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Exposition prénatale aux perturbateurs endocriniens et troubles du comportement des enfants

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Une étude épidémiologique menée par l’Inserm[1] sur les familles de la cohorte EDEN (500 garçons nés entre 2003 et 2006 et leurs mères) montre que l’exposition pendant la grossesse à certains phénols et phtalates est associée à des troubles du comportement des garçons entre 3 et 5 ans. Les composés les plus préoccupants à cet égard sont le bisphénol A, le triclosan et le di-n-butyl phtalate, ou DBP. Les résultats viennent d’être publiés dans la revue Environmental Health Perspectives.

Le bisphénol A a été interdit de tous les contenants alimentaires en France en janvier 2015, une date ultérieure à la réalisation de cette étude. Le triclosan est un agent antibactérien retrouvé dans certains dentifrices et savons ; le DBP est utilisé comme plastifiant dans les plastiques de type PVC, certaines colles, vernis à ongles et laques pour les cheveux. Triclosan et DBP sont réglementés selon la logique d’une valeur limite dans certaines familles de produits, tout en étant interdits dans d’autres (le DBP est par exemple interdit d’usage dans les cosmétiques et le triclosan dans les habits dans l’UE). Des études toxicologiques in vitro et chez l’animal ont mis en évidence que ces composés étaient des perturbateurs endocriniens et pouvaient interagir avec des systèmes hormonaux impliqués dans le développement normal du système nerveux central. Les mécanismes précis qui pourraient expliquer un effet des perturbateurs endocriniens sur le neurodéveloppement et le comportement pourraient passer par une altération du fonctionnement des hormones thyroïdiennes, des hormones stéroïdiennes, comme l’œstrogène, ou d’autres hormones, comme l’ocytocine ou la vasopressine, des hormones sécrétées par l’hypothalamus.

Face à ces premières conclusions chez l’animal, les chercheurs ont souhaité étudier l’association entre les expositions aux perturbateurs endocriniens pendant la grossesse et le comportement ultérieur des enfants.

L’étude a porté sur 529 petits garçons de la cohorte mère-enfant EDEN, mise en place par l’Inserm. Les femmes enceintes participant à cette cohorte ont été recrutées entre 2003 et 2006 dans les CHU de Nancy et Poitiers. Aux troisième et cinquième anniversaires de l’enfant, ces mamans ont rempli un questionnaire standardisé évaluant certains aspects du comportement de leur enfant tel que l’hyperactivité, les troubles émotionnels et les troubles relationnels. Ce questionnaire standardisé, utilisé depuis une vingtaine d’années, intitulé « Questionnaire des forces et difficultés » de l’enfant, permet d’établir un score dans différentes dimensions du comportement tels que les symptômes émotionnels, les problèmes de relation avec les pairs, les problèmes de conduite, d’hyperactivité et d’inattention. Un échantillon d’urine prélevé durant la grossesse a permis le dosage de biomarqueurs caractéristique de l’exposition aux phénols et aux phtalates dans le Laboratoire de Santé Environnementale des CDC d’Atlanta, qui est en charge des campagnes de biosurveillance américaines.

De 70 à 100% des femmes de la cohorte Eden, recrutées durant leur grossesse entre 2003 et 2006, étaient alors exposées à des niveaux détectables de différentes substances. Les niveaux urinaires étaient de l’ordre de 1 à 3 µg par litre pour le bisphénol A, de 10 à 100 µg par litre pour le triclosan, et de 50 à 200 pour le méthylparabène. Les résultats suggèrent que l’exposition maternelle à certains phénols et phtalates est associée à des troubles du comportement des petits garçons.

L’exposition au bisphénol A était associé à une augmentation des troubles relationnels à 3 ans et des comportements de type hyperactif à 5 ans. Les chercheurs notent que ce travail confirme ainsi que les effets du bisphénol A sur le comportement observés chez l’animal de laboratoire se retrouvent chez l’humain à des expositions faibles, probablement inférieures à celles préconisées par l’autorité européenne de sécurité alimentaire, l’EFSA.

Le métabolite du DBP était lui associé à davantage de troubles émotionnels et relationnels, incluant les comportements de repli, à 3 ans, mais pas à 5 pour les troubles émotionnels. Des associations entre ces composés et le comportement avaient déjà été mis en évidence dans des études précédentes chez de jeunes garçons et chez l’animal. Ainsi, dans une étude réalisée à partir de femmes et d’enfants new-yorkais, une augmentation des comportements de repli chez les enfants de 3 ans avec des niveaux croissants du métabolite du DBP avaient été rapportés en 2012.

Les résultats de cette étude ont aussi montré une association entre le triclosan et une augmentation des troubles émotionnels à 3 et 5 ans. Il s’agit de la première étude évaluant les effets de ce composé sur le comportement, pour lequel l’équipe d’épidémiologie environnementale de Grenoble avait déjà mis en évidence une diminution du périmètre crânien à la naissance, dans cette même population. Au niveau moléculaire, le triclosan est capable d’interagir avec l’axe thyroïdien qui, pendant la grossesse, est impliqué dans le développement du cerveau du fœtus.

L’effectif de l’étude, qui est une des plus vaste sur la question, ne permettait pas d’étudier directement la survenue de pathologies du comportement comme les troubles du spectre autistique, ce qui impliquerait de suivre des dizaines de milliers d’enfants.

Les équipes de recherche vont désormais s’attacher à répliquer ces résultats au sein de la cohorte mère-enfant SEPAGES en cours dans la région Grenobloise, coordonnée par l’Inserm et soutenue par l’European Research Council. Dans cette dernière, de nombreux échantillons d’urine par participant sont recueillis durant la grossesse et les premières années de vie de l’enfant. Cette approche permettra de limiter les erreurs de mesure de l’exposition et d’identifier de potentielles périodes de sensibilité aux phénols et phtalates sur différents événements de santé tels que la croissance, le comportement ou la santé respiratoire. Cela permettra aussi d’étudier l’effet éventuel de ces substances chez les petites filles, qui n’avaient pu être considérées ici. Il est possible que leur sensibilité aux perturbateurs endocriniens diffère de celle des garçons.


[1] Un consortium de recherche associant des équipes de recherche Inserm, les CHU de Nancy et Poitiers, le Center for Disease Controls and Prevention (CDC, Atlanta, USA), et coordonné par l’équipe d’épidémiologie environnementale de l’Institut pour l’Avancée des Biosciences (Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes).

Comment les artères se protègent-elles de l’athérosclérose ?

Associé au vieillissement de la population et au développement du syndrome métabolique, l’athérosclérose est une cause majeure de décès dans le monde. Des chercheurs de l’Unité Inserm 970 « Centre de Recherche Cardiovasculaire de Paris » (Inserm/ Université Paris Descartes), ont réussi à mettre en évidence les mécanismes qui sous-tendent la formation des plaques d’athérosclérose. Ils ont notamment découvert le rôle protecteur de l’autophagie, un processus de nettoyage et de recyclage des composants cellulaires, dans les cellules qui tapissent la paroi interne des artères. Ces résultats, parus dans PNAS le 25 septembre 2017, permettent de mieux comprendre les étapes initiales du développement de ces plaques et ouvrent la voie d’un traitement préventif.

L’athérosclérose est une maladie du système cardio-vasculaire qui se caractérise par le dépôt d’une plaque essentiellement composée de lipides (on parle d’athérome) sur la paroi interne des artères. Si certaines de ces plaques sont stables, d’autres s’érodent ou se fissurent et les conséquences sont alors dramatiques pour le patient: infarctus du myocarde ou encore accident vasculaire cérébral (AVC).

Coupe schématique d’une artère saine et d’une artère athéroscléreuse. ©Inserm/Koulikoff, Frédérique

Les facteurs de risque cardiovasculaire sont multiples : diabète, obésité, tabagisme, hypertension artérielle, etc. Bien que ces facteurs soient généraux, les plaques d’athérosclérose se développent principalement dans des zones précises de système circulatoire que sont les bifurcations et incurvations artérielles. Ces endroits sont caractérisés par les faibles forces de frottement qu’y exerce le sang circulant. A l’inverse, les zones artérielles exposées à des frottements plus importants sont protégées de l’athérosclérose. Les mécanismes impliqués dans ce rôle protecteur du frottement sanguin sur le développement de l’athérosclérose restent encore mal compris.

Une récente étude menée par Chantal Boulanger et Pierre-Emmanuel Rautou, de l’Unité Inserm 970 « Centre de Recherche Cardiovasculaire de Paris », vient de combler cette lacune dans la compréhension de l’athérosclérose. Les travaux montrent le rôle clé de l’autophagie endothéliale, c’est-à-dire la capacité qu’ont les cellules qui tapissent la face interne des artères à dégrader et recycler leurs propres composants.

L’autophagie est un processus intracellulaire par lequel la cellule dégrade une portion de son cytoplasme (contenu de la cellule entre la membrane et le noyau) pour faire face à un stress ou un manque de nutriments. L’équipe de chercheurs a observé que les frottements exercés par le sang stimulent puissamment l’autophagie à la surface de la paroi artérielle. Ce phénomène permet à ces cellules endothéliales de maintenir un état physiologique sain et empêche le développement de l’athérosclérose, en les protégeant de la mort cellulaire, de la sénescence et de l’inflammation.

Les chercheurs ont ensuite empêché le processus d’autophagie à la surface de la paroi artérielle et ils ont alors observé une recrudescence des plaques dans ces zones artérielles habituellement protégées du développement de l’athérosclérose. L’autophagie endothéliale représente ainsi le lien jusqu’alors manquant entre les forces exercées par le sang circulant et l’athérosclérose.

« Ces résultats prouvent qu’inhiber l’autophagie n’est pas favorable en cas d’athérosclérose. Au contraire, stimuler spécifiquement l’autophagie, permettrait de prévenir la formation des plaques d’athérome et donc de réduire les risques d’infarctus ou d’AVC, véritable défi majeur pour la santé publique. », conclut Chantal Boulanger.

Le Yin et Yang des irradiations à faibles doses sur l’hématopoïèse

Une équipe de chercheurs du CEA, de l’Inserm, des universités Paris-Sud et Paris Diderot a montré qu’une exposition à des faibles doses d’irradiation (0.02 Gy) entraîne une perte de fonction des cellules souches hématopoïétiques[1] (CSH). Cette équipe montre aussi qu’une irradiation à cette faible dose facilite la prise de greffe de moelle osseuse sans myéloablation[2]. Ces résultats, parus dans Cell Reports le 26 septembre 2017, montrent à la fois les aspects délétères et bénéfiques d’une irradiation à faibles doses.

Quelles sont les conséquences d’une exposition à de faibles doses de rayonnements ionisants, par exemple lors d’examens médicaux utilisant les rayons X ? Des études épidémiologiques préalables ont associé les expositions à de faibles doses d’irradiation (<0.1 Gy) à l’augmentation de la fréquence d’apparition de maladies hématologiques. Cependant aucun lien biologique entre une exposition à de faibles doses d’irradiation et des anomalies de cellules hématopoïétiques n’avait été montré. Les résultats obtenus par les chercheurs du CEA, de l’Inserm, de l’Université Paris Sud et l’Université Paris Diderot montrent qu’une irradiation à faibles doses de cellules souches hématopoïétiques (CSH), cellules à l’origine de l’ensemble des cellules sanguines, entraîne une diminution du nombre de CSH et de leur fonctionnalité. Ces effets sur les cellules souches sont aussi observables in vivo en cas d’inflammation et pourraient conduire à un défaut de production des cellules sanguines et à des risques d’aplasie médullaire[3] ou de transformation leucémique.

Cette équipe a utilisé cette propriété pour tester un nouveau protocole pouvant permettre une prise de greffe de moelle osseuse sans myéloablation. En effet, le protocole, actuellement utilisé lors de transplantation de moelle osseuse autologue[4] consiste en la destruction médicamenteuse de la moelle osseuse du patient avant la greffe (myéloablation), destruction qui est malheureusement associée à de nombreux effets secondaires indésirables. En se basant sur leurs observations, les chercheurs ont montré qu’une irradiation à une très faible dose, dose utilisée en imagerie médicale, précédée d’un traitement actuellement utilisé en clinique et qui permet la sortie des CSH de la moelle osseuse, permettait une prise de greffe de moelle osseuse sans myéloablation.

Ces résultats indiquent la nécessité d’une prise en charge attentive lors d’imageries médicales en particulier chez des patients présentant un syndrome inflammatoire mais pourraient aussi apporter un bénéfice thérapeutique majeur pour les patients candidats à une transplantation de moelle osseuse autologue en particulier lors de protocole de thérapie génique.
 

Cellules souches hématopoïétiques (CSH), non irradiée (à g.) et irradiée (à d.) à la dose de 0,02 Gy. Marquage en bleu du noyau et en rouge de la protéine Nrf2 activée et nucléaire, témoin de la réponse de la CSH au stress oxydatif engendré par l’irradiation à 0.02 Gy.

 


[1] Cellules souches de la moelle osseuse à l’origine des cellules sanguines : globules rouges, plaquettes et globules blancs.
[2] Destruction médicamenteuse de la moelle osseuse du patient avant la greffe.
[3] Insuffisance de production par la moelle osseuse des différentes lignées sanguines, secondaire à la raréfaction plus ou moins durable des cellules souches hématopoïétiques.
[4] Aussi appelée autogreffe, la greffe autologue en thérapie génique consiste à prélever des cellules souches hématopoïétiques chez un patient et à reconstituer son hématopoïèse avec ses propres cellules souches génétiquement modifiées.

Mortalité maternelle : la baisse amorcée des décès par hémorragie se confirme mais des inégalités demeurent

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Entre 2010 et 2012 en France, 256 femmes sont décédées d’une cause liée à la grossesse, à l’accouchement ou à leurs suites, soit 85 par an. Si les inégalités persistent, on observe une baisse de moitié du taux de mortalité par hémorragie, qui témoigne d’une amélioration des soins autour de l’accouchement. Ces résultats épidémiologiques sont rendus publics à travers le rapport triennal de l’Enquête Confidentielle sur les Morts Maternelles (ENCMM), analysant la période 2010-2012 et menée par l’équipe Inserm EPOPé – « Equipe de Recherche en Épidémiologie Obstétricale, Périnatale et Pédiatrique » du Centre de Recherche Epidémiologie et Statistique Sorbonne Paris Cité (Unité 1153 CRESS).

Considéré internationalement comme un reflet de la qualité globale du fonctionnement du système de soins d’un pays, le taux de mortalité maternelle constitue un indicateur clé de santé publique. Coordonnée par l’équipe Inserm EPOPé depuis 1996 et dirigée par Catherine Deneux-Tharaux, l’Enquête Confidentielle sur les Morts Maternelles (ENCMM) permet d’identifier de façon exhaustive les causes de décès des femmes survenant avant, pendant ou suite à un accouchement. Ceci permet d’extraire toute l’information pour comprendre l’enchaînement des événements ayant conduit au décès et en tirer des leçons pour l’avenir. Cette analyse, conduite par le Comité National d’Experts sur la Mortalité Maternelle (placé sous l’égide de Santé Publique France depuis 2014) permet de mettre en évidence d’éventuels dysfonctionnements du système de soins, également responsables de complications non mortelles, plus nombreuses mais plus difficiles à étudier.

Pour la période étudiée allant de 2010 à 2012, 256 décès maternels ont été identifiés, ce qui représente 85 femmes décédées par an en France. Ce chiffre correspond à environ 10 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes. Cette valeur reste stable par rapport à la période précédente (2007-2009) et se situe dans la moyenne des pays européens. Cependant, 56% de ces décès sont considérés comme « évitables » ou « peut-être évitables » et dans 59% des cas, les soins dispensés n’ont pas été optimaux, ce qui témoigne d’une marge d’amélioration.

Baisse de la mortalité directe (lors de l’accouchement)

Un résultat majeur de ce rapport est la diminution d’1/3 depuis 10 ans, de la mortalité directement en rapport avec des complications obstétricales, hémorragie, éclampsie,…. On constate pour la première fois, une baisse statistiquement significative de la mortalité par hémorragie obstétricale dont la fréquence a été divisée par 2 en 10 ans. Ces résultats témoignent d’une amélioration globale de la qualité de soins obstétricaux au cours de la période étudiée.

Toutefois, la quasi-totalité des décès par hémorragie restants est jugée évitable et cette cause reste la 1ère cause de mortalité maternelle en France (11% des décès) alors qu’ils sont devenus exceptionnels dans d’autres pays. Ainsi, « la mobilisation ne doit pas diminuer et les résultats de ce rapport permettent de dessiner de nouveaux axes de travail pour réduire encore la mortalité par hémorragie » estiment les chercheurs.

Des inégalités territoriales et sociales qui persistent

Certaines inégalités de mortalité maternelle persistent et sont préoccupantes. Il s’agit de disparités territoriales : 1 mort maternelle sur 7 survient dans les Départements d’Outre-Mer (DOMs), et le nombre de décès maternels rapportés aux naissances vivante dans les DOMs est 4 fois plus élevé qu’en métropole (40 versus 9 décès/ 100 000 naissances vivantes).

Et de disparités sociales : la mortalité des femmes migrantes reste 2,5 fois plus élevée que celle des femmes nées en France. Cette surmortalité est particulièrement marquée pour les femmes nées en Afrique subsaharienne dont le risque est 3,5 fois supérieur à celui des femmes nées en France. L’analyse du parcours de ces femmes suggère, entre autres éléments, que la barrière linguistique serait parfois impliquée dans la chaine d’évènements ayant conduit au décès.

Une stabilité globale qui cache d’autres phénomènes

La stabilité globale de la mortalité maternelle depuis 2007 peut s’expliquer par deux phénomènes :

  • l’évolution des caractéristiques de la population des femmes enceintes, qui les place dans une situation de risque accru de mort maternelle (l’âge maternel ne cesse d’augmenter ainsi que la fréquence du surpoids et de l’obésité)
  • L’augmentation des causes de décès non directement liées aux complications de l’accouchement : les morts maternelles par infection (9%), notamment celles liées à la grippe chez les femmes non vaccinées ; les morts subites maternelles (9%) ou les suicides maternels (4%) .

« Au-delà des nombres, les membres du Comité National d’Experts sur la Mortalité Maternelle (CNEMM) ont dégagé de cette analyse 22 messages-clés à destination des cliniciens et des pouvoirs publics (ndlr : rapport en entier). Selon le principe général de l’enquête, ‘’mieux comprendre pour mieux prévenir’’, nous ciblons des éléments précis à améliorer au niveau des soins ou de leur organisation et ainsi éviter le décès des patientes, mais aussi probablement des complications maternelles graves qui n’aboutissent pas au décès mais relèvent des mêmes dysfonctionnements » conclut Catherine Deneux-Tharaux, coordinatrice de l’enquête.

Un modèle murin « humanisé » pour mieux comprendre l’infection par le virus de l’hépatite B

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Une équipe de chercheurs du consortium ANRS « modèles murins humanisés pour l’étude des virus hépatites »1, a mis au point un modèle de souris qui permet d’étudier l’interaction entre le système immunitaire et le foie lors de l’infection par le virus de l’hépatite B. Ces travaux, coordonnés par le Dr Hélène Strick-Marchand (unité immunité innée de l’Institut Pasteur, Inserm U1223, dirigée par James Di Santo), viennent répondre à un réel manque de modèle animal pour étudier cette pathologie et ouvrent ainsi la voie à l’évaluation de nouvelles stratégies thérapeutiques. Ces résultats ont été publiés dans la revue Gastroenterology.

Plus de 250 millions de personnes sont porteuses chroniques du virus de l’hépatite B (VHB) dans le monde et ce chiffre continue d’augmenter malgré l’existence d’un vaccin prophylactique très efficace. Une fois installée, l’hépatite chronique peut évoluer vers une fibrose, une cirrhose et un hépatocarcinome (cancer du foie). Pour enrayer la progression de la pathologie, il existe des traitements permettant de contrôler le virus, mais ils doivent être pris à vie car ils ne permettent pas de l’éliminer. Afin de mieux comprendre les conséquences de l’infection par le VHB, les interactions entre les hépatocytes (cellules du foie) infectés et la réponse du système immunitaire et pouvoir tester de nouvelles stratégies thérapeutiques, les scientifiques ont besoin d’un modèle animal dont la physiologie se rapproche de celle de l’Homme. Ainsi, depuis quelques années, une équipe de chercheurs du consortium ANRS « modèles murins humanisés pour l’étude des virus hépatites »1 coordonnée par le Dr Hélène Strick-Marchand (unité immunité innée de l’Institut Pasteur, Inserm U1223, dirigée par James Di Santo) travaille à la mise au point de souris dites « humanisées ». C’est dans ce cadre qu’a vu le jour le modèle HIS-HUHEP dont les résultats prometteurs ont fait l’objet d’une publication dans la revue Gastroenterology.

Dans le but de modéliser les interactions entre les hépatocytes humains (qui sont les cibles de l’infection par le VHB) et le système immunitaire humain, le modèle HIS-HUHEP reçoit une double greffe avec un système immunitaire humanisé et un foie repeuplé par des hépatocytes humains. Les scientifiques ont caractérisé les réponses physiologiques de ces souris lors d’une infection par le VHB, et celles-ci se sont révélées comparables à celles observées chez l’Homme. De même, la prise d’entecavir (un antiviral utilisé dans le traitement de l’infection par le VHB) par les souris HIS-HUHEP infectées a permis de diminuer la quantité de virus ainsi que l’inflammation du foie.

Les souris doublement « humanisées » HIS-HUHEP constituent un modèle animal important pour l’étude des interactions entre le système immunitaire et le foie lors des pathologies hépatiques. Ce nouveau modèle vient combler un véritable manque. Il ouvre la voie à une meilleure compréhension de la réponse immunitaire développée contre le VHB, puis à l’expérimentation de nouvelles stratégies thérapeutiques dans le but final d’éliminer le virus de l’organisme des personnes infectées.

1 Plus d’informations sur le consortium « modèles murins humanisés pour l’étude des virus hépatites » : www.anrs.fr/fr/actualites/285/consortium-anrs-modeles-murins-humanises-pour-letude-des-virus-hepatites

Syndrome de Usher : restauration de l’audition et de l’équilibre grâce à la thérapie génique

Organe de Corti et crête ampullaire du vestibule (insert) d’oreille interne injectée avec le virus AAV8 produisant la GFP et la protéine sans. Les cellules sensorielles cochléaires et vestibulaires ont été immunomarquées pour la GFP et la myosine VI, et analysées au microscope confocal. Les cellules vertes et orange produisent la protéine du gène thérapeutique.
© Institut Pasteur

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du CNRS* viennent de restaurer, pour la première fois, l’audition et l’équilibre dans un modèle murin du syndrome de Usher de type 1G (USH1G). Grâce à l’injection locale du gène USH1G, essentiel pour la formation et le maintien de l’appareil de transduction mécano-électrique des cellules sensorielles de l’oreille interne, les chercheurs ont réussi à rétablir le fonctionnement de cette structure, et ont ainsi permis à un modèle murin de ce syndrome, de recouvrer l’ouïe et l’équilibre. Ces résultats, publiés dans la revue PNAS, ouvrent la voie vers le développement de traitements, par thérapie génique, de certaines formes génétiques de surdité.

La surdité, associée dans certains cas à des troubles de l’équilibre, est le déficit sensoriel le plus fréquent. Elle affecte plus de 280 millions de personnes dans le monde, selon l’OMS. En France, 1 enfant sur 700 naît avec une surdité sévère ou profonde, et 1 enfant sur 1000 deviendra malentendant avant l’âge adulte.

Depuis 20 ans, des progrès considérables ont été réalisés dans la compréhension des surdités héréditaires présentes dès la naissance, dont la cause la plus fréquente est un dysfonctionnement de l’oreille interne. L’oreille interne est constituée de l’organe de l’audition (cochlée) et des cinq organes de l’équilibration (saccule, utricule, et trois canaux semi-circulaires), contenant les cellules sensorielles ou cellules ciliées. A ce jour, près de 100 gènes responsables de ces surdités ont été identifiés.

Parmi les différentes formes génétiques de surdité, le syndrome de Usher de type 1 (USH1) est caractérisé par une surdité congénitale profonde, des troubles de l’équilibration, et une atteinte visuelle progressive qui évolue vers la cécité. Ce syndrome peut être causé par des mutations dans 5 gènes différents, dont le gène USH1G codant pour une protéine « d’échafaudage » nécessaire à la cohésion de la touffe ciliaire des cellules ciliées.

Actuellement, les individus atteints de surdité et de troubles de l’équilibre sont équipés de prothèses auditives et peuvent bénéficier d’une rééducation pour améliorer leurs troubles de l’équilibre, mais les résultats sont variables. Une alternative envisageable pour traiter les surdités d’origine génétique est la thérapie génique, c’est-à-dire le transfert d’une copie saine (non mutée) du gène défectueux, afin de rétablir l’expression de la protéine déficiente. Cependant, à ce jour, seule une amélioration partielle de l’audition a pu être obtenue dans des modèles murins de formes particulières de surdité humaine, qui ne comportaient pas d’anomalie sévère de la structure des cellules ciliées.

Dans ce contexte, des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et du CNRS* viennent de restaurer l’audition et l’équilibre chez un modèle murin du syndrome USH1 grâce à une thérapie génique. Par une injection locale unique, après la naissance, du gène USH1G, les chercheurs ont réussi à rétablir la structure, très endommagée dès la naissance, de l’appareil de transduction mécano-électrique des cellules ciliées, et ont ainsi permis aux souriceaux de recouvrer, et ce de manière durable, partiellement l’ouïe et complètement l’équilibre.

Touffes ciliaires de cellules sensorielles vestibulaires analysées au microscope électronique à balayage. On peut distinguer, une touffe ciliaire normale avec sa forme caractéristique agencée en « forme d’escalier » (couleur jaune), une touffe ciliaire défectueuse Usher1g (en rose), et une touffe ciliaire Usher1g traitée (en vert) dont la forme normale/caractéristique à été restaurée par la thérapie génique. © Institut Pasteur

Les chercheurs ont procédé à l’injection du gène USH1G dans l’oreille interne en utilisant le virus AAV8, inoffensif pour la santé mais permettant de cibler spécifiquement les cellules ciliées. L’expression du gène médicament a été détectée dès 48 heures après l’injection. Les chercheurs ont démontré qu’une seule injection, en rétablissant la production et la localisation de la protéine concernée dans les cellules ciliées, est suffisante pour améliorer l’audition et l’équilibration chez les souriceaux atteints. Ces résultats suggèrent que la protéine médicament a pu interagir normalement avec ses partenaires de liaison au sein du complexe moléculaire USH1 (c’est-à-dire avec les protéines cadhérine 23, protocadhérine 15, myosine VIIa, et harmonine), comme requis pour le bon fonctionnement des canaux de la transduction mécano-électrique.

Comme l’explique Saaïd Safieddine, directeur de recherche du CNRS à l’Institut Pasteur et dernier auteur de l’étude, « nous venons de prouver qu’il est possible de corriger partiellement une forme génétique particulière de surdité accompagnée de troubles de l’équilibre, grâce à une thérapie génique locale effectuée après le stade du développement de l’oreille qui est affecté le premier par la mutation responsable. La fenêtre de temps pour traiter efficacement le syndrome USH1 par thérapie génique pourrait donc être plus large qu’initialement envisagée. »

Cette étude constitue une étape importante vers la conception d’essais cliniques de thérapie génique en vue d’un traitement curatif de certaines formes génétiques de surdité chez l’Homme.

 


 

*Du laboratoire Génétique et physiopathologie de l’audition (Institut Pasteur/Inserm/UPMC), du laboratoire Gènes, synapses et cognition (CNRS/Institut Pasteur) et du Centre de neurophysique, physiologie, pathologie (CNRS/Université Paris-Descartes).

Infarctus cérébraux : la fermeture du foramen ovale pour prévenir la récidive

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La majorité des AVC sont des infarctus cérébraux dus à l’occlusion d’une artère cérébrale par un caillot sanguin, luimême conséquence de diverses maladies artérielles ou cardiaques. Cependant, dans 30 à 40% des cas, l’origine de l’infarctus cérébral ne peut être expliquée par une de ces maladies. Les résultats, publiés dans The New England Journal of Medicine le 14 septembre 2017, d’un essai clinique, mené dans 32 sites en France et 2 sites en Allemagne par des médecins et chercheurs du Centre hospitalier SaintAnne, des hôpitaux de l’APHP1, de l’Inserm et de l’Université Paris Descartes, valident la fermeture du foramen ovale, qui communique entre les deux oreillettes du cœur, comme stratégie de réduction du risque de récidive d’infarctus cérébral.

Chaque année, 17 millions de personnes dans le monde sont victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC). En France, avec près de 140 000 cas par an, soit un toutes les quatre minutes, l’AVC est la première cause de handicap physique acquis de l’adulte, la deuxième cause de mortalité et la deuxième cause de démence.

Au cours des 25 dernières années, les travaux conduits par le Pr Jean‐Louis Mas, en collaboration avec de nombreux neurologues et cardiologues, ont montré que les patients

victimes d’un infarctus cérébral sans cause classique identifiée, en particulier les plus jeunes d’entre eux, ont, plus souvent que des témoins sans infarctus cérébral, une anomalie cardiaque, appelée foramen ovale perméable (communication entre les deux oreillettes cardiaques). Ce constat, confirmé par d’autres équipes dans le monde, amène à penser qu’une intervention visant à fermer cette communication pourrait permettre de prévenir les  récidives d’infarctus cérébral.

Pour tester cette hypothèse, le Professeur Mas et le Pr Gilles Chatellier de l’Unité de Recherche Clinique de l’hôpital Européen Georges‐Pompidou ‐ AP‐HP ont conduit au cours des 10 dernières années (décembre 2007 – décembre 2016) un essai clinique auprès de 663 patients âgés de 16 à 60 ans dans 32 sites en France et 2 sites en Allemagne.

Les résultats de cet essai, promu par l’AP‐HP2, montrent pour la première fois que la fermeture du foramen ovale perméable au moyen d’un dispositif médical mis en place par voie endovasculaire réduit de façon très importante le risque de récidive d’infarctus cérébral, comparativement au traitement médical de référence par aspirine.

L’étude confirme la responsabilité directe du foramen ovale perméable dans la survenue d’infarctus cérébraux sans autre cause identifiée et apporte une réponse thérapeutique à un problème médical fréquent et grave.

Ces travaux ont reçu le soutien du Ministère de la Santé (Programme de soutien aux technologies innovantes).


1 Bichat, HEGP, Henri Mondor, Lariboisière, Saint‐Antoine
2 Avec l’aide de la Direction de la Recherche Clinique de l’APHP

Alerte sur les mélanges de perturbateurs endocriniens pendant la grossesse

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Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Irset « Institut de recherche en santé, environnement et travail »[1] montre pour la première fois chez les humains que l’exposition simultanée à des molécules potentiellement perturbatrices endocriniennes exacerbe les effets observés lorsque l’exposition est réalisée avec les molécules indépendamment les unes des autres. Cette étude s’est principalement intéressée au testicule fœtal humain avec des conséquences éventuelles sur le développement du système reproducteur, les molécules sélectionnées inhibant toute production de testostérone. Ces résultats sont publiés dans Environmental Health Perspectives.

L’utilisation accrue de nouveau matériaux, produits, procédés industriels/agricoles caractéristiques du mode de vie « moderne » a conduit à une contamination des environnements (domestiques, professionnels, alimentaire…) par de multiples molécules chimiques. Plusieurs d’entre elles ont été identifiées comme exerçant des effets perturbateurs endocriniens, et plus particulièrement comme anti-androgènes (= anti-testostérone). Il apparaît désormais clair, que continuer à focaliser les recherches sur ces produits chimiques « individuels » est de nature à sous-estimer le risque lié à leurs expositions simultanées, particulièrement chez les femmes enceintes. 

Des preuves expérimentales, notamment sur différentes espèces animales et sur des lignées cellulaires en culture, étayent la notion « d’effet mélange » souvent aussi appelé « effet cocktail ». Toutefois, et paradoxalement au vu des enjeux pour la santé humaine, la preuve de concept de l’existence de ces « effets cocktails » n’a pas encore été apportée chez l’Homme. Les auteurs de ce nouvel article ont développé des modèles de prédiction mathématique de ces effets combinés à partir des profils toxicologiques individuels des molécules). Ces modèles mathématiques sont la première étape pour l’évaluation du risque lié à l’exposition à des mélanges de perturbateurs endocriniens chez l’Homme, et en particulier ici la femme enceinte. Le travail réalisé avait un double objectif :

  • élargir le répertoire des molécules aux propriétés perturbatrices endocriniennes chez l’Homme ;
  • vérifier l’adéquation de données expérimentales des mélanges aux prédictions mathématiques.

Les chercheurs de l’Irset – avec l’appui de collègues du CHU de Rennes, et du Pr Andréas Kortenkamp et le Dr M Scholze de l’Université de Brunel à Londres, ont mis en œuvre une démarche expérimentale inédite et ont ainsi criblé 27 molécules, comportant 7 médicaments, 14 molécules chimiques  d’usage industriel (pesticides…) et 6 molécules dites socio-culturelles (alcool, caféine…). Onze molécules aux propriétés perturbatrices endocriniennes ont alors été identifiées, dont certaines pour la toute première fois chez l’homme. 

A partir de ces 11 molécules, quatre mélanges ont été conçus et testés sur le testicule fœtal humain. Les résultats expérimentaux de ces mélanges corroborent les prédictions mathématiques élaborées, pour un nombre de composés supérieur à 3. Ceci démontre d’une part, que le modèle établi par les auteurs de l’article est capable de mettre en évidence, pour la première fois sur un organe humain, des effets cocktails et, d’autre part, que les effets combinés observés sont mathématiquement prédictibles.

Enfin, les auteurs de cet article ont pu quantifier l’exacerbation des effets individuels de chacune des molécules mélangées. En d’autre terme, à la question : « combien de fois la molécule est plus puissante en mélange que lorsqu’elle est seule » ils ont pu apporter la réponse que cette exacerbation varie d’un facteur 10 à 1000 en fonction de la molécule considérée. 

Pour Bernard Jégou, directeur de l’Irset, chercheur Inserm, directeur de la recherche de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique et coordinateur de cette étude, Pierre Gaudriault, pharmacien et docteur de l’université de Rennes 1, et Séverine Mazaud-Guittot, chercheuse Inserm, les conclusions de ce travail soutenu par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) sont à prendre au sérieux :

« il existe une fenêtre de sensibilité bien précise au cours du 1er trimestre de développement du fœtus pendant laquelle l’exposition simultanée à des doses faibles de plusieurs perturbateurs endocriniens, laisse entrevoir un risque pour le futur appareil génital et reproducteur de l’enfant. Ceci est d’autant plus préoccupant que les exacerbations des effets individuels de telles molécules peuvent aller jusqu’un facteur 1000. Tous les faisceaux d’indices expérimentaux provenant de différentes modèles, convergent vers ces mêmes conclusions. A partir de cette preuve de concept expérimentale, il s’avère indispensable d’intensifier la recherche pour caractériser les mélanges réels auxquels les individus sont exposés et en tester les effets sur des modèles appropriés. ».


[1] Institut de recherche en santé, environnement et travail ; Inserm ; Ecole des hautes études en santé publique, Université de Rennes 1.

Réguler ou stimuler nos anticorps selon nos besoins immunitaires sera bientôt possible

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Des médecins-chercheurs de l’université Pierre et Marie Curie et de l’Inserm en collaboration avec le service de biothérapies de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, ont mis en lumière un nouveau mécanisme de régulation de la production des anticorps. Les résultats de cette étude sont publiés dans Science Immunology le vendredi 8 septembre 2017.

Le système immunitaire défend l’organisme contre les agents pathogènes notamment infectieux, responsables de lésions ou de maladies chez l’être humain. Deux types de défense coexistent : l’immunité cellulaire, qui détruit les cellules infectées, et l’immunité humorale qui produit des anticorps. Ces anticorps neutralisent les agents pathogènes de façon spécifique.

« Comme toute réponse immunitaire, la réponse immunitaire humorale doit être contrôlée. Une réponse trop faible serait inefficace, et une réponse trop forte contre nos propres tissus pourrait aboutir à des maladies auto-immunes », explique le professeur David Klatzmann, enseignant-chercheur à l’UPMC et à la faculté de médecine Pierre et Marie Curie, directeur du laboratoire immunologie – immunopathologie – immunothérapeutique (UPMC/Inserm) et responsable de l’unité biothérapies de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP.

L’équipe du professeur David Klatzmann s’est intéressée aux cellules chargées de contrôler l’intensité de la réponse humorale : les cellules T folliculaires helpers (Tfh) qui stimulent la production des anticorps et les cellules T folliculaires régulateurs (Tfr) qui la diminuent. Les cellules Tfr ont été découvertes en 2011. Elles sont en nombre restreint et leurs mécanismes d’action sont peu connus à ce stade.

L’équipe de recherche a dans un premier temps redéfini les caractéristiques permettant d’identifier les Tfr. Sur cette base, les chercheurs ont pu identifier un mécanisme nouveau de régulation de la production d’anticorps.

Ils montrent ainsi le rôle clé de l’interleukine-1 (IL-1), un médiateur soluble, pour déclencher ces réponses. Les cellules Tfh captent l’IL-1, ce qui les active et permet d’augmenter la réponse des anticorps ; à l’inverse les cellules Tfr diminuent la réponse des anticorps en neutralisant l’IL-1 et en privant les cellules Tfh de cette stimulation.

L’IL-1 jouerait un rôle majeur dans la stimulation de l’immunité humorale via les Tfh, et c’est cet axe qui serait régulé par les Tfr. « Nous cherchons à stimuler la réponse aux anticorps dans le cadre de la vaccination, ou à la diminuer dans le cadre de maladies auto-immunes », explique le professeur Klatzmann. « Cette découverte signifie donc que nous disposons d’une nouvelle méthode pour réguler la réponse immunitaire via les anticorps. »

 Les résultats complets sont à découvrir dans Science Immunology du vendredi 8 septembre.

Une nouvelle piste pour contrer le choc septique

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Des chercheurs de l’Inserm ont réussi à produire une protéine humaine en laboratoire et à l’utiliser contre les infections bactériennes et comme traitement contre le choc septique. Le choc septique est une réponse inflammatoire généralisée de l’organisme associée à une infection grave. Une fois le stade inflammatoire critique atteint, le pronostic vital des individus est sérieusement engagé. Une personne dans le monde en meurt toutes les 3 à 4 secondes. Ces travaux publiés dans la revue Scientific Reports sont donc une piste sérieuse contre cette infection qui reste aujourd’hui une urgence médicale.

Dans les pays industrialisés, on dénombre 377 cas de sepsis pour 100 000 habitants. Chaque année, le sepsis tue 6 millions de nourrissons. En France, la mortalité des patients atteints d’un sepsis est de 27 %, mais la mortalité de la forme la plus grave peut atteindre 50 %. Les projections suggèrent un doublement du nombre de cas d’ici cinquante ans, s’expliquant notamment par le vieillissement de la population (source : Institut Pasteur). La situation est telle au plan mondial qu’en mai 2017, lors d’une réunion de l’OMS qui s’est tenue à Genève, ses responsables ont pris la décision de reconnaître la septicémie comme un problème de santé publique majeur. La prochaine journée mondiale contre le sepsis, sous l’égide de la Global Sepsis Alliance, se tiendra le 13 septembre 2017.

Dans la plupart des cas, il s’agit d’une infection par des bactéries à Gram négatif présentes naturellement dans l’organisme (la plupart du temps dans l’intestin) qui deviennent toxiques chez des individus fragilisés. La partie toxique de la bactérie se trouve sur leur paroi sous la forme d’un complexe lipo-saccharidique. On parle alors d’endotoxines.

La particularité chimique de ces endotoxines est le point de départ de l’étude menée par les chercheurs de l’Inserm. En effet, de précédentes études ont montré qu’une protéine baptisée PLTP (pour plasma phospholipid transfer protein) avait la faculté de se lier aux endotoxines situées sur la paroi externe des bactéries voire de les transporter vers le foie. En cas d’infection, cette protéine semblait donc pouvoir jouer un rôle dans l’élimination des endotoxines.

Pour vérifier cette hypothèse, l’équipe de recherche, grâce à une collaboration avec une équipe américaine, a étudié un modèle de souris génétiquement modifiée dont la particularité était de ne plus exprimer le gène de la PLTP. En injectant à ces souris des endotoxines bactériennes, les chercheurs ont observé que les animaux meurent sans pouvoir contrer l’infection générée. D’où leur hypothèse que la PLTP présente un intérêt, jusqu’alors inconnu et peut-être majeur, dans le domaine de l’immunité innée.

Tout l’enjeu pour les chercheurs a été ensuite de pouvoir disposer de cette protéine PLTP humaine en quantité suffisante afin de procéder à des essais thérapeutiques visant à montrer sa capacité à contrecarrer les effets de ces endotoxines. Ils se sont alors tournés vers l’Unité mixte de recherche « Biologie du Développement et de la Reproduction »  de l’Inra ayant les compétences pour produire la protéine dans le lait de lapines transgéniques.

Une fois cette production obtenue, les chercheurs ont testé la capacité de la PLTP à combattre la réponse inflammatoire chez des souris souffrant de sepsis. D’assez faibles quantités de PLTP ont suffi à améliorer considérablement l’état de santé de ces souris. « Mais, notre objectif ultime était de comprendre comment tout ceci fonctionne » résume Laurent Lagrost.

Poursuivant leurs travaux, les chercheurs ont mis en évidence que la PLTP est capable de bloquer la prolifération des bactéries, en fragilisant leur paroi. Ils observent également que cette protéine qu’est la PLTP, outre la capacité qu’elle a de neutraliser l’activité de ces fameuses endotoxines peut aussi les désagréger avant de les transférer aux lipoprotéines. De simples transporteurs de cholestérol, celles-ci se mutent en véhicule de secours pour convoyer les endotoxines jusqu’au foie et permettre leur élimination par voie biliaire.

« Tant que l’on n’a pas neutralisé de manière endogène, dans l’organisme de l’individu, les endotoxines bactériennes qui vont être responsables de la réponse inflammatoire et de toute la cascade d’effets délétères que cela va entraîner, on ne résout pas définitivement le problème. Or il apparaît que la PLTP, elle, parvient à neutraliser ces endotoxines et à détoxifier le sang, du moins chez les souris » concluent les chercheurs.

Cette démarche s’inscrit dans un concept original de bio-mimétisme où « plus on copie la nature, plus on se rapproche de la vérité », ajoutent-ils.

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