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Thérapie génique : la micro-dystrophine restaure la force musculaire dans la myopathie de Duchenne

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Dans le cadre d’une collaboration internationale, les équipes de Généthon, le laboratoire de l’AFM-Téléthon, de l’Inserm (Unité mixte Inserm/Université de Nantes/CHU de Nantes1089 « Thérapie génique translationnelle des maladies génétique) et de l’université de Londres (Royal Holloway), ont démontré l’efficacité d’une thérapie génique innovante dans le traitement de la myopathie de Duchenne. En effet, après une injection de micro-dystrophine (une version « raccourcie » du gène de la dystrophine) via un vecteur-médicament, les chercheurs sont parvenus à restaurer la force musculaire et à stabiliser les symptômes cliniques de chiens naturellement atteints de la myopathie de Duchenne. Une première. Ces travaux publiés ce jour dans Nature Communications ont été réalisés grâce au soutien du Téléthon.

La myopathie de Duchenne est une maladie génétique rare évolutive qui touche de l’ensemble des muscles de l’organisme et qui concerne 1 garçon sur 3500. C’est la plus fréquente des maladies neuromusculaires de l’enfant. Elle est liée à des anomalies du gène DMD, responsable de la production de la dystrophine, une protéine essentielle au bon fonctionnement du muscle. Ce gène a la caractéristique d’être l’un des plus grands de notre génome (2.3 millions de paires de bases dont plus de 11000 sont codantes). Du fait de cette taille, il est techniquement impossible d’insérer l’ADN complet de la dystrophine dans un vecteur viral (ni même les  seules 11000 paires de bases codantes), comme cela est habituellement fait pour la thérapie génique.

Pour faire face à ce défi, les équipes du laboratoire Généthon, ont donc développé, en collaboration avec l’équipe du Dr Dickson (Université de Londres), et produit un médicament de thérapie génique associant un vecteur viral de type AAV et une version raccourcie du gène de la dystrophine (environ 4000 paires de bases), permettant la production d’une protéine fonctionnelle. L’équipe du Dr Le Guiner ont testé ce traitement innovant chez 12 chiens naturellement atteints de la myopathie de Duchenne. En injectant cette micro-dystrophine par voie intraveineuse, donc dans le corps entier des chiens, les chercheurs ont constaté la réexpression d’un haut niveau de dystrophine et une restauration significative de la fonction musculaire avec une stabilisation des symptômes cliniques observée pendant plus de 2 ans après l’injection du médicament (voir vidéo). Aucun traitement immunosuppresseur n’a été administré au préalable et aucun effet secondaire n’a été observé.

« Cette étude préclinique démontre la sécurité et l’efficacité de la micro-dystrophine et permet d’envisager le développement d’un essai clinique chez les patients. En effet, c’est la première fois que l’on parvient à traiter le corps entier d’un animal de grande taille avec cette protéine. De plus, cette approche innovante permettrait de traiter l’ensemble des patients atteints de myopathie de Duchenne quelle que soit la mutation génétique en cause » déclare Caroline Le Guiner, ingénieur hospitalier au CHU de Nantes, auteure principale de cette étude.

Pour Frédéric Revah, directeur général de Généthon : « Pour la première fois, les chercheurs ont obtenu un effet thérapeutique systémique sur une maladie neuromusculaire chez le chien en utilisant la micro-dystrophine, et sans traitement immunosuppresseur. Cette technologie de pointe très complexe a été développée dans le cadre d’un effort collaboratif exceptionnel entre notre laboratoire Généthon, des équipes académiques britanniques et françaises. Désormais, c’est à nos experts de la bioproduction de produire en quantité suffisante et dans des conditions BPF, ces nouveaux vecteurs-médicaments pour l’essai clinique ».

« Cette nouvelle preuve d’efficacité de la thérapie génique dans la myopathie de Duchenne vient renforcer l’arsenal thérapeutique en cours de développement (saut d’exon, CRISPR Cas-9, pharmaco-génétique…) et les premiers résultats sont là. Il faut accélérer encore pour franchir la dernière étape et transformer ces succès scientifiques en médicaments pour les enfants » souligne Serge Braun, directeur scientifique de l’AFM-Téléthon.

Thérapie génique : des premiers résultats chez des enfants atteints de la maladie de Sanfilippo B

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Des travaux publiés le 13 juillet 2017 dans la revue Lancet Neurology montrent les résultats d’un essai de thérapie génique réalisé chez quatre enfants atteints de la maladie de Sanfilippo de type B (appelé aussi MPS IIIB). Aboutissement de deux décennies de partenariat et de soutien financier de l’AFM-Téléthon, et avec le soutien de l’association Vaincre les Maladies Lysosomales (VML), le Dr Jean-Michel Heard de l’Institut Pasteur et de l’Inserm, et les Professeurs Marc Tardieu et Michel Zérah, de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, AP-HP, et des universités Paris-Sud et Paris Descartes, ont constaté, après 30 mois de suivi, une bonne tolérance au traitement et un bénéfice neurocognitif pour les patients.

 

Le syndrome de Sanfilippo est une maladie génétique rare, qui touche environ un enfant sur 100 000. Elle affecte le développement du cerveau après la naissance et entraîne quelques années plus tard sa dégénérescence. Les premiers symptômes de la maladie – hyperactivité, déficit intellectuel progressif – se manifestent vers l’âge de deux ans. L’anomalie génétique empêche la production d’une enzyme nécessaire à la dégradation des mucopolysaccharides, des molécules qui aident les neurones à développer des connexions efficaces chez le jeune enfant lors des apprentissages, et dont l’accumulation est progressivement toxique pour les cellules du cerveau.  Cette maladie conduit, en 5 à 10 ans, à un état de polyhandicap et à un décès prématuré.

 

Le défi à relever pour espérer traiter la maladie de Sanfilippo consiste à concevoir une méthode permettant de fournir l’enzyme manquante dans le cerveau, le plus tôt possible après la naissance. Afin d’y arriver, l’essai thérapeutique débuté en octobre 2013, conduit par l’Institut Pasteur et réalisé à l’hôpital Bicêtre, AP-HP a consisté à injecter dans différentes zones du cerveau d’enfants atteints un vecteur de thérapie génique (AAV2/5) capable d’induire la production de l’enzyme manquante par les cellules cérébrales. L’objectif spécifique de l’essai de phase I/II était d’apprécier la tolérance au geste chirurgical et au candidat médicament ainsi apporté par la thérapie génique.

 

Dans cette étude, faisant suite à dix années de travaux préalables chez l’animal, les chercheurs ont pour la première fois mis en œuvre ce traitement chez quatre enfants âgés d’un an et demi à quatre ans (précisément 20, 26, 30 et 53 mois). Aucun effet secondaire notoire lié au traitement, qu’il soit clinique, radiologique ou biologique, n’a été constaté durant les 30 mois qui ont suivi le traitement, témoignant de la bonne tolérance.

 

Dès le 1er mois qui a suivi le traitement et durant les 30 mois de l’étude, les chercheurs ont détecté l’enzyme auparavant manquante dans le liquide cérébrospinal des quatre enfants traités. De plus, un suivi neurocognitif régulier très soigneux a montré un impact positif dans l’évolution du developpement intellectuel et comportemental chez les 4 enfants traités, particulièrement chez le plus jeune d’entre eux.

 

Les résultats encourageants de cet essai clinique de phase I/II indiquent qu’un traitement pourrait à l’avenir être proposé aux familles de patients atteints de la maladie de Sanfilippo. La prochaine étape pourrait consister en la réalisation d’un essai clinique de phase III impliquant la production industrielle de ce médicament.

Surdités héréditaires : quand oreille et cerveau auditif sont tous deux touchés

Coupe de cerveau faisant apparaître les neurones en migration vers le cortex auditif. En bleu, les noyaux. En vert, les molécules du « code moléculaire » adressant les neurones vers cette région cérébrale. © Institut Pasteur

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, du Collège de France et de l’Université Pierre et Marie Curie viennent de montrer que des mutations dans trois gènes responsables de la maladie de Usher – syndrôme héréditaire de surdité-cécité – affectent non seulement le fonctionnement de l’oreille, plus précisémment des cellules sensorielles de la cochlée, mais également le développement du cortex auditif. Leur découverte pourrait expliquer pourquoi, même après la pose d’un implant cochléaire, un dispositif acoustico-électrique permettant de court-circuiter leur cochlée défectueuse, certains patients rencontrent encore des difficultés de compréhension de la parole. Ces travaux font l’objet d’une publication cette semaine dans Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA.

Dans la plupart des cas de surdité humaine d’origine génétique, l’atteinte de l’organe sensoriel de l’audition, la cochlée, rend pleinement compte du déficit auditif des patients. Nombre de ces formes ont pour cible la touffe ciliaire, l’antenne de réception du son des cellules sensorielles auditives. La pose d’un implant cochléaire, stimulant directement le nerf auditif et permettant ainsi de s’affranchir de l’étape du traitement du son par la cochlée, restaure une audition satisfaisante. Pourtant, dans certains cas, les patients conservent malgré tout des difficultés anormales de compréhension du langage parlé.

L’équipe de recherche menée par le Prof. Christine Petit[1], – unité de Génétique et physiologie de l’audition, Institut Pasteur/Inserm/UPMC dans laquelle Dr. Nicolas Michalski, responsable de groupe, a encadré le travail de Baptiste Libé-Philippot -, en collaboration avec Dr. Christine Métin (Inserm/UPMC), vient d’identifier chez la souris trois gènes dont l’altération provoque non seulement des atteintes de la cochlée, mais également du cortex auditif, région du cerveau assurant l’analyse de l’information auditive. Ces trois gènes figurent parmi les neuf actuellement reconnus comme responsables du syndrome de Usher (type I et II), première cause de surdité-cécité héréditaire. Les atteintes cochléaires de ces patients privant le cerveau auditif de tout ou partie des informations acoustiques qu’il reçoit normalement, leurs atteintes cérébrales étaient jusqu’à présent passées inaperçues.

Les chercheurs ont plus précisément montré que les protéines codées par les trois gènes incriminés étaient impliquées, durant le développement embryonnaire, dans la migration et la maturation de certaines cellules appelées à devenir des neurones dits « inhibiteurs », et colonisant spécifiquement le cortex auditif. Ceux-ci synthétisent de la parvalbumine. Ils sont fortement impliqués dans la plasticité corticale qui façonne la structure et la fonction des réseaux neuronaux du cortex à partir de l’expérience auditive. Ils jouent également un rôle important dans la précision temporelle de la détection sonore, nécessaire à la compréhension de la parole. Chez la souris, une seule mutation d’un de ces trois gènes suffit à rendre cette population de précurseurs neuronaux incapable d’entrer dans le cortex en développement et d’atteindre le cortex auditif.

Les scientifiques ont en outre mis en évidence que ces neurones synthétisent des molécules jouant le rôle de marqueurs moléculaires. « Comme des étiquettes, ces molécules adressent les neurones depuis le lieu de leur naissance – dans le subpallium, au centre du cerveau – vers leur aire corticale de destination finale. Nous suggérons ici pour la première fois l’existence d’un tel « code moléculaire d’addressage» des précurseurs des neurones inhibiteurs », précise le Prof. Christine Petit.

Ces résultats montrent ainsi que des gènes de surdité dont on pensait qu’ils n’avaient qu’un rôle cochléaire ont un autre rôle, indépendant, dans le développement et la formation des réseaux neuronaux du cortex auditif. Celui-ci précède, lors du développement embryonnaire, celui que ces gènes exercent dans la cochlée.

Pionnière dans l’étude des surdités héréditaires, l’équipe du Prof. Christine Petit avait déjà établi la responsabilité des protéines codées par les gènes responsables du syndrome de Usher de type I et de type II dans le développement et le fonctionnement de la touffe ciliaire, et déchiffré les réseaux moléculaires associés. Avec ces nouveaux résultats, les chercheurs espèrent mettre au point des méthodes de réhabilitation auditive innovantes adaptées à ces atteintes du cortex auditif.

Ces travaux ont bénéficié du soutien de l’Agence Nationale pour la Recherche French Agence Nationale pour la Recherche (LIGHT4DEAF [ANR-15-RHUS-0001] et LabEx LIFESENSES [ANR-10-LABX-65]), la commission européenne (ERC-2011-ADG_294570), the BNP Paribas Foundation, the FAUN Stiftung (Suchert Foundation)and the LHW-Stiftung (CP), le prix « émergence scientifique » et le grant SEIZEAR de la fondation Agir Pour l’Audition (NM).

[1] Le Prof. Christine Petit est Professeur au Collège de France et Professeur à l’Institut Pasteur.

La restauration visuelle par thérapie optogénétique à portée de main ?

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L’Institut de la Vision (Inserm, Université Pierre et Marie Curie, CNRS) via la fondation Voir & Entendre vient de signer avec l’Agence du département de la Défense des États-Unis chargée de la recherche et développement des nouvelles technologies (DARPA) un contrat dont le montant pourra atteindre à terme 25 millions de dollars. Avec l’aide d’un consortium international, les chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’UPMC regroupés au sein de l’Institut de la Vision souhaitent développer un dispositif capable de restaurer la vision par stimulation optogénétique du cortex visuel. Ce projet est baptisé CorticalSight.

Le consortium est coordonné par le Professeur José-Alain Sahel (Institut de la Vision et Université of Pittsburgh School of Medicine). Il est composé de partenaires académiques : Université de Stanford, Friedrich Miescher Institute for Biomedical Research, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives- Leti ainsi que les entreprises GenSight Biologics, Chronocam and Inscopix. Serge Picaud, Directeur de Recherche Inserm, animera les activités de recherche à l’Institut de la Vision.

Les cellules ganglionnaires de la rétine sont les neurones qui, au niveau des photorécepteurs de l’œil, intègrent l’information visuelle de l’environnement et la transmettent aux centres visuels supérieurs. L’altération de ces cellules prive les centres de toute information visuelle venant de l’extérieur, entraînant ainsi une cécité complète.

La dégénérescence des cellules ganglionnaires est l’une des principales causes de cécité dans le monde occidental. Elle peut être la conséquence de divers états pathologiques, y compris des traumatismes oculaires, des affections rétiniennes telles que le glaucome, la rétinopathie diabétique ou des neuropathies optiques.

Chez l’animal, la restauration de la vue après une dégénérescence des photorécepteurs fonctionne grâce à la mise au point d’une technique très récente : la thérapie optogénétique. Grâce à cette méthode, il devient possible de prendre le contrôle optiquement sur l’activité de zones très précises du cerveau pour induire un comportement chez l’animal. Dans le cas précis, les aires visuelles seraient directement activées pour induire une perception visuelle bien que les photorécepteurs n’aient pas été activés. Cette première étape chez l’animal ouvrirait la voie au transfert de cette technologie chez l’homme.

Le projet CorticalSight, financé par ce contrat, vise donc à restaurer une perception visuelle chez les personnes devenues aveugles, en agissant directement au niveau des centres supérieurs du cerveau. Pour cela les chercheurs vont utiliser un dispositif intelligent de capture d’image combiné à la stimulation optogénétique.

En détail, le système dans son ensemble consistera en plusieurs dispositifs fonctionnant en série. Au niveau du visage, un premier dispositif fixé sur des lunettes sera composé d’une caméra filmant l’environnement direct du patient en haute résolution sera. Le deuxième dispositif au niveau du cerveau transformera par le biais d’algorithmes complexes les informations visuelles en signaux lumineux interprétables par le cerveau.

Et c’est là que l’optogénétique entre en jeu. Grâce à cette technique, les neurones spécifiques du cortex visuel seront rendus sensibles à la lumière par l’expression en leur sein d’une opsine microbienne (cette protéine d’algue transforme l’énergie lumineuse en une activité électrique).

Il suffit alors de coupler les deux dispositifs externe et interne pour que les signaux lumineux en provenance de l’extérieur soient transformés en stimulation optique capable d’activer les neurones du cortex visuel.

Le cerveau humain fait ensuite le reste du travail en traduisant comme il sait le faire, la perception visuelle en image mentale représentant l’environnement : un visage, un arbre, etc.

Le projet CorticalSight est coordonné par l’Institut de la Vision (Inserm/CNRS/UPMC) et rassemble des chercheurs internationaux dans le domaine de la vision dont les expertises individuelles seront nécessaires à chaque étape du développement scientifique.

Phagothérapie : la nécessaire coopération entre bactériophage et système immunitaire

Bactéries (en vert) assaillies et détruites par des bactériophages (en violet). Cliché de microscopie électronique gracieusement fourni par M. Rohde and C. Rohde (Helmholtz Centre for Infection Research, Braunschweig/Leibniz Institute DSMZ, Braunschweig, Germany) et colorisé par Dwayne Roach (Institut Pasteur). © M. Rohde and C. Rohde.

Deux équipes de l’Institut Pasteur, en collaboration avec des chercheurs de l’Inserm et du Georgia Institute of Technology aux Etats-Unis, viennent de démontrer que, pour garantir la bonne efficacité d’une phagothérapie lors d’une infection bactérienne in vivo, l’action des bactériophages doit s’appuyer sur celle du système immunitaire de l’hôte. Cette synergie repose notamment sur l’action clé des cellules immunitaires neutrophiles. Cette découverte permet de mieux comprendre l’action thérapeutique des bactériophages dans le traitement de certaines infections bactériennes. Ces travaux sont publiés dans la revue Cell Host and Microbe le 12 Juillet 2017.

La phagothérapie repose sur l’utilisation de bactériophages (ou « phages ») pour traiter les infections bactériennes. Les phages sont des virus s’attaquant spécifiquement aux bactéries ; ils sont inoffensifs pour l’homme. Le recours à cette stratégie thérapeutique, conceptualisée il y a 100 ans, a connu un net recul dans le monde occidental, suite au développement des antibiotiques. Cependant, alors que le nombre d’infections causées par des bactéries résistantes aux antibiotiques augmente de façon alarmante, la phagothérapie connait actuellement un regain d’intérêt, notamment en Europe.

Jusqu’à présent, les données scientifiques n’étaient pas suffisantes pour comprendre le fonctionnement de la phagothérapie in vivo. En effet, la plupart des études menées in vitro avaient déjà prouvé que les phages tuent les bactéries qu’ils ciblent spécifiquement, mais aucune de ces études n’avait pu prendre en compte l’importance de la réaction de l’hôte face à cette activité.

Deux équipes de l’Institut Pasteur – le groupe Interactions bactériophages/bactéries chez l’animal de Laurent Debarbieux et l’unité Immunité innée dirigée par James Di Santo (Inserm U1223)  -, en collaboration avec l’équipe de Joshua Weitz au Georgia Institute of Technology (Atlanta, Etats-Unis), viennent de démontrer l’importance du statut immunitaire du patient dans les chances de réussite d’une phagothérapie. Pour ce faire, ils ont mené une double approche originale en combinant un modèle animal et une modélisation mathématique.

Afin d’évaluer l’efficacité d’un traitement par une seule espèce de phages, les chercheurs se sont penchés sur la bactérie Pseudomonas aeruginosa qui est impliquée dans des infections respiratoires comme les pneumonies. Cette bactérie, résistante aux carbapénèmes, les            « antibiotiques de la dernière chance », a été classée par l’OMS parmi les quatre plus menaçantes au niveau mondial pour des phénomènes de résistance aux antibiotiques.

Les chercheurs ont ainsi pu montrer que, chez les animaux avec un système immunitaire sain (dits « immunocompétents »), le traitement par phagothérapie est efficace. Le système immunitaire inné, rapidement mobilisable, et les phages agissent, dans un premier temps, en parallèle pour lutter contre l’infection. Puis, au bout de 24 à 48 heures, certaines bactéries deviennent naturellement résistantes aux phages qui ne peuvent plus assurer leur rôle. Le système immunitaire inné prend alors en charge la destruction de ces bactéries. Parmi les cellules immunitaires impliquées, les polynucléaires neutrophiles (des globules blancs provenant de la moelle osseuse) tiennent une place prépondérante.

Parallèlement, les simulations in silico ont permis de démontrer que la réponse innée doit assurer entre 20% et 50% de la destruction des bactéries afin que le traitement par phagothérapie soit efficace, et ce en l’absence ou bien en présence de phénomènes de résistance aux phages. Ainsi, sur le modèle étudié, les chercheurs ont prouvé qu’en aucun cas les phages seuls peuvent éradiquer une infection à P. aeruginosa.

Ces résultats sont d’autant plus importants qu’ils indiquent que les traitements par phagothérapie devraient prendre en compte le statut immunitaire des patients. Comme l’explique Laurent Debarbieux, « en termes de conséquences cliniques, il faudra probablement envisager la sélection des patients susceptibles de bénéficier d’un tel traitement. En effet, la phagothérapie pourrait ne pas être appropriée ou recommandée pour des personnes en situation d’immunodéficience sévère ».

Les chercheurs entendent maintenant décrypter précisément les voies immunitaires impliquées et les mécanismes sous-jacents. En parallèle, des essais cliniques sont en cours, notamment l’essai Phagoburn financé par le 7ème programme cadre de l’Union européenne, sur des infections cutanées chez de grands brûlés.

Une nouvelle étape franchie par une molécule anti-diabétique

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Chez l’Homme, l’apeline est efficace pour réguler le taux de sucre dans le sang et augmente la sensibilité des cellules à l’insuline.  Ces deux observations résultent d’un essai clinique mené par des chercheurs de l’Inserm à Toulouse (Unité 1048 « Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires » Inserm/Université Toulouse III – Paul Sabatier) et représentent une avancée prometteuse dans la mise au point d’un traitement contre le diabète, notamment celui de type 2.

Ces travaux font l’objet d’une publication dans la revue Diabetes, Obesity and Metabolism

                           

C’est une histoire qui dure depuis plus de 10 ans. Une histoire de recherche classique qui illustre le long parcours entre la découverte d’une molécule thérapeutique et sa possible utilisation chez l’homme. L’intérêt de l’apeline a été démontré en 2008 par Philippe Valet, Professeur des Universités et son équipe Inserm. Cette molécule ubiquitaire (que l’on retrouve dans tout l’organisme) peut, si cela s’avère nécessaire, réguler le taux de sucre dans l’organisme en lieu et place de l’insuline. Néanmoins cette voie de secours n’est activée que si la voie principale ne fonctionne pas correctement.

En temps normal, le sucre provenant par l’alimentation est stocké dans le foie, le muscle et le tissu adipeux et libéré au fur et à mesure des besoins de l’organisme. Ce stockage est dépendant de l’action de l’insuline qui le « capte » pour le mettre en réserve. Un mauvais fonctionnement de l’insuline entraine un diabète (augmentation des taux de sucre dans le sang). Soit elle n’est pas produite du tout par l’organisme : c’est le diabète de type 1. Soit les récepteurs à l’insuline situés à la surface des cellules du foie, du muscle et du tissu adipeux se désensibilisent : c’est le diabète de type 2. Deux problèmes en résultent : les taux de glucose circulants dans le sang sont trop élevés, ce qui s’avère toxique à terme.

En découvrant cette voie alternative permettant d’assimiler le sucre d’une autre façon, grâce à l’apeline, les chercheurs ont eu rapidement l’idée de stimuler cette voie naturelle et de produire de l’apeline de synthèse.

Aujourd’hui les chercheurs rapportent les résultats positifs d’un essai clinique mené chez 16 patients au sein du service de Diabétologie du Professeur Pierre Gourdy du CHU de Toulouse. Des hommes en bonne santé mais en surpoids ont été recrutés pour participer à une étude visant à établir l’efficacité et la tolérance de deux doses différentes d’apeline administrées par voie intraveineuse. Tandis qu’un premier groupe recevait une dose équivalente à 9nmol/kg, le second groupe recevait 30 nmol/kg. La glycémie des patients était mesurée avant et après la perfusion.

Les résultats montrent que l’injection de la plus faible dose entraîne une meilleure assimilation du glucose circulant dans le sang, tandis que l’administration de la dose la plus élevée provoque en plus une augmentation avérée de la sensibilité des cellules à l’insuline. Aucun effet secondaire n’a été observé.

 » C’est ce que l’on appelle « une preuve de concept » explique Philippe Valet. « Même si l’échantillon est petit, les résultats que nous venons d’obtenir nous encouragent à passer à des effectifs plus conséquents afin de  les confirmer à plus large échelle et envisager une véritable autorisation de mise sur le marché ».

 Ces travaux pourraient notamment trouver un intérêt dans le traitement du diabète qui touche plus de 400 millions de personnes dans le monde.

L’activité physique ne protège pas de la survenue d’une démence

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L’activité physique pratiquée à l’âge adulte n’est pas associée à un risque réduit de développer une démence. Cependant, un déclin de cette activité est observé durant la décennie qui précède son diagnostic. Si cette baisse d’activité ne peut pas  être considérée comme un signe annonciateur de la démence, elle pourrait toutefois être un signal- parmi d’autres- à prendre en compte par le médecin traitant. C’est ce que démontre une étude menée par une équipe de recherche Inserm du Centre de Recherche en Epidémiologie et Santé Publique (unité 1018 Inserm/ Université Paris-Saclay). Les résultats ont fait l’objet d’une publication dans la revue British Medical Journal parue le 22 juin 2017.

Ces quarante dernières années en France, l’espérance de vie en bonne santé a augmenté de 10 ans passant de 72 ans en 1970 à 82 ans en 2010. Cet allongement de la durée de vie s’explique par l’amélioration de la qualité de vie mais surtout grâce aux progrès faits dans le domaine de la médecine. Cependant, vivre plus longtemps entraîne également une plus forte probabilité de développer une démence (réduction des capacités cognitives entrainant des difficultés dans les activités de la vie quotidienne). L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estimait en 2015 que 47 millions de personnes étaient atteintes de cette maladie dans le monde et ce nombre devrait tripler d’ici 2050.

Jusqu’à très récemment, de nombreuses études suggéraient que l’activité physique pouvait être un facteur neuroprotecteur permettant ainsi de retarder l’apparition des pathologies cérébrales. Dans l’objectif d’étudier cette hypothèse, une étude longitudinale, menée par une équipe de chercheurs Inserm du Centre de Recherche en Epidémiologie et Santé Publique (CESP), en collaboration avec The University College London, a suivi entre 1985 et 2012 (soit 27 ans), plus de 10 300 personnes âgées de 35 à 55 ans au moment de l’inclusion. Les chercheurs ont mesuré tous les 4 ans, l’activité physique de chaque sujet et leur ont fait passer de nombreux tests cognitifs.

De cette étude est ressorti que l’activité physique pratiquée à l’âge adulte n’aurait pas d’effet protecteur sur le risque de démence. En effet, il n’a pas pu être démontré qu’il existait une association entre la pratique d’activité physique (qu’elle soit légère, ou modérée à intense) et l’apparition ou non d’une démence. Par ailleurs, les personnes suivant les recommandations de santé publique en terme d’activités physiques, soit plus de 2h30 d’activité physique modérée à vigoureuse, présentent un déclin des fonctions cognitives, telles que la mémoire ou les capacités de raisonnement, similaire aux personnes ne suivant pas ces recommandations.

Comme le souligne Séverine Sabia, chercheuse Inserm, à la tête de cette étude, « ces résultats sont corroborés par 2 essais d’intervention récents1,2 et un rapport d’experts publié le 22 juin 2017 qui conclut en un manque d’évidence suffisante quant à un effet protecteur de l’augmentation de l’activité physique sur le risque de démence ».

Néanmoins, les chercheurs ont remarqué une diminution de l’activité physique (jusqu’à 2 heure/ semaine de moins) dans les 9 années qui précèdent le diagnostic chez les sujets ayant développé une démence. Ces résultats portent à croire que le déclin de l’activité physique chez ces personnes pourrait faire partie des changements qui surviennent durant la phase préclinique d’une démence telle que la maladie d’Alzheimer. Aujourd’hui encore, il est très compliqué de diagnostiquer cette maladie avant que certains signes cliniques tels que les troubles de la mémoire et la perte d’autonomie n’apparaissent. Il reste donc à savoir si maintenir un bon niveau d’activité physique durant cette phase préclinique de la démence pourrait ralentir le processus de la maladie.

Si l’activité physique apparait ne pas avoir d’effet protecteur sur l’apparition de démence, il est toutefois important de rappeler que la pratique sportive est bénéfique pour le système cardiovasculaire et la prévention de l’obésité et du diabète. Il faut donc maintenir une bonne activité physique régulière, même d’intensité modérée, car c’est un déterminant majeur de l’état de santé à tous les âges de la vie.

  1. Sink KM, Espeland MA, Castro CM, et al. Effect of a 24-Month Physical Activity Intervention vs Health Education on Cognitive Outcomes in Sedentary Older Adults: The LIFE Randomized Trial. JAMA 2015
  2. Andrieu S, Guyonnet S, Coley N, et al. Effect of long-term omega 3 polyunsaturated fatty acid supplementation with or without multidomain intervention on cognitive function in elderly adults with memory complaints (MAPT): a randomised, placebo-controlled trial.Lancet Neurol 2017.

Les bactéries intestinales : signal d’alerte face à une alimentation déséquilibrée

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Nous ne sommes pas tous égaux face à la prise de poids et à l’obésité. En effet, en fonction de notre métabolisme, de la prise de médicaments etc., certaines personnes réagissent mieux et éliminent plus vite les excès que d’autres. Des chercheurs de l’Inserm (Unité Inserm 1138 Centre de recherche des cordeliers) en lien avec des scientifiques de l’Imperial College de Londres, viennent de montrer, chez la souris, que la composition du microbiote intestinal peut prédire la façon dont l’organisme va répondre à une alimentation déséquilibrée, rendant l’animal plus à risque de devenir obèse, ou de développer des affections comme le diabète ou les maladies cardio-vasculaires.

Ces travaux sont publiés dans Cell Reports

 

Les régimes riches en graisses constituent un facteur majeur favorisant l’obésité et les affections qui l’accompagnent, notamment le diabète et les maladies cardio-vasculaires Cependant, les preuves recueillies au cours de précédentes études suggèrent que différentes personnes consommant le même régime riche en graisses obtiennent des résultats différents, rendant difficile la définition d’un « régime sain » universel.

 

De précédentes recherches ont montré que des centaines d’espèces de bactéries présentes dans notre intestin agissent avec nos propres cellules pour assumer un certain nombre de rôles, et que ce microbiote pouvait être façonné par ce que nous mangeons ou par les médicaments que nous prenons, par exemple les antibiotiques.

 

Dans cette dernière étude, publiée dans la revue Cell Reports, les chercheurs de l’Inserm et de l’Imperial College ont utilisé des souris génétiquement similaires pour souligner le rôle que jouent les bactéries intestinales sur la manière dont l’organisme répond aux changements d’alimentation et son impact sur la santé.

 

Avant que les animaux ne changent de régime, les composés produits par leurs bactéries intestinales ont été recherchés dans leur urine par spectroscopie à résonance magnétique, ce qui a donné aux souris un profil de signature chimique, généré par les métabolites de leurs microbiotes.

 

L’équipe a observé que, lorsque les souris ont ensuite toutes reçu le même régime riche en graisses, elles ont montré différentes adaptations. Certains animaux prenaient plus de poids que d’autres, ou devenaient moins tolérants au glucose – l’un des signes d’alerte précoce du diabète.

 

L’analyse a révélé que les principales signatures chimiques dans leur urine permettaient de prévoir certains résultats, notamment des changements de comportement, le gain de poids et la tolérance au glucose. Un composé en particulier, le triméthylamine-N-oxyde (TMAO), s’est avéré en mesure de prévoir la tolérance au glucose.

 

Ces signatures chimiques importantes permettent donc de prévoir de manière précise comment les animaux répondraient à un régime riche en graisses s’ils le recevaient.

 

D’après ces chercheurs, ces résultats apportent des informations essentielles sur la manière dont le microbiote – l’écosystème des bactéries vivant dans notre tractus digestif – contribue à façonner notre santé, et pourraient conduire à proposer aux patients des régimes personnalisés sur la base de la constitution de leur flore intestinale.

 

« Nous savons que notre environnement et notre patrimoine génétique peuvent influencer le risque d’obésité et de maladies, mais les effets de ces communautés de bactéries vivant à l’intérieur de notre organisme sont moins bien connus », explique Marc Emmanuel Dumas, du Département de chirurgie et de cancérologie à l’Imperial College, qui a dirigé l’étude. « En utilisant un groupe de souris présentant le même patrimoine génétique, nous avons été en mesure de mettre en évidence la variabilité chez les animaux soumis à un régime riche en graisses».

 

« Cette étude montre que la valeur d’un régime alimentaire est déterminée non seulement par vos gènes, mais également par les gènes du microbiote intestinal.»« Lorsque celui-ci se développe précocement au cours de la vie, nous commençons avec très peu de germes, et nous acquérons davantage de bactéries de notre environnement au fur et à mesure du développement. Cela signifie que de petites différences dans l’environnement local peuvent entraîner une grande diversité dans le microbiote ».explique Dominique Gauguier, directeur de recherche Inserm.

 

Ces résultats feront l’objet d’une investigation complémentaire dans le cadre d’une large étude clinique (déjà démarrée) menée chez 2 000 patients, dont les détails relatifs à leur style de vie, leur régime alimentaire, leur traitement médicamenteux et d’autres facteurs, ainsi que leur microbiote ont été caractérisés. En regroupant l’ensemble de ces données, et en s’appuyant sur les résultats précédents, il sera possible de révéler comment les personnes réagissent à différents régimes alimentaires, et comment leur microbiome influence les résultats.

 

Selon les chercheurs, l’espoir est qu’à l’avenir un profil de patient puisse être défini à partir d’échantillons urinaires et sanguins, et utilisé pour prévoir à quel régime alimentaire il répondra le mieux.

 

 « Ces résultats ouvrent des perspectives extrêmement prometteuses sur la conception de régimes alimentaires personnalisés et sur l’exploitation de nos bactéries intestinales pour favoriser une meilleure santé » conclut Dominique Gauguier.

Résultats de l’étude sur les usages et la sécurité du baclofène en France entre 2009 et 2015

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La Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs Salariés (Cnamts) et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) publient aujourd’hui les résultats d’une étude sur le baclofène pour la période 2009 – 2015[1]. Menée en collaboration avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’étude a été conduite à partir des bases de données du Sniiram[2] et du PMSI[3] reliées à celle du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc). Cette étude en vie réelle visait à documenter les usages du baclofène, évaluer le maintien du traitement dans la durée et évaluer sa sécurité, notamment lorsqu’il est donné à fortes doses. Le baclofène a été comparé avec les traitements de la dépendance à l’alcool ayant une autorisation de mise sur le marché (acamprosate, naltrexone, nalméfène, disulfiram).

Cette étude met en évidence une utilisation importante du baclofène en dehors du cadre de son autorisation de mise sur le marché (AMM). Ceci principalement dans le traitement de la maladie alcoolique qui fait l’objet d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU). Elle montre également que l’utilisation du baclofène à haute dose est associée à un risque accru d’hospitalisation et de décès par rapport aux traitements médicamenteux autorisés pour traiter la dépendance à l’alcool.

 

Les usages du baclofène entre 2009 et 2015

L’étude Cnamts-ANSM en collaboration avec l’Inserm a permis de distinguer les utilisateurs de baclofène atteints d’une affection neurologique en lien avec l’indication ayant obtenu l’AMM, de ceux qui ont reçu le baclofène pour un autre motif, possiblement une dépendance à l’alcool. Le motif de prescription du baclofène a été déterminé par algorithme à partir des informations médicales présentes dans les bases de données. Ainsi, entre 2009 et 2015, sur l’ensemble des personnes ayant débuté un traitement par baclofène, plus des 2/3, soit 213 000 patients, l’ont utilisé dans une autre indication que celle de l’AMM, principalement dans le traitement de la dépendance à l’alcool.

En ce qui concerne les patients sous baclofène en dehors de l’indication neurologique, ceux recevant des doses quotidiennes élevées (>75 mg) sont minoritaires, mais leur part s’est vue augmenter entre 2009 et 2015 passant de 3% en 2013 à 9% en 2015. Un peu plus de 1% des patients ont reçu des doses de baclofène supérieures à 180 mg par jour.

Ils sont peu nombreux à poursuivre leur traitement dans la durée. Au cours des six premiers mois d’utilisation, seuls 10% des patients l’ont pris sans l’interrompre. In fine, comme pour les médicaments indiqués dans la dépendance à l’alcool, plus de 4 patients sur 5 débutant un traitement avec le baclofène l’arrêtent définitivement au cours des six premiers mois d’utilisation.

L’étude a aussi mis en évidence des usages hors AMM et hors RTU, vraisemblablement dans le traitement de la démence et des douleurs rhumatologiques. Ces usages peuvent apparaître notamment au travers des 11 500 personnes âgées de plus de 80 ans traitées par baclofène sur la période de 7 ans et des 3 000 patients pour lesquels le baclofène a été initié par un rhumatologue. Ces usages n’ont pas été validés par l’ANSM.   

 

La sécurité du baclofène chez les patients en dehors de l’indication neurologique

La sécurité du baclofène a été comparée à celle des médicaments autorisés pour traiter la dépendance à l’alcool.

Les résultats montrent que l’utilisation du baclofène est associée à un risque accru, augmentant avec la dose, d’hospitalisation et de décès par rapport aux traitements médicamenteux autorisés pour traiter la dépendance à l’alcool.

  • Aux doses faibles et modérées (inférieures à 75 mg/jour), le risque d’hospitalisation est faiblement augmenté par rapport aux traitements de l’alcoolo-dépendance (de 9% aux doses inférieures à 30 mg/jour et de 12% aux doses entre 30 et 75 mg/jour) et le risque de décès n’est pas augmenté.
  • Pour des doses entre 75 mg/jour et 180 mg/jour, le risque d’hospitalisation est modérément augmenté de 15% par rapport aux traitements de la dépendance à l’alcool mais le risque de décès est multiplié par 1,5.
  • Au-delà de 180 mg/jour, malgré une analyse portant sur des effectifs limités, la hausse du risque d’hospitalisation et surtout de décès des patients traités par baclofène par rapport aux traitements de la dépendance à l’alcool apparaît particulièrement nette : la fréquence des hospitalisations est augmentée de 46% et le risque de décès est multiplié par 2,27.

En particulier, le risque d’intoxication, d’épilepsie et de mort inexpliquée (selon le certificat de décès) s’accroît avec la dose de baclofène reçue.

 

Le profil de sécurité du baclofène utilisé en dehors de l’indication neurologique est préoccupant, notamment lorsqu’il est reçu à fortes doses. Ces données amènent l’ANSM à engager dès à présent une révision de la RTU du baclofène dans l’alcoolo- dépendance, notamment en ce qui concerne les doses administrées. Par ailleurs, les résultats de cette étude seront pris en compte dans le cadre du dossier de demande d’autorisation de mise sur le marché du baclofène dans le traitement de l’alcoolo-dépendance qui est actuellement en cours d’évaluation à l’ANSM.

[1] L’étude porte sur des patients de plus de 18 ans affiliés au régime général stricto sensu et ayant débuté un traitement de Baclofène entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2015.

[2] Système national d’information inter-régimes de l’Assurance Maladie.

[3] Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information.

Une avancée majeure vers un traitement contre le vieillissement accéléré

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Dans une étude publiée ce jour dans la revue EMBO Molecular Medicine1, l’équipe dirigée par le Professeur Nicolas Lévy identifie le mécanisme lié à l’accumulation de la progérine, protéine toxique produite au cours du vieillissement, et démontre le potentiel thérapeutique d’une nouvelle molécule – MG132 – pour traiter la progeria, un syndrome rare de vieillissement prématuré et accéléré. Nicolas Lévy et son équipe ont démontré la capacité de cette molécule à diminuer considérablement la production de progérine et à la dégrader simultanément. Au-delà de son utilisation pour lutter contre la Progeria, cette molécule comme d’autres composés de la même famille, sont en cours d’évaluation pour le traitement d’autres maladies rares comme de maladies plus fréquentes et en particulier certains cancers.

 Ces travaux soutenus par Aix-Marseille Université, la fondation A*Midex, l’Inserm et l’AFM-Téléthon ouvrent la voie vers un essai thérapeutique et le développement de composés destinés à lutter contre les effets du vieillissement accéléré et physiologique.

La progeria de Hutchinson Gilford (HGPS) est une maladie génétique extrêmement rare et sévère qui provoque un vieillissement très précoce et accéléré des enfants. Bien qu’épargnant les fonctions cérébrales, elle évolue vers un vieillissement de la majorité des organes, les conséquences les plus dramatiques étant observés au niveau de la peau, du tissu adipeux, du système cardiovasculaire et des os. Constamment fatale, le décès survient généralement autour de l’âge de 13 ans. Cette maladie, qui concerne 1 naissance sur 10 à 20 millions dans le  monde,  est  causée  par   une mutation du gène LMNA et induit la production et l’accumulation dans le noyau cellulaire, d’une protéine toxique, la progérine. Celle-ci induit des dysfonctionnements cellulaires graves  (cassures  de  l’ADN   non réparées, défauts de prolifération et différenciation cellulaire, …). La progeria est ainsi un modèle unique pour comprendre des mécanismes majeurs du vieillissement naturel. Depuis 2003, Nicolas Lévy et son équipe ont identifié le gène et le mécanisme de la progeria et d’autres maladies du vieillissement, développé des approches thérapeutiques et conduit le premier essai européen chez 12 enfants atteints de la maladie.

Dans l’étude publiée ce jour, l’équipe de Nicolas Lévy – UMR_S 910, Aix-Marseille Université/Inserm – a identifié le mécanisme par lequel la progérine s’accumule sans être dégradée et a identifié une famille de molécules permettant non seulement une très forte diminution de sa production initiale mais aussi son élimination simultanée. Ces travaux, menés à partir de cellules d’enfants progeria et du modèle de souris développé au sein de cette même équipe, ouvrent la voie à un essai clinique pour la progeria et d’autres maladies graves  avec vieillissement accéléré. Ils seront également exploités afin de définir le potentiel de chaque molécule de la famille identifiée, dans le cadre de maladies génétiques rares, de certains cancers, comme au cours du vieillissement naturel. Pour le Dr. Karim Harhouri, premier auteur de l’étude, « ces 5 années de travail nous ont permis de découvrir le véritable mécanisme par lequel la progerine s’accumule sans pouvoir être dégradée, ainsi qu’une classe de molécules jusque-là inexploitées dont le potentiel thérapeutique semble majeur ».

« Ces travaux s’inscrivent dans la droite ligne de nos recherches dans le domaine des maladies génétiques rares, visant toujours à traduire la connaissance de mécanismes fondamentaux, en traitements aussi efficaces que possibles pour nos malades. Ceci ne peut être obtenu que grâce à la convergence de talents, de métiers, d’expertises afin de servir une ambition commune, celle de multiplier les traitements efficaces pour nos malades tout en réduisant le temps d’accès; c’est vers cette philosophie d’une recherche intégrée aux problématiques de soin que nous devons tendre et nous la défendons avec la création de l’institut GIPTIS* », explique pour sa part Nicolas Lévy, responsable de l’étude et porteur de l’Institut GIPTIS* qui devrait ouvrir en 2020 à Marseille.

Ces travaux ont fait l’objet d’un dépôt de brevet – WO2016/113357 – dont Aix-Marseille Université, l’Inserm, l’AFM-Téléthon, le CNRS et la biotech ProGeLife** sont co-propriétaires.

*GIPTIS : Genetics Institute for Patients Therapies Innovation and Science (www.giptis.com)

** www.progelife.com

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