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Cancer de la peau : de nouvelles molécules aux pouvoirs surprenants

Trouver de nouveaux traitements plus efficaces et personnalisés contre le cancer est le défi de nombreux chercheurs. Pari réussi par une équipe de l’Inserm menée par Stéphane Rocchi (Unité Inserm 1065, « Centre méditerranéen de médecine moléculaire ») qui vient de synthétiser et développer de nouvelles molécules anti-mélanome. L’une d’entre elle baptisée HA15 réduit la viabilité des cellules de mélanome sans être toxique pour les cellules normales. Ce travail vient d’être publié dans la revue Cancer Cell.

Le mélanome est une forme fortement agressive de cancer de la peau. Il touche les mélanocytes, les cellules responsables de la synthèse de mélanine qui donne sa coloration à la peau. Il existe 3 stades de progression de la tumeur : la croissance radiale : les cellules prolifèrent de façon anarchique dans l’épiderme; la phase de croissance verticale implique une invasion du derme et finalement la phase métastatique correspondant à une dissémination des cellules cancéreuses dans les tissus périphériques.

Même si des résultats encourageants ont été obtenus pour traiter la phase métastatique (grâce à des thérapies ciblées ou des immunothérapies), la plupart des patients auront besoin de traitements supplémentaires pour empêcher la tumeur de revenir et les métastases de se développer à nouveau. L’identification de nouvelles molécules candidates est donc un élément incontournable pour la mise en place de biothérapies efficaces contre ce cancer dont l’incidence double tous les dix ans.

Dans ce contexte des chercheurs niçois ont découvert une nouvelle famille de molécules, les Thiazole Benzensulfonamides (TZB) présentant des propriétés anticancéreuses intéressantes.  » Initialement cette famille de molécules avait été identifiée dans le diabète de type 2 car elle augmentait la sensibilité des cellules à l’insuline. Si nous voulions l’utiliser contre le cancer, il fallait pouvoir éliminer cette activité pro-insuline ». explique Stéphane Rocchi. C’est ainsi que nous avons commencé à modifier sa structure ».

Après de nombreux essais, la structure initiale de TZD a été profondément modifiée grâce à une collaboration fructueuse avec l’équipe de Dr Benhida de l’Institut de Chimie de Nice pour obtenir une formulation dont le « composé leader » a été appelé HA15.

Leurs résultats montrent que le HA15 réduit la viabilité des cellules de mélanome sans être toxique pour les cellules normales. HA15 induit un stress du réticulum endoplasmique induisant la mort des cellules de mélanome par apoptose et autophagie.

Chez la souris, cette molécule est très efficace pour diminuer le volume tumoral sans toxicité apparente chez le rongeur.

Chez l’homme, en collaboration avec le service de dermatologie du CHU de Nice, les chercheurs ont montré que les molécules étaient actives sur des cellules de mélanomes prélevées sur des biopsies de patients sensibles ou résistantes aux thérapies ciblés.

Enfin, HA15 est aussi efficace sur des lignées cellulaires provenant d’autres tumeurs comme le cancer du sein, du colon, de la prostate, du pancréas ou bien encore des gliomes ou des leucémies myéloïdes chroniques.

« Le but ultime de ce projet est d’utiliser ces nouvelles molécules dans le traitement du mélanome et plus généralement dans d’autres types de cancers. » conclut Stéphane Rocchi qui souhaite démarrer prochainement un essai clinique de phase 1.

Ce travail a fait l’objet d’un dépôt de 2 brevets par INSERM transfert, d’une présentation au programme MATWIN pour un transfert industriel et a bénéficié de financements pour de la maturation par la Canceropole PACA et par INSERM transfert (Grand COPOC).

Une étude clinique appelle à la révision des modalités de traitement en matière d’AVC hémorragique

Les médecins doivent repenser la façon dont ils traitent les patients qui ont subi une hémorragie cérébrale, la forme la plus mortelle d’AVC, selon les constatations issues d’une
étude clinique. L’étude suggère une modification des recommandations pour le traitement des patients qui ont eu un AVC causé par des saignements dans le cerveau – connu comme une hémorragie intracérébrale (HIC) – alors qu’il prenaient régulièrement de l’aspirine.

AVCAccident vasculaire cérébral ischémique (AVC)

(c) Inserm/Koulikoff Frédérique


Lors d’un AVC hémorragique, la transfusion de plaquettes est un traitement jusqu’à lors utilisé par un certain nombre de médecins dans l’espoir d’une meilleure récupération de l’état de santé du patient. En effet, il était imaginé que les plaquettes – fragments de cellules sanguines jouant un rôle essentiel dans la coagulation du sang – pouvaient bloquer les vaisseaux sanguins rompus et ainsi prévenir l’aggravation du saignement dans le cerveau chez les patients qui utilisent par ailleurs, des anti-agrégants plaquettaires (aspirine).

Une équipe de chercheurs de France (Lille), des Pays-Bas, et du Royaume-Uni a constaté que la transfusion de plaquettes réduisait la chance de récupération chez les patients ayant subi une hémorragie intracérébrale tout en prenant de l’aspirine.

Le Professeur Charlotte Cordonnier (PU-PH au CHU de Lille, à l’Université de Lille et au sein de l’Unité Inserm 1171) ajoute « Chaque année, environ deux millions d’adultes dans le monde souffrent d’AVC causé par une hémorragie intracérébrale, ce qui représente la moitié des décès survenus du fait d’un AVC. Deux personnes sur cinq meurent dans le mois, et deux autres sur cinq deviennent dépendants de leurs proches. Un quart des patients sont sous aspirine au moment où survient l’hémorragie cérébrale ».

Les patients AVC qui ont participé à l’essai clinique ont bénéficié d’une prise en charge standard en matière d’AVC, l’étude ayant consisté à un tirage au sort (randomisation) de deux groupes :
l’un des groupes de patients, recevant une transfusion de plaquettes et l’autre groupe de patients ne bénéficiant d’aucun traitement supplémentaire. Les chercheurs ont ainsi pu constater que les transfusions de plaquettes augmentent le risque de décès et d’invalidité à long terme par rapport à une prise en charge classique sans transfusion.

A ce jour, l’équipe de recherche indique que les causes liées à ces constatations ne sont pas connues. Ils suggèrent que le traitement puisse causer des caillots sanguins pour former ou déclencher l’inflammation dans le cerveau et l’aggravation des saignements. 

Le Professeur Rustam Al-Shahi Salman de l’Université d’Édimbourg, co-directeur de l’étude, a déclaré «Notre étude montre que la transfusion de plaquettes semble nuisible, et n’est certainement pas bénéfique, pour les personnes qui prennent de l’aspirine et ont un AVC causé par des saignements dans le cerveau. Ces résultats devraient modifier les directives et recommandations cliniques ».

Les résultats de l’étude ont été présentés à l’European Stroke Organisation Conference » et sont actuellement publiés dans The Lancet.

VIH : Identification de récepteurs clés de la réponse immunitaire chez les patients contrôlant spontanément l’infection

Un petit nombre de patients infectés par le VIH contrôlent spontanément la multiplication du virus en absence de thérapie antirétrovirale, et ne développent pas la maladie. Ces rares patients, nommés « HIV Controllers », semblent supprimer la réplication du VIH par une réponse immunitaire très efficace. Les chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm ont observé chez ces patients, rassemblés au sein de la cohorte ANRS CO21 CODEX, que leurs cellules immunitaires T CD4+ ont la capacité de reconnaître des quantités minimes de virus. Cette détection particulièrement sensible dépend de l’expression de récepteurs T spécifiques situés à la surface des cellules immunitaires, ciblant avec une haute affinité la protéine de capside du VIH. L’expression préférentielle de ces récepteurs pourrait permettre le maintien du système immunitaire en état d’alerte constant, et contribuer ainsi au contrôle du VIH. Ces résultats sont publiés dans The Journal of Clinical Investigation.

 Chakrabarti

© Institut Pasteur, Charles Dauguet

Particules virales du VIH.

Les  patients « HIV Controllers » représentent moins de 0,5% des patients infectés par le VIH. Ces personnes apportent la preuve que le système immunitaire humain peut dans certains cas résister aux effets délétères du VIH. Les HIV Controllers parviennent à maintenir une population de lymphocytes T CD4+ auxiliaires fonctionnels, alors que ces cellules sont détruites ou inactives chez les patients ayant progressé vers la maladie. L’étude des HIV Controllers a été rendue possible grâce à leur recrutement dans la cohorte ANRS CO21 CODEX, qui rassemble les rares patients contrôleurs du VIH en France. Les chercheurs de l’équipe de Lisa Chakrabarti (unité de Pathogénie virale à l’Institut Pasteur / unité Inserm U1108), en collaboration avec Olivier Lambotte (Hôpital de Bicêtre) ont alors pu analyser les réponses des cellules T CD4+ de ces patients au niveau moléculaire.

 

Les cellules T CD4+ des HIV Controllers sont capables, pour déclencher la réponse immunitaire anti-virale, de produire de nombreuses cytokines en réponse à de très faibles doses d’antigènes du VIH. L’étude a révélé que ces réponses très sensibles étaient dues à l’expression de récepteurs T (TCRs) particuliers à la surface des cellules T CD4+ des Controllers. Par comparaison, ces TCRs sont rarement retrouvés chez les patients traités. Les scientifiques ont montré en particulier que les TCR ciblant Gag293, le peptide le plus conservé de la capside du VIH, partageaient fréquemment la même séquence chez les Controllers. Ces TCRs dits « publics » montrent une forte affinité pour le peptide Gag293 lorsqu’il est présenté à la surface des cellules immunitaires. C’est cette forte affinité qui est responsable de la détection très sensible des cellules infectées chez les HIV Controllers. Le transfert de ces TCRs à des cellules saines suffit à conférer les propriétés typiques des cellules T CD4+ de Controllers, avec des réponses hautement sensibles et la production de multiples cytokines.

L’ensemble de l’étude montre que l’expression de TCRs de haute affinité est associée au contrôle spontané de l’infection à VIH.

Des stratégies immunothérapeutiques visant à transférer ou à amplifier ces TCRs pourraient contribuer à rétablir des réponses antivirales efficaces chez les patients ayant progressé vers la maladie.

 

Ces travaux ont été financés par l’ANRS (France REcherche Nord & sud Sida-hiv Hépatites), l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), l’Institut Pasteur, le Conseil australien de la recherche (ARC) et le Conseil national de la santé et de la recherche médicale d’Australie (NHMRC).

Augmenter les échanges hippocampe-cortex améliore la mémoire

Pour la première fois, des chercheurs du Centre interdisciplinaire de recherche en biologie (CNRS/Inserm/Collège de France) ont établi la preuve directe que la mémorisation à long terme des souvenirs implique un échange pendant le sommeil entre deux structures du cerveau, l’hippocampe et le cortex : en augmentant cet échange, ils ont réussi à provoquer la mémorisation de souvenirs qui sinon auraient été oubliés. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Neuroscience le 16 mai 2016.

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(c) Fotolia

Depuis les années 1950, les principales théories de la mémoire postulent que les souvenirs sont initialement formés dans l’hippocampe, et progressivement transférés dans le cortex pour le stockage à long terme. Bien qu’étayée par de nombreux travaux expérimentaux, cette hypothèse n’avait jamais encore été directement validée.

Afin de prouver cette hypothèse, les chercheurs ont d’abord enregistré l’activité de l’hippocampe et du cortex pendant le sommeil. Ils ont constaté qu’il y avait une corrélation entre des ondes observées dans ces deux structures : lorsque l’hippocampe émet des ondulations, le cortex émet à son tour des ondes delta et des fuseaux de sommeil, comme en une série de questions-réponses. Pour établir un lien avec la mémoire, les chercheurs ont ensuite entraîné des rats à mémoriser les positions de deux objets identiques dans une pièce. Le lendemain, lors du test, un objet avait été déplacé et les rats devaient déterminer lequel. Les rats réussissaient le test s’ils avaient passé 20 minutes sur place le premier jour, mais ils échouaient s’ils n’étaient restés que 3 minutes. Cette différence se reflétait également dans les couplages entre hippocampe et cortex pendant le sommeil juste après la première exploration : ils étaient plus importants chez les rats qui réussissaient le test le lendemain. Restait à prouver que ces couplages étaient bien la cause de la mémorisation.

 

Les chercheurs ont alors mis au point un dispositif permettant de détecter en temps réel les ondulations de l’hippocampe et de déclencher aussitôt des ondes delta et des fuseaux de sommeil dans le cortex, c’est-à-dire de produire à volonté des couplages entre ces deux structures. Ils ont utilisé ce dispositif chez des rats entraînés pendant seulement 3 minutes le premier jour, et qui n’étaient donc pas censés se souvenir de l’emplacement des objets le lendemain : ces rats ont alors parfaitement réussi le test. Au contraire, si un délai variable était introduit entre les ondes hippocampiques et corticales, l’effet disparaissait.

Pour mieux comprendre les mécanismes en jeu, les chercheurs ont également enregistré l’activité du cortex pendant l’apprentissage, le sommeil et le test. Ils ont constaté que certains neurones changeaient leur activité lors du couplage au cours du sommeil, et que le lendemain le cortex répondait à la tâche en s’activant davantage près de l’objet déplacé.

Ces travaux, en démontrant les mécanismes de la mémorisation à long terme, pourraient permettre de mieux comprendre certains troubles de mémorisation chez l’homme. On pourrait ainsi envisager de pallier certains déficits de mémoire, s’ils relèvent du même mécanisme que celui étudié.

Cependant, avant toute mise en application clinique, il faudra impérativement résoudre les questions éthiques liées à ces techniques et les affiner pour pouvoir agir sélectivement sur les souvenirs que l’on souhaite renforcer.

Le but de l’équipe est maintenant de mieux comprendre les échanges d’informations entre l’hippocampe et le cortex, notamment lorsque plusieurs souvenirs doivent être mémorisés ou non.

Génétique et microbiote intestinal contribuent ensemble aux MICI

Les modifications du microbiote intestinal dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique) sont à la fois cause et conséquence de ces dérèglements internes. C’est ce que montre une équipe de chercheurs français associant l’Inserm, l’Inra[1], l’UPMC et l’AP-HP qui décrit ces mécanismes et propose de nouvelles pistes thérapeutiques. Leurs travaux sont publiés le 9 Mai 2016 dans Nature Medicine

Harry Sokol

(c) Harry Sokol – Inserm

Le transfert du microbiote de souris Card9−/− est suffisant pour induire l’augmentation de susceptibilité à la colite observé chez les souris Card9−/−. Coupe histologique de colon de souris axéniques génétiquement normale ayant reçue le microbiote de souris génétiquement normale (à gauche) ou de souris Card9−/− (à droite), 12 jours après induction d’une colite. La sévérité de la colite est fortement supérieure chez les souris ayant le microbiote de souris Card9−/−.

 

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) se caractérisent par une inflammation inappropriée du tube digestif. Elles évoluent par poussées inflammatoires de durée et de fréquence variables selon les patients. Ces maladies touchent le plus souvent de jeunes adultes et leur fréquence est plus élevée dans les pays industrialisés. Les chercheurs ont déjà découvert plusieurs gènes de susceptibilité comme NOD2, ATG16L1 ou encore CARD9 mais suspectent également des facteurs environnementaux et des modifications de la flore intestinale, sans que l’on sache quand et comment ces facteurs interviennent.

Or, le gène CARD9 code pour une protéine impliquée dans le système immunitaire et notamment dans la reconnaissance des micro-organismes. « L’association entre ce gène de prédisposition, l’immunité et les bactéries méritait d’être fouillée compte tenu du fait que tous ces acteurs sont impliqués dans les MICI », explique Harry Sokol, responsable de ces travaux.

 

Pour cela, son équipe a utilisé des souris déficientes pour ce gène. Les chercheurs ont alors constaté une sensibilité exacerbée de leur intestin en cas d’inflammation avec un défaut de cicatrisation de la muqueuse, associé à un déficit en interleukine (IL) 22 et à des perturbations de la flore bactérienne. Des observations qui ne les ont pas réellement surpris compte tenu du fait que « la protéine CARD9 exprimée par les cellules immunitaires, contribue à la production d’IL22 impliquée dans la cicatrisation et la protection de la muqueuse intestinale, ainsi qu’à la reconnaissance des micro-organismes », rappelle Harry Sokol.

Sauf qu’en transplantant la flore intestinale de ces animaux génétiquement modifiés à d’autres souris génétiquement indemnes mais sans flore intestinale, ces dernières sont devenues à leur tour, hypersensibles à l’inflammation intestinale. En outre, elles présentaient également un défaut de production d’IL22. « Autrement dit, le défaut génétique en lui-même n’est pas suffisant pour induire les dysfonctionnements observés. Les altérations de la composition de la flore intestinale qui découle de l’absence de CARD9 jouent un rôle majeur dans l’hypersensibilité intestinale et le défaut fonctionnel de la voie IL22 », clarifie Harry Sokol.

 

Les chercheurs ont donc voulu comprendre comment cette flore intestinale altérée pouvait conférer ces anomalies à l’animal receveur. Ils ont alors constaté que les bactéries présentes ne pouvaient pas, ou mal, transformer le tryptophane, un acide aminé apporté par l’alimentation, en dérivé indole qui  se fixe sur des lymphocytes et stimule la production d’Il 22. Une observation qui a amené les chercheurs à conclure qu’une « mutation sur le gène CARD9 entraine une modification de la flore intestinale par l’intermédiaire d’un dysfonctionnement du système immunitaire. Celle-ci perd sa capacité à produire des dérivés indoles, contribuant à renforcer les anomalies immunitaires notamment de la voie Il22, propices à l’inflammation.

Ces résultats montrent combien tous ces mécanismes sont imbriqués ; génétique, système immunitaire et microbiote, résume Harry Sokol. Ainsi, les anomalies du microbiote dans les MICI sont à la fois cause et conséquence de l’inflammation».

Mais les chercheurs ont surtout montré que ces mécanismes étaient réversibles. En administrant des molécules capables de mimer les dérivés indoles à des souris déficientes en gène CARD9, ils ont observé une rémission des symptômes et un rétablissement normal de la voie Il22. Des résultats passionnants mais encore faut-il montrer qu’il en va de même chez l’homme. Les chercheurs ont déjà effectué une analyse de selles chez une centaine de patients atteints de MICI et ont constaté une diminution généralisée de la production de dérivés indoles par les bactéries intestinales par rapport à des sujets sains. En doublant ce travail d’une analyse génétique à la recherche de variants de gènes de susceptibilité, ils ont constaté que ce défaut était particulièrement sévère chez les patients présentant une mutation sur le gène CARD9. L’idée est maintenant de compenser ce déficit chez les malades. « On peut déjà très facilement repérer les patients ayant un défaut de production de dérivés indoles à partir d’une simple analyse de selles. Il suffirait donc de supplémenter ces patients en bactéries productrices de ces dérivés ou encore en leur administrant directement le dérivé en question ». Des travaux déjà engagés au sein du laboratoire.

 

[1] Equipe « Interactions des commensales et probiotiques avec l’hôte », Institut MICALIS (Inra-AgroParisTech), Jouy en Josas

Confirmation de la persistance du virus Ebola dans le sperme des survivants à l’épidémie

Une étude internationale, conduite par des chercheurs de l’IRD, de l’Inserm et de l’Institut Pasteur et leurs partenaires guinéens (CHU de Donka, Hôpital de Macenta, Institut national de santé publique, Université de Conakry), confirme la persistance du virus Ebola dans le sperme de survivants à l’épidémie en Guinée, jusqu’à au moins 9 mois après leur guérison. Ces résultats, qui rappellent l’importance du suivi des survivants afin de prévenir les risques de nouvelles flambées épidémiques, sont publiés dans le Journal of Infectious Diseases, le 3 mai 2016.

Epidémie d'Ebola en Guinée

(c)  IRD/ Eric Delaporte

Séance de décontamination des soignants après intervention au Centre de traitement Ebola de Conakry en 2015

PostEboGui : suivi pluridisciplinaire d’une cohorte de survivants à Ebola
Conduit en Guinée depuis novembre 2014, le programme PostEboGui1 a pour objectif de suivre, pendant 2 ans, une cohorte de plus de 700adultes et enfants, ayant survécus2 à la plus grave épidémie d’Ebola survenue en Afrique de l’Ouest, en 2014. Les chercheurs développent une approche pluridisciplinaire (clinique, virologique, immunologique, social et santé publique), afin d’identifier les séquelles cliniques et sociales de l’épidémie, ainsi que les risques de réactivation potentielle du virus ou de transmission sexuelle.
Dans cette étude, les chercheurs ont suivi les 450 premiers patients du programme PostEboGui, hommes et femmes, pendant 1 an. Ils ont effectué des prélèvements de liquides corporels (larmes, salive, fèces, liquides vaginaux et sperme), le premier jour de l’étude, puis tous les 3 mois. Afin de détecter la présence du virus Ebola dans ces liquides, les chercheurs ont employé les techniques de biologie moléculaire d’amplification en chaîne par polymérase (PCR) et de détection d’acide ribonucléique (ARN), dans les hôpitaux en Guinée.

Présence du virus dans le sperme jusqu’à 9 mois après la guérison

Les résultats portent sur 98 prélèvements issus de 68 personnes différentes. Le virus Ebola a été détecté dans 10 prélèvements provenant de 8 hommes, jusqu’à 9 mois après la guérison. Par ailleurs, les chercheurs ont montré que la persistance du virus dans le liquide séminal diminue avec le temps : le virus, présent dans 28,5 % des échantillons lors des prélèvements effectués entre le 1er et 3e mois, n’a ensuite été détecté qu’à hauteur de 16 % entre le 4e et le 6e mois, puis 6,5 % entre le 7e et le 9e mois, 3,5 % entre le 10e et le 12e mois, et enfin 0 % après 12 mois.

 

Améliorer le suivi des survivants pour limiter la résurgence de l’épidémie
Ces résultats confirment ceux publiés en octobre 2015 dans le New England Journal of Médecine sur une cohorte de survivants en Sierra Leone. Ils mettent l’accent sur la nécessité de recommander, au niveau international, l’utilisation de préservatifs par les survivants dans les mois suivant leur guérison. Par ailleurs, les chercheurs insistent sur l’importance de développer, voire de systématiser le suivi des survivants, afin de limiter les risques de recrudescence de l’épidémie.

Dans le cadre de la Task-force Ebola, les chercheurs se mobilisent pour assurer le suivi des rescapés en Guinée notamment, dans différents domaines : surveillance des séquelles cliniques et psychologiques, des risques de réactivation du virus chez des patients guéris. Ils s’intéressent également aux réservoirs du virus chez l’Homme (zones de « privilège immun » que constituent les yeux, le cerveau et les gonades).

En 2016, d’autres programmes de recherches complèteront le dispositif :
– FORCE : il s’agit d’un essai thérapeutique conduit par l’Inserm, chez les hommes présentant des traces de virus dans le sperme (traitement à base de l’antiviral favipiravir).
– ContactEboGui : l’objectif de ce projet est de suivre les personnes ayant été en contact avec des personnes infectées et déclarées guéries (suivies dans le cadre du programme PostEboGui), et qui auraient pu développer des infections peu symptomatiques et non diagnostiquées, afin de mieux connaître la dynamique de l’épidémie, mais également d’identifier les risques de transmission secondaire et comprendre les chaînes de transmission.
– Réservoir : ce projet s’intéresse à l’origine de l’épidémie, notamment au réservoir animal du virus, en Guinée, en République démocratique du Congo, au Cameroun, au Congo et au Gabon, afin de prévenir les futures épidémies.
Les programmes de recherche initiés au début de l’épidémie en 2014 sous l’égide d’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan) se poursuivent également, dans les domaines du diagnostic de la maladie, des essais cliniques ou encore des sciences humaines et sociales.

 

1 Financé par la Task-force interministérielle Ebola », l’IRD et l’INSERM, PostEboGui est conduit par l’unité mixte internationale TransVIHMI, en partenariat avec l’Université de Conakry, le service des maladies infectieuses du CHU de Donka, l’hôpital de Macenta, l’INSP, le Laboratoire d’analyse socio-anthropologique de Guinée (LASAG) de l’Université de Sonfonia.
2 Soit plus de la moitié des patients déclarés guéris du pays.

Contrôle de la fertilité : un nouvel acteur identifié

Des ARN particuliers de petites tailles sont responsables du contrôle de l’expression de la gonadolibérine ou GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone), une neurohormone qui pilote la maturation sexuelle, l’apparition de la puberté et la fertilité à l’âge adulte. C’est ce que vient de démontrer l’équipe « Développement et plasticité du cerveau neuroendocrine » dirigée par Vincent Prévot, Directeur de recherche Inserm (Centre Jean-Pierre Aubert, Lille). L’intervention des micro-ARNs, transcrits de l’ADN, s’opère autour de la naissance, et marque une étape clé du développement postnatal. Une défaillance de l’action de ces micro-ARNs entraine une perturbation, voire l’arrêt total, de la production de GnRH par les neurones de l’hypothalamus qui la synthétise, et ainsi une infertilité. Dans les cas les plus graves, une stérilité peut intervenir. Le détail de ces travaux sur la souris est publié dans la revue Nature Neuroscience datée du 2 mai 2016.

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(c) Inserm/Andrea Messina

Illustration montrant l’expression de la neurohormone GnRH (vert) dans les neurones hypothalamiques qui la produisent chez des souris dont les neurones à GnRH ont été marqués génétiquement par le gène codant la Tomato (gène qui produit une protéine fluorescente rouge).

 

La fonction de reproduction est déterminée par des événements qui prennent place dans le cerveau. La gamétogenèse (la production de spermatozoïdes et d’ovocytes) et les secrétions hormonales des ovaires et des testicules dépendent étroitement de l’hypophyse, une petite glande située sous le cerveau auquel elle est reliée par un réseau capillaire. Cette dernière est elle-même sous le contrôle du « chef d’orchestre » des glandes situé à la base du cerveau, l’hypothalamus. Au cours du développement postnatal, l’activation d’une poignée de neurones très spécialisés (les neurones à GnRH) de l’hypothalamus entraîne la synthèse d’une hormone, la gonadolibérine ou GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone) et ce processus conduit à l’apparition de la puberté.

Cette étape, appelée « mini-puberté » constitue la première activation de l’axe reproducteur par le cerveau. Elle survient entre le premier et le troisième mois de vie chez le nourrisson et conditionne le bon déroulement de la maturation sexuelle*. Au moment de la puberté, la GnRH stimule la synthèse par l’hypophyse d’autres hormones, qui à leur tour vont passer dans le sang pour promouvoir la croissance des gonades (ovaires, testicules), puis pour assurer la fonction reproductive.

L’apparition de la puberté constitue encore l’une des plus grandes énigmes scientifiques du XXIième siècle. Ces 30 dernières années, la découverte de mutations dans différentes parties du génome de patients souffrant de trouble de la puberté a permis d’identifier quelques gènes impliqués dans ce processus.

Cependant, les médecins et les scientifiques estiment que ces gènes ne sont responsables que d’un tiers des problèmes de puberté rencontrés chez les patients. La découverte de l’implication des micro-ARNs , ouvre d’importantes perspectives médicales pour la prise en charge de ces patients aussi bien d’un point de vue diagnostique que thérapeutique.

 

Les micro-ARNs sont des ARN non-codants de petites tailles transcrits à partir de notre ADN, Contrairement aux ARN messagers (ARNm), ils ne sont pas traduits en protéines. De ce fait, les micro-ARNs ne font pas partie du « génome codant » et constituent ce que certains appellent l’épi-génome. Les régulations opérées par les micro-ARN sur l’expression des gènes, comme celui de la GnRH, sont donc considérées comme étant des régulations de type « épi-génétiques ».

Les recherches menées par l’équipe de Vincent Prévot chez la souris montrent que la naissance induit un changement radical de l’expression des micro-ARNs  dans les neurones à GnRH de l’hypothalamus. Cette modification du profil d’expression des micro-ARNs est indispensable à l’inhibition de l’expression des facteurs de transcription (protéines qui activent ou inhibent l’expression de gènes) qui ont un effet répresseur sur l’expression de la GnRH. Cette inhibition de facteurs inhibiteurs va permettre l’augmentation de la production de GnRH qui est indispensable à la maturation sexuelle infantile et juvénile et à la survenue de la puberté. En effet, en l’absence de micro-ARNs, l’expression des facteurs de transcriptions inhibant l’expression de GnRH augmente et entraine l’extinction de la synthèse de GnRH par le cerveau ce qui conduit à l’arrêt de la maturation sexuelle, l’absence de puberté et à une stérilité totale chez les individus adultes. L’analyse du gène de la GnRH chez l’homme montre que des phénomènes analogues pourraient se produire dans notre propre espèce. Le mécanisme élucidé par cette équipe pourrait donc expliquer l’absence de puberté et l’infertilité chez certains patients pour qui aucune mutation ou polymorphisme (variation dans la séquence d’ADN) n’a été identifiée dans le génome codant.Andrea Messina - Inserm

(c) Andrea Messina/Inserm

Sur le plan diagnostique, l’étude réalisée par les chercheurs de l’équipe de Vincent Prevot, à Lille, dévoile l’intérêt d’analyser des portions d’ADN à partir desquelles les micro-ARNs sont transcrits, mais aussi les portions du génome qui vont coder pour leurs sites de liaison sur les gènes cibles. « Les travaux publiés aujourd’hui montrent l’importance d’étudier les séquences du génome qui vont être transcrites en ARNm sur lesquels se lient les micro-ARNs pour réguler leur traduction en protéine », ajoutent les chercheurs.

D’un point de vue thérapeutique, l’interaction des micro-ARNs avec les gènes qu’ils régulent peut être empêchée ou mimée par l’administration de petites molécules analogues, comme l’étude de l’équipe de Vincent Prévot en apporte la preuve de concept.

Cette recherche a reçu le soutien financier de la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM).    

* Cette mini-puberté est gravement compromise chez les bébés nés prématurés qui ont une plus grande probabilité de développer des troubles de la puberté et une infertilité à l’âge adulte, que les enfants nés à terme.

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