Menu

L’accident vasculaire cérébral, une (autre) inégalité homme-femme ?

© Fotolia

Aujourd’hui, l’AVC est la première cause de handicap physique acquis de l’adulte et représente désormais la première cause de mortalité chez la femme dans le monde. L’influence de certains facteurs de risque d’AVC, comme le diabète ou l’hypertension, est plus importante chez les femmes que chez les hommes et il a été montré que la survenue d’une hypertension au cours de la grossesse affectait le risque d’AVC de nombreuses années après la grossesse. Pourtant, les femmes sont peu informées de ces risques, restent sous représentées dans les essais cliniques, et les données disponibles concernant les spécificités des femmes sont très hétérogènes d’un pays à l’autre, voire manquantes. C’est dans ce contexte que Charlotte Cordonnier (Unité Inserm 1171 « Troubles cognitifs dégénératifs et vasculaires », Lille) a coordonné une revue des publications internationales, publiée ce mois-ci dans la revue Nature reviews Neurology. Objectif : pointer les spécificités de l’AVC chez la femme afin de dégager des priorités de recherche futures et sensibiliser les pouvoirs publics pour faire décroître ce fléau mondial.

Des facteurs de risques spécifiques pour les femmes : hypertension et fibrillation auriculaire sont des facteurs de risque plus fréquents que chez les hommes, grossesse et traitements hormonaux.

Les effets de certains de ces facteurs de risques ont plus de conséquences négatives chez les femmes que chez les hommes (la fibrillation auriculaire par exemple double le risque d’AVC par rapport aux hommes).

Par ailleurs, les études internationales disponibles actuellement mettent en lumière des difficultés de prise en charge et de traitement de l’AVC chez la femme : Les délais sont plus longs pour arriver à l’hôpital, et le diagnostic moins vite posé que chez l’homme, ce qui entraîne un traitement moins approprié. Les raisons de cette situation ne sont pas totalement claires même si les auteurs précisent que les femmes, bien que connaissant davantage les symptômes d’un AVC que les hommes, seraient moins promptes à appeler l’ambulance pour elles-mêmes…Des facteurs socio-culturels pourraient donc être en jeu. C’est pourquoi les auteurs estiment qu’un meilleur contrôle des facteurs de risques spécifiques chez les femmes, et des recommandations internationales spécifiques sont nécessaires pour réduire l’incidence de l’AVC féminin. Des campagnes telles que « Je suis une femme », lancée par la World Stroke Organization pourraient compléter ces dispositifs en soulignant le fait que les femmes sont souvent les premières au sein de la famille à prendre soin de la victime d’un AVC.

Les essais cliniques devraient aussi être conçus en prenant en compte la population des femmes, de manière à disposer de données plus complètes concernant les traitements et prises en charges efficaces.

Identification d’un gène lié aux lésions cérébrales du prématuré

© Fotolia

Des chercheurs de l’Inserm, de l’Université Paris Diderot, du King’s College London, et de Duke-NUS Medical School à Singapour ont identifié un gène qui pourrait être associé aux lésions cérébrales qui peuvent être induites par une naissance prématurée. Cette étude est publiée le 05 septembre 2017 dans Nature Communications.

Lors de l’accouchement, un travail prématuré est associé à des phénomènes inflammatoires chez la maman et/ou le bébé. Ces phénomènes sont souvent liés à une infection. Cette inflammation peut provoquer des lésions cérébrales pouvant entrainer des séquelles à vie de type paralysie cérébrale, autisme ou troubles comportementaux chez environ 30% des bébés prématurés.

Publiée dans Nature Communications, une nouvelle étude a investigué le rôle des cellules microgliales, qui contrôlent la réponse immunitaire dans le cerveau, en réponse à cette inflammation. Les chercheurs ont montré l’expression d’un gène, connu sous le nom de DLG4, dans ces cellules qui contrôlent le processus inflammatoire.

DLG4 se trouve sous différentes formes chez tous les êtres humains. Auparavant, on pensait qu’il ne jouait un rôle que dans le fonctionnement des neurones. Cette nouvelle découverte suggère qu’il est également impliqué dans le processus de lésions cérébrales de certains bébés prématurés et peut ouvrir des perspectives originales pour la recherche de traitements plus efficaces de ces lésions.

L’étude collaborative a utilisé une approche qui comprenait à la fois des modèles d’inflammation chez la souris et une analyse génomique de plus de 500 examens cérébraux de nouveau-nés prématurés. Cette approche a identifié des différences dans la façon dont DLG4 est exprimé dans la microglie des souris et a montré une association de DLG4 et les anomalies cérébrales des prématurés.

Cette découverte suggère un mécanisme de lésions cérébrales du prématuré précédemment inconnu. Pour Pierre Gressens :

« Nous avons montré que le gène DLG4 est exprimé différemment dans la microglie lorsque le cerveau a été endommagé par une inflammation. En développant ce travail, nous espérons offrir une nouvelle voie pour étudier et comprendre comment cette inflammation et les dommages cérébraux ultérieurs sont causés afin que les scientifiques puissent travailler à des traitements plus efficaces pour des maladies telles que l’autisme et la paralysie cérébrale, en arrêtant ou même en empêchant l’inflammation associée à la naissance prématurée. »

Schizophrénie : lien entre troubles de la personnalité et perception du temps

© Fotolia

Une récente étude menée par Anne Giersch et son équipe de chercheurs (Unité 1114 Inserm/ Université de Strasbourg) a permis de mettre en évidence une incapacité à percevoir et anticiper le temps qui passe chez certaines personnes atteintes de schizophrénie. Ces résultats, publiés dans la revue Scientific Reports, nous révèlent également un lien entre cette fragilité des capacités de prédiction temporelle et les troubles du « soi » (la perception que l’on a de soi-même, « je suis là, ici et maintenant »).            

La schizophrénie est une pathologie psychiatrique concernant environ 0,7% de la population mondiale dont 600 000 personnes en France. Cette maladie, qui se déclare le plus souvent à l’adolescence entre 15 et 25 ans, peut être diagnostiquée grâce à deux aspects : des symptômes cliniques (hallucinations, idées délirantes, désorganisation, etc…) et des troubles cognitifs et neurobiologiques.

Une récente étude menée par Anne Giersch de l’unité Inserm « Neuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrénie » située à Strasbourg, a permis de tester 28 patients souffrant de schizophrénie et 24 sujets sains. Les scientifiques ont cherché à mettre en évidence un lien entre la perception du « soi » et celle du « temps ». Ensemble, ces deux perceptions nous permettent d’appréhender notre expérience vécue dans le temps.

Dans un premier temps, l’équipe strasbourgeoise a mis en place un test cognitif pour analyser la prédiction temporelle de chaque sujet. Cette prédiction sert par exemple, à se préparer à appuyer sur l’accélérateur avant que le feu passe au vert. Plus largement, elle nous permet de lier des événements discontinus entre eux et d’atteindre un sentiment de continuité temporelle, indispensable pour une stabilité et une continuité de la vie subjective. Chez certaines personnes souffrant de schizophrénie, une fragilité des capacités de prédiction temporelle a été observée. En effet, lors du test cognitif, le passage du temps permettait de se préparer à répondre, mais certains schizophrènes n’en ont pas bénéficié.

Les patients ont par la suite été évalués à l’aide d’une échelle phénoménologique (étude des expériences rapportées par les patients), afin de détecter les troubles du « soi ». En effet, les troubles de la personnalité et la dissolution de la conscience de « soi » sont des symptômes fréquents de la schizophrénie. Ces derniers attribuent par exemple des actes ou des pensées à d’autres personnes qu’eux-mêmes, ce qui génère une confusion entre le « soi » et « l’autrui ».

Les chercheurs ont ainsi observé que les patients qui souffraient le plus fortement d’un trouble du « soi » étaient les mêmes qui présentaient le plus de difficultés à bénéficier du passage du temps. Ces résultats renforcent donc l’hypothèse d’un lien entre anomalies de prédiction temporelle (troubles cognitifs) et troubles du « soi » (symptômes cliniques).

« La finalité sera de déterminer quelles sont les bases neurologiques de la prédiction temporelle. En étudiant la source du problème, nous pourrons mieux comprendre l’origine des symptômes cliniques de la schizophrénie. » conclut Anne Giersch.

La bactérie responsable de la légionellose détourne le métabolisme des cellules infectées à son avantage


Legionella pneumophila (vert), bactérie responsable d’une maladie pulmonaire sévère aigue, au sein d’une cellule eucaoryote. Mitochondries en rouges,et noyau cellulaire en bleu. © Institut Pasteur.

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’Inserm, en collaboration avec une équipe suisse*, ont démontré que la bactérie Legionella pneumophila, agent de la légionellose, survit au sein des cellules hôtes en ciblant spécifiquement leurs mitochondries. En fragmentant les mitochondries, L. pneumophila engendre une perturbation dans la chaîne respiratoire de la cellule, ce qui lui permet de se multiplier plus facilement en son sein. Ces résultats suggèrent qu’une stratégie thérapeutique visant à empêcher les dommages causés aux mitochondries pourrait contribuer à combattre les infections bactériennes dues à L. pneumophila. Cette étude a été publiée le 31 août sur le site de la revue Cell Host & Microbe.

Les pathogènes intracellulaires utilisent diverses stratégies pour contourner les défenses des cellules hôtes, et notamment des macrophages, afin de pouvoir proliférer en leur sein. Une de ces stratégies consiste à cibler les organites cellulaires tels que la mitochondrie. La principale fonction des mitochondries est de fournir de l’énergie à la cellule. Certaines bactéries, dont Legionella pneumophila, sont ainsi capables de modifier les fonctions mitochondriales pour les détourner à leur avantage.

La bactérie L. pneumophila est responsable de la légionellose, une maladie caractérisée par une infection pulmonaire aigue qui est souvent fatale si elle n’est pas traitée correctement. En France, entre 1200 et 1500 cas sont recensés chaque année avec un taux de mortalité de 5 à 15 %.

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’Inserm, en collaboration avec des scientifiques suisses*, ont découvert un mécanisme jusqu’alors inconnu, utilisé par L. pneumophila pour détourner les fonctions de la cellule hôte et causer ainsi le développement de la légionellose. La bactérie engendre une fragmentation de la mitochondrie, ce qui perturbe la production d’énergie et modifie, par effet domino, le métabolisme intracellulaire. Cela permet de créer un environnement local favorable à la réplication de la bactérie. Cette stratégie bactérienne a un impact important sur la virulence de L. pneumophila.

Les chercheurs ont ainsi identifié le mécanisme cellulaire suivant : L. pneumophila établit des contacts transitoires très dynamiques avec la mitochondrie de l’hôte et sécrète une enzyme appelée MitF. Cette enzyme induit une fragmentation de la mitochondrie grâce à l’activation de la protéine DNM1L. Par ce biais, et sans provoquer de mort cellulaire, la bactérie L. pneumophila perturbe la respiration mitochondriale, chaîne de réactions permettant une production d’énergie. Les changements induits par la bactérie dans la dynamique mitochondriale se traduisent par des modifcations physiologiques de la cellule hôte – cette cellule prend un phénotype de type Warburg, caractéristique des cellules cancéreuses. Elle devient alors plus permissive à la réplication de L. pneumophila.

Parallèlement, les chercheurs ont démontré que, lorsque les cellules hôtes sont préservées des dommages causés aux mitochondries, l’infection bactérienne est réduite. En effet, la réplication intracellulaire de L. pneumophila devient impossible lorsque les cellules humaines sont prétraitées par un candidat médicament inhibant les changements de morphologie mitochondriale.

Comme l’explique Carmen Buchrieser, cheffe d’équipe de l’unité de Biologie des bactéries intracellulaires de l’Institut Pasteur et du CNRS, « cette découverte est majeure, car elle permet de mettre en évidence une stratégie clé employée par L. pneumophila pour se répliquer dans les cellules. En ciblant les mitochondries, la bactérie assure un environnement favorable à sa prolifération dans la cellule hôte. Il est donc essentiel que les chercheurs ciblent aussi les changements métaboliques causés par les bactéries pathogènes, afin de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques contre la légionellose ainsi que d’autres pathologies liées aux bactéries intracellulaires ».

Cette étude met en lumière les mécanismes moléculaires employés par les bactéries pathogènes intracellulaires pour moduler la réponse métabolique des cellules hôtes lors d’une infection. Ces changements métaboliques jouent un rôle clé dans l’évolution des maladies comme la légionellose, car ils permettent aux bactéries de se répliquer au sein des cellules. Ce travail ouvre ainsi de nouvelles perspectives pour le développement de stratégies thérapeutiques contre les maladies infectieuses, qui viseraient notamment à inhiber les changements métaboliques causés par les bactéries pathogènes.


*Les équipes et chercheurs impliqués sont : Carmen Buchrieser, cheffe d’équipe de l’unité de biologie des bactéries intracellulaires (Institut Pasteur/CNRS), Hubert Hilbi de l’Université de Zürich en Suisse, Priscille Brodin au Centre d’infection et d’immunité de Lille (Institut Pasteur de Lille/CNRS/Inserm/Université de Lille), et Jean-Christophe Olivo-Marin, chef d’équipe de l’unité d’Analyse d’images biologiques (Institut Pasteur/CNRS).

fermer