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Le récepteur de la caféine contrôle les troubles de la mémoire liés à l’âge

Roasted coffee beans background concept

(c) Fotolia

Une étude parue dans la revue Scientific Reports du groupe Nature publishing group, décrit le mécanisme par lequel la caféine contrecarre, chez l’animal, les troubles cognitifs associés au vieillissement.

L’étude coordonnée par des chercheurs portugais de l’Instituto de Medicina Molecular (iMM Lisboa) et des collaborateurs de l’Inserm de Lille, en France, à laquelle ont également participé des équipes d’Allemagne et des Etats-Unis, montre que l’expression anormale d’un récepteur cible de la caféine (ou récepteur A2A de l’adénosine) dans le cerveau de rats, entraîne l’apparition de troubles de la mémoire en lien avec la perte des mécanismes de contrôle du stress.

“Ces travaux s’inscrivent dans une étude plus large lancée il y a 4 ans. Nous avions identifié le rôle du récepteur A2A dans le stress, mais nous ne savions pas si son activation suffirait à déclencher d’autres changements. Nous avons désormais découvert que la modification de la quantité de ce récepteur dans les neurones situés dans des zones liées à la mémoire (de l’hippocampe et du cortex) suffisait à produire un profil que nous avons appelé « profil de vieillissement précoce » combinant la perte de mémoire et l’augmentation des hormones du stress dans le plasma (cortisol)” explique Luisa Lopes, Chef de Groupe chez iMM Lisboa et Coordinatrice de l’étude.

 

Bloquer les récepteurs A2A pour retrouver la mémoire

Lorsque ces animaux ayant un profil de vieillissement précoce ont été traités avec un analogue de la caféine, qui bloque l’action des récepteurs A2A, leurs performances mnésiques étaient similaires à celles des animaux contrôles.

David Blum, Directeur de Recherche à l’Inserm[1], explique :

“Chez les personnes âgées, nous savons qu’il y a une augmentation des hormones du stress qui ont un impact sur la mémoire. Nos travaux soutiennent l’idée selon laquelle les effets procognitifs de la caféine et ses analogues (antagonistes de A2AR), observés dans les troubles cognitifs liés à l’âge et dans la maladie d’Alzheimer, reposent sur cette capacité à contrecarrer la perte des mécanismes de contrôle du stress engendrée par le vieillissement. »

« Cette étude permet non seulement de comprendre les changements fondamentaux qui se produisent quand un individu avance en âge, mais également d’identifier les perturbations du récepteur A2A comme facteur majeur du déclenchement de ces changements. Ce qui mène à des perspectives thérapeutiques très intéressantes”,  conclut Luisa Lopes.

[1] Equipe « Alzheimer & Tauopathies » (UMR 1172 Inserm / Université de Lille /CHRU de Lille)

 

Pour en savoir plus

Instituto de Medicina Molecular (iMM Lisboa) est un centre de recherche biomédicale de référence au Portugal, qui a acquis le statut spécial de Laboratoire associé du Ministère portugais de la Science et de la Technologie. La mission d’iMM est de promouvoir la recherche biomédicale fondamentale, translationnelle et clinique, dans le but de comprendre les mécanismes des maladies et de développer de nouvelles approches thérapeutiques.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site web d’iMM Lisboa : www.imm.medicina.ulisboa.pt/

 

Le laboratoire “Alzheimer & Tauopahies” de l’UMR-S 1172 Inserm/Université Lille/CHRU-Lille dirigée par Luc Buée s’intéresse aux aspects moléculaires, cellulaires et physiologiques de la maladie d’Alzheimer et de la démence. Ce laboratoire fait partie du LabEx DISTALZ (un consortium national qui se consacre à la maladie d’Alzheimer) et du centre d’excellence LICEND pour les maladies neurodégénératives.
http://www.crjpa.lille.inserm.fr/

Rétines artificielles : de sérieuses pistes pour une vision plus nette

Visuel chavanne

L’activation (les cercles de couleur au niveau du cortex visuel) du système visuel par stimulation prothétique (au milieu, en rouge, l’encart montre l’image d’un fond d’œil implanté) est plus grande et de forme plus allongée que l’activation attendue en stimulation naturelle (à gauche, en jaune). Par un protocole d’adaptation de la stimulation (à droite, en vert), la taille et la forme de l’activation peuvent être contrôlées et se rapprochent de l’activation visuelle naturelle (jaune).

© F. Chavane & S. Roux

 

Formidable défi thérapeutique, les prothèses rétiniennes, développées depuis une dizaine d’années, permettent à certaines personnes aveugles de percevoir des signaux lumineux, mais l’image restituée est encore loin d’être précise. En comparant, chez le rongeur, l’activité du cortex visuel générée artificiellement par les implants à celle produite par la « vision naturelle », des chercheurs du CNRS, du CEA, de l’Inserm, de l’AP-HM et d’Aix-Marseille Université ont identifié deux facteurs limitant la résolution des prothèses. À partir de ces résultats, ils ont pu améliorer la précision de l’activation prothétique. Ces travaux pluridisciplinaires, publiés le 23 août 2016 dans la revue eLife, ouvrent la voie à de nouveaux progrès pour les prothèses rétiniennes chez l’Homme, dans le but d’améliorer la qualité de vie des patients implantés.

 

La prothèse rétinienne est composée de trois éléments : une caméra (insérée dans des lunettes), un microcircuit électronique (qui transforme les informations de la caméra en un signal électrique) et une matrice d’électrodes microscopiques (implantée dans l’œil au contact de la rétine). Cette prothèse se substitue aux cellules photo-réceptrices de la rétine : comme elles, elle convertit les informations visuelles en signaux électriques, qui sont ensuite acheminés jusqu’au cerveau via le nerf optique. Elle traite la cécité causée par la dégénérescence des photorécepteurs de la rétine, à condition que le nerf optique demeure fonctionnel1. Équipés de ces implants, les patients – totalement aveugles – recouvrent des perceptions visuelles sous forme de tâches lumineuses : les phosphènes. A l’heure actuelle malheureusement, les signaux lumineux perçus ne sont pas assez nets pour reconnaître des visages, lire ou encore se déplacer en parfaite autonomie.

Pour comprendre les limites de résolution de l’image générée par la prothèse et trouver des pistes pour optimiser le système, les chercheurs ont mené une vaste expérimentation sur le rongeur. Conjuguant leurs compétences en ophtalmologie et en physiologie du système visuel, ils ont comparé la réponse du système visuel d’un rongeur à des stimuli visuels naturels et à des stimuli produits par la prothèse.

Ces travaux ont montré que la prothèse active le cortex visuel du rongeur à la bonne position et avec des amplitudes comparables à celles obtenues en conditions naturelles. Par contre, les activations sont beaucoup trop grandes et de forme trop allongée. Cette déformation est due à deux phénomènes distincts observés au niveau de la matrice d’électrodes. Tout d’abord, les chercheurs ont observé une trop grande diffusion électrique : la mince couche de liquide située entre l’électrode et la rétine diffuse passivement le stimulus électrique aux cellules nerveuses voisines. D’autre part, ils ont détecté l’activation non désirée de fibres rétiniennes situées dans le proche voisinage des cellules cibles à stimuler.

Forts de ces conclusions, les chercheurs ont amélioré les propriétés de l’interface prothèse-rétine avec l’appui de spécialistes en physique des interfaces. Ensemble, ils ont pu générer des courants moins diffus et améliorer significativement l’activation artificielle et par conséquent la performance de la prothèse.

Cette étude de longue haleine, par son espace paramétrique (pour étudier les différentes positions, formes et intensités du signal) et par la difficulté de la chirurgie (pour poser l’implant et pour enregistrer l’imagerie générée dans le cerveau de l’animal) ouvre la voie à de prometteuses améliorations des prothèses rétiniennes pour l’Homme.

Ces travaux ont été menés par des chercheurs de l’Institut de neurosciences de la Timone (CNRS/AMU) et de l’AP-HM, en collaboration avec le CEA-Leti et l’Institut de la vision (CNRS/Inserm/UPMC).

1 C’est le cas des patients atteints de rétinopathie pigmentaire ou encore de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA).

Un inconscient sous influence consciente

Opened book

(c) Fotolia

Dans une étude publiée dans la nouvelle revue scientifique internationale Neuroscience of Consciousness, Benjamin Rohaut, chercheur Inserm et Lionel Naccache, responsable de l’équipe « Picnic lab : Physiological Investigation of Clinically Normal and Impaired Cognition » (tous deux cliniciens rattachés au département de neurologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP) apportent la preuve que le traitement sémantique inconscient d’un mot existe, mais qu’il est soumis à des influences conscientes très fortes.
Un travail réalisé en collaboration avec leurs collègues de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière – AP-HP/CNRS/Inserm/UPMC et du Laboratoire de psychologie cognitive (CNRS/AMU).

 

La psychologie expérimentale regorge de situations qui permettent de sonder la profondeur et la diversité des opérations mentales qui sont réalisées à notre insu, c’est-à-dire inconsciemment. Par exemple, en utilisant les techniques de présentation visuelle subliminale, il est possible d’« injecter » un mot dans le cerveau d’un sujet volontaire, puis de sonder son destin psychologique et cérébral à l’aide de mesures comportementales et d’imagerie cérébrale fonctionnelle. Depuis la fin des années 90, plusieurs études retentissantes ont ainsi fait la démonstration que le sens d’une image, d’un nombre ou d’un mot subliminal pouvait être représenté inconsciemment dans notre esprit/cerveau.

Dans l’étude dirigée par Lionel Naccache, les chercheurs apportent la preuve que le traitement sémantique inconscient d’un mot existe bel et bien, mais qu’il est soumis à des influences conscientes très fortes.

Pour ce faire, ils ont utilisé des mots français tels que : « bande, grue, glace, avocat, cruche, seconde, lettre, accord, temps, bar, coupe … ». Ces mots partagent une propriété sémantique commune, l’avez-vous remarquée ?

En réalité chacun de ces mots est « polysémique », et est donc associé à deux significations différentes (ou plus). A chaque fois qu’un tel mot vous est présenté, vous pouvez donc le comprendre de deux manières différentes. Consciemment nous ne percevons qu’une seule signification à la fois, ainsi que l’énonçait Descartes dès 1649 dans Les passions de l’âme : « nous n’avons qu’une seule pensée d’une même chose en même temps ». Le sens du mot auquel nous accédons consciemment à un instant donné est susceptible d’être influencé.

 

Ainsi, si vous lisez : SORBET puis GLACE, vous accéderez très probablement au sens culinaire du mot glace : « produit sucré et aromatisé obtenu par glaçage d’un mélange pasteurisé, à base de lait, crème ou beurre et d’œufs (glace aux œufs), de sirop et de fruit (glace au sirop, sorbet) » (Dictionnaire Larousse), tandis que le couple MIROIR – GLACE orientera puissamment votre analyse sémantique vers la « feuille de verre homogène et convenablement recuit dont les deux faces sont parfaitement planes et parallèles et dont on fait les miroirs, les vitrages ».

Les auteurs ont présenté aux volontaires de cette expérience des triplets de mots, tout en enregistrant leur activité cérébrale à l’aide d’un casque d’électrodes posé sur leur tête. Chaque essai débutait par la présentation d’un premier mot qui était toujours visible et qui permettait de définir un contexte sémantique particulier (ex : SORBET). Puis le second mot était flashé à l’écran et était soit subliminal soit consciemment visible. Le troisième mot apparaissait alors et était toujours consciemment visible. Il servait de stimulus cible auquel les sujets devaient répondre en appuyant sur un bouton afin d’indiquer s’il s’agissait d’un vrai mot (ex : VITRE) ou d’une chaîne de lettres prononçable mais ne correspondant pas à un mot du lexique (on parle de pseudo-mot, tel que DRAIE). Lorsque le mot du milieu était relié sémantiquement au mot cible, les sujets répondaient plus rapidement. On parle d’un effet d’amorçage. Cet effet amorçage se révéla aussi dans l’analyse des activités cérébrales.

Lorsque le mot polysémique (mot du milieu du triplet) était consciemment visible, un effet d’amorçage n’était présent que pour la signification cohérente avec le mot contextuel présenté au début de chaque essai (mot 1). Par exemple, lorsque l’on présentait le triplet : TRACTEUR – GRUE – CHANTIER, on retrouvait un amorçage du mot CHANTIER par le mot  GRUE, alors que cet effet était absent dans les triplets tels que : OISEAU – GRUE – CHANTIER. L’analyse de l’activité électrique cérébrale confirma et précisa ce résultat. L’absence d’amorçage pour la signification non contextualisée du mot polysémique indique que cette dernière n’était tout simplement pas analysée par les sujets. Le traitement sémantique conscient est donc bien influencé par le contexte conscient.

Le résultat central de ce travail réside dans la découverte qu’il en va de même pour la perception inconsciente des mots polysémiques. Lorsque le mot polysémique (mot 2) était présenté de manière subliminale, les auteurs retrouvèrent des effets d’amorçage sémantique comparables à ceux observés dans la condition de lecture consciente : seules les significations du mot polysémique subliminal cohérentes avec le mot contextuel étaient inconsciemment analysées.

Cette série d’expériences démontre ainsi que la cognition inconsciente est non seulement très complexe, puisqu’elle peut atteindre le niveau de la sémantique (le sens des mots), mais également qu’elle se montre extrêmement sensible aux influences conscientes. A chaque instant, notre posture consciente influence la nature des opérations mentales qui se déroulent en nous inconsciemment.

« Ce travail qui croise les neurosciences avec la psycholinguistique de la langue française illustre également le potentiel des approches scientifiques multidisciplinaires », concluent Lionel Naccache et ses collaborateurs.

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