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Améliorer le diabète en séparant le sucre du sel : de la chirurgie à la diététique

Des chercheurs de l’Unité Mixte de Recherche 1190 «Recherche Translationnelle sur le Diabète» (Université de Lille – Inserm – CHRU de Lille) dirigée par le Pr Pattou, viennent d’expliquer le mécanisme physiologique par lequel la chirurgie de l’obésité dite «bypass» gastrique améliore le diabète de type 2. D’un point de vue plus général, leur découverte tend à démontrer que de simples mesures diététiques mimant l’effet de la chirurgie, comme la diminution de l’ingestion simultanée de sel et de sucre, pourraient contribuer à prévenir le diabète. Ces travaux sont publiés dans la revue Cell Metabolism.

Figures

(c) François Pattou/ Inserm

Fig.1 : Après un bypass gastrique, les nutriments ingérés n’entrent en contact avec la bile que dans la partie basse de l’intestin

Fig. 2 : Le glucose est absorbé uniquement lorsqu’il entre en contact de la bile et du sel qu’elle contient

Depuis sa recommandation par la Haute Autorité de Santé en 2009, la chirurgie bariatrique a été réalisée chez plus de 200 000 français atteints d’obésité sévère. Chez les patients présentant également un diabète de type 2, la dérivation de l’estomac, appelée bypass gastrique (voir Fig.1 pour schéma de l’intervention) entraîne aussi une diminution rapide du taux de sucre dans le sang (glycémie). Une fois opérés, de nombreux patients peuvent diminuer voire interrompre leurs médicaments antidiabétiques, avant même avoir perdu du poids. Les mécanismes de cet effet spectaculaire de la chirurgie sur le diabète restent mystérieux. Leur compréhension est cependant essentielle. Au-delà de la chirurgie, l’élucidation des liens unissant l’intestin, l’alimentation et l’équilibre glycémique pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour la prise en charge du diabète de type 2, une maladie qui frappe 5% des français et plus de 300 millions de personnes dans le monde. Ce sujet fait donc l’objet depuis une décennie d’intenses recherches dans le monde. Plusieurs mécanismes complexes ont déjà été suggérés, impliquant le rôle de signaux sanguins ou nerveux induits par la chirurgie et modulant la sécrétion d’insuline ou l’utilisation du sucre par les tissus cibles.

Aucun de ces travaux, réalisés le plus souvent chez le rongeur, ne permet cependant d’expliquer de façon satisfaisante l’ensemble des résultats observés chez l’homme. Sur le site du campus Hospitalier et Universitaire lillois, l’Unité Mixte de Recherche 1190 «Recherche Translationnelle sur le Diabète» dirigée par le Pr François Pattou (Université de Lille – Inserm – CHRU de Lille), une équipe du LABEX European Genomic Institute for Diabetes (Egid) avec les équipes médicales du CHRU de Lille se sont penchées sur la question. Grâce à la disponibilité de patients volontaires, ces chercheurs ont d’abord observé que le bypass gastrique limitait l’absorption des sucres ingérés, et par conséquent l’élévation de la glycémie après le repas. Pour expliquer ces résultats, ils ont ensuite étudié les conséquences de l’opération chez le miniporc, un mammifère omnivore, dont l’anatomie et la physiologie digestives sont très proches de celles de l’homme. Le 25 février, ils rapportent dans un article publié par la revue Cell Metabolism des résultats inattendus.

Les chercheurs lillois ont en effet mis en évidence un mécanisme tout simple : après un bypass gastrique, le sucre ingéré n’est plus absorbé que dans la partie basse de l’intestin, lorsqu’il entre en contact avec la bile. De plus, cet effet de la bile est annulé en présence de phlorizine, un inhibiteur de l’absorption du glucose, naturellement contenu dans l’écorce de pommier . Enfin, l’addition de sodium (sel) au repas, a suffi aux chercheurs pour restaurer l’absorption du sucre dans la partie haute de l’intestin, et accroître le taux de sucre postprandial chez les animaux opérés. Profitant du contexte anatomique particulier du bypass gastrique, les chercheurs soulignent ainsi l’influence essentielle du sodium sur l’absorption intestinale du glucose. Ils ont aussi démontré que c’est le sodium endogène, excrété dans la bile et les secrétions digestives, qui assure la majorité de l’absorption physiologique du glucose par l’intestin.

La diminution sélective de l’absorption du glucose par l’intestin, n’est sans doute pas pas la seule explication des résultats spectaculaires du bypass gastrique. Ainsi, la perte de poids et la diminution de l’appétence pour les aliments sucrés semblent aussi jouer un rôle important pour le maintien au long cours des résultats.

L’hypothèse des chercheurs lillois réconcilie cependant la théorie et la clinique, en expliquant plusieurs observations jusque là incomprises, comme la diminution immédiate du taux de sucre après un repas chez les patients diabétiques opérés, ou la meilleure efficacité des interventions réduisant le plus la longueur d’intestin fonctionnel. Plus généralement, ces résultats confirment aussi l’influence du contenu en sel des repas sur l’élévation de la glycémie, récemment illustrée chez des individus sains, par une étude israélienne (Zeevi et al. Cell 2015). Les chercheurs lillois concluent d’ailleurs leurs travaux en soulignant l’intérêt de prévenir ou traiter le diabète en modulant l’absorption intestinale du glucose par des mesures diététiques (par la diminution de l’ingestion simultanée de sel et de sucre) ou pharmacologiques (à l’aide de molécules inhibant sélectivement le transporteur sodium-glucose intestinal, dont les premières résultats chez l’homme semblent prometteurs).

Ces travaux ont été possible grâce au soutien financier de : Fondation de l’Avenir (ET2-665) ; Fondation Francophone pour le Recherche sur le Diabète ; European Genomic Institute for Diabetes (ANR-10-LABX-46) ; Conseil Régional Nord-Pas de Calais-Picardie et Commission Européenne (ERDF CARDIO-DIABETES 12003944).

La Fédération de Recherche «Egid» FR 3508 European Genomic Institute for Diabetes
La mission principale de la Fédération de Recherche Egid (Université de Lille – CNRS – CHRU de Lille – Institut Pasteur de Lille), Institut européen de génomique sur le diabète, qui a obtenu un Labex dans le cadre du Programme d’Investissements d’Avenir, est d’identifier les facteurs de risque du diabète et de l’obésité et de mieux comprendre les mécanismes d’apparition de leurs complications afin de prévenir plus efficacement leur survenue et de mieux traiter les patients. Cette Fédération de Recherche Egid est constituée de trois équipes fondatrices:

  • l’UMR 1011 « Récepteurs nucléaires, maladies cardiovasculaires et diabète» dirigée par le Pr Bart Staels (Université de Lille, Institut Pasteur de Lille, Inserm),
  • l’UMR 1190 « Recherche translationnelle sur le diabète » dirigée par le Pr François Pattou (Université de Lille, Inserm, CHRU de Lille),
  • et l’UMR 8199 « Génomique intégrative et modélisation des maladies métaboliques» dirigée par le Pr Philippe Froguel (Université de Lille, CNRS, Institut Pasteur de Lille, CHRU de Lille

ww.egid.fr

Métastases cancéreuses: tout dépend de la réponse immunitaire du patient

Les chercheurs de l’unité 1138 « Immunologie et cancérologie intégratives » (Inserm, Universités Pierre-et-Marie-Curie et Paris-Descartes) ont analysé les tumeurs de 838 patients atteints d’un cancer colorectal, afin d’identifier des marqueurs de leur potentiel métastatique. Les caractéristiques génomiques des cellules cancéreuses semblent peu pertinentes. En revanche, la vascularisation lymphatique autour de la tumeur et l’intensité de la réponse immunitaire du patient semblent déterminantes, et pourraient servir de marqueurs prédictifs de l’évolution de la maladie.

L’article détaillant ces résultats est publié dans Science Translational Medicine le 24 février 2016.

tumeur cancer colorectal

En rouge, les lymphocytes cytotoxiques CD8, en vert et jaune le Granzyme B, en turquoise la tumeur. Copyright J Galon/Inserm

La plupart des décès de patients atteint d’un cancer sont dus non pas à la tumeur initiale mais à ses métastases. C’est la capacité des cellules tumorales à migrer dans l’organisme pour coloniser des organes distants qui détermine, en général, l’issue de la maladie. Or malgré son importance clinique, ce phénomène reste mal connu. A quoi sont dues les métastases? Qu’est-ce qui différencie une tumeur ayant tendance à se disséminer d’une autre qui reste localisée? Est-ce lié aux caractéristiques de ses propres cellules tumorales ou à son environnement? Toute tumeur est en effet entourée de fibroblastes (cellules de soutien du tissu conjonctif), de vaisseaux sanguins et lymphatiques, et infiltrée par de nombreuses cellules du système immunitaire de l’hôte. Tout cela compose son microenvironnement.

Pour répondre à ces question, l’équipe « Immunologie et cancérologie intégratives » du Centre de recherche des Cordeliers (UMRS 1138 Inserm, Universités Pierre-et-Marie-Curie et Paris-Descartes) a analysé le génome de tumeurs primaires et caractérisé leur microenvironnement chez 838 patients atteints de cancer colorectal localisé (662) ou métastasé (176). « Nous avons réalisé l’examen le plus exhaustif possible, en analysant l’ensemble des altérations génétiques et en utilisant différentes approches pour caractériser au mieux la réponse immunitaire de l’hôte » précise Jérôme Galon, qui dirige le laboratoire.

L’analyse génomique a montré une très forte hétérogénéité entre les tumeurs examinées: chaque patient a « son » cancer. Cependant aucun lien n’a pu être mis en évidence entre la présence de métastases et le type de mutations des gènes liés au cancer, l’expression de ces gènes ou l’instabilité chromosomique des cellules de la tumeur primaire.

En revanche, la densité des vaisseaux lymphatiques est significativement plus faible dans l’environnement des tumeurs ayant donné naissance à des métastases que dans celui des tumeurs localisées

. De même, les chercheurs ont observé un plus faible Immunoscore®, une moindre densité et une moindre fonctionnalité des cellules immunitaires dans les tumeurs ayant métastasé.

Restait à déterminer la nature de ces liens: cause ou conséquence? Pour cela, l’équipe s’est intéressée à des patients montrant soit des signes précurseurs de dissémination, soit une tumeur localisée chez les patients qui ont ultérieurement développé une métastase. Les chercheurs ont retrouvé les mêmes caractéristiques que dans les tumeurs déjà métastasées: une moindre densité de vaisseaux lymphatiques et une réponse immunitaire adaptative plus faible. Ces deux paramètres indépendants constituent donc des marqueurs précoces du potentiel métastatique d’une tumeur, et leur analyse combinée pourrait renforcer l’exactitude de la prédiction.

« Les immunothérapies tendant à renforcer la réponse des lymphocytes T améliorent la survie des patients déjà métastasés. Nos résultats montrent qu’elles pourraient aussi bénéficier à des patients atteints de tumeurs localisés mais ayant une réponse immunitaire faible, donc susceptibles de développer des métastases » estime Jérôme Galon, directeur de recherche Inserm.

Ces travaux font l’objet d’une demande de dépôt de brevet effectuée par Inserm Transfert.

Lutte contre le virus Zika : En partenariat avec le Brésil et les départements français d’Amérique, les équipes de recherche françaises se mobilisent

Yves Lévy, Président d’Aviesan, l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé, a réuni ses partenaires, le 18 février 2016 au siège de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), autour des questions de recherche soulevées par l’émergence et la propagation du virus Zika. Les Ministères français de la recherche, de la santé, et des affaires étrangères étaient représentés, ainsi que l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), l’InVS (Institut de Veille sanitaire), et l’EFS (Etablissement français du sang).

PhotoCP Zika

(c) Fotolia

Au cours de cette réunion, les chercheurs des différentes institutions de recherche, en particulier de l’Inserm, de l’Institut Pasteur et de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ont effectué une présentation de l’état actuel des connaissances scientifiques sur Zika, ce virus émergent de la classe des arbovirus (qui comprend les virus de la dengue, la fièvre jaune, ou le virus West Nile notamment) connu depuis 1946, qui est présent actuellement dans plus d’une trentaine de pays situés en Amérique du Sud, Amérique centrale, dans les Caraïbes et les Départements français d’Amérique, après avoir été détecté au Brésil en mai 2015.

Les principaux projets de recherche déjà en cours ou devant débuter en métropole ainsi que dans les Départements français d’Amérique ont été exposés et discutés entre les différents spécialistes réunis : épidémiologistes, entomologistes, infectiologues, virologues et spécialistes des sciences humaines et sociales.

« Avec l’expérience acquise sur les épidémies récentes de Chikungunya, et d’Ebola, le réseau REACTing[1] nous permet une nouvelle fois de démontrer que la recherche française est en mesure de réagir vite et de manière coordonnée en cas d’urgence », résume Yves Lévy, Président d’Aviesan et Président-directeur général de l’Inserm.

« L’objectif de cette réunion était de rassembler l’ensemble des forces de recherche présentes en Métropole, dans les Départements Français d’Amérique, et à La Réunion pour construire très rapidement des programmes de recherche pertinents capables de répondre aux nombreuses questions soulevées par l’épidémie de Zika, précise Jean-François Delfraissy, Directeur de l’Institut Thématique multi-organisme Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie (I3M). L’étude des partenariats possibles avec le Brésil était également à l’ordre du jour ».

Parmi les questions de recherche prioritaires, on peut citer la relation entre l’infection par Zika au cours de la grossesse et la survenue de microcéphalie chez les nouveau-nés, l’étude du neurotropisme du virus Zika avec ses éventuelles conséquences cliniques, la modélisation du virus et sa conformation dans l’espace, les moyens de contrôle des moustiques Aedes, vecteur du virus, leurs comportements et répartition géographique ainsi que la mise au point de tests diagnostiques sensibles et spécifiques d’infection par le virus Zika.

Des études cliniques ont d’ores et déjà démarré en Guadeloupe, Guyane et Martinique :

– Des études observationnelles, lancées en janvier 2016, sur les conséquences de l’infection par le virus Zika au cours de la grossesse pendant l’épidémie. Elles devraient permettre le suivi de 5000 femmes enceintes en Guadeloupe, Guyane et Martinique avec l’appui du Centre d’investigation clinique sous l’égide de l’Inserm.

– L’extension d’une cohorte déjà existante portant sur les arboviroses endémiques et émergentes aux Antilles françaises et en Guyane chez les enfants et les adultes touchés par des infections aiguës ou asymptomatiques, permettra de mieux étudier l’histoire naturelle de la maladie et les relations entre le phénotype clinique et certains paramètres immuno-virologiques.

« L’ensemble des équipes de recherche françaises reconnues au plan international, mobilisées et coordonnées depuis octobre 2015 par REACTing, sont maintenant prêtes, aux côtés des meilleures équipes européennes et en lien avec le Brésil, principal pays touché, à avancer encore plus vite », prévoit Yazdan Yazdanpanah.

 

Le réseau REACTing

L’Institut thématique multi-organisme Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie (I3M) a mis en place en juin 2013 un réseau appelé REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases) pour :

  • améliorer la préparation de la recherche en période d’inter-crise : gouvernance, préparation des outils de recherche, identification des priorités de recherche, recherche de financements, aspects éthiques et juridiques ;
  • financer et mettre en place des projets de recherche en période de crise épidémique : coordination, priorités stratégiques, aide méthodologique, information des autorités et du grand public.

Ce réseau s’organise autour d’un comité de pilotage d’une quinzaine de spécialistes de santé humaine et de santé animale et s’appuie sur un comité scientifique de 8 membres et de centres méthodologiques localisés au Nord (F. Mentré, CHU Bichat) et au Sud (A. Fontanet, Institut Pasteur). REACTing ne cible aucune maladie en particulier, et peut intervenir sur toutes les émergences infectieuses et notamment zoonotiques. Son domaine d’action est large, de la recherche fondamentale aux sciences humaines et sociales, en privilégiant une approche transversale.

Le dispositif REACTing a permis de mobiliser les équipes de recherche françaises pour l’épidémie de Chikungunya dans les Antilles, et pour Ebola dès les premières notifications de cas. Il s’est vu renforcé, en octobre 2014, avec la mise en place d’une organisation spécifique interministérielle coordonnée par le Pr Jean-François Delfraissy, la « task-force Ebola », pour piloter les actions de lutte contre le virus en poursuivant trois objectifs principaux : (i) le contrôle et l’éradication de l’épidémie ; (ii) la prise en charge des autres urgences sanitaires non liées à Ebola ; (iii) l’anticipation des crises à venir.

[1] REACTing pour REsearch and ACTion targeting emerging infectious disease. Cf. encadré page suivante

Le microbiote intestinal : un nouvel allié pour une croissance optimale

Le microbiote intestinal est nécessaire à une croissance post-natale optimale et contribue à la détermination de la taille des individus adultes, notamment en cas de sous-alimentation. L’élément clé de cette relation est le facteur de croissance Insulin-like Growth Factor-1 (IGF-1) dont la production et l’activité sont en partie contrôlées par le microbiote. C’est ce que viennent de démontrer, chez la souris, des chercheurs de l’Institut de génomique fonctionnelle de Lyon (CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), du laboratoire CarMeN (Inserm/Inra/Université Claude Bernard Lyon 1/Insa Lyon)[1], et de l’unité BF2I (Inra/Insa Lyon)[2].

Ces résultats, publiés le 19 février 2016 dans Science en collaboration avec des chercheurs de l’Académie des sciences de la République tchèque, montrent de plus que certaines souches de bactéries intestinales, appartenant à l’espèce Lactobacillus plantarum, peuvent favoriser la croissance post-natale des animaux, ouvrant ainsi une nouvelle piste pour lutter contre les effets délétères de la sous-nutrition chronique infantile.

PhotoCP web microbiote dénutrition

Chez la souris, le microbiote intestinal est nécessaire à une croissance post-natale optimale et contribue donc à la détermination de la taille des individus adultes. A gauche, une jeune souris élevée avec son microbiote intestinal;  à droite, une jeune souris adulte dépourvue de microbiote intestinal. Notez la différence de taille des individus. La colonisation bactérienne des souris est illustrée par la présence ou l’absence de colonies bactériennes sur un milieu de culture bactérien gélosé. © Vincent Moncorgé.

Au cours de la phase juvénile, la croissance des animaux est influencée par des interactions entre les apports nutritionnels et les signaux hormonaux. Une sous-nutrition aiguë, de quelques jours chez la souris, se traduit par une perte de poids importante, largement documentée et attribuée, entre autres, à une perturbation du microbiote intestinal. Lors d’une sous-nutrition chronique, un retard de croissance se manifeste. Les mécanismes complexes de ce retard mettent en jeu un état de résistance à l’action de l’hormone de croissance, sécrétée par l’hypophyse, une glande endocrine située sous le cerveau, qui stimule normalement la production de facteurs de croissance, comme l’Insulin-like Growth Factor 1 (IGF-1) par de nombreux tissus. Cette résistance des tissus à l’hormone de croissance entraîne une chute de la production d’IGF-1, ce qui conduit à un retard de développement et une taille réduite de l’individu par rapport à son âge. L’influence du microbiote sur ces mécanismes restait jusqu’à ce jour inconnue.

En comparant, dans différentes conditions nutritionnelles, le développement de souris standard, avec un microbiote normal, et des souris dites axéniques, sans microbiote intestinal, les chercheurs ont démontré pour la première fois le rôle des bactéries de la flore intestinale sur le contrôle de la croissance. Que ce soit avec un régime normal ou en situation de sous-nutrition, les chercheurs ont observé que les souris axéniques avaient non seulement pris moins de poids, mais qu’elles étaient aussi plus petites que les souris standard. Chez les souris axéniques, de nombreux paramètres de la croissance osseuse, comme la longueur ou l’épaisseur des os, sont réduits sans que la densité minérale osseuse (la quantité de calcium dans les os) ne soit affectée. De plus, les chercheurs ont montré que les souris axéniques avaient des taux et une activité de l’IGF-1 plus bas que les autres souris. En interférant avec l’activité de l’IGF-1 chez les souris normales ou en injectant de l’IGF-1 à des souris axéniques, les chercheurs ont démontré que le microbiote intestinal favorise la croissance en influençant la production et l’activité de cet important facteur de croissance.

 

De précédentes études[3] ont démontré chez la drosophile la capacité de souches bactériennes de l’espèce Lactobacillus plantarum à favoriser la croissance post-natale en cas de sous-nutrition chronique. Les chercheurs ont alors analysé la croissance de souris dites mono-colonisées, c’est-à-dire ne possédant qu’une seule souche de bactéries en guise de microbiote. Ils ont ainsi montré que les souris mono-colonisées avec une souche particulière de Lactobacillus plantarum (nommée LpWJL), élevées en condition de nutrition standard ou lors d’une sous-nutrition chronique, produisent plus d’IGF-1, prennent plus de poids et grandissent mieux que les souris axéniques ou les souris mono-colonisées avec d’autres souches.

Ces résultats démontrent ainsi que certaines souches de Lactobacillus, dont LpWJL, ont la capacité de favoriser la croissance post-natale chez les mammifères.

La sous-nutrition chronique affecte encore aujourd’hui plus de 150 millions d’enfants de moins de 5 ans dans les pays à faibles revenus. Ces résultats invitent donc  à déterminer si ces souches de Lactobacillus,  qui ont la capacité de favoriser la croissance post-natale animale, pourraient atténuer les effets délétères d’une sous-nutrition chronique sur la croissance infantile et donc favoriser une croissance post-natale saine dans la population générale.

[1] Unité Cardiovasculaire, métabolisme, diabétologie et nutrition (CarMeN)

[2] Unité Biologie fonctionnelle insectes et interactions

[3] Lactobacillus plantarum promotes Drosophila systemic growth by modulating hormonal signals through TOR-dependent nutrient sensing, Gilles Storelli, Arnaud Defaye, Berra Erkosar, Pascal Hols, Julien Royet, François Leulier, Cell Metabolism (2011) 14(3):403-414 et Pathogen Virulence Impedes Mutualist-Mediated Enhancement of Host Juvenile Growth via Inhibition of Protein Digestion. Berra Erkosar, Gilles Storelli, Mélanie Mitchell, Loan Bozonnet, Noémie Bozonnet, François Leulier. Cell Host and Microbe (2015) 18(4):445-55

Les calpaïnes, enzymes cellulaires clés pour la lutte anti-grippale

Pourquoi ne pas combattre le virus de la grippe en bloquant la machinerie cellulaire qu’il utilise pour se répliquer ? Des chercheurs de l’Inserm (Unité 1100 « Centre d’Etude des Pathologies Respiratoires »), de l’Institut Pasteur et du pôle de recherche Pasteur-Université de Hong Kong ont testé cette hypothèse en ciblant spécifiquement les calpaïnes, des protéases impliquées dans les mécanismes inflammatoires. Leurs résultats, obtenus chez l’animal, montrent que l’inhibition de ces enzymes peut réduire les symptômes de la maladie mais aussi prévenir l’infection par les virus de la grippe saisonnière ou pandémique.

Les données de cette étude ont été publiées dans l’American Journal of Physiology, Lung Cellular and Molecular Physiology en janvier 2016.

PhotoCP web grippe

Coupe de poumons infectés par le virus grippal (avec une inflammation majeure qui se traduit notamment par une infiltration marquée de polynucléaires neutrophiles (cellules foncées)). (c) Mustapha Si-Tahar/Inserm

Les conséquences cliniques de la grippe résultent surtout de l’inflammation dérégulée du tissu pulmonaire, qui peut provoquer des lésions sévères, voire mortelles. Le Centre d’Etude des Pathologies Respiratoires et les équipes associées ont montré que ce processus inflammatoire pouvait être inhibé en bloquant les calpaïnes, des protéases présentes au sein des cellules hôtes. Le blocage de ces enzymes pourrait jouer un rôle-clé dans la lutte antigrippale : chez la souris, l’inhibition des calpaïnes permet de limiter l’infection par un virus de la grippe saisonnière (H3N2) ou pandémique (H5N1).

«Il existe deux calpaïnes exprimées de manière ubiquitaire dans l’organisme, la calpaïne 1 et la calpaïne 2 », précise le directeur de l’Unité Inserm 1100, Mustapha Si-Tahar. « Elles sont très étudiées car elles joueraient un rôle notable dans différents processus physiopathologiques, comme la neuro-dégénérescence, la dystrophie musculaire ou le diabète. Les différents travaux qui ont permis de décrypter leurs fonctions ont montré que ces protéases jouaient aussi un rôle dans la cascade inflammatoire, selon un mécanisme calcium-dépendant. Or, le virus de la grippe accroît le calcium intracellulaire et la réponse inflammatoire.»

Les travaux conduits par son équipe montrent que les calpaïnes sont activées au cours de l’infection grippale. A l’inverse, leur inhibition réduit la capacité du virus à se répliquer dans les cellules épithéliales respiratoires– qu’elles soient murines ou humaines.

Elle réduit également l’intensité de la réponse inflammatoire néfaste et accroît le taux de survie de l’hôte infecté.

Ces résultats apportent de nouvelles perspectives dans la lutte contre la grippe : le blocage de la machinerie des cellules de l’hôte serait en effet une alternative intéressante car il limiterait la pression sélective des traitements anti-grippaux et donc l’émergence de souches virales résistantes. L’enjeu est de taille : la grippe saisonnière constitue un problème de santé publique avec 2500 à 3500 décès chaque année en France. En outre, certaines épidémies de grippe peuvent conduire à une forte surmortalité comme en 2015 avec plus de 18000 décès enregistrés sur le territoire et les pandémies grippales pourraient avoir des conséquences encore plus graves, à l’image de la grippe espagnole qui tua plus de 50 millions de personnes entre 1918 et 1919.

Les chercheurs souhaitent maintenant approfondir deux aspects : le rôle respectif des deux formes de l’enzyme et la nature précise des mécanismes moléculaires régissant l’interaction calpaïnes – virus grippal. Ces travaux permettront de confirmer le potentiel thérapeutique des calpaïnes.

Une étude met en évidence une nouvelle cible dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin: le microbiote fongique

Une équipe de chercheurs (AP-HP, équipe AVENIR-ATIP- Inserm[1], Inra[2], UPMC[3]), dirigée par le Dr Harry Sokol, du service de gastro-entérologie et nutrition à l’Hôpital Saint-Antoine, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, AP-HP, a utilisé une méthode de séquençage à haut débit pour montrer que le microbiote fongique était déséquilibré chez les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), avec des différences en fonction du type de maladies et la topographie des lésions. La part fongique (composée de champignons et de levures) du microbiote n’a été à ce stade que très peu été étudiée malgré l’existence de nombreux indices le mettant en cause dans la survenue de ce type de maladies.

PhotoCP intestin

(c) Fotolia

Ces travaux ont été publiés en ligne dans la revue Gut le 4 février 2016.

Le microbiote (ou flore) intestinal joue un rôle dans la survenue des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) comme la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique (maladies inflammatoires chroniques du système digestif évoluant par crises et phases de rémission). Des travaux antérieurs ont déjà montré un déséquilibre de la composition en bactéries du microbiote chez les patients atteints de MICI, avec une augmentation de bactéries pro-inflammatoires et une diminution de bactéries anti-inflammatoires. Cette altération pourrait être influencée par des facteurs génétiques et pourrait jouer un rôle actif dans l’inflammation intestinale.

L’équipe du Dr Harry Sokol a analysé la composante fongique (c’est-à-dire en champignons et levures) du microbiote de patients atteints de MICI et y a ainsi constaté un ratio plus important de Basidiomycota / Ascomycota, une proportion plus forte de Candida albicans et une présence plus faible de Saccharomyces cerevisiae que dans celui de sujets en bonne santé. Ces travaux ont également mis en évidence une perturbation du réseau de connections entre bactéries et champignons dans leur intestin. Enfin, l’équipe du Dr Harry Sokol a identifié des déséquilibres dans la composition fongique du microbiote propres à certaines MICI : ainsi, chez un patient souffrant de la maladie de Crohn, la diversité des champignons est augmentée relativement à celle des bactéries, ce qui n’est pas le cas dans la rectocolite hémorragique.

Cette étude, décrivant à grande échelle le microbiote fongique et ses altérations au cours des MICI, est la plus importante en termes de nombre de patients analysés à ce jour.

Les résultats mettent en évidence le rôle du microbiote fongique dans le développement ou la sévérité des MICI et suggèrent qu’il pourrait être envisagé comme une nouvelle cible thérapeutique.

Selon le Dr Sokol, « On pourrait imaginer diminuer la charge des champignons pro-inflammatoires ou au contraire enrichir le microbiote avec des champignons protecteurs. En termes de recherche, cette étude offre des pistes pour une meilleure compréhension des relations complexes entre bactéries et champignons dans l’intestin et leur rôle dans la physiologie ainsi que dans les maladies humaines ».

[1] Equipe AVENIR-ATIP « Rôle de Card9 dans l’homéostasie intestinale » à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)

[2] Institut national de recherche agronomique (Inra)

[3] Université Pierre et Marie Curie (UPMC)

Démence : un risque en diminution?

Alors qu’il existe une inquiétude sur l’explosion du nombre de cas de démence chez les personnes âgées dans les prochaines décennies, une nouvelle étude, basée sur les données de l’étude emblématique de Framingham (Framingham Heart Study (FHS)), suggère que le taux d’apparition des nouveaux cas de démence semble diminuer.

PhotoCP démence

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Ces travaux, publiés dans le New England Journal of Medicine, suggèrent que certains cas de démence seraient évitables ou l’âge au début de la maladie pourrait être retardé. Ce résultat devrait encourager les organismes financeurs et la communauté scientifique à mettre en œuvre de nouvelles études pour comprendre davantage les facteurs démographiques, environnementaux et ceux liés au style de vie qui pourraient être à l’origine de cette diminution.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 47,5 millions le nombre de personnes dans le monde atteintes de démences (c’est-à-dire maladie d’Alzheimer et maladies apparentées) et les prévisions pour les futures décennies sont de 75,6 millions en 2030 et à 135,5 millions en 2050. En France, 900 000 personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer et on estime que 225 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année.

L’étude de Framingham, commencée en 1947, est la plus ancienne étude épidémiologique dans le monde à l’origine de grandes découvertes sur les facteurs de risque cardiovasculaires en particulier. C’est à partir de 1975 que les participants à l’étude FHS ont été surveillés en continu pour diagnostiquer l’apparition d’une détérioration cognitive ou d’une démence. Grâce à un recueil rigoureux et standardisé des données, les chercheurs ont pu diagnostiquer la maladie d’Alzheimer et d’autres démences en utilisant les mêmes critères au cours des trente dernières années. Les données recueillies comprennent les examens réalisés dans l’étude FHS (mesures de paramètres cardiovasculaires, prise de sang…), des entretiens avec des membres de la famille et un examen clinique approfondi des participants chez lesquels un problème neurologique est suspecté par des neurologues ou des neuropsychologues.

 

Les chercheurs ont observé pendant près de 40 ans le taux d’apparition des nouveaux cas démence à tout âge donné et ont tenté d’expliquer pourquoi il avait diminué dans le temps en prenant en compte des facteurs de risque comme les années d’étude, le tabagisme, et les maladies chroniques telles que le diabète, l’hypertension ou l’hypercholestérolémie.

En examinant quatre périodes distinctes (1970-1979, 1980-1989, 1990-1999, 2000-2009), les chercheurs ont découvert un déclin progressif de l’incidence de la démence à tout âge, avec une réduction moyenne de 20 % tous les dix ans depuis le début de la période d’observation. Ce déclin était plus prononcé pour un sous-type de démence dû aux maladies vasculaires, (démences vasculaires, ou post AVC). Au cours de la même période, la part des démences attribuable aux maladies cardiovasculaires a diminué ce qui illustre l’importance d’un traitement efficace des AVC et des mesures de prévention maladies cardiaques. Il est intéressant de noter que le déclin de l’incidence de la démence a été observé uniquement chez des personnes ayant un niveau d’études secondaires et au-delà.

« Actuellement, il n’y a pas de traitement efficace pour prévenir ou guérir la démence ; cependant, notre étude permet d’espérer que certains cas de démence seraient évitables – ou du moins retardés – grâce à une prévention primaire (pour empêcher le début du processus de la maladie) ou secondaire (pour empêcher de progresser vers une démence clairement clinique) », a expliqué, le docteur Sudha Seshadri, professeur de neurologie à la Faculté de Médecine de l’Université de Boston et investigateur principal de l’étude FHS. « Une prévention efficace pourrait réduire au moins en partie l’explosion du nombre de personnes affectées par la maladie dans quelques dizaines d’années », a-t-elle ajouté.

Les travaux à partir de l’étude FHS se sont régulièrement avérés être une source fiable de données. Cependant, les auteurs concèdent que les participants à l’étude FHS sont en très grande majorité d’origine européenne et que de plus amples études sont nécessaires pour généraliser cette découverte à d’autres populations. De plus, les auteurs n’ont pas pu examiner l’impact des modifications du régime alimentaire ou de l’activité physique sur leurs résultats

Malgré ces limitations, « la prévention primaire et secondaire et une meilleure prise en charge des maladies cardiovasculaires/AVC et de leurs facteurs de risque pourraient ouvrir de nouvelles perspectives à la fois dans leur rôle dans l’étiologie des démences et pour revoir à la baisse les projections actuelles quant au poids de la démence dans les prochaines décennies » ajoute Carole Dufouil, directeur de recherche à Bordeaux (France).

En revanche, les auteurs préviennent que cela ne signifie pas que le nombre total de personnes atteintes de démence diminuera dans un avenir proche. En effet, puisque les baby-boomers vieillissent et que les personnes vivent plus longtemps, le poids de la démence continuera à augmenter.

 

Une grande quantité de données recueillies sur de nombreuses années sur les mêmes personnes a été nécessaire pour réaliser l’étude. Elle a été possible grâce à la générosité et au dévouement des participants à la FHS, qui ont donné de leur temps et leurs données. Au centre de la ville de Framingham, une plaque indique « Framingham, la ville qui a changé le cœur de l’Amérique ! ». Elle a été affichée pour le 50ème anniversaire de la FHS en 1998. Désormais, la ville peut revendiquer d’avoir changé la santé cérébrale de l’Amérique également.

L’étude a été possible grâce au travail des générations de chercheurs précédentes, ainsi qu’aux collaborateurs travaillant pour la FHS qui contribuent au recueil des données en cours. Elle a été menée en collaboration entre des chercheurs français de l’Unité Inserm 1219/Ecole de Santé publique de Bordeaux et des chercheurs de la faculté de Médecine de l’Université de Boston.

Le financement pour cette étude a été apporté par le National Heart, Lung and Blood Institute de la Framingham Heart Study (contrat n° N01-HC-25195 et n° HHSN268201500001I) et par des bourses provenant du National Institute of Ageing (AG008122 et AG033193) et du National Institute on Neurological Disorders and Stroke (NS017950).

L’odorologie policière corroborée par la science

L’odorologie est une technique d’identification des odeurs humaines par des chiens spécialement entraînés. Elle est utilisée dans les enquêtes policières pour démontrer la présence d’un individu sur une scène d’infraction. Cependant, il n’existe à l’heure actuelle aucun standard international concernant l’entraînement des chiens. Au Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/Inserm), des chercheurs spécialisés dans les odeurs et leur mémorisation ont analysé les données, consignées depuis 2003 par la Sous-direction de la police technique et scientifique d’Ecully, sur les performances des chiens face à une tâche d’identification d’odeurs. Leurs résultats montrent qu’au terme d’un programme d’entrainement de 24 mois, les chiens parviennent à reconnaître l’odeur d’une même personne dans 80 à 90 % des cas, et ne commettent jamais d’erreur en la confondant avec des odeurs de personnes différentes. Ces résultats valident les procédures appliquées et devraient convaincre la communauté internationale de la fiabilité de cette méthode. Ils sont publiés le 10 février 2016 dans la revue PLOS ONE.

PhotoCP odorologie

Cisko, l’un des chiens policiers, qui effectue un test d’identification (c) DGPN – SICOP

L’odorologie est une méthode d’identification des odeurs humaines, utilisée depuis 2003 en France par les services de la police judiciaire pour démontrer la présence d’un individu sur une scène de crime. Cette méthode repose sur le fait que l’odeur humaine est propre à chaque individu, et sur l’incroyable odorat des chiens (dont la sensibilité peut être de 200 à 10 000 fois plus grande que celle de l’homme selon le type d’odeur considérée1), associé à un long entraînement.

Concrètement, elle consiste à faire comparer, à des chiens spécialement entraînés, une odeur humaine prélevée sur un objet de la scène d’infraction à celle de plusieurs individus parmi lesquelles se trouve l’odeur d’un suspect ou d’une victime. Les résultats de ces tests étant déterminants pour les enquêteurs, ils doivent résulter d’études fiables et reproductibles. Or, jusqu’à maintenant, il n’existait aucun standard international concernant l’entraînement des chiens ou leur inclusion dans les enquêtes. Par conséquent, il y a parfois des réticences à considérer cet indice comme élément de preuve. En analysant les résultats obtenus depuis 2003 à la Sous-direction de la police technique et scientifique (SDPTS) d’Ecully, des chercheurs du Centre de recherche en neurosciences de Lyon viennent de démontrer la fiabilité de la méthode employée.

Durant leur formation initiale, les bergers allemands et belges malinois utilisés par la police scientifique doivent apprendre à faire l’association entre deux odeurs provenant d’un même individu, au cours de tâches de plus en plus complexes. Au terme de cette formation, les chiens sont aptes à effectuer des tâches d’identification. Au cours de cette tâche, les animaux flairent une odeur humaine de référence puis doivent la comparer à une série de cinq odeurs humaines différentes parmi lesquelles se trouve l’odeur de référence. Lorsque le chien exprime la reconnaissance entre les deux odeurs (en se couchant devant le bocal qui contient l’odeur de référence), il est récompensé par une friandise ou par un jeu. Les odeurs humaines peuvent correspondre à des traces odorantes prélevées sur un objet ayant été préalablement manipulé ou à une odeur corporelle directement prélevée sur un individu.

L’analyse des données obtenues avec les 13 chiens de la SDPTS depuis 2003 montre qu’à l’issue de l’acquisition des principes de la tâche, un entraînement régulier de 24 mois est nécessaire pour obtenir des performances stables et optimales. A l’issue des 12 premiers mois, les chiens ne commettent plus aucune erreur de reconnaissance (c’est-à-dire qu’ils ne confondent pas les odeurs de deux personnes différentes). Et leur sensibilité olfactive augmente significativement au cours de l’entraînement : en moyenne, au bout de deux ans, ils parviennent à reconnaître deux odeurs provenant de la même personne dans 85 % des cas, les 15% d’absences d’association résultant majoritairement de la qualité du prélèvement ou de l’odeur elle-même et non d’un déficit de reconnaissance.

Les chercheurs ont aussi mis en évidence que les bergers allemands étaient plus performants que les bergers belges malinois, sans doute parce qu’ils sont plus disciplinés et plus attentifs.

Au terme de leur formation initiale, les chiens peuvent donc participer aux procédures judiciaires et continuent à bénéficier, tout au long de leur vie, d’un entraînement continu entre les procédures. En pratique, chaque test d’identification est réalisé par au moins deux chiens. Et chaque chien réalise au moins deux tests avec le même assortiment d’odeurs : l’odeur prélevée est présentée soit dans l’échantillon flairé au début de la tâche, soit dans l’un des bocaux qu’il flaire successivement.

Entre 2003 et 2016, l’odorologie a été utilisée dans 522 cas à la SDPTS, et a permis de résoudre 162 affaires judiciaires.

Dans ces procédures judiciaires, les odeurs prélevées dataient de quelques heures ou quelques jours. Les chercheurs aimeraient maintenant étudier les performances des chiens sur des odeurs plus anciennes. Les prélèvements d’odeurs sont en effet stockés dans des odorothèques, pendant plusieurs années.

1Marshall and Moulton, Chem Senses,1981 ; Krestel et al., Neurosci Biobehav Rev, 1984.

Cancer du sein : quelle est la part des facteurs comportementaux?

Les chercheurs de l’Unité 1018 « Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations » (Inserm/Université Paris-Sud) à Gustave Roussy se sont intéressés à la proportion de cancers du sein attribuables à différents facteurs de risque. L’analyse, menée auprès de 67 634 femmes de la cohorte française E3N, montre qu’après la ménopause, les cancers du sein sont plus souvent attribuables à des facteurs « comportementaux » tels que l’alimentation déséquilibrée, le surpoids, la consommation d’alcool qu’à des facteurs « non-comportementaux ». Ces données suggèrent que la prévention de ces comportements entrainerait la réduction du nombre de cancers du sein à la ménopause.
L’article détaillant ces résultats est publié dans l’International Journal of Cancer le 4 février 2016.

Cancer sein Fournier

(c) Fotolia

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les femmes dans le monde. De nombreux facteurs de risque, « comportementaux » tels que la consommation d’alcool, l’alimentation, et « non-comportementaux » (antécédents familiaux, âge des premières règles et de la ménopause, etc.), ont déjà été identifiés dans la littérature. Françoise Clavel-Chapelon, directeur de recherche Inserm et Laureen Dartois se sont intéressées à la proportion de cancer du sein attribuable à ces facteurs, et à l’impact conjoint de l’ensemble de ces facteurs de risque, jusqu’alors peu étudié.

Les chercheurs de l’équipe Inserm « Générations et Santé » du Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations (CESP, Unité Inserm 1018) ont évalué la proportion de cancers du sein, diagnostiqués avant et après la ménopause, attribuables aux facteurs de risque comportementaux et non-comportementaux. L’étude a été menée auprès de 67 634 femmes françaises âgées de 42 à 72 ans lors de leur inclusion dans l’étude de cohorte française E3N.

Après 15 ans de suivi, 497 femmes ont été diagnostiquées avec un cancer du sein avant la ménopause et 3138 après la ménopause.

« Avant la ménopause, les cancers du sein sont pour 61,2 % attribuables à des facteurs de risque non-comportementaux et seulement 39,9 % au comportement. Les cancers du sein diagnostiqués avant la ménopause ne sont statistiquement attribuables à aucun facteur de comportement pris isolément.  » explique Françoise Clavel-Chapelon, directrice de recherche Inserm.

Par contre, « Après la ménopause, plus de la moitié (53,5 %) des cas de cancer auraient pu être évités avec un comportement adapté » explique la chercheuse.

Les principaux facteurs de comportement, sur lesquels on peut agir, contribuant à la survenue du cancer du sein après la ménopause sont (entre parenthèses, les pourcentages de cancers évitables) : l’utilisation d’un traitement hormonal de la ménopause (14,5 %), une alimentation déséquilibrée (10,1 %), la consommation d’alcool (plus d’un verre par jour) (5,6 %), le surpoids à l’âge adulte (IMC >=25kg/m2) (5,1 %), et le sous-poids à la puberté (17,1 %). Il est à noter que depuis 10 ans, les traitements hormonaux de la ménopause sont beaucoup moins utilisés et que leur composition a changé suite aux résultats E3N. Par ailleurs, le sous-poids à la puberté fait également partie de ces facteurs sans que les chercheurs soient en mesure d’en expliquer complètement le mécanisme.

Les auteurs concluent que le fait « de ne pas avoir recours à ces comportements permettrait d’éviter plus de la moitié des cancers du sein diagnostiqués après la ménopause ».

Ils suggèrent de poursuivre des études en sciences humaines et sociales permettant de comprendre les choix individuels de comportement, et de mettre au point et évaluer des interventions visant à les modifier.

LES ETUDES E3N (www.e3n.fr) ET E4N (www.e4n.fr)

L’étude E3N, ou Etude Epidémiologique auprès de femmes de la MGEN (Mutuelle Générale de l’Education Nationale), dirigée par Françoise Clavel-Chapelon, directrice de recherche à l’Inserm, est une étude de cohorte prospective portant sur environ 100 000 femmes volontaires françaises nées entre 1925 et 1950 et suivies depuis 1990.

Depuis 1990, les femmes remplissent et renvoient des auto-questionnaires tous les 2 à 3 ans. Elles sont interrogées sur leur mode de vie (alimentation, prise de traitements hormonaux…) d’une part, et sur l’évolution de leur état de santé d’autre part.

L’étude E3N est soutenue par quatre partenaires fondateurs : l’Inserm, la Ligue contre le Cancer, l’Institut Gustave Roussy et la MGEN.

L’étude E4N vient d’être lancée et vise à prolonger l’étude E3N en suivant les membres de la famille des femmes E3N. A terme, E4N rassemblera trois générations : les femmes E3N et les pères de leurs enfants constituent la première génération, leurs enfants, la deuxième, et leurs petits-enfants formeront la troisième génération. Le suivi des trois générations permettra de recueillir des informations sur les facteurs comportementaux et environnementaux à différentes périodes de la vie. L’objectif principal de l’étude E4N est d’étudier la santé en relation avec l’environnement et le mode de vie moderne chez des sujets d’une même famille ayant un terrain génétique et un environnement communs.

Maladie d’Alzheimer : vers une nouvelle approche d’immunothérapie ?

Une étude menée chez la souris par les chercheurs de l’Inserm et de l’UPMC ouvre la piste d’un nouveau type d’approche d’immunothérapie pour traiter la maladie d’Alzheimer. Elle consiste à amplifier une population particulière de lymphocytes T qui régulent les mécanismes immunitaires et neuroinflammatoires se développant au cours de la maladie.

Ces résultats sont publiés dans la revue Brain.

PhotoCP web Alzheimer

(c) Fotolia

Une nouvelle piste d’immunothérapie dans le traitement de la maladie d’Alzheimer. C’est peut-être ce que signent les nouveaux travaux de l’équipe Inserm « Système Immunitaire, Neuroinflammation et Maladies Neurodégénératives » au sein de l’UMRS 938 « Centre de Recherche Saint-Antoine » (Inserm/UPMC) à Paris. Depuis quelques années, un ensemble de travaux fondamentaux a permis de commencer à mieux appréhender les mécanismes immunitaires et neuroinflammatoires complexes associés à la maladie d’Alzheimer. L’équipe Inserm du Centre de Recherche Saint-Antoine apporte une nouvelle preuve de concept chez la souris de l’efficacité d’une stratégie innovante d’immunothérapie, basée sur une approche d’immunomodulation.

Au cours de précédents travaux chez la souris les chercheurs ont en effet montré qu’une population particulière de lymphocytes T, appelés T régulateurs (ou Treg), contrôlait de manière critique les lymphocytes T spécifiques du peptide Ab qui  s’accumule dans le cerveau des malades. « Les cellules Treg peuvent agir de différentes façons pour moduler les réponses lymphocytaires T en général mais aussi d’autres aspects des réactions neuroinflammatoires observées dans ce type de pathologies », précise Guillaume Dorothée, chargé de recherche Inserm responsable de cette nouvelle étude. Les chercheurs ont donc choisi d’évaluer l’effet de ces Treg sur l’évolution de la maladie dans un modèle de souris.

L’interleukine-2, piste thérapeutique

Pour cela, ils ont soit déplété soit amplifié ces cellules Treg au stade débutant de la maladie. Ils ont alors constaté qu’un déficit de Treg accélérait l’apparition des troubles cognitifs et était associé à une diminution de la présence de cellules microgliales au niveau des dépôts de peptide Ab.

« Des études complémentaires semblent suggérer une modification du profil fonctionnel de ces cellules inflammatoires activées chroniquement au cours de la maladie, qui auraient donc un rôle plutôt bénéfique au début du processus pathologique », estime le chercheur.

A l’inverse, l’amplification prolongée de Treg à l’aide de faibles doses d’interleukine-2 injectées par voie intra-péritonéale, augmente la réponse des cellules microgliales et retarde la survenue des troubles de mémoire.

Cette approche d’immunomodulation par injection de faibles doses d’interleukine-2, déjà testée dans certains protocoles cliniques de greffe de moelle osseuse ou encore dans le diabète de type 1, apparaît donc maintenant comme une nouvelle piste thérapeutique dans la maladie d’Alzheimer. Les chercheurs envisagent déjà un essai clinique pilote chez l’homme et réfléchissent en parallèle à la possibilité de moduler plus spécifiquement certaines sous-populations de lymphocytes T pour affiner la réponse.

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