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Découverte d’un marqueur du réservoir du VIH : une nouvelle piste pour éliminer le virus

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© Fabrice Hyber, pour Organoïde/Institut Pasteur

Des chercheurs français ont identifié un marqueur qui permet de différencier les cellules « dormantes » infectées par le VIH des cellules saines. Cette découverte permettra d’isoler et d’analyser ces cellules réservoirs qui, en hébergeant silencieusement le virus, sont responsables de la persistance du virus même chez les patients sous traitements antirétroviraux, dont la charge virale est indétectable. Elle ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques par le ciblage des cellules infectées. Ces travaux s’inscrivent dans le cadre du programme stratégique de l’ANRS « Réservoirs du VIH ». Ils sont issus d’une collaboration entre le CNRS, l’Université de Montpellier, l’Inserm, l’Institut Pasteur, l’hôpital Henri-Mondor AP-HP de Créteil, l’hôpital Gui de Chauliac (CHU de Montpellier) et le VRI (Institut de recherche vaccinale), et font l’objet d’une publication dans la revue Nature le 15 mars 2017. Un brevet, en propriété CNRS, a été déposé sur l’utilisation diagnostique et thérapeutique du marqueur identifié.

Depuis 1996, la communauté scientifique s’accorde à penser que la guérison du VIH passera par le ciblage des « cellules réservoirs » qui abritent le virus dans les organismes des patients sous trithérapie. Le VIH, en latence, peut se cacher dans ces réservoirs pendant plusieurs dizaines d’années, échappant à la réponse immunitaire et aux traitements antirétroviraux, sans qu’aucune protéine virale ne soit exprimée. Mais en cas d’arrêt du traitement, le virus se multiplie massivement et la maladie progresse de nouveau. Les patients sont ainsi contraints à un traitement à vie. Pour envisager d’éliminer ce virus dormant, une première étape est de distinguer les cellules réservoirs infectées par le VIH de leurs cellules homologues saines, très ressemblantes. C’est ce que vient de réaliser une équipe de chercheurs qui a identifié un marqueur des cellules réservoirs : une protéine présente uniquement à la surface des cellules infectées.

Partant de l’hypothèse que le VIH pourrait laisser une empreinte à la surface de sa cellule hôte, les chercheurs de l’Institut de génétique humaine (CNRS/Université de Montpellier) ont tout d’abord travaillé in vitro sur un modèle d’infection développé dans leur laboratoire. Une comparaison entre cellules infectées et cellules saines[1] les a conduits à remarquer une protéine particulière, codée par un gène parmi la centaine exprimés de manière spécifique par les cellules infectées. Présente uniquement à la surface des cellules infectées, la protéine CD32a remplissait dès lors in vitro les critères d’un marqueur de cellules réservoirs. Et les expérimentations sur échantillons cliniques l’ont confirmé. En étudiant des prélèvements de sang de 12 patients vivant avec le VIH et sous traitement[2], les chercheurs ont isolé les cellules exprimant le marqueur et ont constaté qu’elles étaient quasiment toutes porteuses du VIH. In vitro, l’activation de ces cellules a induit une production de virus capables de réinfecter des cellules saines tandis que leur élimination a provoqué un retard important de la production virale.

Dans la lutte contre le VIH, cette découverte ouvre la voie à une meilleure connaissance fondamentale des réservoirs viraux, qui pourront désormais être isolés facilement et analysés directement. A plus long terme, elle devrait déboucher sur des stratégies thérapeutiques visant à éliminer de l’organisme le virus latent.

Ces travaux ont reçu le soutien de l’ANRS, de MSD Avenir, de la Commission européenne, de la Fondation Bettencourt Schueller, de la Fondation pour la recherche médicale et de l’Institut de recherche vaccinale (VRI).

[1] Les cellules étudiées sont des lymphocytes T CD4, dont l’infection par le VIH conduit à la réduction progressive du nombre. Le nombre de ces cellules est donc utilisé par les médecins pour suivre la progression de la maladie et l’efficacité des traitements.

[2] Patients suivis par le service d’immunologie clinique et  maladies infectieuses de l’hôpital Henri-Mondor AP-HP à Créteil et le département de  maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Gui de Chauliac (CHU de Montpellier).

Vers la synthèse d’antibiotiques par une nouvelle enzyme bactérienne

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©Inra

Des chercheurs de l’Inra et de l’Inserm ont découvert un nouveau type d’enzymes bactériennes capables de produire des peptides à activité antibiotique jusqu’alors jamais identifiés. Publiés dans Nature Chemistry, ces travaux sont prometteurs pour la synthèse de molécules d’intérêt pharmaceutique et la conception de nouveaux antibiotiques.

Dans le cadre des recherches portant sur l’étude des enzymes du microbiote intestinal, des chercheurs de l’Inra et de l’Inserm ont étudié la bactérie modèle Bacillus subtilis. En effet, son analyse génétique a révélé la présence de gènes conservés chez des bactéries communes du microbiote intestinal telles que les entérocoques.  

Les scientifiques se sont notamment intéressés à deux gènes de Bacillus subtilis codant potentiellement pour un peptide et une enzyme appartenant à la super-famille dite des « enzymes à radical SAM». Leurs travaux ont permis de décrire un nouveau mécanisme enzymatique capable de transformer un peptide en une molécule bio-active. Appelée épimérisation, cette transformation enzymatique entraîne le changement de configuration de certains acides aminés de la configuration L (configuration normale au sein des peptides) vers la configuration D. Les chercheurs ont découvert comment cette enzyme fonctionne : elle arrache un atome d’hydrogène présent sur l’atome de carbone alpha des acides aminés pour en donner un nouveau, à l’origine de l’épimérisation de ces derniers. Il s’agit d’un mécanisme inédit dans le vivant.

C’est la première fois que des chercheurs démontrent in vitro la capacité d’enzymes à « radical SAM» de catalyser des épimérisations au sein d’un peptide. De manière surprenante, le peptide ainsi modifié et appelé « épipeptide », est capable d’inhiber très efficacement la croissance de Bacillus subtilis.

Ces épipeptides représentent donc une nouvelle classe de produits naturels qui pourraient servir à développer de nouveaux antibiotiques contre les bactéries à Gram-positif (comme les staphylocoques, entérocoques ou les streptocoques) dont la résistance croissante aux antibiotiques représente un problème majeur de santé publique.

Attention à la prise d’ibuprofène pendant la grossesse

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Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Irset « Institut de recherche en santé, environnement et travail »[1] montre que l’ibuprofène est susceptible d’entraîner des perturbations du système hormonal dans le testicule fœtal humain avec des conséquences éventuelles sur le développement du tractus urogénital masculin. Ce médicament supprime la production de différentes hormones testiculaires, dont la testostérone, qui contrôle les caractères sexuels primaires et secondaires et la descente des testicules. Ces effets sont obtenus à des doses analogues à la posologie classique. Ces résultats sont publiés dans Scientific Reports.

L’ibuprofène, que l’on peut se procurer sans ordonnance, est l’un des médicaments les plus consommés par les femmes enceintes. Si près d’une femme sur dix déclare en avoir pris au cours de sa grossesse, elles seraient en réalité jusqu’à 3 sur 10 à en prendre en automédication selon les études.

Les recherches épidémiologiques menées ces dernières années ont montré une association entre la prise d’antalgiques pendant la grossesse et la survenue d’effets indésirables chez l’enfant (petit poids de naissance, asthme, prématurité etc). D’autres recherches combinant épidémiologie, expérimentation in utero chez le rat et ex vivo sur des organes de rat et humains, entreprises au sein de l’Irset en collaboration avec des chercheurs danois de l’Université de Copenhague) ont montré que le paracétamol et l’aspirine pouvaient perturber le système endocrinien testiculaire fœtal avec comme conséquence une augmentation du risque de non-descente des testicules (cryptorchidie). Seuls les effets de l’ibuprofène n’avaient pas encore été testés.

Pour cela, les chercheurs de l’Irset – avec l’appui de collègues du CHU de Rennes, de l’Université de Copenhague, de chercheurs du Laberca de Nantes, et de collègues écossais du  MRC Edinburgh – ont articulé deux séries de tests pour étudier les effets de l’ibuprofène sur le testicule fœtal humain. Dans la première série d’études, ces testicules sont mis en culture, dans la seconde, ils sont greffés sur des souris[2]. Les effets de l’ibuprofène ont été étudiés sur des périodes correspondant aux 1er et 2ème trimestres de grossesse.

Lorsque les testicules correspondant au 1er trimestre de grossesse sont exposés à l’ibuprofène, la production de testostérone par les cellules de Leydig diminue fortement. Au cours de la même période (jusqu’à 12 semaines de développement), les chercheurs observent pour la première fois que l’ibuprofène affecte aussi la production d’hormone anti-müllérienne par les cellules de Sertoli. Cette hormone joue un rôle clé dans la masculinisation du tractus génital.

En outre, l’expression des gènes codant pour le fonctionnement des cellules germinales, à l’origine de la formation des spermatozoïdes, est largement réduite en présence d’ibuprofène.

Enfin, la production de prostaglandine E2 (connue pour être produite par les testicules et pour intervenir dans de nombreux processus biologiques) et les gènes correspondants sont eux aussi inhibés par la présence d’ibuprofène à ces mêmes âges de développement.

Tous ces effets sont observés très tôt au cours du premier trimestre, et aucun n’est retrouvé sur les tests effectués au cours du second trimestre.

Pour Bernard Jégou, directeur de recherche Inserm et coordinateur de cette étude et Séverine Mazaud-Guittot, chargée de recherche Inserm, les conclusions de ce travail soutenu par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sont à prendre au sérieux : « il existe une fenêtre de sensibilité bien précise au cours du 1er trimestre de développement du fœtus pendant laquelle l’ibuprofène présente, semble-t-il, un risque pour le futur appareil génital et reproducteur de l’enfant. Tous les faisceaux d’indices convergent vers une grande prudence quant à l’utilisation de ce médicament lors du 1er trimestre de grossesse. En outre, si on prend aujourd’hui en compte le corps de données disponibles, il apparaît que la prise de plusieurs antalgiques pendant la grossesse représente un danger encore accru pour l’équilibre hormonal du fœtus masculin. »


[1] Les xénogreffes consistent à transplanter des cellules ou fragments d’organes d’un organisme vivant (par exemple des cellules humaines) dans l’organisme d’une autre espèce (ici la souris) pour comprendre leur développement.

[2] Institut de recherche en santé, environnement et travail ; Inserm ; Ecole des hautes études en santé publique, Université de Rennes 1.

Les mouvements volontaires des yeux, nouvel indicateur du contrôle postural dans la maladie de Parkinson ?

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© Fotolia

L’instabilité de la posture est le premier facteur associé aux chutes chez les patients parkinsoniens mais il existe d’autres symptômes tels que les troubles oculaires. Des équipes de l’hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP et de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (Inserm, CNRS, UPMC) se sont penchés sur le lien entre ces troubles oculaires observés chez certains patients et l’instabilité de la posture. Leurs résultats mettent en évidence un nouveau marqueur potentiel du contrôle postural dans la maladie de Parkinson. Ces résultats sont publiés dans la revue Neurology.

Certains patients atteints de la maladie de Parkinson présentent des dysfonctionnements au niveau de mouvements volontaires des yeux, les « antisaccades ». Le Dr Claire Ewenczyk, au sein de l’équipe du Pr Marie Vidailhet, et le Pr Stéphane Lehéricy, de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (Inserm, CNRS, UPMC) à l’hôpital Pitié Salpêtrière AP-HP, a mené une étude chez 30 patients parkinsoniens avec ou sans troubles du contrôle postural et 25 sujets sains.

Les chercheurs ont testé la marche et l’équilibre chez les patients et ont par ailleurs enregistré l’initiation de la marche et le mouvement des yeux. En parallèle, ils ont étudié les interactions entre deux régions cérébrales : la région oculomotrice frontale, jouant un rôle important dans l’attention visuelle et les mouvements des yeux, et la région locomotrice mésencéphalique, largement impliquée dans le contrôle de la posture et des mouvements oculaires.

Leurs résultats montrent que les patients avec des troubles de la posture présentent également un temps de réaction anormal (latence) des mouvements volontaires des yeux. Cette anomalie est corrélée à une variation des paramètres lors de l’initiation du pas, notamment de la durée des ajustements posturaux anticipatoires, mécanismes mis en place par le système nerveux central pour maintenir l’équilibre en position debout lors de l’exécution de mouvements volontaires.

L’étude des interactions cérébrales entre la région oculomotrice frontale et la région locomotrice mésencéphalique révèle, chez les sujets sains, une corrélation entre les connexions fonctionnelles de ces régions et la latence des mouvements volontaires des yeux. Lorsque les patients sont atteints de la maladie de Parkinson, cette association disparait. Ceci suggère une atteinte étendue de la région mésencéphalique dans la maladie, qui est impliquée à la fois dans le contrôle de la posture et des mouvements des yeux.

L’allongement du temps de réaction des mouvements des yeux ou « antisaccades », un paramètre simple et fiable, pourrait constituer un marqueur pronostic du contrôle postural dans la maladie de Parkinson et être utilisé pour l’évaluation des patients dans de futures études longitudinales.

Le manque de sommeil altère le cerveau des ados

Ne pas assez dormir ou se coucher trop tard entraine une diminution du volume de matière grise du cerveau des adolescents. Ces conclusions ont été obtenues par des chercheurs de l’Inserm de l’Unité 1000 « Neuroimagerie et psychiatrie » (Inserm/Université Paris-Descartes/Université Paris-Sud) qui ont étudié le cerveau et les habitudes de sommeil de 177 élèves de 14 ans. Ces travaux sont publiés dans la revue Scientific Reports et ont bénéficié du soutien de l’académie de Finlande.

Le manque de sommeil chez les adolescents peut compromettre leur réussite scolaire, leur santé et leur sécurité. Un sommeil court ou trop tardif a des conséquences sur les performances scolaires. La question de l’heure à laquelle doivent démarrer les enseignements pour qu’elle soit bénéfique pour la santé des adolescents demeure débattue. Cependant, les chercheurs ignoraient jusqu’à présent si les mauvaises habitudes de sommeil des adolescents étaient associées ou pas à des altérations de l’anatomie du cerveau.

Une collaboration entre les chercheurs de l’Inserm et de l’Institut National de la Santé et de l’aide sociale, soutenue par l’Académie de Finlande démontre pour la première fois une association entre les habitudes de sommeil et la structure du cerveau chez de jeunes adolescents.

Les chercheurs ont étudié les habitudes de sommeil de 177 élèves de 14 ans scolarisés dans des collèges de région parisienne. En moyenne, les enfants se couchent à 22h20 en semaine pour se lever à 7h06 et se couchent à 23h30 le weekend pour se lever à 9h45. Mais il existe de fortes disparités entre les adolescents.

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Les chercheurs ont constaté qu’une durée de sommeil courte (moins de 7h)  en semaine et qu’une heure de coucher tardive le week-end, étaient corrélés avec des volumes plus petits de matière grise dans plusieurs régions cérébrales (le cortex frontal, le cortex cingulaire antérieur et le précuneus.  » Le résultat le plus significatif de notre étude est très certainement celui qui montre que plus les adolescents se couchent tard le weekend, plus leur volume de matière grise est diminué » explique Jean Luc Martinot, directeur de recherche Inserm et dernier auteur de ce travail.

Ces 3 régions du cerveau sont notamment impliquées dans l’attention, la concentration et la capacité à réaliser des tâches simultanées. En outre, les chercheurs ont constaté que les mauvaises notes obtenues par les élèves étaient associées avec moins de matière grise dans les régions frontales, celles dont le volume est diminué par un coucher tardif le week-end.

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Ces résultats montrent qu’il existe un lien entre les mauvaises habitudes de sommeil, la structure du cerveau (encore en pleine période de maturation péri-pubertaire), et les mauvaises performances scolaires.

Pour les chercheurs, cette étude suggère de veiller à ce que les adolescents acquièrent de bonnes habitudes de sommeil pendant cette période de maturation de leur cerveau. « Nous encourageons les parents, les intervenants sociaux et scolaires, à favoriser le maintien d’un bon rythme veille-sommeil pour les adolescents. En particulier, éviter de se coucher systématiquement trop tard pendant les week-ends semble important pour optimiser le  potentiel de développement du cerveau et pour contribuer à la réussite scolaire. » conclut Jean Luc Martinot.

L’Inserm dans le Top 10 mondial des organismes publics les plus innovants, gagne une place par rapport à l’an dernier.

L’Inserm se classe 9e dans le « Top 25 Global Innovators – Government » Reuters/Clarivate, qui évalue la capacité d’innovation des organisations publiques en fonction de l’impact de leur production scientifique et de leurs brevets.

Le classement Top 25 publié ce 1er mars 2017 par Reuters/Clarivate  porte sur les 25 institutions publiques qui contribuent le plus à faire progresser la science et la technologie dans le monde. Il est basé sur la mesure du volume et de l’impact des brevets et des publications scientifiques dans 600 organismes publics.

Yves Lévy, PD-G de l’Inserm se félicite de ce classement qui « démontre  à nouveau la très grande qualité de la production scientifique de l’Institut et vient renforcer la position de l’Inserm, avec sa filiale Inserm-Transfert, comme leader mondial dans le secteur de l’innovation en santé ».

S’agissant de la France, le CEA y figure au second rang, le CNRS 8e et l’Inserm 9e. Le Health & Human Services (HHS), la filiale des NIH et CDC américains en charge des aspects de propriété industrielle, est passé du quatrième rang (en 2016) au premier rang en 2017. La société des instituts allemands Fraunhofer se classe troisième devant l’agence des sciences et technologies du Japon.

Les États-Unis et l’Allemagne compte cinq institutions classées dans le top 25, la France et le Japon quatre, l’Australie, le Canada, la Chine, Singapour, la Corée du Sud, l’Espagne et le Royaume-Uni en ont une seule. Les institutions européennes sont au nombre de 11, contre 8 en Asie-Pacifique et 6 en Amérique du Nord.

A propos de la méthodologie de classement

Le classement Top 25 Global Innovators – Government est publié par Reuters, et réalisé en partenariat avec Clarivate Analytics (anciennement la branche ‘propriété intellectuelle et sciences’ de Thomson Reuters). Il est basé sur des données exclusives et l’analyse d’indicateurs, mesurant notamment le nombre de brevets, leur taux de succès, les citations de brevets et d’articles académiques dans les brevets ainsi que le nombre d’articles scientifiques. Il est établi sur la base de l’analyse des données de 600 organisations académiques ou gouvernementales.

En savoir plus : http://www.reuters.com/article/innovative-institutions-ranking-idUSL2N1GC1NG

Cancer du sein: identification d’un interrupteur moléculaire qui contrôle les cellules souches cancéreuses

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Certaines cellules cancéreuses sont résistantes au traitement et persistent. Si elles ont la capacité de proliférer à nouveau, même un très petit nombre de ces cellules peut suffire à reconstituer une tumeur après ou malgré le traitement. Pour éliminer ces « cellules souches cancéreuses » (CSC), différentes approches ont été tentées au cours des dernières années : thérapies ciblées, vaccination, privation d’alimentation des tumeurs. Dans un article paru dans la revue Cell Reports, Christophe Ginestier, chargé de recherche Inserm au Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille (CRCM, Aix-Marseille Université/CNRS/Institut Paoli-Calmettes), et ses collaborateurs identifient qu’une molécule d’ARN[1] particulier joue le rôle d’interrupteur moléculaire capable « d’éteindre » ou « d’allumer » la prolifération des CSC dans les cancers du sein.

Les données scientifiques accumulées au cours de ces dernières années ont montré l’existence dans la composition d’une tumeur, d’une population de cellules aux propriétés différentes. En effet, un faible nombre des cellules qui composent une tumeur ont la capacité, quand elles sont isolées puis injectées dans des modèles animaux, de former une tumeur identique à celle d’origine. Ces cellules, dites cellules souches cancéreuses (CSC), peuvent proliférer (et ainsi s’auto-renouveler), se différencier (et ainsi donner naissance aux différentes populations qui composent la tumeur), ou encore entrer en dormance de façon momentanée, ce qui leur permet d’échapper à la plupart des traitements, puisque ceux-ci ciblent majoritairement des cellules en cours de division.

Si l’on veut éliminer complètement la tumeur de façon à ce qu’elle ne puisse plus croître à nouveau, il faut neutraliser les CSC. Le développement de toute nouvelle stratégie thérapeutique passe par une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires intrinsèques des CSC. Or les micro ARNs ont été décrits comme des régulateurs capables d’orienter le « destin cellulaire » des cellules souches notamment au cours de l’embryogenèse. Ils pourraient représenter des acteurs majeurs de la biologie des CSC. Les micro ARNs sont de petites molécules d’ARN qui, contrairement aux ARN messagers, ne servent pas d’intermédiaires dans la production d’une protéine à partir de l’information encodée dans les gènes, mais qui régulent l’activité d’autres ARNs ou de protéines.

Christophe Ginestier, Emmanuelle Charafe-Jauffret et leurs co-auteurs ont criblé l’ensemble des micro ARNs présents dans le génome afin d’identifier des microARNs capables d’orienter le choix pour une CSC entre auto-renouvèlement ou différentiation. Ils ont ainsi observé que l’inactivation d’un micro ARN particulier, appelé miR-600 provoque une augmentation des CSC, alors que sa surexpression réduit la tumorigénicité.

Ils ont ensuite montré que le miR-600 fonctionne en agissant sur une enzyme nécessaire à l’activation d’une protéine (WNT) connue pour activer une cascade de signalisation impliquée dans l’embryogenèse. Quand ils inactivent le miR-600, les chercheurs observent l’expansion des CSC. A l’inverse, en augmentant la production de miR-600, la différenciation des CSC est favorisée aux dépens de leur prolifération : la progression tumorale est stoppée.

Ce mécanisme mis en évidence de façon expérimentale semble bien jouer un rôle dans le développement des cancers du sein, puisque les chercheurs ont aussi pu montrer, en analysant un panel de 120 tumeurs mammaires humaines, qu’un faible niveau de miR-600 est retrouvé associé à une forte activation de la protéine WNT et à un mauvais pronostic des patientes dont les tumeurs présentent ces caractéristiques.

« Si miR-600 est un interrupteur de l’agressivité tumorale, il peut donc constituer une excellente cible thérapeutique», concluent les chercheurs. Nos données tendent aussi à prouver que la résistance au traitement et la rechute après traitement pourraient être dues au fait que les thérapies utilisées ne ciblent pas les bonnes cellules cancéreuses ».

[1] ARN : acide ribonucléique, molécule biologique présente chez presque tous les êtres vivants. Souvent support intermédiaire des gènes pour la synthèse de protéines, l’ARN peut aussi intervenir dans de nombreuses réactions chimiques de la cellule.

Drépanocytose : rémission des signes de la maladie chez le premier patient au monde traité par thérapie génique

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Une équipe dirigée par le Pr. Marina Cavazzana a réalisé à l’hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP et à l’Institut Imagine (AP-HP/Inserm/Université Paris Descartes) en octobre 2014 une thérapie génique dans le cadre d’un essai clinique de phase I/II chez un patient de 13 ans atteint de drépanocytose sévère. Menée en collaboration avec le Pr. Philippe Leboulch (CEA/Facultés de médecine de l’université Paris-Sud et de l’université d’Harvard) qui a mis au point le vecteur utilisé et dirigé les études précliniques, ce traitement novateur a permis la rémission complète des signes cliniques de la maladie ainsi que la correction des signes biologiques. Les résultats (suivi de 15 mois après la greffe) font l’objet d’une publication dans le New England Journal of Medicine le 2 mars 2017 et confirment l’efficacité de cette thérapie d’avenir. 

La drépanocytose, forme grave d’anémie chronique d’origine génétique, est caractérisée par la production d’une hémoglobine anormale et de globules rouges déformés (falciformés), dus à une mutation dans le gène codant pour la β-globine. Cette maladie entraîne des épisodes de douleurs très importantes provoqués par des crises vaso-occlusives. Elle cause également des lésions de tous les organes vitaux, une grande sensibilité aux infections, ainsi qu’une surcharge en fer et des troubles endocriniens. On estime que les hémoglobinopathies touchent  7% de la population mondiale. Parmi elles, la drépanocytose est considérée comme la plus fréquente avec 50 millions de personnes porteuses de la mutation – ayant un risque de transmettre la maladie – ou atteintes. Les anomalies génétiques de la β-globine, drépanocytose et β-thalassémie, sont les maladies héritées les plus répandues dans monde, plus fréquentes que toutes les autres maladies génétiques additionnées.

L’essai clinique, coordonné par le Pr Marina Cavazzana*, a été mené à l’hôpital Necker-Enfants malades de l’AP-HP et à l’Institut Imagine.

La première phase a consisté à prélever des cellules souches hématopoïétiques, à l’origine de la production de toutes les lignées de cellules sanguines, au niveau de la moelle osseuse du patient. Un vecteur[1] viral porteur d’un gène thérapeutique, déjà mis au point pour traiter la ß-thalassémie, a ensuite été introduit dans ces cellules afin de les corriger. Ce vecteur lentiviral, capable de transporter de longs segments d’ADN complexes, a été développé par le Pr Philippe Leboulch** et est produit à grande échelle par la société américaine bluebird bio[2].

Les cellules traitées ont ensuite été réinjectées au jeune patient par voie veineuse en octobre 2014. L’adolescent a ensuite été pris en charge durant son hospitalisation dans le service d’immunohématologie pédiatrique de l’Hôpital Necker-Enfants malades en collaboration avec le Pr. Stéphane Blanche et le Dr. Jean-Antoine Ribeil.

Quinze mois après la greffe des cellules corrigées, le patient n’a plus besoin d’être transfusé, ne souffre plus de crises vaso-occlusives, et a complètement repris ses activités physiques et scolaires. « Nous notons aussi que l’expression de la protéine thérapeutique provenant du vecteur, hautement inhibitrice de la falciformation pathologique, est remarquablement élevée et efficace » explique le Pr Philippe Leboulch.

« Nous souhaitons, avec cette approche de thérapie génique, développer de futurs essais cliniques et inclure un nombre important de patients souffrant de drépanocytose, en Ile-de-France et sur le territoire national » indique le Pr. Marina Cavazzana.

[1] Un vecteur est une molécule d’ADN ou d’ARN capable de s’autorépliquer (plasmide, cosmide, ADN viral) dans laquelle on introduit de l’ADN étranger et que l’on utilise ensuite pour faire pénétrer cet ADN dans une cellule cible.

[2] Société fondée par le Pr. Philippe Leboulch et promotrice de l’essai clinique.

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