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Le mécanisme d’un candidat vaccin anti-sida filmé in vivo

Grâce à une technologie innovante, des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm sont parvenus à filmer in vivo le déclenchement de la réponse immunitaire par un candidat vaccin anti-sida développé par l’Institut de Recherche Vaccinale et l’ANRS. Ces images inédites montrent l’action précise du vaccin quant au recrutement des cellules immunitaires nécessaires à la destruction des cellules infectées. En permettant de mieux comprendre le mode d’action du vaccin, ces résultats, publiés dans la revue Nature Medicine, le 21 décembre 2015, valident son potentiel.

 

L’objectif de l’étude menée par les chercheurs de l’unité Dynamique des réponses immunes (Institut Pasteur / Inserm / VRI), dirigée par Philippe Bousso, Directeur de recherche Inserm, était de visualiser l’effet sur la réponse immunitaire d’un candidat vaccin contre le sida / VIH (MVA-HIV) en cours d’essai clinique par l’Institut de Recherche Vaccinale (VRI) et l’ANRS.

Pour cela, le vaccin a été administré à des souris saines. Les chercheurs ont alors observé en temps réel la chorégraphie des cellules du système immunitaire qui se met en place, en quelques heures seulement, dans le ganglion lymphatique, l’organe où se développe la réponse vaccinale.

Grâce à une technique d’imagerie microscopique puissante non invasive, les chercheurs ont pu visualiser pour la première fois in vivo et en direct la formation d’un complexe protéique à la structure très particulière : l’inflammasome, un assemblage complexe de protéines, qui apparait dans les premières cellules immunitaires ciblées par le vaccin, les macrophages.

 

L’inflammasome favorise alors la maturation du messager chimique, l’interleukine IL-1, mais induit aussi la mort du macrophage libérant ainsi ce messager inflammatoire dans le ganglion. Par une réaction en chaîne, ce signal conduit au rassemblement des multiples acteurs du système immunitaire dans le ganglion et notamment des cellules tueuses particulièrement importantes pour la réponse vaccinale.

Ces films in vivo ont donc permis de reconstituer avec précision les étapes clés du fonctionnement de ce vaccin et d’identifier une voie importante qui orchestre la mobilisation efficace de la réponse immunitaire.

« C’est la première fois qu’il est donné de visualiser in vivo et en temps réel la formation de cette structure originale, l’inflammasome » commente Philippe Bousso.

« Ainsi notre étude souligne le potentiel du candidat vaccin MVA-HIV à déclencher une réponse immunitaire importante et diversifiée. »

Ces travaux ont reçu le soutien de l’Institut de Recherche Vaccinale, la Fondation pour la Recherche Médicale et le Conseil Européen de la Recherche (ERC).

Des disques intervertébraux tout neufs contre le mal de dos

Tout au long de la vie, la colonne vertébrale est extrêmement sollicitée. Son usure retentit très vite sur la qualité de vie, le mal de dos étant souvent qualifié de mal du siècle. 40 % des douleurs dorsales seraient dues à une dégradation irréversible des disques intervertébraux qui forment des « coussins » entre les vertèbres et ne peuvent plus jouer leur rôle d’amortisseurs des chocs. Des chercheurs de l’Inserm sous la responsabilité de Jérôme Guicheux (Unité Inserm 791 « Laboratoire d’ingénierie ostéo articulaire et dentaire » à Nantes) ont réussi à transformer des cellules souches adipeuses en cellules qui pourraient être capables de remplacer des disques abimés. Ce travail est publié dans la revue Stem cells.

 

Notre colonne vertébrale est constituée d’un empilement de vertèbres. Son articulation et sa flexibilité sont possibles grâce à la présence des disques intervertébraux qui forment comme des « coussins » entre les vertèbres. Les pathologies dégénératives des disques vertébraux sont liées aux sollicitations importantes et répétitives auxquelles est soumise la colonne vertébrale tout au long de la vie : port de charges, sports, mouvements répétitifs, torsion. Avec le temps, les disques s’usent, se dégradent et ne peuvent plus jouer leur rôle d’amortisseur. Si ces pathologies sont d’apparition lente et progressive, elles se traduisent rapidement par des douleurs au niveau de la zone où les disques sont endommagés. On estime que la dégénérescence des disques intervertébraux est responsable d’environ 40% des douleurs lombaires. Les recherches actuelles se focalisent donc sur la mise au point de traitements qui ralentissent ou empêchent la dégénérescence des disques et des cellules qui les composent.

D’un point de vue physiologique, le noyau pulpeux, la partie centrale des disques intervertébraux, est le premier touché. Il est composé en grande partie d’eau, ce qui lui confère ses propriétés d’amortisseur. Avec l’âge, les cellules pulpeuses deviennent progressivement moins prolifératives, plus sujettes à l’apoptose et incapables de produire cette fameuse matrice extracellulaire très hydratée.

Comment alors les remplacer par des cellules fonctionnelles ? Les chercheurs se sont intéressés au tissu adipeux qui constitue un grand réservoir de cellules souches capables de se différencier dans une vaste gamme de types cellulaires. Encore fallait-il trouver le bon protocole pour réussir à ce que des cellules souches du tissu adipeux puissent se transformer en cellules du noyau pulpeux.

 

Une recette finement dosée

La mise au point de ce protocole peut s’apparenter à une recette de cuisine. Les chercheurs ont su trouver les bons ingrédients et le bon dosage afin qu’elle soit réussie. La stratégie gagnante a consisté à ajouter au milieu cellulaire une combinaison de deux facteurs de croissance, du TGFβ et du GDF5. En 28 jours les chercheurs ont obtenu in vitro, à partir de tissu adipeux prélevé chez neufs patients, des cellules de noyau pulpeux fonctionnelles et ressemblant à celles existantes naturellement dans les disques intervertébraux.

« Le protocole s’est avéré être une réussite indépendamment de l’âge et du poids des patients »  précise Jérôme Guicheux.

Nous devions néanmoins aller plus loin car ces cellules n’avaient aucune chance de survivre en étant réimplantées seules dans un disque intervertébral abimé et dépourvu de tout le substrat nutritif qui leur est nécessaire. »

La seconde astuce a donc été de coupler ces cellules à un biomatériau de synthèse pour récréer un environnement favorable à leur multiplication une fois qu’elles seraient injectées dans le disque intervertébral. Les chercheurs ont évalué l’activité biologique de ces cellules in vivo après leur transplantation chez la souris. « Ce dispositif est celui qui se rapproche le plus d’une transplantation intradiscale chez l’homme. Nous avons démontré que le protocole que nous appliquons à ces cellules était suffisant pour qu’elles conservent leur activité sécrétoire spécifique et leur phénotype spécialisé une fois réinjectées in vivo. »

Ce travail de médecine régénératrice permet désormais aux chercheurs d’envisager la prochaine étape avant le passage en clinique : tester l’efficacité thérapeutique de ces cellules toutes neuves dans un modèle animal pertinent de pathologie dégénérative des disques vertébraux.

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(c) S Renaudin/le Design de Solène pour l’Inserm

L’Inserm recrute environ 300 volontaires pour un essai vaccinal contre le virus Ebola

Si la phase aiguë de l’épidémie Ebola en Afrique de l’Ouest semble désormais derrière nous, la mobilisation de la recherche est toujours nécessaire pour trouver des mesures préventives contre le virus Ebola. L’ensemble de la communauté scientifique poursuit les mêmes objectifs : éviter qu’une nouvelle épidémie aussi meurtrière que celle de ces deux dernières années voie le jour et protéger toute personne pouvant être exposée au virus.

Dans cette optique, l’Inserm coordonne le projet EBOVAC2 financé par le programme Ebola+ Innovative Medicines Initiative 2 de la Commission Européenne. Le projet a été lancé en réponse à la forte épidémie du virus Ebola pour conduire des essais cliniques de phase 2 afin d’étudier l’efficacité de la réponse immunitaire déclenchée par une stratégie vaccinale préventive et prometteuse « prime-boost ».). En France, des centres de recherche clinique en vaccination sont mobilisés afin de recruter environ 300 volontaires en bonne santé. Le projet est coordonné par l’Inserm et sous la responsabilité scientifique de Rodolphe Thiébaut (Unité Inserm U897).

Pour plus d’informations : www.recherche-vaccinebola.fr


L’objectif d’EBOVAC2 est de déterminer le profil le plus efficace de la stratégie vaccinale pour stimuler le système immunitaire et protéger contre l’infection du virus Ebola. Deux vaccins[1] : seront administrés aux volontaires à quelques semaines d’intervalle l’un de l’autre. Le premier candidat vaccin, appelé « prime » stimule les défenses immunitaires. Le second, appelé « boost » renforce et étend la réponse immunitaire. Plusieurs intervalles d’administration seront étudiés afin de déterminer lequel ou lesquels entrainent le plus de stimulation des défenses immunitaires chez les volontaires. L’écart entre le « prime » et le « boost » sera de 28, 56 ou 84 jours. Cette stratégie présente l’avantage de conférer potentiellement une meilleure immunité et surtout plus durable.

« Les volontaires sont répartis par tirage au sort en 3 groupes selon le schéma d’administration du vaccin. Bien entendu, les participants à cet essai n’ont aucun risque d’être infecté par le virus Ebola. Seules des protéines ou morceaux de protéines fabriqués par synthèse sont utilisés dans les différents vaccins testés : ces protéines ne peuvent en aucun cas entrainer une contamination. Il s’agit du même principe que pour la plupart des autres vaccins existants. » explique Rodolphe Thiébaut, coordinateur du projet EBOVAC2.

Comment s’organise l’essai vaccinal du projet EBOVAC2 ?

Après les résultats préliminaires des essais de phase 1 toujours en cours en Afrique, en Angleterre et aux Etats-Unis, démontrant que la combinaison vaccinale est bien tolérée par l’organisme, la phase 2 du projet de recherche EBOVAC2 a pu commencer. Elle est menée en France et en Angleterre (Université d’Oxford) auprès de 630 volontaires. Il est prévu de recruter également 1188 volontaires dans plusieurs pays d’Afrique dans un second essai de phase 2. La durée de participation de chaque volontaire est de 1 an. Chacun d’entre eux sera examiné et sera suivi personnellement par un médecin de l’étude. Les participants auront entre 9 et 15 visites et recevront soit les vaccins actifs, soit leur placebo. Le participant peut interrompre à tout moment sa participation à l’essai et recevra une indemnisation compensatoire. L’essai vaccinal a reçu les autorisations réglementaires garantissant la sécurité des participants (avis favorable du Comité de Protection des Personnes d’Ile de France III et autorisation de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé).

Quels sont les critères auxquels doivent répondre les volontaires ?

  • Avoir entre 18 et 65 ans.
  • Se situer à proximité d’un des centres participant à l’essai à Paris (75), Créteil (94), Lyon (69), Marseille (13), Rennes (35), Saint Etienne (42), ou Strasbourg (67)
  • Etre en bonne santé
  • Etre affilié ou bénéficiaire d’un régime de sécurité sociale
  • Pour les femmes, ne pas être enceinte, ne pas allaiter, et utiliser une contraception efficace
  • Ne pas participer simultanément à une autre recherche biomédicale et ne pas donner son sang pendant la durée de l’essai

Mise en place d’une campagne de recrutement

Afin de maximiser les chances de succès de cet essai clinique et recruter le nombre de volontaires prévu, l’Inserm déploie des outils de communication pour faire connaitre le projet de recherche, mettre à disposition toutes les explications nécessaires et répondre aux questions des volontaires.

Un site internet www.recherche-vaccinebola.fr

Une campagne d’affichage

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Un numéro vert 0800 156 156 est ouvert dès maintenant. Des personnels formés accueillent les volontaires, répondent à leurs questions et les orientent vers les centres proches de chez eux.

Les organisateurs de l’essai

En tant que coordinateur, l’Inserm collabore pour cet essai de phase 2 avec Crucell Holland, B.V., une des entreprises pharmaceutiques Janssen de Johnson & Johnson, la London School of Hygiene and Tropical Medicine (LSHTM), l’Université d’Oxford, le centre Muraz au Burkina Faso et Inserm Transfert. En décembre 2014, le projet EBOVAC2 a été lancé par l’accord du programme Ebola + Innovative Medicines Initiative 2 de la Commission Européenne, en réponse à l’épidémie du virus Ebola. Le projet EBOVAC2 (contrat n° 115861) a reçu le financement d’Innovative Medicines Initiative 2, et le soutien du programme Horizon2020 pour la recherche et l’innovation de l’Union Européenne et EFPIA (European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations).

Plus d’informations sur www.ebovac2.com

L’Inserm engagé dans la lutte contre le virus Ebola depuis le début

« L’Inserm s’est fortement mobilisé depuis l’alerte lancée par l’OMS fin 2013 » réaffirme Yves Levy, Président-directeur général de l’Inserm.

« Dès le début 2014, des chercheurs de l’Inserm (Laboratoire P4 de Lyon) et de l’Institut Pasteur ont caractérisé la souche du virus Ebola découvert en Guinée et retracé la zone de circulation du virus dans les premiers mois de l’infection. L’Inserm a été promoteur de JIKI, le seul essai thérapeutique évaluant l’efficacité d’un traitement chez des personnes infectées par le virus Ebola en Guinée démarré fin 2014, dont les résultats se sont révélés encourageants. L’Inserm est  copromoteur avec le NIH (National Institutes of Health) de la poursuite de cet essai (JIKIMAP) qui a démarré en Guinée début juillet 2015. »

[1] Ad26.ZEBOV développé par Crucell Holland BV, une des entreprises pharmaceutiques Janssen de Johnson & Johnson et MVA-BN-Filo développé par Bavarian Nordic

La susceptibilité individuelle à la toxicité hépatique de l’alcool dépend du microbiote intestinal

Malgré une consommation d’alcool excessive certaines personnes restent en bonne santé alors que d’autres développent une maladie du foie. Cette inégalité devant la toxicité hépatique de l’alcool dépend du microbiote intestinal. C’est ce que viennent de démontrer des scientifiques et des médecins de l’Université Paris-Sud, l’Inserm, l’AP-HP (hôpital Antoine-Béclère), l’INRA, AgroParitech et Aix-Marseille Université. Ces résultats sont publiés sur le site de la revue Gut.

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(c) Fotolia

La maladie alcoolique du foie est un problème majeur de santé publique. L’atteinte hépatique est variable, s’étendant de la simple accumulation de graisse à l’hépatite alcoolique aiguë et à la cirrhose. Néanmoins, toutes les personnes ne sont pas égales devant la toxicité de l’alcool sur le foie. A consommation d’alcool équivalente en quantité et en durée, seuls certains buveurs excessifs vont développer une maladie du foie. Cette inégalité du risque devant la toxicité de l’alcool signifie que d’autres facteurs influencent le déclenchement et la progression des lésions du foie. Le microbiote intestinal représente l’ensemble des bactéries présentes dans notre tube digestif. Ces bactéries exercent de nombreuses fonctions métaboliques. Des scientifiques et des médecins de l’Université Paris-Sud, l’Inserm, l’AP-HP (hôpital Antoine-Béclère), l’INRA, AgroParitech et Aix-Marseille Université ont étudié le rôle possible que pouvait jouer le microbiote intestinal dans l’inégalité vis-à-vis de la toxicité de l’alcool sur le foie.

Les scientifiques ont constaté un déséquilibre du microbiode intestinal (dysbiose) chez les patients ayant une hépatite alcoolique aiguë sans qu’il ne soit retrouvé chez les patients consommant de l’alcool mais n’ayant pas de maladie grave du foie.

Afin de vérifier si cette dysbiose jouait un rôle causal dans la survenue de lésions hépatiques, les scientifiques ont humanisé des souris sans germes, en leur transférant le microbiote des patients alcooliques. Un groupe de souris recevait le microbiote de patients alcooliques ayant une hépatite alcoolique aiguë et un autre groupe de souris recevait le microbiote de patients alcooliques sans maladie grave du foie. Les souris ont été alcoolisées. Il a alors été observé que les souris du premier groupe développaient  une inflammation du foie et du tissu adipeux, ainsi qu’une augmentation de la perméabilité intestinale supérieure aux autres. De plus, certaines espèces bactériennes délétères étaient spécifiquement associées au fait d’être sensible ou non à l’alcool. L’étude des métabolites montrait que le niveau d’acide ursodesoxycholique était plus important chez les souris résistantes à l’alcool.

En renouvelant ce type d’expérience avec des souris conventionnelles, qui ont l’avantage de se rapprocher de la pathologie humaine, ces travaux ont montré qu’il était possible de diminuer les lésions du foie des souris malades en leur transférant le microbiote de patients alcooliques n’ayant pas de lésions du foie.

Ces travaux prouvent donc que la susceptibilité individuelle à la toxicité hépatique de l’alcool dépend, au moins en grande partie, du microbiote intestinal. Or, la composition du microbiote intestinal est modifiable par l’alimentation, par des prébiotiques, des probiotiques ou encore un transfert de microbiote fécal. Par ailleurs, ce type d’expérience, montre qu’il est possible de transférer la susceptibilité à l’alcool de l’homme vers la souris par l’intermédiaire du microbiote intestinal et permet d’envisager la mise au point de traitements de ce type.

Ces résultats ouvrent ainsi de nouvelles perspectives, non seulement pour dépister les personnes susceptibles d’être sensibles à la toxicité de l’alcool, mais également pour améliorer le traitement des lésions hépatiques induites par l’alcool en modulant le microbiote intestinal.

Les cellules innées lymphoïdes: système de secours contre les infections de l’intestin

L’équipe d’Éric Vivier au Centre d’Immunologie de Marseille-Luminy (CIML), centre de recherche CNRS, Inserm et Aix-Marseille Université, en association avec l’équipe de Gabrielle Belz au Walter and Elisa Hall Institute (WEHI) à Melbourne, apporte un nouvel éclairage sur la dynamique des réseaux immunitaires qui protègent notre intestin. Lors des diarrhées provoquées par des bactéries, les Cellules Innées Lymphoïdes (ILCs) « partagent le travail » avec les lymphocytes T de l’immunité mémoire mais sont aussi capables de les suppléer en cas de défaillance. Les auteurs révèlent également que les ILCs protègent l’appendice des dommages potentiels causés par l’infection ce qui pourrait conférer un nouveau statut à cet organe.  Ces découvertes sont présentées ce lundi 30 novembre dans la revue scientifique Nature Immunology.

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Le système immunitaire intestinal associe différentes populations de cellules immunitaires innées et adaptatives qui nous protègent des infections. Une fois le pathogène repéré, les premières déclenchent l’attaque initiale et appellent en renfort les lymphocytes B et T de l’immunité adaptative pour « terminer le travail » et mémoriser le profil de l’intrus. Si la séquence des évènements est connue, la coopération entre les différents acteurs est encore mal comprise. Les chercheurs essayent ainsi de révéler les relations qui s’établissent au cœur de l’intestin entre les lymphocytes T et les cellules lymphoïdes innées (ILC pour Innate Lymphoïd Cells). Découvertes en 2008 simultanément par 12 laboratoires, dont celui d’Éric Vivier, les ILCs représentent un nouveau type de lymphocytes jusque-là complètement ignoré. Ces cellules constituent en quelque sorte la « version rapide » des lymphocytes T. Réparties en différents groupes, elles ont une morphologie de cellule lymphoïde, produisent les mêmes cocktails de cytokines que les lymphocytes T mais, à l’instar de leurs congénères, elles sont dépourvues de récepteurs spécifiques aux antigènes.

 

Les auteurs révèlent aujourd’hui un autre aspect de leur biologie: leur chorégraphie avec les lymphocytes T. En utilisant la bactérie Citrobacter rodentium chez la souris comme modèle de diarrhées humaines à Escherichia coli entéropathogène (EPEC) et E. coli entérohémorragique (EHEC), ils ont ainsi démontré que l’action protectrice des lymphocytes T et d’un sous type d’ILCs (les ILC3 NCR+) est non seulement redondante, mais que ces dernières sont à même « d’assurer le travail » en cas de défaillance des lymphocytes T.

« C’est la première fois que la redondance entre ces 2 populations de cellules est formellement démontrée » rappelle Éric Vivier. « Tout porte à croire que ces deux systèmes de défense ont été co-sélectionnés au cours de l’évolution pour garantir et une protection optimale contre les infections. »

À terme, cette découverte pourrait ainsi ouvrir la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques contre les diarrhées intestinales, un enjeu de santé publique d’échelle planétaire puisque chaque année près de 4 milliards de personnes sont touchées par ces maladies, qui représentent près de 4% des décès dans le monde.

Par ailleurs, cette étude renferme une autre découverte inattendue : au cours de l’infection, ces mêmes ILCs protègent le couple cæcum/appendice de l’inflammation et d’éventuels dommages. « Depuis longtemps, le caecum et l’appendice sont considérés comme des organes vestigiaux du point de vue immunitaire. Nos travaux s’inscrivent dans une hypothèse toute différente qui propose un rôle de cette partie de l’intestin comme refuge à bactéries commensales lors d’infections. Ainsi les ILCs aideraient à essaimer les « bonnes » bactéries qui contribuent à maintenir l’équilibre du microbiote intestinal et ainsi à mieux lutter contre les infections » conclut le Professeur Éric Vivier.

La consommation de benzodiazépines est associée à un risque de survenue de démences

Une association entre consommation de benzodiazépines et survenue d’une démence a été observée dans une étude dont les résultats sont publiés dans la revue Alzheimer’s and Dementia et qui a été menée par une équipe de chercheurs de l’Inserm dirigée par Christophe Tzourio (Unité Inserm 897 « Centre de recherche Epidémiologie et biostatistique » à l’Université de Bordeaux). Plus précisément, ce sont surtout les benzodiazépines à demi-vie longue (qui disparaissent de l’organisme en plus de 20 heures) qui sont associées au risque de démence. Dans cette étude, les personnes prenant des benzodiazépines à demi-vie longue ont un risque de démence augmenté de 60%.

Healthy Brain Pills

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Les benzodiazépines et les psychotropes sont les médicaments les plus consommés en France. On estime que 30% des personnes âgées de 65 et plus en consomment. Ils sont prescrits pour un large spectre de pathologies allant des troubles du sommeil aux symptômes dépressifs en passant par l’anxiété. Depuis qu’ils sont largement utilisés, les chercheurs se penchent sur leurs éventuels effets secondaires dans la mesure où ils interagissent avec des neurotransmetteurs du cerveau. Si de précédentes études avaient déjà suggérées une augmentation du risque de démence consécutive à la prise de psychotropes, beaucoup de questions restaient en suspens. L’une d’entre elles concernait la différence d’effets potentiels des benzodiazépines à demi-vie courte (qui disparaissent de l’organisme en moins de 20 heures) versus celles à demi-vie longue.

Pour essayer d’en savoir plus, les chercheurs de l’Inserm se sont basés sur les données issues de l’étude dites des 3 Cités (Bordeaux, Dijon Montpellier), soit 8240 personnes âgées de plus de 65 ans et suivies depuis plus de 8 ans. 830 nouveaux cas de démence ont été diagnostiqués lors du suivi. Une procédure de dépistage et le diagnostic de chaque cas de démence a été mise en place par un comité d’experts. Par ailleurs, l’enregistrement systématique de tous les médicaments consommés par les participants, à domicile, en confrontant avec les ordonnances a été possible.

« Il y a clairement une différence de signal entre benzodiazépines à durée de vie longue et celles à durée courte. Or les premières ont déjà été identifiées comme dangereuses chez les personnes âgées, notamment en raison du risque de chutes, et nous avons été étonnés de voir qu’elles étaient encore fréquemment consommées.» déclare Christophe Tzourio, neurologue, directeur du centre de recherche Inserm U897 et professeur d’épidémiologie à l’université de Bordeaux.

Les personnes âgées consommant des benzodiazépines de demi-vie longue ont un risque augmenté de 60 % de développer une démence (majoritairement de type de la maladie d’Alzheimer) et ce sans que cela ne soit explicable par d’autres facteurs.


Les auteurs ont fait des analyses statistiques en profondeur permettant d’écarter certains biais et notamment le fait que la prise de benzodiazépines ait été la conséquence de symptômes initiaux de démence.

Il s’agit néanmoins d’une étude observationnelle ne permettant pas d’analyser les mécanismes de cette association. Ceux-ci devraient faire l’objet d’études physiopathologiques, d’imagerie, sur des modèles animaux, etc.

Malgré l’absence de certitude sur le mécanisme « le doute est suffisant pour encourager médecins et patients à trouver des formes alternatives pour les troubles du sommeil des personnes âgées qui sont le motif principal de prescription de ces médicaments : conseils hygiéno-diététiques, produits non médicamenteux, et au maximum les médicaments les moins dangereux comme les benzodiazépines à demi-vie courte. »

« Nos résultats suggèrent au minimum une vigilance renforcée de tous, en particulier des médecins et des autorités de santé, pour éviter cette consommation de benzodiazépines à demi-vie longue chez les personnes âgées. » déclare Christophe Tzourio. « Le signal sur l’ensemble des psychotropes, comprenant les antidépresseurs, est à confirmer par d’autres études mais il amène lui aussi à une inquiétude sur l’ensemble de ces produits et pas uniquement les benzodiazépines. »

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