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Interaction entre cœur et cerveau: un nouvel indicateur de l’état de conscience.

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Comment savoir si un patient est conscient lorsqu’il est incapable de communiquer ? D’après une étude de l’Inserm menée chez 127 patients âgés de 17 à 80 ans, la modification des battements cardiaques en réponse à une stimulation sonore est un bon indicateur de l’état de conscience. C’est ce que montrent Jacobo Sitt, chercheur à l’Inserm et son équipe basée à l’institut du cerveau et de la moelle épinière à l’hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP dans un article paru dans Annals of neurology. Cet examen facile à réaliser est complémentaire aux tests déjà existants et permet un diagnostic prédictif plus fin, utile à la fois aux médecins et aux familles.

L’étude des troubles de la conscience distingue schématiquement l’état végétatif, dans lequel le patient est éveillé mais non conscient de l’état de conscience minimale qui correspond à un certain degré de conscience. Distinguer ces deux états est très important pour établir un pronostic sur le devenir neurologique du patient, pour informer les proches et mettre ainsi en œuvre un traitement adapté. Tous les outils développés jusqu’à présent pour déterminer l’état de conscience, comme l’électroencéphalogramme (EEG), l’IRM fonctionnelle ou le PET scan, se concentraient sur le cerveau. Ces outils nécessitent soit un équipement lourd, soit des analyses complexes.

Des chercheurs de l’Inserm ont utilisé une approche novatrice : l’exploration de l’interaction entre le cœur et le cerveau.

De précédentes études avaient mis en évidence que les processus « inconscients » du système neuro-végétatif, comme la respiration ou les battements du cœur, pouvaient être modulés par des processus cognitifs conscients. La perception d’une stimulation externe, auditive par exemple, pourrait donc se traduire par un effet sur l’activité cardiaque, et cela d’autant plus facilement que le sujet est conscient.

En étudiant les données de 127 patients en états végétatifs ou de conscience minimale, les chercheurs ont constaté que les cycles cardiaques étaient effectivement modulés par la stimulation auditive uniquement chez les patients conscients ou minimalement conscients. Ils ont également montré que ces résultats étaient complémentaires des résultats obtenus en EEG. La combinaison de ces deux tests (test cardiaque et EEG) améliorant nettement les performances de prédictions de l’état de conscience d’un patient.

Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives sur une approche globale pour évaluer l’état de conscience des patients. Les chercheurs souhaitent à présent étendre le cadre à d’autres signaux physiologiques modulés par des processus conscients comme la respiration ou la dilatation des pupilles pour mettre au point un outil complet afin de mieux évaluer l’état de conscience au lit du patient.

En quoi consiste le test auditif utilisé ?

Le test consiste à faire écouter des séquences sonores initialement répétitives puis présentant, de manière rare et aléatoire, des variations. Lors de ces perturbations, les chercheurs déterminent si le rythme des battements cardiaques s’en trouve modifié,  traduisant une prise de conscience des bruits environnants.

Genre et Santé : attention aux clichés !

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En matière de santé, femmes et hommes ne sont pas logés à la même enseigne, non seulement pour des raisons biologiques, mais aussi pour des raisons sociales, culturelles et économiques pas toujours prises en compte. Les préjugés liés au genre influencent les pratiques médicales, la recherche, l’enseignement et le comportement des patient.e.s. Ils conduisent à des situations d’inégalité et de discrimination entre les sexes dans la prise en charge et l’accès aux soins.

Le comité d’éthique de l’Inserm et son groupe de travail « Genre et recherche en santé » a souhaité  sensibiliser un large public aux inégalités de santé à travers une série de films courts, « Genre et Santé : attention aux clichés ! », coproduite par l’Inserm, le CNRS, l’université Paris Diderot. Ces deux derniers sont les deux seuls établissements de l’enseignement supérieur à être dotés d’un service ou équivalent dédié à l’égalité femmes hommes. Le projet est également soutenu par le ministère de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation.

Les 6 films d’une minute[1] alertent sur les préjugés dans six domaines de la médecine et de la recherche : dépression, durée de vie, maladies cardio-vasculaires, ostéoporose, douleur, imagerie cérébrale. L’objectif de cette série de films courts est d’éveiller la vigilance des soignant.e.s et des patient.e.s pour promouvoir une médecine plus égalitaire au service de la santé des femmes et des hommes.

 

La mise en ligne de ces vidéos est le préambule au colloque international JRS Inserm qui se tiendra à Paris le 23 novembre 2017 sur le thème « Sexe et genre dans les recherches en santé : une articulation innovante » [2]

[1] Les films, disponibles en français, anglais et en version sous-titrée, sont accessibles sur la chaîne YouTube de l’Inserm, à l’adresse : https://lc.cx/pqHW . Ils ont été réalisés par Véronique Kleiner.

[2] https://jrsgenre-recherche-sante.dakini.fr/

Précarité dans l’enfance et santé : des liens à long terme ?

 

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Une étude, menée par Coralie Chevallier, chercheuse de l’Inserm au sein de l’Unité 960 « Laboratoire de Neurosciences Cognitives » (Inserm/ENS), suggère qu’un environnement défavorable durant notre enfance induit à la fois une reproduction plus précoce et un désinvestissement dans la santé au cours de la vie. Ces résultats sont publiés dans la revue Evolution and Human Behavior.

Les modèles actuels issus de la biologie évolutive montrent qu’il peut être avantageux pour un organisme vivant dans un milieu défavorable (avec un faible niveau de ressource ou un fort niveau de stress et de violence) d’adopter des comportements privilégiant les bénéfices à court terme, moins élevés que sur ceux obtenus sur le long terme mais plus certains. Ainsi, recevoir des signaux indiquant que l’environnement est dangereux pendant la période juvénile amènera l’organisme à ajuster sa stratégie vers une reproduction précoce, au détriment d’investissements à plus long terme dans l’entretien et la réparation du corps.

Partant de cette observation chez l’animal, Coralie Chevallier, chercheuse à l’Inserm au sein du « Laboratoire de neurosciences cognitives » de l’École Normale Supérieure (ENS) de Paris, a mené une étude afin de déterminer si ce modèle était applicable à l’Homme. Pour cela, la chercheuse et son équipe, ont sélectionné un panel représentatif de la population française de 1000 hommes et femmes, âgés de 19 à 87 ans.

Ces derniers ont répondu à une série de questions, afin de connaitre entre autres, leur genre, leur âge, la composition de leur foyer, leur catégorie socio-professionnelle ou encore leur niveau scolaire. Puis, un second questionnaire a été donné aux participants. Trois grandes thématiques ont été abordées :

  • l’environnement lors de l’enfance : investissement des parents, éducation reçue, expériences personnelles, difficultés familiales, etc… ;
  • la stratégie reproductive : nombres d’enfants, âge de la 1ère grossesse, âge du premier rapport sexuel et nombre de partenaires à court-terme ;
  • état de santé : indice de masse corporel (IMC), ressenti personnel sur l’état de santé, volonté de rester en bonne santé et consommation de tabac.

L’analyse de ces données montre qu’il existe une association entre la précarité durant l’enfance et la stratégie de reproduction et de santé des individus : débuts plus précoces de la vie sexuelle, arrivée du premier enfant plus tôt, moins bonne santé à l’âge adulte (surpoids, tabagisme,…). En d’autres termes, un plus faible investissement dans la santé est bien associé à une stratégie de reproduction avantageuse à court-terme et ces comportements sont associés à la présence d’un environnement défavorable durant l’enfance.

Ces résultats suggèrent donc que des comportements que l’on aurait pu considérer a  priori complètement indépendants font en réalité partie de stratégies plus générales qui s’ajustent en fonction de l’environnement. Selon Coralie Chevallier, ce travail est important pour les pouvoirs publics : « l’exposition à des environnements précaires dans l’enfance a des conséquences importantes tout au long de la vie et doit faire l’objet de politiques publiques ciblées. » conclut-elle.

Un modèle animal inédit pour accélérer la lutte contre la maladie d’Alzheimer

Pour la première fois, un modèle animal exprime les deux caractéristiques biologiques de la maladie d’Alzheimer. Des chercheurs du CEA, de l’Inserm, des universités Paris-Sud et Paris-Descartes et du CNRS ont mis au point un modèle animal qui reproduit la progression de la maladie humaine. Ces résultats offrent de nouvelles possibilités pour tester des médicaments et développer un diagnostic par simple analyse de sang. Leurs résultats sont publiés dans Cerebral Cortex du 18 Octobre 2017.

La maladie d’Alzheimer reste aujourd’hui incurable. Les médicaments actuellement disponibles ne réduisent que partiellement certains symptômes et la communauté scientifique éprouve les plus grandes difficultés à concevoir des thérapies efficaces.

Parmi les obstacles rencontrés figure l’impossibilité de diagnostiquer la maladie avant un stade avancé. Or, les caractéristiques biologiques d’Alzheimer apparaissent au moins vingt ans avant la manifestation des symptômes (perte de mémoire, etc.). Il faudra donc comprendre cette phase silencieuse pour espérer pouvoir soigner les patients alors que les atteintes cérébrales sont encore réversibles. Cependant, il n’existait pas, jusqu’à présent de modèles in vitro ou animaux qui permettent d’étudier cette longue période précédant l’apparition de symptômes cognitifs.

De plus, la maladie d’Alzheimer, à un stade avancé, se caractérise par deux types de dégénérescence dans le cerveau : l’agrégation de protéines Tau dans les neurones d’une part, et l’apparition de plaques de peptides Aβ42 à l’extérieur des neurones d’autre part. Les modèles animaux actuels n’expriment que l’une ou l’autre de ces deux dégénérescences.

 

 Les enjeux de la recherche sur Alzheimer

►  A l’échelle mondiale, près de 45 millions de personnes sont atteintes de la maladie d’Alzheimer. Elles pourraient être 52 millions en 2020, 81 millions en 2040 et 115,4 millions d’ici à 2050.

►  Les stratégies thérapeutiques disponibles actuellement sont considérés comme insuffisamment efficaces.

►  Les essais cliniques contre Alzheimer sont des échecs pour 99,6 % d’entre eux (d’après Jeffrey L Cummings, Travis Morstorf and Kate Zhong (2014) Alzheimer’s disease drug-development pipeline: few candidates, frequent failures; Alzheimer’s Research & Therapy20146:37)

►  Les patients sont traités trop tard pour être soignés et les modèles animaux actuels ne sont pas représentatifs de la pathologie humaine.

 

Une collaboration (1) entamée en 2013 entre des équipes du CEA, de l’Inserm, des universités Paris-Sud et Paris-Descartes et du CNRS a abouti au développement de modèles rongeurs (2) qui présentent les stades très précoces de la maladie ainsi que les deux types de dégénérescence. Leurs résultats sont publiés dans la revue Cerebral Cortex (REF) : pour la première fois, un modèle animal présente des caractéristiques pathologiques comparables à celles de patients humains.

Les chercheurs comptent désormais utiliser ce modèle animal, baptisé AgenT pour :

  • tester de potentiels médicaments afin de caractériser leur efficacité et leurs effets sur les deux types de dégénérescences ;
  • étudier la phase précoce de la maladie, pendant laquelle le développement de celle-ci pourrait être réversible ;
  • chercher des marqueurs sanguins de la maladie au stade le plus précoce, qui permettrait de poser un diagnostic du vivant du patient (diagnostic ante-mortem) dès 45 ans ou 50 ans.

 

Ce modèle a fait l’objet d’un dépôt de brevet par Inserm Transfert en Europe (WO/2015/067668) en novembre 2013 et ensuite étendu à l’international (WO/2015/067668). La délivrance de ce brevet est en cours d’étude en Europe, aux Etats-Unis et au Japon.

Une start-up qui mettra en œuvre le modèle est en cours de création par Jérôme Braudeau (Docteur en neurosciences, inventeur du modèle et dernier auteur de cette publication) et de Baptiste Billoir (Diplômé de HEC Paris). Elle réalisera des essais précliniques pour le compte de tiers, laboratoires de recherche ou industries pharmaceutiques et mènera sa propre recherche pour développer le premier diagnostic sanguin précoce chez l’Homme. L’objectif est de pouvoir dépister la maladie d’Alzheimer au moins 10 ans avant la pose du diagnostic actuel, et ainsi disposer d’une période pour des traitements précoces de la maladie, avant son évolution vers un stade incurable.

 

Comparaison entre la progression de la maladie d’Alzheimer 1/ chez les patients 2/ dans les modèles AgenT (la progression des troubles cognitifs et de la formation des plaques séniles est très similaire) 3/ avec les modèles animaux transgéniques disponibles jusqu’à présent. ©AgenT

BioPrint : l’Inserm inaugure son deuxième accélérateur de recherche technologique (ART)

Machine à imprimer 3D laser NOVALASE, technologie LIFT (Laser-Induced Forward Transfer). ©Inserm/François Guénet. Prise de vue : septembre 2017

La création d’accélérateurs de recherche technologique est une priorité du plan d’orientation stratégique de l’Inserm. Ce 12 octobre 2017, l’Inserm inaugure son deuxième ART consacré à la « Bioimpression 3D » à Bordeaux. Il s’agit de la seule unité technologique utilisant les trois principales technologies de l’impression biologique en 3D, à savoir : le laser, le jet d’encre, et la micro-extrusion. Au sein de l’ART se côtoieront chercheurs et ingénieurs, afin de transformer le plus rapidement possible les avancées de la recherche en innovation technologique.

Véritable pionnier, l’Inserm figure parmi les premiers instituts de recherche à s’être lancé dans la bioimpression 3D. Dès 2005, les chercheurs de l’Inserm impriment des cellules et de la matrice extra cellulaire grâce à des prototypes d’imprimantes laser. Des années plus tard, cette technologie suscite un engouement mondial, et l’Inserm continue sur sa lancée. L’ART BioPrint a pour objectif d’appliquer ses connaissances à différents domaines tels que l’ingénierie tissulaire, la cancérologie ou encore la pharmacologie, afin d’aboutir dans un futur proche à la création de tissus et d’organoïdes complexes.

L’ART BioPrint est hébergé au sein de l’unité mixte de recherche BioTis (Inserm/Université de Bordeaux). Elle comprendra d’ici 2 ans une équipe de 10 personnes, qui seront réparties entre un pôle de production de cellules, un pôle d’impression, et un pôle d’évaluation des produits bioimprimés.

A terme, l’ART BioPrint a pour ambition de développer une structure de formation et de biofabrication par impression 3D, qui puisse être à la disposition de l’ensemble des laboratoires Inserm. Ce nouveau modèle d’organisation représente une avancée technologique au service de la recherche fondamentale et de l’industrie pharmaceutique.

Pour cette journée inaugurale, une visite des locaux de l’ART sera proposée. Yves Levy, PDG de l’Inserm, sera accompagné de Manuel Tunon de Lara, Président de l’Université de Bordeaux et de Jean-Christophe Fricain, Directeur de l’ART.

Pour en savoir plus sur la bioimpression 3D :

http://presse.inserm.fr/bio-impression-laser-du-vivant-une-approche-innovante-a-bordeaux/13009/

Pour rappel, le 16 octobre 2016, l’Inserm a inauguré son premier ART « Ultrasons biomédicaux »

« Canal Détox »
A l’occasion de cette inauguration, l’Inserm lance sa nouvelle série « Canal Détox », dont le premier épisode est consacré à la bio impression 3D. Cette série de films courts vise à décoder l’actualité et à vérifier les informations qui circulent dans le domaine des sciences de la vie et de la santé. La nouvelle série de l’Inserm, dans l’esprit de la démarche d’evidence based medicine, tentera, grâce à ses chercheurs, de faire le point sur un certain nombre de questions régulièrement présentes dans les médias /médias sociaux en apportant les données les plus récentes, validées par des travaux scientifiques convergents, robustes et en nombre suffisants.

Le 1er épisode : Des organes imprimés en 3D…vraiment ? est à découvrir sur la chaine Youtube de l’Inserm.

Première neuro-imagerie fonctionnelle par ultrasons chez le nouveau-né

Coupe coronale du réseau vasculaire cérébral, obtenue de façon non-invasive par imagerie Doppler ultrasonore ultrarapide chez un nouveau-né prématuré.   Crédit photo : Inserm U979 « Physique des Ondes pour la Médecine », Institut Langevin Ondes et Images

Des physiciens de l’Unité Inserm 979 « Physique des Ondes pour la Médecine » à l’ESPCI Paris et des cliniciens chercheurs du service de réanimation néonatale de l’hôpital pédiatrique Robert-Debré, AP-HP et de l’Unité Inserm 1141 viennent de réaliser  une première scientifique et médicale : imager de manière non invasive par échographie l’activité cérébrale du nouveau-né, ouvrant des perspectives inédites pour le diagnostic neurologique au lit du patient chez les bébés à terme et prématurés. Le détail de leurs travaux est publié dans la revue Science Translationnal Medicine datée du 11 octobre 2017.

La technique utilisée, appelée neuroimagerie fonctionnelle par ultrasons, a été inventée en 2009 à l’ESPCI Paris dans l’unité Inserm 979 « Physique des Ondes pour la Médecine » dirigée par Mickael Tanter, Directeur de recherche Inserm. Son originalité réside dans l’utilisation des ultrasons, une technologie portable et simple, contrairement aux autres modalités d’imagerie cérébrale. Les médecins utilisent généralement l’IRM (imagerie par résonance magnétique) ou la TEP (tomographie par émission de positrons) pour imager l’activité dans le cerveau. Malgré d’importants progrès techniques, ces méthodes sont contraignantes et coûteuses, avec de longs délais d’attente pour les patients.

Semblable en apparence aux échographes utilisés en obstétrique ou en échocardiographie, le prototype de recherche utilisé présente la particularité d’acquérir des images à très haute cadence. Grâce à cette cadence d’imagerie ultrarapide et des algorithmes de traitement de données de pointe, il est possible de cartographier avec une très grande sensibilité les variations subtiles de flux sanguins dans les petits vaisseaux cérébraux, variations liées à l’activité neuronale. La neuro-imagerie fonctionnelle par ultrasons combine une cadence ultrarapide avec une très bonne résolution spatiale et une grande profondeur d’imagerie. Jusqu’à présent, ces performances avaient été appliquées uniquement à des études précliniques, réalisées sur des modèles animaux.

Les travaux publiés aujourd’hui établissent ainsi la première preuve de concept non intrusive de l’imagerie neuro-fonctionnelle par ultrasons chez l’humain, réalisée au sein du service de néonatalogie et réanimation néonatale du Pr. Olivier Baud à l’hôpital Robert Debré, AP-HP, aujourd’hui dirigé par le Pr Valérie Biran. L’activité cérébrale de nouveau-nés prématurés a été enregistrée dans de larges régions du cerveau, au repos et lors de crises d’épilepsie, à 1000 images/sec et avec une résolution spatiale de 150 µm. Ces données inédites montrent une propagation des flux sanguins cérébraux entre et pendant les crises d’épilepsie, et permettent de localiser le foyer de ces crises. Grâce à un prototype d’échographe ultrarapide placé au chevet du nouveau-né, les acquisitions se font de manière totalement non-invasive, en plaçant une sonde échographique sur la tête du bébé, au-dessus de la fontanelle.

Pour Mickael Tanter et son collègue Charlie Demené, « cette première preuve de concept d’une neuroimagerie non invasive, permettant d’enregistrer l’activité neuronale sur une zone étendue du cerveau, marque l’entrée des ultrasons dans le monde des neurosciences cliniques avec une modalité très sensible, portable et utilisable directement au lit du patient». 

Cette étude démontre le potentiel de l’imagerie fonctionnelle par ultrasons pour le suivi de nouveau-nés prématurés, qui sont des patients délicats à examiner chez qui le diagnostic de troubles neurologiques est difficile à établir. Cette technologie  ne nécessite aucune manipulation lourde : pas de transport du patient, ni d’utilisation d’agents de contraste ou d’émission ionisante. Pour Olivier Baud, « la neuro-imagerie fonctionnelle par ultrasons pourrait offrir une véritable révolution en médecine en apportant de nouvelles connaissances sur la dynamique neuro-vasculaire, le développement cérébral, ou encore les mécanismes de neuro-protection du cerveau, mais aussi diagnostiquer de manière plus précoce des altérations de la connectivité fonctionnelle cérébrale».

L’étude s’inscrit dans le cadre du projet FUSIMAGINE financé par le Conseil Européen de la Recherche (ERC) pour développer l’imagerie neuro-fonctionnelle ultrasonore (http://fultrasound.eu)

Identification d’un mécanisme moléculaire commun à la schizophrénie et au trouble bipolaire

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Une équipe de recherche en psychiatrie au CEA-Neurospin, avec l’Institut Mondor de Recherches Biomédicales (INSERM) et les hôpitaux universitaires Henri-Mondor AP-HP, a montré qu’un variant génétique associé à de multiples troubles psychiatriques altère un réseau préfronto-limbique, ce qui augmenterait le risque de développer la schizophrénie ou un trouble bipolaire. Les résultats de cette étude sont publiés en ligne le 2 octobre 2017 dans Journal of Neuroscience.

Les auteurs ont étudié une variation allélique du gène SNAP25, impliquée dans la neurotransmission et associée à la schizophrénie, au trouble bipolaire mais également à l’hyperactivité/trouble de l’attention.

Les chercheurs ont combiné une étude d’association génétique chez 461 patients atteints de schizophrénie, une construction génétique in vitro et une approche dite d’« imagerie génétique[1] » dans deux cohortes, la première comprenant 71 sujets dont 25 patients bipolaires, la seconde comprenant 121 sujets sains. Ils ont en outre interprété l’expression génétique post mortem de SNAP25 à partir de tissu cérébral de patients schizophrènes.

Les résultats révèlent que la variation du gène SNAP25 change l’expression de la protéine associée dans le cerveau, ce qui impacterait le traitement de l’information entre les régions cérébrales impliquées dans la régulation des émotions. En lien avec ce mécanisme, l’étude d’imagerie génétique, combinant IRM anatomique et fonctionnelle de repos, montre que dans les deux cohortes, le variant à risque est associé à un plus grand volume d’une zone cérébrale, l’amygdale, et une connectivité fonctionnelle préfronto-limbique altérée.

Cette étude confirme l’existence d’un facteur de risque commun à la schizophrénie et au trouble bipolaire : la variation du gène SNAP25. Ces maladies très fréquentes touchent chacune 1 % de la population adulte et sont handicapantes. En plus d’apporter un éclairage sur leur mécanisme, les résultats de cette étude suggèrent l’existence de symptômes potentiellement présents chez des patients ayant des maladies variées dans lesquels le gène est impliqué.

 

Connexions fronto-limbiques associé à la variation de SNAP25 visualisé en tractographie par IRM de diffusion. ©Stéphane Jamain (data from diffusion-imaging.com)

 

 

Réseau préfronto-amygdalien associé à la variation de SNAP25 visualisé en tractographie par IRM de diffusion. ©Josselin Houenou /BrainVisa/Connectomist 2.0

[1] L’imagerie génétique consiste à comparer grâce à l’imagerie (ici l’IRM) deux populations de sujets qui ne diffèrent que par leur terrain génétique (ici la variation de SNAP25).

La santé des mères et des nouveau-nés : premiers résultats de l’enquête nationale périnatale 2016

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L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publient les premiers résultats de l’enquête nationale périnatale 2016. Ce rapport, fondé sur un échantillon de naissances représentatif de l’ensemble des naissances en France sur l’année, présente l’évolution des principaux indicateurs périnatals relatifs à la santé, aux pratiques médicales et aux facteurs de risque. Il décrit également l’organisation des soins dans les 517 maternités de France.

Les enquêtes nationales périnatales sont réalisées à intervalle régulier (1995, 1998, 2003, 2010). La dernière, qui a eu lieu en mars 2016, a été copilotée au ministère des Solidarités et de la Santé, par la DREES, la Direction générale de la santé (DGS), et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), ainsi que par l’Agence nationale de santé publique (Santé publique France) et par l’équipe de recherche en Épidémiologie Obstétricale, Périnatale et Pédiatrique (EPOPé) de l’Inserm (cf. encadré).

En France métropolitaine, certains facteurs de risque ont augmenté en 2016 et certaines recommandations sont plutôt mal suivies

  • Un âge maternel élevé (35 ans ou plus), le surpoids et l’obésité sont plus fréquents en 2016 qu’en 2010 (respectivement 21 %, 20 % et 12 % en 2016 et 19%, 17% et 10% en 2010). Entre 2010 et 2016, la consommation de tabac pendant la grossesse n’a pas baissé (17 %).
  • La vaccination anti-grippale des femmes enceintes est très faible (7 %) alors qu’elles sont considérées comme un groupe à risque élevé de complications en cas de grippe. L’allaitement exclusif pendant le séjour en maternité a diminué (de 60 % à 52 %).

Certains indicateurs de santé périnatale se sont dégradés

  • Le taux de prématurité augmente depuis 1995 (de 4,5 % en 1995 à 6,0 % en 2016 chez les enfants uniques nés vivants).
  • La proportion d’enfants avec un poids faible (pour leur âge gestationnel) a augmenté entre 2010 et 2016 (de 10,1 % à 10,8 % chez les enfants uniques nés vivants).

En outre-mer, les facteurs de risque sont différents de ceux de la France métropolitaine et les indicateurs de santé périnatale sont globalement moins bons

  • Les caractéristiques socio-économiques des femmes dans les départements et régions d’outre- mer (DROM) sont plus défavorables qu’en France métropolitaine.
  • 25 % des femmes enceintes dans les DROM déclarent ne pas vivre en couple (5 % des femmes en Métropole).
  • Les femmes enceintes sont plus jeunes (6 % ont entre 18 et 19 ans contre 2 % en Métropole)
  • Le taux d’obésité des femmes enceintes dans les DROM est plus élevé (21 % contre 12 % en Métropole).
  • La consommation de tabac est plus faible (5 % contre 17 % en Métropole).
  • La fréquence des hospitalisations en cours de grossesse est plus élevée (27 % contre 18 % en Métropole).
  • Le taux de prématurité chez les enfants vivants uniques est de 10,1 % (contre 6,0 % en Métropole)

Des accouchements dans des maternités plus grandes, offrant une plus grande sécurité et une meilleure réponse aux demandes des femmes

  • La baisse du nombre de maternités se poursuit : la France en compte 517 en mars 2016 (dont 20 outre-mer).
  • En 2016, les accouchements ont plus souvent lieu dans des maternités publiques, spécialisées et de grande taille, mais le nombre de petites maternités (moins de 500 accouchements par an) n’a pas diminué.
  • La part des services ayant en permanence sur place un obstétricien (de 54 % en 2010 à 61 % en 2016), un anesthésiste (de 75 % à 81 %) et un pédiatre (de 34 % à 40 %) a augmenté.
  • Les refus d’accueil par manque de place sont moins fréquents en 2016.
  • La prise en charge de la douleur s’est améliorée par un recours plus fréquent à la PCEA (pompe permettant à la femme de doser elle-même l’analgésie) et 88 % des femmes sont satisfaites de ce qui leur a été proposé pour gérer la douleur et les contractions.

Un meilleur suivi des recommandations de bonnes pratiques au moment de l’accouchement

  • Le taux de césarienne est stable (20,4 % en 2016 contre 21,1 % en 2010).
  • Le taux d’épisiotomie diminue, passant de 27 % en 2010 à 20 % en 2016.
  • La prise en charge des femmes au moment de l’accouchement s’oriente vers une approche moins médicalisée, le recours à l’oxytocine (médicament qui permet d’accélérer les contractions et présente des risques pour la santé maternelle) est moins fréquent en cours de travail.
  • La prévention de l’hémorragie du post-partum s’est généralisée.

Pour consulter:

1 ) Le rapport complet de l’enquête nationale périnatale 2016

http://www.epopé-inserm.fr/enquete-nationale-perinatale-2016-premiers-resultats-952

drees.solidarites-sante.gouv.fr/etudes-et-statistiques/

2)    La synthèse du rapport :

drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/synthese-enp2017.pdf

3)    L’étude dédiée au volet « maternités » :

Fresson J., Rey S, Vanhaesebrouck A., Vilain A., « Les maternités en 2016 – Premiers résultats de l’enquête nationale périnatale », Études et Résultats, DREES, n°1031, octobre, 2017.

À propos des enquêtes nationales périnatales (ENP)
Les enquêtes nationales périnatales portent sur la totalité des naissances (enfants nés vivants et mort-nés) survenues pendant une semaine dans l’ensemble des maternités françaises. Les informations sont recueillies à partir du dossier médical des femmes et d’un entretien avec les mères en suites de couches. Par ailleurs, des données sont recueillies sur les caractéristiques des maternités et l’organisation des soins dans les services. La dernière enquête réalisée en mars 2016 a permis un recueil pour 14 142 naissances et 13 894 femmes, dont 13 384 naissances et 13 148 femmes en France métropolitaine et 758 naissances et 746 femmes dans les DROM. Les données obtenues permettent de construire des indicateurs fiables et de suivre leurs évolutions par rapport aux enquêtes précédentes. Le recueil de l’enquête a été coordonné au niveau départemental par les services de protection maternelle et infantile, les réseaux de santé en périnatalité ou l’Inserm.
L’enquête de 2016 a été financée par la DREES, la DGS, la DGOS et Santé publique France.

La recherche biomédicale mobilisée autour de Thomas Pesquet

©Inserm/ Patrick Delapierre

L’espace est un extraordinaire laboratoire pour la médecine et la recherche médicale sur Terre. C’est pourquoi l’Inserm et le CNES allient leurs forces, depuis plus d’un an1, pour accélérer la mise à disposition des avancées de la recherche pour améliorer la santé de tous. La présence de Thomas Pesquet, astronaute de l’ESA de nationalité française à bord de la station spatiale internationale pendant 6 mois a donné lieu à un grand nombre d’expériences dont les premiers résultats viennent conforter les hypothèses des chercheurs et parfois les surprendre. Thomas Pesquet présentera ces découvertes, le 10 octobre 2017, lors d’une séance exceptionnelle organisée par l’Académie des sciences, sous la Coupole de l’Institut de France.

 Dans l’espace, les muscles, les os, les artères, les organes des sens, le système nerveux, le système immunitaire souffrent dans des conditions d’impesanteur et d’accélération pour lesquelles ils n’ont pas été adaptés. Pourquoi ces dérèglements ? L’évolution humaine sur Terre a optimisé notre corps pour répondre à la gravité de notre planète et pour vivre en dessous de l’enveloppe protectrice de l’atmosphère. Soudain libéré de cette contrainte gravitaire, exposé aux radiations et éléments lourds d’origine cosmique, le corps humain peut souffrir de maux spécifiques et jusqu’alors inconnus. De même, l’organisme doit affronter des conditions stressantes, la limitation des mouvements, l’alimentation peu diversifiée, le rythme veille-sommeil perturbé.

Face à ce constat, les chercheurs de l’Inserm et du CNES sont mobilisés pour :

  • Protéger la santé des astronautes et diagnostiquer en temps réel leurs conditions de santé, envoyer et traiter sur Terre les

Utiliser l’espace comme un champ d’investigation permettant de mieux comprendre la physiologie et les maladies fréquentes. Des pathologies nombreuses et répandues bénéficient en effet du suivi médical poussé des astronautes, comme l’ostéoporose, les troubles du rythme circadien et du sommeil, les anomalies de l’oreille interne et de l’équilibre, les difficultés d’attention et de concentration, le vieillissement artériel.

Des premiers résultats « post flight »

Sur les données médicales et physiologiques

À bord de la station, le suivi des astronautes représente un enjeu quotidien. Le système EveryWear, développé par le MEDES, la filiale santé du CNES, propose une nouvelle approche en la matière, avec un assistant matérialisé par une simple application sur tablette tactile. Il s’agit plus précisément de regrouper un ensemble de capteurs biomédicaux portatifs connectés en Bluetooth à un terminal mobile (en l’occurrence une tablette grand public).

L’utilisation d’une tablette qui recueille un ensemble d’informations distinctes est une grande avancée pour les données médicales, physiologiques et personnelles de l’astronaute. Les principaux atouts d’EveryWear sont sa capacité à agréger les données provenant de différents outils mais aussi la simplification qu’il apporte dans les procédures pour les astronautes. C’est un dispositif adaptable qui peut couvrir un large éventail de besoins : nutrition, sommeil, étude du système cardiovasculaire, avec une collecte de données adaptée qui permet un traitement uniformisé. Là encore, le gain de temps pour l’équipage, induit par l’assistant personnel est très important. À titre d’exemple, le suivi nutritionnel de l’astronaute l’obligeait par le passé à répondre à des questionnaires au fur et à mesure de la prise de nourriture. Désormais, les données sont transmises directement.

Sur l’évaluation du sommeil

L’Unité Inserm 1075 à Caen travaille avec la société Bodycap sur des capteurs actimétriques et de température miniaturisés. Ces capteurs et les logiciels d’analyse correspondants ont été intégrés dans « l’assistant embarqué » du vol de Thomas Pesquet afin, en particulier, de procéder à une évaluation du sommeil et des rythmes chronobiologiques. Les premiers résultats, à prendre avec précaution car issus de l’analyse des données d’une seule personne, sont assez inattendus. Ils montrent que, malgré une forte influence de la pesanteur sur les mouvements corporels – et donc sur l’actimétrie – les relations entre les données actimétriques et l’état de vigilance (veille/sommeil) sont les mêmes à bord de l’ISS que sur terre. Si ce résultat se confirmait il faciliterait le suivi médicophysiologique des astronautes.

Le contrôle des données physiologiques et environnementales étant un enjeu déterminant de la nouvelle médecine personnalisée, l’amélioration de ces dispositifs peut avoir de nombreuses retombées. Par exemple, ces résultats pourraient contribuer à améliorer les montres connectées dont les capteurs (trackers de sommeil) évaluent le sommeil en fonction des mouvements et de la réorientation du poignet pendant la nuit, eux-mêmes dépendant de la gravité.

Sur la fragilité osseuse

L’équipe de Laurence Vico, directrice de recherche à l’unité Inserm 1059, étudie les changements que les vols spatiaux induisent sur la structure des os. Pour analyser la structure du radius et du tibia, les expériences utilisent un scanner haute résolution (développé avec l’aide de l’Agence Spatiale Européenne). En plus de mesurer la densité minérale osseuse, cet appareil permet de réaliser une « biopsie osseuse virtuelle » non invasive, offrant une vision très précise de l’architecture osseuse en 3 dimensions.

S’il n’est pas permis de donner les résultats individuels des mesures prises sur Thomas Pesquet, des résultats issus d’une cohorte plus importante de 13 cosmonautes montrent non seulement que les os porteurs (jambes) ne récupèrent pas une qualité identique à celle précédant le vol dans l’espace mais, fait nouveau, il apparait que les os non porteurs (bras), préservés au moment du retour sur Terre, se détériorent progressivement.

La confrontation de ces résultats à ceux obtenus sur des souris montre que les cellules qui orchestrent les activités de formation et de résorption osseuses (ostéocytes) et qui vivent normalement plusieurs années, meurent prématurément en apesanteur. Une contremesure capable d’agir sur ce vieillissement précoce est testée. Elle pourrait s’appliquer aux patients souffrant d’ostéoporose.

Sur le cœur

Pierre Boutouyrie mène ses recherches au sein de l’Unité Inserm 970. C’est un des premiers laboratoires à avoir travaillé sur les conséquences des conditions de microgravité ou hypergravité notamment sur le vieillissement accéléré de nos artères. Les vols spatiaux sont de bons modèles pour l’étudier. On sait par exemple qu’en vieillissant les artères sont moins souples, amortissent moins le flux sanguin et s’exposent à l’athérosclérose avec pour conséquences des effets délétères sur le cœur, le cerveau et les reins.

Dans le cadre du vol de Thomas Pesquet, les changements liés à la microgravité ont été étudiés grâce à la pose de capteurs piézo-électriques souples2 reliés à l’assistant embarqué de Thomas Pesquet. Là encore, les données individuelles ne peuvent pas être dévoilées mais les premiers résultats d’une étude bed-rest menée pendant 2 mois sur 10 patients, ainsi que les données publiées par une équipe internationale chez des astronautes, montrent qu’il existe un remodelage très rapide et très important du système artériel traduisant un vieillissement accéléré de celui-ci. Outre les spationautes, les patients alités longtemps pour des problèmes de santé subissent ces mêmes conséquences. Les chercheurs testent en ce moment même des contre-mesures diététiques ou d’activité physique pour pallier ces effets chez les patients alités.

Assistez à la diffusion en direct, sur le site de l’Académie des sciences, de la séance sous la Coupole en présence de Thomas Pesquet !

Le 6 décembre 2016, l’Académie des sciences ouvrait ses portes à plus de 300 lycéens et lycéennes accompagnés de leurs professeurs. À leur intention était organisé un duplex depuis l’ISS, avec Thomas Pesquet.

Le 10 octobre 2017, Thomas Pesquet revient, en personne, sous la Coupole de l’Institut de France pour raconter son quotidien dans l’espace, au sein d’un laboratoire de recherche, et présenter les résultats des expériences scientifiques développées par le CNES et l’Inserm sous l’égide de la NASA et de l’ESA.

Cette séance est également l’occasion de remettre les prix de l’Académie des sciences aux majors des grandes écoles, aux lauréats des Olympiades nationales et internationales, aux lauréats des bourses Rogissart, et aux lauréats des Grandes avancées françaises en biologie présentées par leurs auteurs.

Pour assister à la diffusion en direct sur internet, le 10 octobre à partir de 15h : http://www.academie-sciences.fr/fr/Ceremonies/seance-thomas-pesquet-2017.html

Cancer du côlon : la protéine APC agit sur l’immunité en prevenant l’inflammation prétumorale

Attaque du système immunitaire dans une tumeur.Image de gauche : chez la souris, quand certaines cellules tueuses du système immunitaire (les lymphocytes T, en rouge sur l’image) sont injectées dans la circulation sanguine, elles pénètrent au sein de la tumeur (en jaune sur l’image). Image de droite : après quelques jours, dans ce modèle, les cellules tueuses ont détruit les cellules cancéreuses. © Institut Pasteur

Adenomatous polyposis coli (APC) est un gène dont les mutations sont à l’origine d’une forme de cancer colorectal rare et héréditaire, la polypose adénomateuse familiale. Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm viennent de démontrer que les mutations de ce gène initient non seulement l’apparition des polypes intestinaux, mais elles ont aussi un effet néfaste sur le système immunitaire qui ne peut plus lutter contre l’inflammation de la muqueuse du côlon. Un double effet qui favoriserait la croissance du cancer. Cette découverte, publiée dans la revue Cell Reports le 03 octobre 2017, permet d’étendre les connaissances scientifiques sur le mode de développement des cancers colorectaux.

La polypose adénomateuse familiale est une maladie héréditaire. Elle se caractérise, dès la puberté, par l’apparition d’un très grand nombre de polypes intestinaux, des petites excroissances à la surface interne du côlon et du rectum, qui peuvent devenir des cancers. En l’absence de prise en charge, ces polypes dégénèreraient en cancer colorectal avant l’âge de 40 ans.

Alors que le cancer du côlon est l’un des cancers les plus meurtriers, la polypose adénomateuse familiale représente aujourd’hui 1 % de tous les cancers colorectaux. Les personnes qui sont touchées par cette maladie héréditaire doivent donc être surveillées et suivies médicalement.

Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm viennent de démontrer que les mutations du gène Adenomatous polyposis coli (APC), connu pour être impliqué dans la polypose adénomateuse familiale, initient non seulement l’apparition des polypes intestinaux, mais elles ont aussi un effet néfaste sur le système immunitaire qui ne peut plus lutter contre l’inflammation de la muqueuse du côlon. Un double effet qui favoriserait la croissance du cancer.

Comme l’explique Andrés Alcover, responsable de l’unité de Biologie cellulaire des lymphocytes à l’Institut Pasteur et dernier auteur de l’étude, « la protéine APC, associée au squelette cellulaire dit des microtubules, a un rôle important sur la structure et la différenciation des cellules épithéliales intestinales. C’est en altérant ces fonctions, dans les cellules intestinales, que des mutations d’APC peuvent conduire au développement de tumeurs. »

Les scientifiques savaient déjà que des altérations d’APC pouvaient influer sur le système immunitaire. Restait à comprendre par quels mécanismes moléculaires et le lien avec le développement du cancer colorectal. Les équipes de chercheurs ont ainsi décrypté comment la protéine APC active un type particulier de cellules immunitaires : les lymphocytes T. « La protéine assure l’activation des lymphocytes T à l’aide d’un facteur appelé NFAT[1], reprend Andrés Alcover. Chez les patients atteints de polypose, le gène est muté, ce qui entraine une déficience en protéine APC et pourrait réduire la présence du facteur NFAT dans le noyau des cellules ». Les lymphocytes ne sont alors plus activés.

Lymphocytes T humains exprimant ou pas APC. Le manque d’APC perturbe l’organisation du cytosquelette de microtubules (filaments verts) © Institut Pasteur

Une famille de lymphocytes T, dits « régulateurs », est particulièrement sensible aux mutations d’APC. Les chercheurs ont observé un dysfonctionnement de ces lymphocytes T régulateurs, très présents au niveau de l’intestin, chez des souris portant ces mutations et prédisposées à développer une polypose comme les patients. Ceci conduit à une dérégulation du système immunitaire au niveau de l’intestin et à une défaillance du contrôle de l’inflammation locale. « C’est la première fois qu’on caractérise au niveau moléculaire comment les altérations de la protéine APC agissent sur le système immunitaire, créant des conditions favorables au développement de cancers », souligne Andrés Alcover.

Ces résultats suggèrent donc un double rôle pour les mutations du gène APC dans le développement du cancer colorectal. Non seulement, les mutations initient l’apparition des polypes, mais elles réduisent également l’action du système immunitaire qui n’est plus capable de contrôler l’inflammation de l’intestin. Un cercle vicieux qui favorise la croissance du cancer.

Reste à savoir si les altérations de la protéine APC chez les patients de polypose familiale entrainent des conséquences sur d’autres cellules du système immunitaire, en particulier sur celles qui éliminent directement les cellules cancéreuses. Si tel est le cas, l’ensemble de ces travaux pourraient aider à la mise au point de nouvelles thérapies pour soigner plus efficacement les patients atteints de polypose adénomateuse familiale ou d’autres cancers intestinaux.


[1] NFAT : facteur nucléaire des lymphocytes T activés.

Ce projet a été financé par la Fondation ARC pour la recherche sur le cancer, l’Institut Pasteur, l’INSERM, l’ANR, le NIDDK-USA, et The People Programme (Marie Skłodowska-Curie Actions) of the European Union’s Seventh Framework Programme FP7/2007-2013/ under REA grant agreement n°317057 HOMIN-ITN.

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