial smooth muscle remodeling involves calcium-dependent enhanced mitochondrial biogenesis in asthma. J Exp Med 2007; 204:3173-3181

 

Retard de croissance intra-utérin (RCIU) : évaluation et impact du dépistage

Une étude observationnelle française réalisée par Jennifer Zeitlin et ses collaborateurs (Unité Inserm 1153, Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique (EPOPé)) sur plus de 14 000 femmes, montre que seulement 21% des enfants porteurs d’un retard de croissance intra-utérin (RCIU) avaient été suspectés pendant la grossesse, malgré les recommandations nationales qui invitent les femmes à réaliser une échographie au troisième trimestre de la grossesse. L’étude montre que près de la moitié des enfants présentant une suspicion de RCIU avait un poids normal à la naissance (faux positifs). De plus, la suspicion d’un RCIU pendant la grossesse était associée à une augmentation du risque de césarienne programmée avant travail et de déclenchement du travail, indépendamment de l’existence ou non d’un faible poids à la naissance. Les résultats de cette étude, publiée dans BJOG: An International Journal of Obstetrics and Gynaecology, soulignent la nécessité de mener une réflexion autour des raisons de la faible performance du dépistage du RCIU et questionnent aussi sur les effets iatrogènes potentiels  du dépistage chez les faux positifs.
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© Fotolia

Le retard de croissance intra-utérin (RCIU) est une pathologie obstétricale responsable d’une morbidité et d’une mortalité périnatale importantes. Il se manifeste par une altération de la croissance fœtale qui peut être dépistée pendant la grossesse, principalement par l’estimation du poids fœtal mesurée à l’échographie. En France, l’échographie du troisième trimestre recommandée chez toutes les femmes enceintes sert à surveiller la croissance fœtale et à identifier les fœtus avec un RCIU. Le dépistage anténatal du RCIU permet d’adapter la surveillance de la grossesse pour prévenir les risques de décès in utero et néonataux, ainsi que les risques de séquelles neurologiques pour l’enfant.

Peu d’études avaient évalué jusqu’alors la performance et l’impact du dépistage du RCIU en population générale. L’objectif des chercheurs a été d’estimer le pourcentage d’enfants pour lesquels un RCIU avait été suspecté en anténatal et de mesurer l’effet de cette suspicion sur les décisions médicales prises, en analysant un échantillon représentatif de naissances en France en 2010. Pour cela, ils ont estimé le nombre d’enfants nés avec un faible poids à la naissance (inférieur au 10ème percentile pour l’âge gestationnel) et, parmi eux, la proportion d’enfants ayant eu un RCIU suspecté en anténatal.

L’étude a montré que seulement 21% des enfants nés avec un faible poids de naissance avaient été suspectés pendant la grossesse. De plus, la moitié des enfants suspectés d’avoir un RCIU pendant la grossesse avait un poids normal à la naissance (≥ 10ème percentile). La suspicion anténatale d’un RCIU était associée à une augmentation de la probabilité d’avoir une césarienne programmée avant travail et un déclenchement du travail, indépendamment de l’existence ou non d’un faible poids à la naissance. Des résultats similaires ont été retrouvés dans le sous-groupe des femmes ne présentant aucune complication pendant la grossesse.

Pour Jennifer Zeitlin et son équipe :

« Les résultats de cette étude soulignent la nécessité de mener une réflexion autour des raisons de la faible performance du dépistage du RCIU en France. Ils questionnent également sur le risque de réaliser des interventions médicales non justifiées, dans le cas où une suspicion de RCIU pendant la grossesse n’a pas été confirmée à la naissance ».

Des cellules immunitaires se font « hara-kiri » pour éviter l’allergie

Des chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’université de Limoges au sein du laboratoire « Contrôle de la réponse immune B et lymphoproliférations » (CNRS/Université de Limoges)[1] ont démontré que la production d’immunoglobulines de type E (IgE)[2] par les lymphocytes B induit une perte de leur mobilité et l’initiation de mécanismes de mort cellulaire. Ces anticorps, présents en faible quantité, sont les « armes » les plus puissantes du système immunitaire et peuvent déclencher des réactions immunes très violentes ou des allergies immédiates (asthme, urticaire, choc allergique) dès que leur taux augmente légèrement. Ces résultats, publiés en ligne dans Cell reports le 12 février 2015, élucident ainsi la manière dont notre organisme restreint la production d’IgE pour éviter une réaction allergique.

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Lymphocytes B visualisés en microscopie confocale (x 1000). Le cytosquelette (molécules d’actine) est marqué par une sonde fluorescente verte (phalloïdine FITC). Les lymphocytes B avec une IgM à leur surface ont des protubérances (pseudopodes), témoignant de leur mobilité alors que les lymphocytes B IgE+ perdent ces structures et deviennent immobiles. 
© CNRS Contrôle de la réponse immune B et lymphoproliférations 

L’immunité repose sur des cellules, les lymphocytes B, portant ou sécrétant des « armes » antibactériennes ou antivirales, les immunoglobulines (IgG, IgM, IgA, IgE) ou anticorps. Si les « armes » de l’immunité nous protègent, elles se retournent parfois contre nous. C’est le cas pour les plus efficaces des anticorps, les IgE, dont même des traces infimes (ces IgE sont 100,000 fois moins abondants que les autres anticorps) peuvent déclencher des réactions allergiques très violentes.

Les lymphocytes producteurs d’IgM, IgG ou IgA sont nombreux, aisément identifiables et persistants (en tant que « cellules mémoires »). Pour des raisons jusqu’ici inexpliquées, les cellules productrices d’IgE sont rares et ont donc été très peu étudiées. Afin de comprendre les mécanismes de contrôle des IgE, les chercheurs ont tout d’abord contraint, par génie génétique, des cellules à produire ces anticorps en grand nombre. Ils ont alors réussi à mettre en évidence deux mécanismes majeurs de contrôle. Ils ont démontré que dès qu’un lymphocyte B porte sur sa membrane une IgE, il se « fige » : il s’arrondit, perd ses pseudopodes[3] et devient incapable de se déplacer, alors que les lymphocytes sont habituellement très mobiles. Les scientifiques ont également révélé que le lymphocyte active plusieurs mécanismes d’apoptose, la mort programmée de la cellule. Cette autodestruction provoque l’élimination rapide des lymphocytes porteurs d’IgE tandis que les autres cellules du système immunitaire sont capables de survivre jusqu’à plusieurs années.

Notre organisme a donc développé, au cours de l’évolution, plusieurs systèmes d’autocensure autour d’une de ses « armes » immunitaires les plus puissantes, l’IgE. Comme la cellule porteuse d’IgE ne peut plus se déplacer, elle ne peut survivre que durant un temps bref, suffisant pour jouer un rôle protecteur ponctuel contre les parasites, les toxines et les venins. Elle s’autodétruit ensuite par une sorte d‘ « hara-kiri », qui limite très fortement la production des IgE et donc le déclenchement d’allergies. Les chercheurs souhaitent désormais explorer plus avant les différentes voies moléculaires de cette autocensure. Elles sont en effet autant de nouvelles cibles thérapeutiques dont l’activation pharmacologique pourrait contrer les allergies, voire permettre de censurer d’autres lymphocytes B pathologiques, comme ceux impliqués dans les lymphomes.


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Internalisation des IgE membranaires (endocytose spontanée) contribuant à une expression faible de l’IgE et à la mort de ces cellules. Visualisation en microscopie confocale (x 1000) de lymphocytes B IgE+ incubés à 37°C avec des anticorps anti-IgE. Ce marquage permet de mettre en évidence un phénomène d’internalisation des IgE membranaires visualisées en bleu (droite).
© CNRS Contrôle de la réponse immune B et lymphoproliférations

[1] En collaboration avec une immunologiste du laboratoire Microenvironnement et cancer (Inserm/Université de Rennes 1).
[2] Les immunoglobulines, ou anticorps, sont des protéines secrétées par les lymphocytes de type B en réaction à l’introduction dans l’organisme d’une substance étrangère (antigène).
[3] Déformations de la membrane qui permettent à une cellule de se nourrir et de se déplacer en « rampant ».

Tous Chercheurs : expérimenter les sciences, pour mieux comprendre sa maladie

Depuis 2004, l’association Tous Chercheurs, présidée par la neurobiologiste Constance Hammond (Directrice de Recherche Inserm, Unité 901 « Institut de Neurobiologie de la Méditerranée (INMED) »), propose une expérience originale aux membres d’associations de malades.

Cette structure organise en moyenne sept stages pratiques de biologie par an, d’une durée de trois jours chacun, pour des personnes concernées par des maladies chroniques (maladies génétiques rares, maladies auto-immunes, maladies inflammatoires, cancers familiaux, …). Le détail de ce programme vient d’être publié dans la revue PloS Biology datée du 10 février.
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© Tous Chercheurs/M. Mathieu

Ces stages permettent aux participants d’acquérir, par la pratique, les bases de biologie nécessaires à la compréhension de leur maladie ; de comprendre certains des mécanismes connus (ou supposés) à l’origine de la maladie ; et de se sensibiliser aux spécificités et contraintes de la recherche.

Les groupes sont composés de 8 à 12 personnes, membres d’une même association de malades, ou d’associations concernées par des pathologies similaires.

Chaque session a lieu dans le laboratoire Tous Chercheurs, basé au sein de l’Institut de Neurobiologie de la Méditerranée (INMED, Inserm), sur le campus scientifique de Luminy (Université de la Méditerranée).

Chaque stage se décline en trois temps :

  • La première matinée consiste en une observation initiale, suivie d’un questionnement, qui aboutissent à formuler des hypothèses de travail. Cette 1ère matinée met directement le stagiaire dans la « peau d’un chercheur » et dans une démarche active d’apprentissage ;
  • L’après-midi du premier jour jusqu’à la fin de matinée du 3e jour : les stagiaires réalisent des expériences pratiques en lien avec leur pathologie ;
  • L’après-midi du dernier jour est consacré à la rencontre avec un chercheur ou médecin travaillant sur leur pathologie pour discuter des dernières avancées en termes de recherche ou de traitement sur leur pathologie.

En 10 ans, Tous Chercheurs a mis au point et animé 64 stages pratiques et formé ainsi environ 600 membres d’associations de malades.

Les perspectives dans les années à venir sont d’essaimer ces formations dans d’autres laboratoires Inserm. Pour l’instant, Tous Chercheurs coordonne ces formations au sein de la fédération francophone des écoles de l’ADN, incluant quatre autres centres de formation des patients (Angers, Evry-Généthon, Nîmes, Poitiers).

Parmi les associations accueillies (et pathologies associées), on note l’AFM (maladies neuromusculaires), VLM (mucoviscidose), APTEPF (cancer du côlon héréditaire), AFSR (syndrome de Rett), AFAF (ataxie de Friedreich), ASL (paraplégies spastiques), Wegener infos et autres vascularites, AFA (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique), ANDAR (polyarthrite rhumatoïde), AFPCA (polychondrite atrophiante), AFDIAG (maladie cœliaque)

Quelques retours de stagiaires ayant participé à des sessions :

« Ces trois jours denses, passionnants et passionnés nous ont laissés « sur les rotules » ! Nous sommes rentrés heureux et ne demanderions qu’une chose : y retourner, réviser, approfondir et toujours dans le même but : mieux comprendre pour mieux se battre ! Merci pour ce que vous faites, merci pour les associations de maladies auto-immunes et merci pour les malades. »

Gilbert – Association Francophone contre la polychondrite chronique atrophiante

« Un stage de très haut niveau qui sait se mettre à la portée de tous et duquel on ressort le plein fait de connaissances, d’espoir et d’envie de vivre pour attendre les victoires de la recherche. »

Michel – Association Waldenström France

Cette action a été rendue possible grâce au soutien de nos financeurs, notamment :
AFM-Téléthon, Fondation Arthritis-Courtin, Région PACA, MENESR, Ville de Marseille, l’Inserm et Aix-Marseille Université.

Choc santé : L’Inserm lance sa collection de livres à destination du grand public

En partenariat avec les éditions du Muscadier, l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) crée une collection d’ouvrages visant à informer le public sur les questions de santé. En 128 pages, ces livres font la synthèse des résultats les plus récents des recherches menées par l’Institut. Ils s’adressent aussi bien aux patients et à leurs familles qu’aux soignants.

La collection

Chacun aspire à une bonne santé. Alimentation, activité physique, hygiène de vie en général sont devenues des préoccupations significatives pour une majeure partie d’entre nous. En matière de traitement et de prévention, les progrès scientifiques de ces dernières décennies ont ouvert des perspectives sans précédent. Toutefois, nous ne savons pas toujours où trouver l’information la plus pertinente d’autant que, dans ce domaine en particulier, on entend ou on lit souvent tout et son contraire.

Qui croire ? Comment s’y retrouver ?
La collection Choc santé a pour ambition de rendre accessibles au plus grand nombre les connaissances acquises par l’Inserm qui, depuis maintenant plus de 50 ans, organise la recherche publique dans le domaine de la santé. Le lecteur y trouvera non seulement les avancées médicales les plus récentes, mais également des conseils pratiques qui lui permettront d’améliorer sa santé et celle de ses proches.

Deux premiers titres chocs : Alzheimer et la dépression

La recherche médicale avance à grands pas et accomplit des progrès notables, souvent porteurs d’espoirs, dans de nombreux domaines. Synthèse des connaissances les plus récentes sur l’Alzheimer et sur la dépression, ces deux ouvrages permettront à chacun de mieux comprendre la maladie, et d’améliorer les conditions de vie des patients et de leurs proches.
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Alzheimer : fatalité ou espoir ?

Le livre
Nous connaissons presque tous une personne touchée par la maladie d’Alzheimer. Pourtant, cette pathologie – dont les conséquences sont souvent dramatiques, tant pour le malade que pour son entourage – reste mal connue de la plupart d’entre nous. Quelles sont ses causes ? ses symptômes ? Comment la déceler, puis la suivre ? Quand le diagnostic est-il possible et souhaitable ? Quels sont les traitements disponibles ? Comment évolue-t-elle ? Est-elle inéluctable ou peut-on agir, au moins partiellement, sur sa survenue et sur sa progression ?

Les auteurs
Francis Eustache est directeur d’études à l’École pratique des hautes études et directeur de l’unité de
recherche 1077 « Neuropsychologie cognitive et neuroanatomie fonctionnelle de la mémoire humaine » (Inserm-EPHE-Université de Caen Basse-Normandie). Il est l’un des plus grands spécialistes internationaux des questions liées à la mémoire. Gaëlle Chételat, Béatrice Desgranges et Vincent de La Sayette sont membres de l’unité de recherche 1077.

Dépression : s’enfermer ou s’en sortir ?


Le livre
« Faire une dépression », « être déprimé »… tout le monde a déjà utilisé ces termes pour décrire un mal-être ou un état d’âme passager. Pourtant, la dépression est une vraie maladie, qui touche plusieurs millions de personnes en France. Revêtant différentes formes selon les individus, cette affection suscite de nombreuses interrogations. Quels sont ses symptômes ? ses causes ? Peut-on la soigner ? Les traitements actuels sont-ils efficaces ? dangereux ? Comment accompagner une personne dépressive ?

L’auteur
Antoine Pelissolo est psychiatre et chef de service au CHU Henri-Mondor à Créteil, professeur de médecine à l’université Paris-Est, et président de l’Association française des troubles anxieux et de la dépression (AFTAD). Il mène des travaux de recherche clinique et thérapeutique sur ces pathologies dans le cadre de l’unité Inserm de l’Institut Mondor de recherche biomédicale, et au sein de la fondation FondaMental.

Première étape vers un nouvel outil pour le traitement de la myopathie

Des travaux de recherche associant des chercheurs du CNRS, de l’UVSQ et de l’Inserm au sein du laboratoire END-ICAP[1], en collaboration avec une équipe de l’université de Berne, démontrent le potentiel thérapeutique d’une nouvelle classe d’oligonucléotides[2] de synthèse pour le traitement de la myopathie de Duchenne (DMD) par chirurgie de l’ARN. Testée chez la souris, cette nouvelle génération de molécules se révèle cliniquement supérieure à celles en cours d’évaluation chez les patients DMD, notamment au niveau des fonctions cardiaque et respiratoire et du système nerveux central. Ces résultats sont publiés le 2 février 2015 dans la revue Nature Medecine.Etude de la myopathie de Duchenne

Etude de la myopathie de Duchenne –  Lésions nécrotiques (mort cellulaire) de fibres musculaires constituées de myofibrilles. Coloration trichrome de Gomori. ©Inserm/Fardeau, Michel

Les maladies neuromusculaires regroupent un ensemble de plusieurs centaines de maladies, principalement d’origine génétique, définies par un défaut de commande du muscle ou par une destruction du tissu musculaire. Conjointement, elles affectent plusieurs dizaines de milliers de personnes en France et constituent un enjeu majeur de santé publique. La plus emblématique d’entre elles, la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) est causée par des mutations qui affectent le gène codant pour la dystrophine, une protéine indispensable au bon fonctionnement des cellules musculaires. Cette myopathie particulièrement sévère et très invalidante ne bénéficie encore d’aucun traitement satisfaisant.

La « chirurgie » de l’ARN est une approche développée dans le but de corriger certaines anomalies génétiques. Cette thérapie est fondée sur l’utilisation de petites séquences d’oligonucléotides antisens (AON)[3] capables de s’hybrider spécifiquement avec des ARN messagers, d’agir sur ces ARN et de permettre la synthèse d’une protéine manquante. Plusieurs études sont en cours pour synthétiser différents types d’AON destinés à agir sur la production de dystrophine. Malgré les résultats encourageants de certains essais cliniques, ces AON existants présentent des limites : leur niveau de toxicité reste parfois élevé et ils ne peuvent pas agir au niveau cardiaque ou passer la barrière hémato-encéphalique. La conception d’un traitement efficace simultanément pour l’ensemble de la musculature squelettique, le cœur et le système nerveux central reste encore un défi.

Les auteurs de ces travaux ont mis au point de nouveaux nucléotides pour la synthèse des AON : les tricyclo-DNA (tcDNA). Les AON-tcDNA, analogues synthétiques de l’ADN, s’hybrident avec les ARN cibles et vont entraîner l’excision d’un fragment de l’ARN[4]. En agissant ainsi sur la partie du gène comportant une erreur, ils permettent la synthèse d’une dystrophine certes tronquée mais stable et fonctionnelle. Le suivi chez les souris DMD traitées par ces AON-tcDNA montre qu’ils sont plus performants que leurs équivalents des générations précédentes. Administrés par voie intraveineuse, ils sont distribués efficacement à l’ensemble de la musculature squelettique. Ils atteignent aussi le tissu cardiaque et accèdent au système nerveux central, ce qui n’était pas le cas de leurs prédécesseurs. La restauration de la production de dystrophine est également plus efficace qu’avec les AON précédents. Après une douzaine de semaines de traitement hebdomadaire, les souris présentent une amélioration très significative de la fonction musculaire et surtout des fonctions respiratoire et cardiaque, qui sont les principales cibles à atteindre chez les patients souffrant de cette myopathie.

Les chercheurs ont aussi mis en évidence une correction des réponses émotionnelles naturellement exacerbées chez les sujets dystrophiques et pouvant entraîner des retards d’apprentissage et des défauts cognitifs. Cette partie de l’étude, menée en collaboration avec une équipe de l’Institut des neurosciences Paris Saclay (CNRS/Université Paris-Sud), démontre que la dystrophine est cruciale pour le bon fonctionnement de certains neurones et que les problèmes comportementaux observés lorsqu’il y a un déficit de cette protéine sont au moins partiellement réversibles chez la souris dystrophique adulte.

En plus de ces résultats prometteurs, les AON-tcDNA sont caractérisés par un temps long de persistance au sein des tissus ce qui permettrait à terme d’espacer les traitements. Autre avantage, ils ne sont pas dégradés mais évacués progressivement par l’organisme, permettant ainsi la réversibilité du traitement et limitant sa toxicité. Les analyses toxicologiques nécessaires sont toujours en cours mais les premiers résultats semblent en effet indiquer que ces nouveaux AON sont bien tolérés à fortes doses chez la souris.

Les mécanismes responsables de l’efficacité de ces AONs de troisième génération sont encore mal compris mais plusieurs de leurs propriétés pourraient entrer en jeu, notamment leur forte affinité pour l’ARN et leur capacité à former spontanément des agrégats de type « nanoparticules ». 

La chimie des tcDNA ouvre ainsi de nombreuses perspectives vers des applications pour différentes maladies génétiques. Il s’agit surtout d’une nouvelle étape dans la marche vers un médicament systémique[5] pour la myopathie de Duchenne.

Les premiers essais chez l’homme sont prévus d’ici un an et demi à deux ans avec le concours de la société Synthena.

Ces travaux s’inscrivent dans le cadre d’un vaste projet collaboratif international (ICE – International Collaborative Effort for DMD) à l’initiative de l’Association monégasque contre les myopathies (AMM) et du Duchenne Parent Project France (DPP-F) et sont pour partie soutenus par la Chaire d’excellence HandiMedEx – Investissements d’avenir.

[1] Le laboratoire END-ICAP : Handicap neuromusculaire : physiopathologie, biotechnologies et pharmacologies appliquées (UVSQ/Inserm) est partie intégrante du laboratoire international Biothérapies appliquées aux handicaps neuromusculaires (LIA BAHN – UVSQ/CSM).

[2] Les oligonucléotides sont des courts segments d’acides nucléiques (ARN ou ADN).

[3] Ces séquences sont appelées antisens car elles sont complémentaires de l’ARN messager. Le brin de synthèse aura donc une séquence inverse de celle du brin d’ARN.

[4] Après la transcription de l’ADN en ARN, l’ARN va subir un certain nombre de modifications, dont l’épissage, au cours duquel des fragments non-codants vont être exclus afin de donner l’ARN mature utilisé pour la traduction en protéines.

[5] Administré par voie générale.

 

Ostéoporose : comment préserver l’équilibre entre formation et destruction de l’os ?

La plupart des traitements actuels contre la perte osseuse pathologique suppriment les ostéoclastes, les cellules destructrices de l’os, afin de limiter la dégradation osseuse. Toutefois, ils empêchent également la formation osseuse, celle-ci étant stimulée par la présence des ostéoclastes. Des chercheurs du CNRS, de l’Inserm et des universités de Montpellier et de Jean Monnet – Saint-Etienne[1] ont développé une nouvelle approche afin d’empêcher l’activité des ostéoclastes sans affecter leur viabilité. Cette dernière consiste à désorganiser le système d’ancrage sur l’os des ostéoclastes, à l’aide d’un petit composé chimique, C21. Ce traitement innovant permet de protéger les souris de la perte osseuse caractéristique de maladies ostéolytiques[2] comme l’ostéoporose post-ménopausique, la polyarthrite rhumatoïde et les métastases osseuses, ceci sans que la formation osseuse soit affectée. Ces travaux sont publiés le 3 février 2015 dans Nature communications.
Culture d'ostéoclastes

Culture d’ostéoclastes – Culture in vitro d’ostéoclastes sur un substrat osseux, avec des cellules médullaires (moelle osseuse). © Inserm/Boivin, Georges

L’os est un tissu très dynamique, se détruisant et se reconstruisant en permanence. Ce dynamisme est assuré grâce à une bonne coordination entre les cellules qui détruisent le « vieil » os, les ostéoclastes, et celles qui le reconstruisent, les ostéoblastes. Dans le cas de certaines maladies, la destruction de l’os par les ostéoclastes prend le dessus sur la formation osseuse par les ostéoblastes. L’enjeu pour les chercheurs est donc de contrôler l’activité des ostéoclastes pour éviter une trop grande destruction de l’os conduisant à l’ostéoporose. Or, l’activité des ostéoblastes est stimulée par la présence des ostéoclastes. Il est donc essentiel de trouver des traitements contre l’ostéoporose qui empêchent l’activité des ostéoclastes sans affecter leur viabilité.

Pour détruire l’os, les ostéoclastes utilisent des structures cellulaires particulières, les podosomes, organisés en anneau grâce au cytosquelette d’actine. Ces derniers agissent comme des « boutons pressions » entre l’os et l’ostéoclaste en formant une « ventouse » au sein de laquelle l’os est dégradé. Les chercheurs ont démontré que le facteur d’échange[3] Dock5 active une petite enzyme, la GTPase Rac, pour organiser le cytosquelette d’actine et permettre la formation de l’anneau de podosomes. En utilisant plusieurs modèles de souris présentant différentes situations de perte osseuse pathologique (ostéoporose post-ménopausique, polyarthrite rhumatoïde et métastases osseuses), les scientifiques ont révélé que l’administration d’un composé synthétique nommé C21, qui inhibe Dock5, empêche l’activité des ostéoclastes en bloquant l’effet « ventouse » qui leur permet de dégrader l’os. Les ostéoclastes restant présents, le maintien de la formation osseuse pendant le traitement est assuré.

Ces résultats valident ainsi, chez la souris, l’inhibition pharmacologique de Dock5 comme une nouvelle voie thérapeutique. Les chercheurs souhaitent désormais développer de nouveaux composés inhibiteurs de Dock5, autres que C21, afin de continuer à lutter contre les maladies ostéolytiques tout en préservant la formation osseuse.

[1] Du Centre de recherche de biochimie macromoléculaire (CNRS/Université de Montpellier), du Laboratoire d’enzymologie et biochimie structurale (CNRS), de l’Institut de recherche en cancérologie de Montpellier (Inserm/Université de Montpellier) et du Laboratoire de biologie intégrative du tissu osseux (Inserm/Université Jean Monnet – Saint-Étienne).

[2] Maladies liées à la destruction du tissu osseux.

[3] Protéine impliquée dans la cascade de réaction qui permet d’activer l’enzyme GTPase.

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