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Imagerie biomédicale à résolution microscopique : la révolution des ultrasons

Une équipe de l’Institut Langevin (ESPCI, CNRS, Inserm) dirigée par Mickaël Tanter, directeur de recherche Inserm à l’ESPCI, vient de franchir une étape déterminante vers l’imagerie médicale très haute résolution utilisant des ondes ultrasonores. Les chercheurs sont parvenus à rendre compte de l’activité vasculaire du cerveau d’un rat in vivo et de manière non invasive, avec une résolution bien meilleure que n’importe quelle technique existante. Loin de l’échographe standard, la technique s’inspire plutôt de la super résolution optique (FPALM) qui avait été récompensée du Prix Nobel de Chimie 2014. Leurs travaux, publiés dans la prestigieuse revue Nature, constituent une véritable révolution pour l’imagerie biomédicale, en offrant la première technique d’imagerie microscopique permettant de voir en profondeur dans les tissus. Les applications potentielles sont immenses, de la détection précoce de tumeurs cancéreuses à d’autres pathologies cardiovasculaires et neurologiques.

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Représentation du système microvasculaire du cerveau d’un rat à partir des vitesses des bulles qui le parcourent © ESPCI / Inserm / CNRS

Accéder aux détails microscopiques de la matière vivante représente encore aujourd’hui un défi difficile à relever. Quelle que soit la technique utilisée, les chercheurs se heurtent à un obstacle de taille : plus la longueur d’onde est petite, plus l’absorption et la diffusion des ondes dans les tissus sont importantes, diminuant le pouvoir de pénétration du signal. Il faut donc choisir entre pouvoir de pénétration et résolution de l’image. Pourtant depuis une vingtaine d’années des progrès considérables ont été réalisés en imagerie par ultrasons particulièrement adaptée à l’imagerie préclinique et clinique, dont l’équipe de Mickaël Tanter est une des pionnières. Ces scientifiques ont mis au point un échographe ultra-rapide, qui équipe déjà de nombreux hôpitaux dans le monde. Mais cette fois, ils ont poussé la technique encore plus loin, atteignant une résolution spatiale inégalée en imagerie médicale : celle du micromètre (1 millième de millimètre).

Tout commence en 2009, lorsque Mickaël Tanter donne une conférence sur l’imagerie par ultrasons aux États-Unis et assiste à la présentation d’une nouvelle technique de microscopie optique à fluorescence avec une résolution meilleure que la limite de diffraction, barrière pourtant supposée infranchissable. L’invention de cette technique optique vaudra d’ailleurs à ses inventeurs le Prix Nobel de Chimie en 2014. Le chercheur français comprend que le concept des opticiens et chimistes américains, limité à une imagerie de surface, pourrait être transposé dans le monde des ondes ultrasonores en utilisant un des échographes ultrarapides de son laboratoire. Dès son retour en France, il propose à son collègue Olivier Couture, chercheur CNRS dans son équipe, de s’en inspirer pour développer leur propre technique à base d’ultrasons.

Les chercheurs décident alors d’utiliser un agent de contraste, ici des microbulles de 3 µm de diamètre déjà employées dans le domaine médical. Après plusieurs années de recherche en collaboration avec une équipe de neurobiologie (ESPCI/CNRS) dirigée par Zsolt Lenkei, directeur de Recherche Inserm, ils parviennent à injecter ces multitudes de microbulles dans une veine d’un rat. La cadence ultrarapide d’acquisition de 5000 images par seconde permet d’extraire de manière très précise le signal individuel provenant de chaque microbulle du bruit de l’ensemble des signaux rétrodiffusés. Leurs positions uniques peuvent alors être localisées individuellement par ultrasons avec une précision micrométrique lors de leur passage dans le cerveau.

En retraçant la position exacte de chaque bulle à chaque instant, les chercheurs ont réussi à reconstituer une cartographie complète du système vasculaire cérébral du rat vivant en quelques dizaines de secondes. Les détails sont tels qu’ils peuvent dissocier des vaisseaux sanguins séparés de quelques micromètres, alors que la résolution était jusqu’ici de l’ordre du millimètre et limitée par la diffraction.


Plus encore, la vitesse d’écoulement du sang est également mesurée très précisément à chaque instant avec une très grande dynamique allant de quelques dizaines de centimètres par seconde dans les gros vaisseaux jusqu’à moins d’1mm/s dans les plus petits vaisseaux du système vasculaire.

Des applications directes

Le gain en résolution est énorme, d’un facteur 20 en moyenne, d’autant plus que la technique est non invasive et rapide ce qui est très important pour le confort du patient. « Nous pensons être à l’aube d’une nouvelle révolution dans le domaine de l’imagerie médicale, confie Mickaël Tanter. En quelques dizaines de secondes, nous pouvons déjà recueillir des millions de signatures de nos microbulles et atteindre des résolutions microscopiques à plusieurs centimètres de profondeur. Nous pensons pouvoir encore accélérer cette technique pour réaliser ces images en une à deux secondes ouvrant ainsi la voie à l’imagerie fonctionnelle en super-résolution».

La technique sera prochainement évaluée sur l’homme, en particulier pour visualiser la micro-vascularisation hépatique chez des patients atteints de tumeurs du foie, ou encore pour l’imagerie trans-crânienne très haute résolution du réseau vasculaire cérébral chez l’adulte. Les applications potentielles sont très nombreuses, y compris la détection précoce de cancers dont la micro-vascularisation est à ce jour impossible à détecter. En fait n’importe quel organe pourra être imagé en 3D à l’échelle microscopique, via un appareil très peu volumineux.

Alors que la plupart des techniques actuelles de microscopie s’appuient sur des approches optiques limitées à une imagerie en surface, ce sont finalement les ultrasons qui viennent résoudre pour la première fois la question de l’imagerie microscopique en profondeur dans les organes.

Les politiques actuelles n’ont pas réussi à diminuer le nombre des anomalies de fermeture du tube neural en Europe

Chaque année, près de 5000 grossesses en Europe sont concernées par des anomalies de fermeture du tube neural comme le spina bifida et l’anencéphalie (malformations du cerveau et du crâne), avec de graves conséquences pour les nouveau-nés. La prise de compléments alimentaires contenant de l’acide folique (ou vitamine B9) avant et en début de grossesse peut considérablement réduire le risque, mais des études montrent que seule une minorité des femmes le font. Une étude publiée aujourd’hui dans The British Medical Journal et coordonnée par Babak Khoshnood, directeur de recherche Inserm (Unité Inserm 1153 « Centre de recherche épidémiologie et statistique Sorbonne Paris cité ») conclut à l’absence de diminution des anomalies du tube neural sur une période de 20 ans. Les chercheurs incitent les décideurs à examiner la mise en place d’une politique rendant obligatoire l’ajout d’acide folique dans certains aliments de base comme la farine ou les céréales.

new born baby ©fotolia

La prévalence des anomalies de fermeture du tube neural en Europe n’a pas baissé au cours de ces 20 dernières années, en dépit des recommandations pour la prise d’acide folique destinées aux femmes qui souhaitent avoir un enfant, révèle une étude parue aujourd’hui dans The BMJ.

L’équipe dirigée par Babak Khoshnood, directeur de recherche Inserm, s’est donnée pour objectif d’évaluer l’évolution à long terme du nombre de cas de malformation de fermeture du tube neural en Europe.

Ils ont analysé les données concernant plus de 11 000 cas d’anomalies de 28 registres EUROCAT (Surveillance européenne des anomalies congénitales) qui couvrent environ 12,5 millions de naissances dans 19 pays entre 1991 et 2011. Des modèles mathématiques ont été utilisés pour pouvoir comparer les différences entre les registres. Ils ont constaté que la prévalence totale des anomalies de fermeture du tube neural en 2011 était globalement comparable à celle observée en 1991 (9 pour 10 000 naissances). C’était également le cas pour les deux principaux types d’anomalies, l’anencéphalie et le spina bifida.

Les estimations issues des modèles révèlent une hausse annuelle de 4 % entre 1995 et 1999 et une baisse de 3 % entre 1999 et 2003, puis une stabilisation pour les années suivantes.

Les tendances pour le spina bifida et l’anencéphalie étaient comparables, et aucune baisse substantielle n’a été observée pour ces deux anomalies.

Les auteurs soulignent qu’il s’agit d’une étude observationnelle, aucune explication définitive sur les causes et les effets ne peut donc être établie à partir de ces résultats. Ils affirment toutefois que leurs données permettent de conclure que les « recommandations, la supplémentation volontaire, ou les deux, n’ont pas permis de faire baisser le taux de prévalence des anomalies de fermeture du tube neural ».

Il n’existe en Europe aucun programme pour rendre obligatoire l’ajout d’acide folique dans certains aliments de base comme la farine ou les céréales comme c’est le cas dans de nombreux pays comme les États-Unis et le Canada. Or, des études suggèrent que cette démarche assure un apport suffisant d’acide folique pour diviser la prévalence des anomalies de fermeture du tube neural par deux sans qu’aucun effet secondaire grave n’ait été constaté à ce jour.

D’après les chercheurs, les conclusions de cette nouvelle étude «devraient inciter les autorités européennes compétentes à se pencher de plus près sur la fortification obligatoire».

Les bactéries intestinales informent le cerveau lorsqu’elles sont rassasiées

« Vous reste-t-il encore de la place pour un dessert? » Les bactéries présentes dans votre intestin pourraient bien vouloir vous dire quelque chose. Vingt minutes après la prise d’un repas, ces bactéries produisent des protéines qui peuvent interrompre la prise alimentaire chez les animaux, selon une étude publiée le 24 novembre dans la revue Cell Metabolism. Les chercheurs de l’Inserm et de l’université de Rouen montrent également comment ces protéines injectées dans des souris et des rats agissent sur le cerveau, en réduisant l’appétit. Cette découverte indique que les bactéries intestinales pourraient réguler la quantité de nourriture que nous ingérons et les moments auxquels nous avons faim.

PhotoCP web ZITVOGEL

(c) Fotolia

Le modèle actuel de régulation de l’appétit implique des hormones de l’intestin qui signalent aux neurones lorsque nous avons faim ou quand nous sommes rassasiés. Pour la première fois, l’influence des protéines bactériennes sur l’émission de signaux de l’intestin au cerveau a été observée.

« Notre étude montre que les protéines bactériennes sécrétées par les E.coli peuvent être impliquées dans les voies moléculaires utilisées par l’organisme pour signaler la sensation de satiété.» explique Sergueï Fetissov de l’unité mixte de recherche « Nutrition, inflammation et dysfonction de l’axe intestin-cerveau » (Inserm / Université de Rouen).

 

Les chercheurs ont constaté qu’après 20 minutes passées à consommer des nutriments et à proliférer, les bactéries E.coli présentes dans l’intestin de rats produisent des protéines différentes de celles sécrétées avant d’être nourries. L’intervalle de 20 minutes semble coïncider avec le temps nécessaire à une personne pour commencer à ressentir une sensation de satiété ou de fatigue après un repas. Suite à cette observation, l’équipe de recherche a établi le profil des protéines bactériennes avant et après la prise alimentaire.

L’injection de faibles doses de protéines bactériennes produites après un repas chez des rats et des souris affamés s’est accompagnée d’une réduction de la quantité d’aliments ingérés lorsqu’ils ont été à nouveau exposés à de la nourriture à volonté. Une analyse plus poussée révèle que ces protéines bactériennes « rassasiées » stimulent la libération de peptide YY, une hormone associée à la satiété. A l’inverse, les protéines bactériennes « affamées » stimulent la production de peptides GLP-1, une hormone connue pour favoriser la sécrétion d’insuline.

 

Une analyse qui visait à détecter la présence d’une des protéines bactériennes « rassasiées », appelée ClpB[1] dans le sang des animaux est venue compléter ces résultats. Les chercheurs ont constaté que le taux plasmatique de ClpB dépendait de l’expression de l’ADN ClpB dans l’intestin. Ceci suggère l’existence d’un lien entre la composition bactérienne et la régulation de l’appétit de l’hôte. Par ailleurs, ClpB augmente l’activité de neurones qui réduisent l’appétit.

« Les bactéries participent physiologiquement à la régulation de l’appétit immédiatement après l’ingestion d’aliments en multipliant et en stimulant la sécrétion d’hormones de la satiété dans l’intestin », conclut Serguei Fetissov. « Nous suggérons que le microbiote intestinal produit des protéines qui peuvent être présentes dans le sang à plus long terme et qui modulent ces circuits dans le cerveau. Nous devons maintenant connaître l’impact d’un microbiome intestinal altéré sur cette physiologie ».

Le rôle des autres protéines E.coli dans la faim et la satiété ainsi que la contribution des protéines d’autres espèces de bactéries restent à déterminer.

[1] L’équipe de recherche avait découvert en 2014 son rôle dans la variation de la prise alimentaire.

Connexions défaillantes à travers le cerveau, en cause dans certains troubles de l’autisme

Des chercheurs du Neurocentre Magendie (Inserm/Université de Bordeaux) viennent de montrer comment les connexions altérées entre cellules du système nerveux étaient impliquées dans le syndrome de l’X fragile, responsable de troubles du spectre autistique. A l’aide de l’IRM, Andreas Frick, chargé de recherche Inserm, et son équipe ont en effet observé, sur une souris modèle de ce syndrome, une altération des connexions et de la communication entre différentes zones du cerveau. Ces nouvelles données sont susceptibles d’expliquer certains symptômes des troubles du spectre autistique, tels que l’hypersensibilité aux informations sensorielles ou les altérations de la perception visuelle.

Le détail de ces travaux est publié dans la revue Science Advances datée du 20 novembre 2015.

 

Des estimations récentes du « Center for Disease Control » aux États-Unis suggèrent qu’un enfant sur 68 est atteint de Troubles du Spectre Autistique (TSA). Les TSA sont des troubles neurologiques caractérisés par un spectre de symptômes comprenant : des problèmes d’interactions sociales et de communications, un traitement anormal de l’information sensorielle, ainsi que des comportements répétitifs stéréotypés.
Il a longtemps été suggéré que le cerveau des personnes atteintes d’autisme présente des connexions différentes. Cependant, il n’existe pas encore de consensus ni concernant un modèle de ces différences, ni au sujet du lien possible entre ces différences et les symptômes exprimés chez les individus souffrant de ces troubles.
Actuellement, une théorie se dégage au plan international parmi les neuroscientifiques qui suggère que le cerveau des personnes atteintes de TSA est « hyper-connecté » à un niveau local, mais qu’à une échelle globale, les différentes zones du cortex sont fonctionnellement « déconnectées » les unes des autres. Les connexions locales peuvent « traiter » un type d’information spécifique (certains aspects de la vision par exemple). A contrario, les connexions à plus longues portées permettent au cerveau d’intégrer des informations plus complexes provenant de parties du cerveau qui traitent souvent d’aspects différents. Ce dernier type de connexion est donc nécessaire pour une perception et une compréhension fine de notre environnement extérieur.

PhotoCP Frick

Réorganisation des connexions locales et à longue portée sur une souris modèle d’autisme (à droite) et sur une souris sauvage (à gauche)
Les neurones marqués (en vert) par fluorescence suite à l’injection d’un traceur dans le cortex visuel primaire (au niveau de la flèche blanche) envoient des projections vers le cortex visuel et sont répartis à travers différentes régions du cerveau. Sur les souris modèles du syndrome de l’X fragile (Fmr1-/y), on observe une haute densité de neurones dans le cortex visuel (connexions locales), mais une réduction du nombre de neurones loin de cette région (connexions longues portées).

Figure extraite de Haberl et coll. Science Advances 20 Novembre 2015; 10.1126/sciadv.1500775. Cette figure est licenciée sous CC BY-NC. Modfication de la Figure 2a de la publication (seuillages et angle de vue modifiés, et marque rouge indiquant le point d’injection enlevé).

 

Pour étudier comment le réseau du cerveau est altéré dans les TSA, Andreas Frick et ses collègues ont utilisé une souris modèle du syndrome du X fragile (un trouble neurodéveloppemental étroitement lié à l’autisme). Cette même équipe avait observé en 2014, sur ces souris modèles de TSA et du SXF, des altérations dans la manière de réagir aux informations sensorielles (notamment les informations liées au toucher) et a décrit un mécanisme expliquant les changements neurobiologiques sous lignant ce phénomène .
Dans le travail publié aujourd’hui, les chercheurs de l’équipe d’Andreas Frick ont utilisé (en collaboration avec une équipe néerlandaise) l’imagerie par résonance magnétique (IRM), une technique qui est fréquemment utilisée chez l’homme, afin de mieux mettre en évidence la perturbation des connexions entre les neurones. De fait, leurs résultats montrent une désorganisation des fibres nerveuses du corps calleux de ces souris. Le corps calleux contient des fibres nerveuses, reliant les zones néocorticales les unes aux autres et à d’autres régions du cerveau.

« L’ensemble des connexions cérébrales fonctionne comme une autoroute, permettant la distribution du trafic aux différentes parties d’une agglomération, mais également à d’autres villes et villages extérieurs », explique Andréas Frick.

Les chercheurs ont souhaité étudier de plus près la partie du néocortex, qui traite l’information visuelle.
Globalement, l’IRM fonctionnelle, permet d’observer une réduction de la communication entre différentes zones du cerveau.
L’ensemble de ces résultats soutiennent l’idée que les connexions locales sont renforcées dans le SXF/ les TSA, mais que les connexions à longue distance sont réduites. Par conséquent, ce travail confirme à la fois les hypothèses émises de longue date (mentionnées ci-dessus), et fournit également une explication à certains des symptômes des TSA et du SXF. Par exemple, un traitement exacerbé de l’information locale et/ou l’incapacité à intégrer les informations provenant de sources multiples peuvent expliquer une perception sensorielle altérée. Les altérations dans la perception visuelle, caractéristiques des TSA, peuvent être expliquées par un traitement augmenté des détails fins ou des structures au détriment de l’image entière.


« Les techniques d’IRM présentes dans notre travail sont également utilisées en routine chez l’homme et constituent donc une méthode applicable aux patients pour mesurer des changements des connexions, expliquent les chercheurs. Transposés à l’Homme, nos résultats pourraient permettre de changer la manière d’évaluer de nouvelles approches thérapeutiques pour traiter les SXF et TSA, et pour mieux comprendre le rôle que pourrait avoir des modifications des connexions dans d’autres maladies psychiatriques ou neuro-développementales. », concluent-ils.

Pier-Vincenzo Piazza reçoit le Grand Prix Inserm 2015

Les Prix Inserm 2015 récompenseront le 8 décembre prochain au Collège de France, huit chercheurs et ingénieurs de recherche remarquables. Le Grand Prix Inserm 2015 sera remis à Pier-Vincenzo Piazza, en reconnaissance de l’ensemble de son travail sur la physiopathologie des maladies psychiatriques, en présence de Marisol Touraine, ministre des Affaires Sociales et de la Santé, de Thierry Mandon, secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, du professeur Yves Lévy, Président-directeur général de l’Inserm et de Jean-Yves Le Déaut, député et Président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst).

Caroussel PV Piazza

© Inserm / Patrick Delapierre

Pier-Vincenzo Piazza, Grand Prix Inserm

Le Grand Prix Inserm est décerné à Pier-Vincenzo Piazza, directeur de recherche Inserm et directeur de l’Unité Inserm 862 « Neurocentre Magendie » pour l’ensemble de ses recherches sur les mécanismes physiopathologiques des maladies psychiatriques. Egalement médecin et psychiatre, Pier-Vincenzo Piazza s’est consacré à la recherche en psychiatrie expérimentale dans le but de développer de nouveaux traitements des maladies mentales.

Il fut le premier à mettre en évidence l’existence d’une vulnérabilité individuelle à l’addiction, proposant ainsi les bases de la physiopathologie de la toxicomanie.

Il a récemment identifié un mécanisme capable de protéger naturellement le cerveau des effets néfastes du cannabis chez l’animal, ce qui lui a permis de révéler avec son équipe, une nouvelle classe pharmacologique et de sélectionner le premier candidat médicament, l’AEF0117.Cette molécule qui fera l’objet d’essais cliniques en 2016, est capable d’inhiber les effets comportementaux du THC. Cette découverte ouvre la voie à de possibles traitements contre l’addiction au cannabis.

 

Peter Piot, Prix International

Le Prix International est attribué à Peter Piot, médecin spécialisé en microbiologie et ancien directeur de l’Onusida, en reconnaissance de l’ensemble de ses recherches sur les virus mortels. Il a notamment codécouvert le virus Ebola en 1976 et lutté activement contre le VIH. Président de la London School of Hygiene and Tropical Médicine, il participe actuellement à la recherche d’un vaccin contre le virus Ebola.

 

Etienne-Emile Baulieu, Prix d’Honneur

Le Prix d’Honneur distingue le professeur Etienne-Emile Baulieu, chercheur au sein de l’Unité « Stéroïdes, neuroprotection et neurorégénération » (Unité Inserm 1195), pour ses travaux sur les hormones stéroïdes. Mondialement reconnu pour avoir découvert la sécrétion de la DHEA par les glandes surrénales et inventé la pilule abortive, il travaille aujourd’hui sur une approche de la maladie d’Alzheimer.

 

Le Prix Opecst-Inserm est attribué à José-Alain Sahel, médecin ophtalmologiste, fondateur et directeur de l’Institut de la Vision (Unité Inserm 968), pionnier dans le domaine de la rétine artificielle et des thérapies régénératrices de l’œil.

 

Les Prix Recherche sont décernés à Caroline Robert, médecin et codirectrice de l’équipe de recherche sur le mélanome au sein de l’Unité Inserm 981, pour ses travaux sur le mélanome et Archana Singh-Manoux, directrice de recherche Inserm au sein de l’Unité « Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations » (Unité Inserm 1018) en reconnaissance de ses études sur le vieillissement cognitif.

Les Prix Innovations honorent cette année René Ferrera, ingénieur de recherche Inserm au Laboratoire CarMeN (Unité Inserm 1060) qui a notamment développé de nouvelles techniques de protection et d’évaluation de la viabilité myocardique, et Claire Lissalde, ingénieur de recherche et responsable du service audiovisuel de l’Inserm (Département information scientifique et communication) pour son travail original au service de la diffusion scientifique.

Un nouveau circuit neuronal impliqué dans le contrôle du mouvement

L’équipe de Claire Wyart, chercheuse Inserm au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière, vient de mettre en évidence la capacité de neurones sensoriels situés dans la moelle épinière à moduler le mouvement. Chez le poisson zèbre, les chercheurs ont montré que l’activation de ces neurones déclenche la locomotion lorsque l’animal est au repos et l’inhibe lorsque l’animal est en mouvement. Ces résultats suscitent l’espoir de pouvoir, un jour, stimuler précisément ces circuits pour générer un mouvement chez des patients victimes de lésion de la moelle épinière. Ces travaux sont publiés dans Current Biology.

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Les lésions de la moelle épinière entraînent des paralysies graves et ne bénéficient d’aucun traitement à ce jour. Lors de l’interruption de la communication entre le cerveau et la moelle épinière, le cerveau ne peut plus contrôler les mouvements de façon volontaire. Cependant, il existe au sein de la moelle épinière, des circuits autonomes générateurs de la marche qui assurent le programme locomoteur, une fois la décision prise au niveau du cerveau de se déplacer. Cette aptitude à entretenir le mouvement provient de la capacité du réseau locomoteur spinal à générer des oscillations électriques.

Afin de comprendre le fonctionnement et la modulation du réseau locomoteur spinal, l’équipe de Claire Wyart étudie la motricité chez le poisson zèbre. Ce vertébré transparent est particulièrement adapté à l’optogénétique, technologie de pointe qui permet de stimuler des neurones cibles grâce à la lumière. Grâce à cette méthode, les neurones stimulés s’allument et sont visibles en transparence.

Les chercheurs ont exploité cette technologie pour identifier et comprendre le fonctionnement d’un nouveau circuit neuronal impliqué dans le contrôle du mouvement. En l’activant à différents moments (animal au repos ou en mouvement), les chercheurs ont mis en évidence des connexions capables de générer les oscillations qui permettent au poisson de se mouvoir. L’originalité de ce circuit est qu’il dépend de l’activité de neurones sensoriels qui en cascade finissent par activer des neurones moteurs.

De façon surprenante, les chercheurs observent que la modulation de la locomotion dépend de l’état initial de l’animal. En effet, la stimulation déclenche la locomotion quand l’animal est à l’état de repos tandis qu’elle l’inhibe quand l’animal est déjà en train de nager.  » Cette modulation est complexe et va dépendre du contexte » explique Claire Wyart, principale auteur de ces travaux.

En 2014, cette même équipe avait montré que ce circuit est conservé entre les différentes espèces vertébrées, en particulier chez les primates. Ces travaux originaux chez le poisson zèbre ouvrent ainsi de nombreuses pistes de recherche pour comprendre la modulation du circuit locomoteur chez l’homme.

Pour la première fois, un type de neurones sensoriels capables d’exercer une modulation sur le réseau locomoteur spinal a été identifié.

Si plusieurs points restent encore à élucider, la stimulation des voies sensorielles pour activer le réseau locomoteur générateur de la marche chez l’homme, représente un espoir dans le cas de lésions de la moelle épinière.

L’Inserm s’envole dans l’espace avec Thomas Pesquet

Dans un an, l’astronaute français de l’ESA Thomas Pesquet s’envolera pour la station spatiale internationale (ISS) où il réalisera à bord des expériences scientifiques préparées par des chercheurs de l’Inserm. Le programme scientifique et technique de cette mission de l’ESA (l’Agence Spatiale européenne) comporte une participation française significative gérée par le CNES (Centre national d’études spatiales).

Les projets de recherche de 3 laboratoires de l’Inserm seront menés en orbite. Ils auront pour objectif d’étudier les effets de l’espace sur la densité osseuse, la pression artérielle, le sommeil. Les données recueillies avant, pendant et après la mission de 6 mois seront analysées au sol par les chercheurs pour mieux comprendre les pathologies associées.

PhotoCP web Thomas Pesquet

© Inserm/Delapierre Patrick

Pour en savoir plus sur les expériences que conduira Thomas Pesquet, lire le dossier complet réalisé par le magazine de l’Inserm :

Espace – L’Inserm en orbite (Science&Santé n°27)

Ecouter l’interview de Thomas Pesquet réalisée pour l’Inserm au salon du Bourget (coproduction Inserm/CNES) :

Pour vous informer, l’Inserm, partenaire scientifique du vol opéré par l’ESA, organise une conférence citoyenne en présence des chercheurs impliqués et de Claudie Haigneré:

Conquête spatiale et innovation médicale le 26 novembre de 19h à 20h30 Cité des sciences et de l’industrie de Paris, Museum de Toulouse (duplex dans le cadre de Futurapolis)

A suivre sur @InsermLive

3 laboratoires de l’Inserm impliqués pour 4 expériences :

  • Unité Inserm 1075 « COMETE Mobilités : Attention, Orientation et Chronobiologie » (Caen)

L’équipe de recherche étudiera le mal de l’espace et son application avec le mal des transports. Sur le plan technologique, le laboratoire travaille avec la société Bodycap sur des capteurs actimétriques et de température miniaturisés ainsi que sur les logiciels d’analyse correspondant. Ces capteurs seront embarqués dans une veste intelligente que portera Thomas Pesquet.

Pierre Denise

Unité Inserm 1075 « COMETE Mobilités : Attention, Orientation et Chronobiologie »

02 31 06 81 32

rf.neacinu@esined.erreip

 

  • Unité Inserm 1059 « Biologie intégrative du tissu osseux » (St Etienne)

– Ce laboratoire étudiera les modifications osseuses dues au vol spatial et la récupération au retour sur terre.

– Une deuxième expérience, in vitro, visera à comprendre pourquoi les cellules précurseurs de la moelle osseuse se différencient dans l’espace en  adipocytes au dépens des ostéocytes, cause majeure de diminution de la formation osseuse et donc de perte osseuse.

Laurence Vico

Unité Inserm 1059 « Biologie intégrative du tissu osseux »

04 77 42 18 57

rf.enneite-ts-vinu@ociv

 

  • Unité Inserm 970 « PARCC (Paris – Centre de recherche cardiovasculaire) » – équipe « Physiopathologie, pharmacologie et imagerie des grosses artères » (Paris)

Les vols spatiaux sont de bons modèles pour étudier le vieillissement accéléré, dans la mesure où certaines données préliminaires montrent que la rigidité artérielle augmenterait d’un équivalent de 10 ans environ lors de vols spatiaux courts. Les changements liés à la microgravité seront étudiés à l’aide de capteurs souples développés spécialement (en collaboration avec l’ESIEE Paris et le laboratoire ESYCOM).

Pierre Boutouyrie
Unité Inserm 970 PARCC
01 56 09 39 66
rf.phpa.pge@eiryuotuob.erreip

Un indicateur pour prédire la sortie du coma

A la suite d’un traumatisme crânien ou d’un arrêt cardiaque récupéré, il est difficile de déterminer l’évolution des patients dans le coma. Des chercheurs de l’unité 825 « Imagerie cérébrale et handicaps neurologiques » (Inserm – Université Toulouse III – Paul Sabatier) en collaboration avec le CHU de Toulouse, montrent que la qualité de la communication entre deux structures du cerveau prédit la récupération du patient à 3 mois. Ce nouvel indicateur obtenu grâce à l’analyse IRM du cerveau de patients au repos, serait une aide supplémentaire pour établir un pronostic.

Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Neurology le 11 novembre 2015.

© Inserm

La conscience apparait comme un processus mental complexe et indissociable de notre existence. Cette capacité́ est en effet relativement instable. Elle disparaît de manière cyclique dans la journée (veille-sommeil) et peut être modifiée par l’administration de certains médicaments (anesthésie). Enfin, elle peut être abolie, de manière plus ou moins complète et définitive suite à une agression cérébrale : c’est le coma. Dans cette situation, il est très difficile de déterminer quels sont les patients qui en sortiront et récupéront un état de conscience normal, ou au contraire garderont des séquelles neurologiques lourdes, à l’origine d’un handicap important (état végétatif, état de conscience minimale).

Dans cette étude, les chercheurs se sont intéressés aux anomalies cérébrales responsables de la perte de la conscience observée pendant le coma. Ils ont comparé l’activité cérébrale au repos de 27 patients dans cet état et des sujets contrôles du même âge, à l’aide des enregistrements en Imagerie par Résonance Magnétique Fonctionnelle.

Deux régions cérébrales ne communiquent plus ensemble

Les scientifiques ont analysé en particulier les communications de l’ensemble du cerveau avec une structure située en arrière du cerveau appelée Cortex Postéro-Médian (CPM). Pendant le sommeil ou lors d’une anesthésie, cette région charnière a une activité diminuée. Cette structure est composée de deux zones que les chercheurs ont étudiées (le précuneus et le cortex cingulaire postérieur).

Une perte de communication majeure entre le CPM, particulièrement au niveau du cortex cingulaire postérieur, et la partie antérieure du cerveau (Cortex Frontal Médian, CFM) est constatée chez tous les patients dans le coma. Cette mauvaise connexion est présente quel que soit le mécanisme qui en est à l’origine (un traumatisme crânien ou un arrêt cardiaque récupéré). Cette observation suggère le rôle majeur de l’interaction entre ces deux structures dans l’émergence de la conscience chez l’homme.

Mauvaise connexion

Représentation 3D du cerveau et des zones impliquées (en bleu le cortex cingulaire postérieur, en jaune le cortex frontal médian) ©Unité Inserm 825

L’équipe est allée plus loin en évaluant le niveau d’altération de cette connexion (CPM-CFM) au cours du temps. Les chercheurs de l’Inserm ont comparé les enregistrements quelques jours après l’agression cérébrale et le début du coma à l’évolution neurologique des patients trois mois après. Il s’avère que la récupération des patients est étroitement liée au degré d’atteinte de cette connexion.

« Les patients qui vont récupérer un état de conscience présentent des niveaux de connexions comparables à ceux observés chez les sujets sains. A l’opposé, une diminution de la communication entre les deux zones prédit une évolution défavorable vers un état végétatif ou un état de conscience minimale, »

expliquent Stein Silva et Patrice Péran, à l’origine de cette découverte.

Ces résultats constituent une étape importante pour comprendre l’émergence des perceptions conscientes du monde extérieur. Ils sont prometteurs car les neurologues pourraient utiliser ce paramètre pour l’évaluation du pronostic et l’adaptation des traitements du patient dans le coma. Néanmoins, les recherches devront se poursuivre pour décrypter les mécanismes sous-jacents du coma qui restent aujourd’hui peu connus.

Les acides gras, essentiels au système nerveux…de l’intestin (aussi)

Comment le défaut d’un acide gras explique la maladie de Crohn ?

Deux équipes de recherche de l’Inserm viennent de montrer qu’un défaut de production par l’intestin d’un « messager » lipidique, était associé à la maladie de Crohn, une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI) fréquente et très invalidante. Ce messager, dérivé d’un acide gras essentiel, régule la perméabilité de la barrière intestinale et pourrait ainsi devenir une cible de choix dans la prise en charge des MICI. Ces travaux éclairent aussi d’un jour nouveau le rôle des cellules gliales entériques. A l’égal de leurs homologues du système nerveux central, trop longtemps considérés comme jouant un « second rôle », les cellules gliales de l’intestin commencent à dévoiler leur « jeu » en réalité indispensable à l’homéostasie intestinale. Le détail de ces travaux est publié dans Gastroenterology.

 

Le système nerveux entérique joue un rôle central dans le contrôle de l’homéostasie des fonctions digestives telles que la motricité ou encore le contrôle des fonctions de la barrière épithéliale intestinale. Ce système nerveux intégratif, situé tout le long du tube digestif, est constitué de neurones et de cellules gliales. Le rôle des cellules gliales entériques reste encore largement à découvrir. Un nombre croissant d’études montrent qu’elles régulent, de manière analogue aux astrocytes du cerveau, les fonctions des neurones entériques mais aussi de la barrière épithéliale intestinale telles que la prolifération des cellules épithéliales, leur migration, la perméabilité (paracellulaire et transcellulaire) ainsi que les processus de réparation. Les cellules gliales régulent ces fonctions via la libération de différents gliomédiateurs dont certains dérivés lipidiques des acides gras polyinsaturés (AGPI) n-6.

 

Par ailleurs, les atteintes des cellules gliales entériques (CGE) dans des pathologies associées à des dysfonctions de la barrière intestinale, restent limitées à la description de modification d’expression de marqueurs gliaux. Ces dysfonctions de la barrière intestinale (augmentation de la perméabilité, défaut de réparation) sont reconnues comme pouvant jouer un rôle clef dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) en participant au déclenchement des rechutes. Réduire ces dysfonctions est aussi un mécanisme d’action probable des biothérapies utilisées dans la prise en charge des MICI.

 

Dans ce contexte Malvyne Rolli Derkinderen et Michel Neunlist, chercheurs de l’Unité mixte de recherche Inserm-Université de Nantes « Neuropathies du système nerveux entérique et pathologies digestives », et leurs collaborateurs de l’Institut de Recherche en Santé Digestive de Toulouse Purpan, ont cherché dans un premier temps à caractériser la production de médiateurs lipidiques dérivés des n-6 dans les cellules gliales entériques animales et humaines. Ils ont ensuite analysé l’impact des dérivés des AGPI majoritairement produits sur des fonctions de la barrière épithéliale intestinale, et, enfin, ont mis en évidence le défaut de production de l’un d’entre eux chez les patients atteints de maladie de Crohn.

Schéma maladie de Crohn

En vert : en situation physiologique, les cellules gliales entériques produisent des dérivés lipidiques dont la 15-HETE qui renforce l’étanchéité de la barrière épithéliale intestinale et empêche le passage de pathogène.

En rouge : au cours de la Maladie de Crohn, il existe un déficit de production gliale de 15-HETE qui conduit à une augmentation de la perméabilité de la barrière et facilite le passage de pathogènes. Ceci contribuerait aux rechutes de la maladie ou à sa sévérité.

Ainsi les chercheurs ont montré que les CGE humaines (et de rat) sont capables de produire des AGPI n-6, et notablement le 15-HETE, synthétisé par la 15-lipoxygenase-2. Ce 15-HETE renforce la barrière épithéliale intestinale en diminuant la perméabilité paracellulaire in vivo et in vitro, en particulier en augmentant l’expression de molécules des jonctions serrées dont la Zonula Occludens-1.

Dans des CGE isolées de patients atteints par la Maladie de Crohn, les chercheurs ont mis en évidence un défaut de production de 15-HETE associé à une perte de la capacité des CGE à contrôler la perméabilité de la barrière épithéliale intestinale.

Ces travaux identifient donc les AGPI n-6 comme source de dérivés aux effets potentiellement bénéfiques sur les fonctions de la barrière épithéliale intestinale dans les MICI. Pour Camille Pochard et Sabrina Coquelorge, les 2 premières auteures, « ces résultats contribuent à la fois à renforcer le rôle des cellules gliales en particulier et du système nerveux entérique en général dans les processus physiopathologiques des MICI et aussi d’identifier de nouvelles cibles d’intérêt thérapeutique».

La flore intestinale en renfort de l’immunothérapie en cancérologie

Le rôle capital de la flore intestinale dans le succès d’une immunothérapie vient d’être dévoilé dans une étude parue dans la revue Science. Des bactéries intestinales capables d’améliorer la réponse thérapeutique de ce médicament et de diminuer un effet secondaire régulièrement rencontré avec ce traitement, une « colite inflammatoire », ont été identifiées.

Ces travaux de recherche sous-tendent que l’efficacité des immunothérapies en oncologie pourrait à l’avenir être dictée notamment par la composition de la flore intestinale des patients. Les chercheurs espèrent d’une part, pouvoir élaborer un test prédictif de réponse à ces traitements par des analyses de la flore intestinale. D’autre part, pouvoir proposer aux patients qui le nécessitent la possibilité de reconstituer une flore qui restaurera l’effet antitumoral de l’immunothérapie.

PhotoCP web ZITVOGEL

Ces travaux de recherche ont été menés conjointement par des chercheurs français de Gustave Roussy, de l’Inserm, de l’Institut Pasteur de Lille et Paris, de l’AP-HP et de l’Université Paris-Sud, en collaboration avec une équipe de l’INRA et principalement soutenu financièrement par la Fondation ARC pour la Recherche contre le Cancer.

« Certaines bactéries naturellement présentes dans la flore intestinale sont en train de devenir des piliers du succès d’une immunothérapie en oncologie clinique. » commente le Pr Laurence Zitvogel, directrice du laboratoire Immunologie des tumeurs et immunothérapie contre le cancer (Inserm/ Gustave Roussy/ Université Paris-Sud) et dernier auteur de la publication.

 

Le rôle de deux bactéries de la flore intestinale dans l’amélioration de ces effets secondaires et dans l’augmentation de l’efficacité d’une immunothérapie par anticorps anti-CTLA4 (Ipilimumab) vient d’être démontré par l’équipe du Pr Laurence Zitvogel, secondée par les équipes du Dr Mathias Chamaillard de l’Institut Pasteur de Lille, du Dr Ivo Gomperts Boneca de l’Institut Pasteur de Paris et du Dr Patricia Lepage de l’INRA.

Les chercheurs ont montré que lorsque la flore intestinale était dépourvue des deux bactéries identifiées, soit chez des souris sans germe soit après traitement antibiotique à large spectre et traitées avec l’Ipilimumab, le médicament n’était plus efficace contre la tumeur. La colonisation de la flore intestinale par l’une ou l’autre de ces bactéries est nécessaire et suffisante pour restaurer l’effet de l’anticorps monoclonal et améliorer la symptomatologie de la colite inflammatoire chez ces souris.

La pertinence de ces informations a aussi été recherchée chez l’homme avec succès. Les équipes du Pr Caroline Robert, Chef du service de dermatologie à Gustave Roussy et du Pr Franck Carbonnel, Chef du service de gastro-entérologie à l’hôpital Bicêtre, AP-HP, ont débuté un essai clinique afin de démontrer la pertinence de ces informations chez des patients souffrant de mélanome.

 

Ainsi, l’analyse de la flore intestinale de patients souffrant d’un mélanome métastatique après traitement à l’Ipilimumab a permis de montrer l’importance de ces bactéries immunogènes dans la sensibilité au traitement et la diminution tumorale. Ces résultats suggèrent l’intérêt de considérer les bactéries immunogènes comme des traitements adjuvants en oncologie.

« En parallèle de nos travaux, une équipe américaine est arrivée aux mêmes conclusions sur le rôle d’autres bactéries dans l’efficacité de l’anticorps anti-PD1, le nivolumab » ajoute le Pr Laurence Zitvogel qui précise que ces travaux montrent que le microbiote dicte la réponse thérapeutique ce qui ouvre des perspectives intéressantes de traitement. Ainsi, on pourrait proposer à des patients dont la flore intestinale est peu favorable, une composition bactérienne compensatrice soit par des prébiotiques soit par des bactéries immunogènes issues de la flore intestinale soit par une transplantation fécale. Mais il existe actuellement en France un flou réglementaire quant à la transformation des flores intestinales en médicaments qui pourraient devenir des adjuvants thérapeutiques en oncologie avec l’aide des législateurs et des agences règlementaires.

// A propos de l’immunothérapie

Les immunothérapies ont permis une révolution thérapeutique en cancérologie. Elles permettent non seulement de réduire la taille des tumeurs mais aussi, et pour la première fois, de prolonger notablement la survie des malades voire de les guérir de cancers métastatiques ou localement avancés. Ces nouvelles immunothérapies, des anticorps monoclonaux (anti-CTLA4 ou anti-PD1), permettent de réveiller le système immunitaire du patient. Cependant, 20% des patients sous un traitement anti-CTLA4 voient apparaitre des effets secondaires auto-immuns telle la « colite inflammatoire ».

//  A propos de la flore intestinale

La flore intestinale ou microbiote intestinal est composé de 100 000 milliards de bactéries. Celles-ci colonisent l’intestin dès la naissance et participent à la maturation des défenses immunitaires. Chaque individu est doté d’un microbiote qui lui est propre. La composition de cette flore est dictée par des facteurs génétiques, nutritionnels et environnementaux. Certaines bactéries peuvent favoriser la survenue de maladies, au contraire d’autres qui ont un effet protecteur.

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