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Ne pas savoir faire face à l’incertitude : porte d’entrée de la psychose ?

Imaginez que vous soyez plongé dans un univers dans lequel les évènements n’auraient pas toujours les mêmes conséquences, et dont les règles changeraient à votre insu ? Comment vous adapteriez-vous ? La prise en compte de l’incertitude dans la prise de décision est une question fondamentale de psychologie générale. Notre univers s’avère plus ou moins prédictif et notre cerveau doit s’adapter à cette incertitude pour faire les meilleurs choix possibles en toute situation. C’est le sujet auquel se sont intéressés Fabien Vinckier et Raphaël Gaillard, chercheurs de l’hôpital Sainte Anne, de l’Inserm et de l’Université Paris Descartes, en collaboration avec Mathias Pessiglione chercheur Inserm au sein de l’Institut du Cerveau et de la Moelle à la Pitié–Salpêtrière, AP-HP, et Paul Fletcher, de l’Université de Cambridge en Grande Bretagne.  Cette étude parue dans Molecular Psychiatry révèle que la capacité à adapter nos décisions à l’incertitude inhérente à tout choix serait perturbée dans les premiers temps de la psychose.

Des participants ont été invités à jouer à un jeu sur ordinateur au cours duquel ils devaient décider de miser ou non sur des symboles. Les règles n’étaient pas toujours appliquées et s’inversaient de temps à autre (un symbole faisant globalement gagner de l’argent se mettait à en faire perdre, et vice versa). Placés dans ces conditions, les participants devaient être capables, pour adapter leurs choix, de détecter à la fois les changements des règles du jeu et les moments de stabilité. Il a été possible de montrer, grâce à des modèles mathématiques, que pour être le plus efficace, les participants utilisent pour faire leurs choix leur confiance dans les règles du jeu.

Pour reproduire les conditions des premiers temps de la psychose, les participants ont reçu en perfusion, alternativement, soit un placebo, soit de la kétamine à très faible dose. La kétamine est un agent anesthésiant utilisé tous les jours à forte dose au bloc opératoire, et qui provoque à faible dose des symptômes qui ressemblent beaucoup aux premiers temps d’un épisode psychotique. Le comportement des participants et leur activité cérébrale mesurée en continu en imagerie cérébrale magnétique fonctionnelle (IRMf) permettaient d’identifier les effets de la kétamine.

Grâce à ce dispositif, les chercheurs démontrent que la kétamine altère la capacité des participants à distinguer les moments pendant les règles du jeu sont stables et ainsi à optimiser leur comportement.

Ainsi, ils ne parvenaient pas à miser systématiquement sur le symbole gagnant (c’est-à-dire à miser dans 100% des cas même si le symbole n’est effectivement gagnant que dans 80% des cas), comme si un doute persistant les perturbait. Ce déficit est corrélé à un dérèglement d’un réseau cérébral fronto-pariétal.

« Cette étude caractérise le rôle clé de l’adaptation à l’incertitude dans la prise de décision et sa perturbation dans les premiers temps de la psychose. Elle devrait permettre de mieux comprendre l’émergence du délire et de guider l’innovation thérapeutique » explique Raphaël Gaillard, professeur de psychiatrie à l’Université Paris Descartes et chef du pôle hospitalo-universitaire de thérapeutique et santé mentale à l’hôpital Sainte Anne.

Cette étude met en évidence, dans un modèle pharmacologique de psychose, la perturbation de la capacité à adapter finement le comportement au caractère incertain de l’environnement. Les bases cérébrales de cette dysfonction sont identifiées (un réseau fronto-pariétal), et peuvent être mises en lien avec la voie moléculaire sur laquelle agit la kétamine et sur laquelle se concentre actuellement la recherche de nouveaux traitements de la schizophrénie.

Ce résultat s’inscrit dans la continuité de la publication parue dans la revue Science (Whitson, Science, 2008) sur l’émergence de phénomènes d’allure psychotique (superstitions, scénarios conspirationnistes) chez des personnes soumises à une forte incertitude. Certains symptômes psychotiques tels que l’émergence d’idées délirantes, pourraient constituer une sorte de réponse inadaptée à l’incapacité de construire et de maintenir une représentation stable du monde.

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L’intestin grêle participe à l’inflammation chronique chez les personnes obèses

L’obésité est provoquée par des facteurs multiples et complexes dont certains sont encore insoupçonnés. Des chercheurs du CNRS, de l’Inserm, de l’UPMC et de l’université Paris Descartes, associés à des cliniciens chercheurs de l’AP-HP, viennent de montrer qu’une obésité sévère s’accompagne d’une inflammation de l’intestin grêle et d’un renforcement des défenses immunitaires dans cette zone. Ce phénomène diminue la sensibilité à l’insuline des entérocytes[1] et augmente l’absorption de nutriments, ce qui aggrave la maladie. Ces travaux, réalisés au Centre de recherche des Cordeliers (Inserm/UPMC/Université Paris Descartes) et au sein de l’Institut de cardiométabolisme et nutrition (ICAN – Inserm/UPMC/AP-HP), sont publiés le 18 juin dans la revue Cell Metabolism.

L’étude des mécanismes impliqués dans l’obésité humaine est particulièrement intéressante au niveau du jéjunum, une partie de l’intestin grêle qui joue un rôle majeur dans l’absorption des lipides et des glucides. À cause de son emplacement dans l’organisme, le jéjunum est difficile à étudier et sa contribution à cette maladie métabolique était mal connue. Dans cette étude, les chercheurs ont pu obtenir des échantillons de jéjunum de patients pendant l’opération de chirurgie visant à réduire leur obésité et les maladies associées (by-pass gastrique). Les échantillons issus de 185 personnes souffrant d’obésité sévère ont été comparés à des prélèvements de jéjunum de 33 individus non obèses, opérés pour d’autres raisons.

Les équipes de recherche coordonnées par Edith Brot-Laroche et Karine Clément ont alors constaté un état d’inflammation chronique de l’intestin grêle chez ces personnes obèses et la colonisation de l’épithélium du jéjunum par des lymphocytes T, dont la densité augmente avec le degré d’obésité. Ces cellules immunitaires émettent des cytokines[2] qui inhibent la sensibilité à l’insuline des cellules épithéliales absorbantes de l’intestin. L’action de l’insuline régulant l’absorption des nutriments et la glycémie, ce phénomène immunitaire participe ainsi à l’aggravation de la situation clinique des patients.


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Schéma explicatif des mécanismes associés à l’inflammation du jéjunum chez les personnes obèses. © Edith Brot-Laroche/Armelle Leturque/Sébastien André/Karine Clément

Des études cliniques complémentaires ont aussi montré que, chez les personnes obèses, l’augmentation de la densité intestinale des lymphocytes T est probablement en relation avec des complications associées à l’obésité comme la maladie hépatique (NASH) et les dyslipidémies[3].

Les résultats de cette étude ont par ailleurs montré que les replis de la muqueuse intestinale de ces patients, les villosités, sont plus longs que chez les sujets non obèses. Cela signifie que la surface d’échange de l’intestin grêle est augmentée de 250 % (augmentation de surface équivalente à deux courts de tennis) et que les malades absorbent davantage de nutriments. Ce phénomène, dû à la diminution de l’apoptose, un mécanisme de mort cellulaire, vient aussi renforcer l’action inflammatoire du système immunitaire dans cette zone et aggraver la pathologie.

Si la résistance à l’insuline dans les tissus adipeux, hépatique, pancréatique et musculaire avait déjà été observée chez les personnes obèses, ces travaux mettent en lumière l’existence de mécanismes similaires dans l’intestin grêle et ouvrent des perspectives d’interventions thérapeutiques non invasives permettant de réduire l’état inflammatoire de l’intestin et de lutter contre l’obésité.

Ce projet, réunissant deux équipes de l’IHU-ICAN, les équipes d’Edith Brot-Laroche et d’Armelle Leturque au Centre de recherche des Cordeliers et de Karine Clément à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière, a été soutenu par l’ANR-ALIA Nutra2sense, le programme Européen Metacardis, des programmes de recherche clinique (APHP) et les investissements d’avenir (ANR-IHU).

[1] Cellules épithéliales de l’intestin spécialisées dans l’absorption des nutriments.

[2] Molécules utiles dans la communication cellulaire.

[3] La dyslipidémie est une concentration anormalement élevée ou diminuée de lipides (cholestérol, triglycérides, phospholipides ou acides gras libres) dans le sang.

Autisme : de l’intérêt d’une approche intégrée pour son diagnostic

Des chercheurs de l’Inserm (Unité Inserm 930  » Imagerie et cerveau « ) associés à l’Université François-Rabelais et au CHRU de Tours ont combiné trois approches clinique, neurophysiologique et génétique pour mieux comprendre des mécanismes cérébraux à l’origine de l’autisme. Testée sur deux familles, cette stratégie a permis aux chercheurs d’identifier des combinaisons de gènes spécifiques aux patients autistes les distinguant de patients souffrant de déficience intellectuelle.
Cette étude, publiée dans la revue Molecular Psychiatry, ouvre de nouvelles perspectives pour le diagnostic et la compréhension des mécanismes physiopathologiques de l’autisme.

L’autisme est une pathologie qui se manifeste par une grande hétérogénéité à la fois sur le plan de ses manifestations cliniques et sur le plan génétique. On estime aujourd’hui que près de 400 gènes pourraient participer à ce trouble. Le diagnostic de cette maladie est d’autant plus complexe qu’elle est fréquemment associée à d’autres troubles développementaux mettant en jeu les mêmes gènes.

Pour améliorer le diagnostic, les chercheurs de l’Inserm ont utilisé une approche originale multi-modale combinant :

  • Une évaluation clinique
  • Une analyse génomique à haut débit pour le séquençage de l’ensemble des gènes
  • Des analyses de l’activité électrique cérébrale en réponse à la perception d’un changement (électroencéphalographie – EEG)


Deux familles incluant des sujets atteints d’autisme et/ou de déficience intellectuelle ont bénéficié de cette approche intégrée. Au sein de ces deux familles, toutes les personnes touchées par la maladie étaient porteuses d’une mutation dans le gène NLGN4X se traduisant au niveau du cerveau par des problèmes de transmission de l’information dans les neurones.

Grâce à l’EEG, les chercheurs remarquent en premier lieu une altération dans les ondes cérébrales, propre aux patients souffrant d’autisme. Le reste de leur famille, y compris ceux atteints de déficience intellectuelle, ne présentaient pas cette caractéristique.

Grâce à cette nouvelle approche, une deuxième mutation rare été caractérisée et associée à l’activité cérébrale atypique mesurée en EEG chez les patients autistes.

Pour Frédéric Laumonnier et Frédérique Bonnet-Brilhault, principaux auteurs de ce travail, « cette étude permet de comprendre qu’il n’existe pas de « gène de l’autisme »  mais des combinaisons de gènes impliqués dans le neurodéveloppement qui vont atteindre le développement des réseaux neuronaux cibles de cette pathologie ».

L’identification de ces combinaisons est une étape clé dans la compréhension de la physiopathologie et à terme dans le développement de molécules thérapeutiques ciblées.

L’autisme est un trouble envahissant du développement qui apparaît précocement au cours de l’enfance et persiste à l’âge adulte. Il se manifeste par des altérations dans la capacité à établir des interactions sociales et à communiquer, ainsi que par des troubles du comportement. Les personnes souffrant d’autisme semblent souvent isolées dans une sorte de monde intérieur.

Retrouver le dossier d’information « Autisme » sur le site Inserm.fr

Ces travaux ont reçu le soutien de la Fondation de France et de l’Union Européenne (projet FP7 Gencodys)

Une nouvelle piste thérapeutique pour des maladies rares et graves des reins

Dans un article publié dans la revue JASN le 22 mai dernier, une équipe du Centre de Recherche Cardiovasculaire de Paris (Université Paris Descartes / Inserm / AP-HP) propose une nouvelle approche de thérapie contre les maladies rénales graves. Menée par Pierre Louis Tharaux, cette équipe s’est penchée sur la capacité des cellules rénales à réagir à l’inflammation.

Le rein est un organe essentiel de l’organisme : il a pour fonction de filtrer le sang et d’éliminer les déchets collectés par l’urine. Cette fonction de filtre est principalement effectuée par des cellules spécialisées: les podocytes au sein de structures appelées « glomérules ». Chez certaines personnes, un processus inflammatoire anormal se déclenche et occasionne des lésions au sein du rein et de ces glomérules menant à une insuffisance rénale grave constituant une véritable urgence diagnostique et thérapeutique.

A ce jour, les seuls traitements pour ces maladies dites « glomérulonéphrites » consistent à viser le système immunitaire afin de réduire l’inflammation à l’origine de ce trouble. Malheureusement, ces thérapies ne sont que partiellement efficaces et exposent à une risque d’infection élevé les patients traités. C’est pourquoi l’équipe menée par Pierre-Louis Tharaux au sein du Centre de Recherche Cardiovasculaire de Paris (PARCC) a choisi une approche différente : étudier la possibilité de stopper la destruction rénale en agissant sur la façon dont les cellules rénales (les podocytes) réagissent à l’inflammation.

Chez des personnes non malades, un récepteur nommé PPARγ (peroxisome proliferator-activated receptor-gamma) est présent dans les podocytes des reins. En s’intéressant à cette molécule, les chercheurs ont découvert que celui-ci disparaît en partie des cellules glomérulaires  de souris reproduisant la maladie. De même, cette diminution est également remarquée dans les reins des malades atteints suggérant un rôle important de ce récepteur dans le développement de la glomérulonéphrite. Pour confirmer leur hypothèse, les scientifiques ont supprimé entièrement le PPARg des podocytes chez les souris. Ils ont alors observé une aggravation nette de la sévérité de leur atteinte rénale, corroborant ainsi la nécessité de PPARγ dans la préservation du rein.

Dans une perspective thérapeutique, l’équipe a alors eu l’idée d’administrer à ces souris un activateur de PPARγ, la pioglitazone. Développée en clinique pour le traitement de certains diabètes de type 2, elle était connue pour son effet bénéfique anti-inflammatoire. De manière surprenante, son administration aux souris, jusqu’4 jours après le début de la maladie, diminue considérablement l’inflammation rénale et permet le maintien de la fonction et de la structure du rein. Cette efficacité est perdue lorsque le gène PPARγ est absent des podocytes ce qui indique que l’essentiel de l’efficacité du médicament passe par une action sur ces cellules plutôt que par un effet anti-inflammatoire général comme on le croyait.

« Ces résultats suggèrent une nouvelle indication pour cette classe de médicaments activant la voie PPARγ qui pourraient s’avérer bénéfique dans les glomérulonéphrites en prévenant l’insuffisance rénale grave qui affecte encore beaucoup de patients. » indique Pierre-Louis Tharaux.

binôme édition #6 au Festival d’Avignon

La compagnie les sens des mots, l’Inserm (Institut national de la Santé et de la Recherche médicale) et l’ICM (l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière) sont heureux de vous convier à la représentation d’un spectacle présenté dans le cadre de binôme édition #6 au Festival d’Avignon :

Stimulation cérébrale profonde, de Camille Chamoux, auteure, à la suite de sa rencontre avec Eric Burguière, chercheur en neurobiologie CNRS – INSERM – ICM.

Clotilde présente fièrement son nouveau mec chercheur à son entourage. Mais comme dit Gérard, le père de Clotilde, un neurobiologiste payé par nos impôts pour faire des expériences sur les souris, ça soulève pas mal de questions.

Le lundi 13 juillet 2015, de 17h30 à 18h30 à la Maison Jean Vilar (8 bis rue de Mons, 84 000 Avignon)

Dans l’objectif de sensibiliser un public toujours plus large, l’Inserm fait émerger des visions nouvelles de la science, en réunissant le monde de la recherche et celui des arts et de la culture. C’est dans ce cadre que depuis 5 ans, l’Inserm est partenaire de binôme.

binôme est une série de spectacles Théâtre & Science nés de la commande en écriture à des auteurs dramatiques suite à leurs entretiens filmés avec des chercheurs sur une idée de Thibault Rossigneux, directeur artistique de la compagnie de théâtre les sens des mots.

Eric Burguière

Les comportements répétitifs caractéristiques d’un certain nombre de maladies, notamment les TOC (troubles obsessionnels compulsifs) sont au coeur des recherches d’Eric Burguière. Son équipe Inserm travaille à mieux comprendre les mécanismes cérébraux qui sont à l’origine de ces comportements pour mieux pouvoir les traiter.

Camille Chamoux

Camille Chamoux s’est fait connaître avec son premier spectacle seule-en-scène : Camille Attaque, et ses chroniques télévisées sur Canal plus dans l’Edition spéciale ou radiophoniques sur Europe1. Elle a également co-écrit le film Les Gazelles (2013), réalisé par Mona Achache, et y interprète le rôle principal. En 2014, elle crée son deuxième spectacle Née sous Giscard (qu’elle publie aux Solitaires Intempestifs) au Théâtre du Petit Saint-Martin, mis en scène par Marie Dompnier. Elle écrit aujourd’hui un deuxième long-métrage pour le cinéma, joue dans quatre films en 2015 et prépare son prochain spectacle solo.

Ce spectacle sera repris à l’automne à trois reprises :
– le 25 septembre au Théâtre de la Reine Blanche (Paris 18), programmation en cours
– le 26 septembre dans le cadre du Festival Curiositas à Gif sur Yvette, programmation en cours
– le 7 octobre à 19h, à l’ICM (Paris 13) à l’occasion de la Fête de la science

Avec le soutien de la SACD, le CEA, le CNRS, l’ICM, l’INERIS, l’INSERM, l’IRD, l’OSU Pythéas, la
Région PACA, la DRRT et Culture Science PACA. En partenariat avec la Maison Jean Vilar, le Festival d’Avignon, la Faïencerie–Théâtre de Creil, proarti.

Cancers – une molécule rétablit l’immunité anti-tumorale naturelle

Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm sont parvenus à augmenter l’afflux des cellules immunitaires vers les tumeurs, afin que le système immunitaire bloque la croissance tumorale. Dans cet article paru dans Nature Immunology, les scientifiques révèlent que ce procédé, en combinaison avec les immunothérapies existantes, détruit les cellules cancéreuses.

Les chimiokines sont de petites molécules qui attirent les cellules immunitaires vers les tissus inflammatoires, par exemple lors du développement de tumeurs ou pendant une infection. Cependant, ces molécules peuvent être dégradées par des enzymes, limitant ainsi l’afflux des cellules immunitaires. Par exemple, la chimiokine CXCL10, qui permet le recrutement de lymphocytes T spécifiques vers les tissus pathologiques, est rapidement dégradée par l’enzyme dipeptidylpeptidase 4 (DPP4).

L’unité d’Immunobiologie des cellules dendritiques, dirigée par Matthew Albert (Institut Pasteur et Inserm), avait précédemment montré que des niveaux élevés de DPP4 et de la forme dégradée de CXCL10 chez les patients infectés par le virus de l’hépatite C étaient corrélés avec une absence de réponse aux traitements par interféron. Les scientifiques ont alors émis l’hypothèse que l’inhibition de cette enzyme pourrait améliorer l’efficacité des réponses immunitaires, notamment des réponses anti-tumorales.

Dans des travaux qui viennent d’être publiés, Rosa Barreira da Silva, Matthew Albert et leurs collègues montrent que la prise orale d’un inhibiteur de l’enzyme de DPP4 ralentit le développement de plusieurs types de cancers murins. De plus, les auteurs ont montré que l’inhibition de DPP4 augmente l’infiltration des lymphocytes T dans les tumeurs, et que la combinaison de ce traitement innovant avec des immunothérapies existantes éradique la tumeur dans un modèle murin du cancer du colon.
tumeur

©Institut Pasteur. L’inhibition de l’enzyme DPP4 bloque la croissance tumorale.Coupe histologique de deux mélanomes murins (a) non traité et (b) traité avec sitagliptine, un inhibiteur spécifique de DPP4. Coloration : hématoxyline et éosine. Echelle : 500mm. 

Dans la mesure où le médicament inhibiteur de DPP4, la sitagliptine, est déjà approuvé par les autorités de santé pour le traitement du diabète de type II, les conclusions de ces études devraient être transposées rapidement à des essais cliniques chez l’homme.

 En effet, l’équipe de Matthew Albert, en collaboration avec des cliniciens, débutera très prochainement un essai clinique de Phase I qui évaluera l’impact de la sitagliptine chez des patients atteints d’un carcinome hépatocellulaire.

C’est grâce à la transversalité des projets menés par les équipes de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, et à la collaboration entre les scientifiques et les cliniciens, que des observations cliniques et découvertes scientifiques peuvent rapidement mener à des applications chez l’homme.

Ces travaux ont reçu le soutien de la bourse Pasteur-Roux, de la Ligue contre le cancer, de la Fondation ARC, et de l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du LabEx Immuno-Onco.

Impact de l’exposition environnementale aux insecticides sur le développement cognitif de l’enfant de 6 ans

Dans un article publié dans la revue Environnement International, des chercheurs de l’Inserm (Unité Inserm 1085 – IRSET, Institut de Recherche sur la Santé, l’Environnement et le Travail, Rennes) en lien avec le laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation (Université Rennes 2) apportent de nouveaux éléments suggérant la neurotoxicité chez l’homme des insecticides du groupe des pyréthrinoïdes, présents dans une grande variété de produits et d’usages. Une augmentation des taux urinaires de deux métabolites des pyréthrinoïdes (3‑PBA et cis-DBCA) chez les enfants est associée à une baisse significative de leurs performances cognitives[1], en particulier de la compréhension verbale et de la mémoire de travail. Cette étude a été réalisée sur près de 300 couples mère-enfant de la cohorte PELAGIE (Bretagne).

L’exposition aux pyréthrinoïdes

Les pyréthrinoïdes constituent une famille d’insecticides largement employés dans divers domaines : agricole (diverses cultures), vétérinaire (produits anti-parasitaires) et domestique (shampooings anti-poux, produits anti-moustiques). Leur mode d’action consiste en un blocage de la neurotransmission des insectes provoquant leur paralysie. Du fait de leur efficacité et de leur relative sécurité chez l’homme et les mammifères, ils se sont substitués à des molécules plus anciennes (organochlorés, organophosphorés, carbamate) considérées comme plus toxiques.

L’exposition des enfants aux pyréthrinoïdes est fréquente. Elle diffère de celle des adultes étant donnés leur plus grande proximité aux poussières du sol (qui stocke des polluants), des contacts main-bouche plus fréquents, des shampooings anti-poux, etc… Chez l’enfant, les pyréthrinoïdes sont absorbés principalement par voie digestive, mais aussi par voie cutanée. Ils sont rapidement métabolisés au niveau du foie, puis éliminés majoritairement dans les urines en 48 heures sous forme de métabolites.

Compte-tenu de ces éléments et du mode d’action (neurotoxicité) des insecticides pyréthrinoïdes, les chercheurs ont émis l’hypothèse d’un éventuel effet de ces contaminants sur le système nerveux et son développement chez l’enfant.

L’apport de la cohorte mère-enfant PELAGIE

La grossesse est également une période de vie importante pour la santé ultérieure de l’enfant. C’est pourquoi les chercheurs ont étudié la cohorte mère-enfant PELAGIE mise en place entre 2002 et 2006, suivant 3 500 couples mères-enfants. Cette cohorte prend en compte de façon simultanée l’exposition aux insecticides pyréthrinoïdes pendant la vie fœtale et pendant l’enfance.

Un total de 287 femmes sélectionnées au hasard dans la cohorte PELAGIE et contactées avec succès au sixième anniversaire de leur enfant, ont accepté de participer à cette étude.

Deux psychologues se sont rendues à leur domicile. L’une a procédé à l’évaluation des performances neuro-cognitives de l’enfant à l’aide de l’échelle WISC (indice de compréhension verbale – ICV, et indice mémoire de travail – IMT). L’autre psychologue a caractérisé l’environnement et les stimulations familiales ayant possiblement un rôle sur le développement intellectuel de l’enfant, a procédé au recueil d’un échantillon d’urines de l’enfant et collecté des échantillons de poussières.

L’exposition aux insecticides pyréthrinoïdes a été estimée par le dosage de cinq métabolites (3-PBA, 4-F-3-PBA, cis-DCCA, trans-DCCA et cis-DBCA) dans les urines de la mère (recueillies entre la 6ème et la 19ème semaine de grossesse) et de l’enfant (recueillies à son 6ème anniversaire).

Une baisse constatée des performances cognitives chez l’enfant

Les résultats montrent qu’une augmentation des taux urinaires chez l’enfant de deux métabolites (3 PBA et cis-DBCA) est associée à une baisse significative des performances cognitives, alors qu’aucune association n’est observée pour les trois autres métabolites (4-F-3-PBA, cis-DCCA, trans-DCCA). En ce qui concerne les concentrations de métabolites durant la grossesse aucun lien n’est mis en évidence avec les scores neuro-cognitifs.

« Bien que ces observations doivent être reproduites par d’autres études afin de pouvoir conclure définitivement, elles pointent sur la responsabilité potentielle à faibles doses de la deltaméthrine en particulier (puisque le métabolite cis-DBCA est son métabolite principal et sélectif) et des insecticides pyréthrinoïdes en général (puisque le métabolite 3-BPA est un produit de dégradation d’une vingtaine de ces insecticides) », explique Cécile Chevrier, chargée de recherche à l’Inserm, principal auteure de ces travaux.

« Les conséquences d’un déficit cognitif de l’enfant sur ses capacités d’apprentissage et son développement social constituent un handicap pour l’individu et la société. Les efforts de recherche doivent se poursuivre afin d’identifier des causes qui puissent faire l’objet de mesures de prévention » souligne Jean-François Viel, co-auteur de ces travaux.

Pour en savoir plus

La cohorte PELAGIE

L’étude PELAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Étude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l’Infertilité et l’Enfance) a été mise en place pour répondre aux préoccupations de santé, en particulier celle des enfants, dues à la présence de composés toxiques dans nos environnements quotidiens. Il s’agit d’un suivi d’environ 3 500 mères-enfants réalisé en Bretagne depuis 2002. L’impact d’expositions prénatales à des contaminants (solvants, pesticides) sur le développement intra-utérin a été suggéré ; l’évaluation des conséquences sur le développement de l’enfant est en cours. L’étude PELAGIE s’intègre dans le réseau européen de cohortes mères-enfants qui sont un outil épidémiologique lourd et complexe, mais indispensable pour répondre à ces préoccupations de Santé Publique.

[1] Les fonctions cognitives sont les capacités du cerveau qui permettent notamment de communiquer, de percevoir son environnement, de se concentrer, de se souvenir d’un événement ou d’accumuler des connaissances. http://aqnp.ca/la-neuropsychologie/les-fonctions-cognitives/

isolated child with mosquito net

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Une nouvelle molécule anti-inflammatoire provenant d’une bactérie de l’intestin

Des chercheurs Inra, Inserm, AP-HP et UPMC viennent d’identifier une protéine sécrétée par la bactérie Faecalibacterium prausnitzii, qu’ils ont appelé MAM – Microbial Anti-inflammatory Molecule – et qui joue un rôle actif dans la lutte contre l’inflammation intestinale. Publiée dans la revue Gut, cette découverte constitue un pas décisif dans le développement d’une nouvelle stratégie thérapeutique pour les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Si l’action de F. prausnitzii contre l’inflammation intestinale a été révélée tout récemment par cette même équipe, leurs travaux vont aujourd’hui encore plus loin.

Il y a quelques années, les scientifiques ont montré que la bactérie intestinale Faecalibacterium prausnitzii, avait tendance à diminuer dans l’intestin de l’Homme à l’apparition des maladies inflammatoire chroniques de l’intestin (MICI), telles que la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique. Ils ont également mis en évidence que cette bactérie sécrète une ou plusieurs molécules possédant des propriétés inflammatoires permettant de lutter contre les MICI. L’identification de molécules produites par F. prausnitzii constituerait une avancée cruciale et c’est désormais chose faite grâce à une équipe de l’Inra, de l’Inserm, de l’AP-HP et de l’UPMC.

En utilisant des techniques de biochimie et de spectroscopie de masse, les chercheurs ont découvert plusieurs molécules (des peptides) appartenant à une seule et même protéine de F. prausnitzii qu’ils ont appelée MAM pour Microbial Anti-inflammatory Molecule. Ils ont d’abord démontré que l’ajout de MAM dans des modèles cellulaires diminuait les marqueurs de l’inflammation.

Ils ont ensuite décrit l’efficacité de la protéine MAM dans un modèle souris de MICI. En particulier, les souris protégées par la présence de MAM perdent moins de poids que les souris non-protégées. Les chercheurs ont également montré que cette protéine MAM agit en diminuant certaines des molécules du système immunitaire de la muqueuse intestinale provoquant l’inflammation. 

Les bactéries que nous hébergeons seraient vraisemblablement actrices de notre santé par l’intermédiaire des mêmes stratégies que celles utilisées dans le milieu médical.



Dès qu’il y a une inflammation intestinale, la diminution de la présence de F. prausnitzii aggrave donc la pathologie. Afin d’entraver ce cercle vicieux conduisant à l’inflammation chronique du tractus digestif, les scientifiques envisagent de restaurer la présence de F. prausnitzii. Les moyens pour y parvenir sont multiples : utiliser de nouveaux compléments alimentaires contenant la bactérie (probiotiques) et/ou des molécules qui favorisent le développement de la bactérie (prébiotiques). La découverte et la caractérisation de la protéine MAM permet aussi maintenant d’envisager sa production et son utilisation éventuelle comme molécule active par l’industrie pharmaceutique.
Cette étude qui vient enrichir les connaissances fondamentales dans le domaine de la microbiologie des bactéries intestinales est aussi à l’interface de nouvelles applications industrielles et médicales.

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Image en microscopie électronique à balayage de F. prausnitzii © Inra, plateforme MIMA 2, T. Meylheuc

VIH : de nouveaux indicateurs pour améliorer l’accès aux traitements

Malgré les recommandations de l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) qui préconisent une mise sous traitement antirétroviral précoce des personnes infectées par le virus du VIH, on constate que cette initiation est toujours trop tardive, notamment dans les pays à revenu moyen et faible. Un écart existe donc entre recommandations et ce qui ce passe sur le terrain. Dans une étude publiée dans le Bulletin de l’OMS, l’équipe du Dr Dominique Costagliola (directrice de l’Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé publique – UMR S 1136 – Inserm / UPMC), en collaboration avec les sites ANRS du Cameroun et de la Côte d’Ivoire, propose deux nouveaux indicateurs permettant d’évaluer les interventions mises en place sur le terrain pour accélérer l’accès aux traitements.
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Cellule infectée par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) examinée en microscopie électronique à balayage (MEB). © Inserm/Roingeard, Philippe

Depuis 2006, les recommandations de l’Organisation mondiale pour la santé (OMS) préconisent un traitement de plus en plus précoce des personnes infectées par le VIH. En effet, en 2006, le seuil de mise sous traitement antirétroviral (ARV) était de 200 cellules CD4/mm3 pour passer ensuite à 350/mm3 en 2010 et enfin 500/mm3 depuis 2013. Ces changements de recommandations ont été accompagnés d’une augmentation considérable du nombre de personnes recevant un traitement ARV : ce nombre a atteint 12,9 millions en 2013, dont 5,6 millions depuis 2010, laissant espérer que l’objectif, fixé par les Nations Unies, de 15 millions de personnes sous ARV d’ici fin 2015 soit atteint.

Toutefois, en Afrique subsaharienne, la mise sous traitement ARV reste tardive. En 2011, une personne sur deux infectée par le VIH était placée sous ARV avec un taux de CD4 inférieur à 185/mm3.

Or, le retard au traitement représente autant de risque pour la personne infectée que pour la communauté. De nombreuses études ont en effet montré que, d’une part, un traitement initié rapidement diminue, pour les personnes atteintes, le risque de mortalité et de morbidité lié au VIH/Sida, et d’autre part, abaisse la charge virale et ainsi diminue le risque de transmission du virus à autrui. Une étude publiée en 2009 dans The Lancet[1]

et menée en Afrique du Sud allait même plus loin en indiquant que l’élimination de l’épidémie de VIH pourrait être envisageable si, et seulement si, les personnes infectées par le virus étaient mises sous traitement ARV dans l’année suivant leur séroconversion[2].

Se pose donc la question cruciale d’évaluer les politiques mises en place afin d’améliorer les délais de mise sous traitement. C’est ce que propose l’équipe du Dr Dominique Costagliola (directrice de l’Institut Pierre Louis d’Épidémiologie et de Santé publique – UMR S 1136 – Inserm / UPMC) qui a développé deux indicateurs de mesure. Le premier mesure le délai entre la séroconversion et l’accès aux antirétroviraux, et le deuxième évalue l’écart entre les recommandations de l’OMS et ce qui se passe sur le terrain. Leurs résultats sont publiés dans le dernier Bulletin de l’OMS.

L’estimation de ces deux indicateurs repose sur une modélisation statistique à partir de données d’une enquête menée sur le site ANRS du Cameroun en 2011 chez des personnes ayant initié un traitement ARV et de la cohorte ivoirienne ANRS 1220 Primo-CI de personnes dont on pouvait estimer la date de séroconversion.

Le premier indicateur permet de constater une diminution, légère, du temps moyen entre séroconversion et accès aux ARV : celui-ci passe de 10,4 ans en 2007-2009, à 9,8 ans en 2010.

Le second indicateur, estimant l’écart entre les recommandations de mise sous traitement de l’OMS et le moment effectif de la mise sous traitement a, quant à lui, augmenté. Il passe de 3,4 ans pour la période 2007-2009 à 5,8 ans en 2010.

Pour Virginie Supervie chargée de recherche Inserm au sein de l’équipe de Dominique Costagliola, « ces indicateurs reflètent l’écart entre ce qu’il faudrait faire en théorie pour mettre fin à l’épidémie du VIH et ce qu’il se passe en réalité ».

Ils montrent que d’importants efforts sont à engager.

Parmi les huit objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies figure la lutte contre le VIH/sida avec comme objectif d’enrayer sa propagation et de commencer à inverser la tendance actuelle. Or, dans l’exemple des pays choisis pour l’étude, avec des délais de mise sous traitement de 10 ans à partir de la séroconversion et de 6 ans à partir de l’éligibilité au traitement, la réalité est toute autre. Les indicateurs proposés ici pourraient contribuer à ces objectifs en aidant à l’évaluation des politiques de santé mises en place dans tous les pays confrontés à l’épidémie.

[1] Universal voluntary HIV testing with immediate antiretroviral therapy as a strategy for elimination of HIV transmission: a mathematical model. Granich RM1, Gilks CF, Dye C, De Cock KM, Williams BG. Lancet. 2009 Jan 3;373(9657):48-57

[2] Période d’apparition, dans le sang, d’anticorps spécifiques en réponse au virus. 

 

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