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Cancer du pancréas : une étude « multiomique » identifie deux sous types de tumeurs, et une nouvelle piste de traitement potentiel

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Juan Iovanna (directeur de recherche Inserm) et ses collègues du Centre de recherche en cancérologie de Marseille (Inserm/ CNRS/ Aix Marseille Université/ Institut Paoli-Calmettes), en étroite collaboration avec le programme « Cartes d’identité des tumeurs (CIT) » de la Ligue nationale contre le cancer et l’Université de Wisconsin (Etats-Unis), ont généré une « banque » de quelque 200 tumeurs pancréatiques humaines vivantes, et des cellules issues de ces tumeurs. L’analyse « multiomique » de ces tumeurs, c’est-à-dire la caractérisation globale de l’ensemble des altérations de l’expression des gènes, des modifications dites épigénétiques de méthylation de l’ADN, a révélé deux sous-types principaux de tumeurs. Les spécificités de ces sous-types, identifiées par les chercheurs, pourraient constituer de nouvelles pistes thérapeutiques. Les résultats de ces travaux font l’objet d’une publication dans la revue Cell Reports.

Avec moins de 5 % de survie à 5 ans, le cancer du pancréas affiche les plus sombres pronostics de tous les cancers. A ce jour, la chirurgie reste le meilleur traitement possible pour les 15 à 20 % de patients dont la tumeur est opérable, avec une espérance de vie de 15 à 18 mois. Au stade de développement métastatique, la durée de vie est alors estimée entre 3 et 6 mois. La chimiothérapie et la radiothérapie ne sont que faiblement efficaces.

Comme les autres cancers, le cancer du pancréas résulte de la combinaison de facteurs génétiques, épigénétiques (des modifications biochimiques du génome) et environnementaux, qui provoquent des profils très hétérogènes de la maladie, avec des profils très contrastés de symptômes, de prédisposition et de réponse aux traitements des patients. Du fait de cette hétérogénéité, il est très important de pouvoir distinguer les différents types de patients, en fonction de leur profil de susceptibilité aux traitements disponibles.

Labellisée par la Ligue nationale contre le cancer, l’équipe Inserm de Juan Iovanna a généré une « banque » d’environ 200 tumeurs pancréatiques humaines (PDAC) vivantes, à partir de xénogreffes chez la souris, et des cellules issues de ces tumeurs. L’analyse des 29 premières tumeurs révèle que ces modèles reproduisent de façon remarquable les caractéristiques des tumeurs chez le patient, ainsi que leur interaction avec l’environnement immédiat de la tumeur – on parle de microenvironnement ou stroma, avec l’avantage dans ce modèle de pouvoir distinguer les cellules tumorales humaines transformées des cellules stromales murines non transformées.

Le programme de recherche en génomique des cancers « Cartes d’identité des tumeurs (CIT) », initié et soutenu par la Ligue nationale contre le cancer, a conduit une série d’analyses « omiques », c’est-à-dire la caractérisation de l’ensemble des altérations de l’expression des gènes et des modifications dites épigénétiques de méthylation de l’ADN. Les chercheurs observent que ces altérations entraînent des changements de l’expression des gènes et ont un impact sur la présence de cellules immunes dans le microenvironnement tumoral, aussi bien dans les cellules transformées que dans le stroma de l’animal hôte.

Ce profilage multiomique extensif a révélé deux sous-types principaux de PDAC avec des conséquences cliniques spécifiques pour chacun. Ces sous-types présentent des altérations spécifiques de la méthylation et de l’expression des gènes, ainsi que des voies de signalisation impliquées dans le « dialogue » entre cellules cancéreuses et cellules stromales. L’analyse de ces voies suggère des pistes thérapeutiques. Ces résultats révèlent l’interaction complexe et diverse entre les tumeurs PDAC et le stroma.

En conclusion, les données présentées dans ce travail révèlent que les xénogreffes représentent un modèle approprié pour des études précliniques, et reproduisent la diversité des cancers primaires dans lesquels le stroma est reconstitué. Son analyse multiomique est une source riche de nouvelles cibles thérapeutiques fiables pour traiter les patients atteints de PDAC.

Un champignon comestible prometteur pour la lutte contre des maladies génétiques humaines

Crédit @ MNHN/CNRS – Christine Bailly

Un banal champignon pourrait-il aider à combattre certaines maladies génétiques ? Si surprenante soit-elle, c’est bien la découverte que viennent de faire des chercheurs français de l’Inserm, du Muséum national d’Histoire naturelle, du CNRS, de l’Université de Lille et de l’Institut Pasteur de Lille[1]. En passant au crible de nombreux extraits, les chercheurs ont ainsi mis en évidence une activité significative d’un extrait du champignon Lepista inversa, sur trois lignées cellulaires isolées de patients atteints de mucoviscidose. Ces travaux sont publiés dans la revue Plos One.

Environ 10% des malades atteints de maladies génétiques rares, telles que la mucoviscidose ou la myopathie de Duchenne, (ou plus fréquentes comme certains cancers), sont porteurs d’une mutation non-sens, c’est-à-dire d’un changement dans la séquence de l’ADN. Cette mutation se traduit par la présence d’un « codon stop » qui ne code aucun acide aminé connu et arrête prématurément la synthèse des protéines issues des gènes mutés. Dès lors, les protéines obtenues sont tronquées et dysfonctionnent. Incapables d’assurer leur rôle au sein de l’organisme, elles entrainent les conséquences délétères que l’on connaît : obstruction des bronches et incapacité respiratoire dans la mucoviscidose et destruction des muscles dans la myopathie.

Plusieurs stratégies sont aujourd’hui développées pour corriger les conséquences d’une mutation non-sens. La translecture est une des pistes parmi les plus prometteuses. Elle consiste à ce que la machinerie cellulaire continue la synthèse de la protéine malgré la présence d’un « codon stop » dans l’ADN. Pour cela, au moment de la transformation de l’ARN en protéine, des molécules « leurre » situées dans l’environnement très proche de la machinerie cellulaire peuvent tromper sa vigilance et permettre, comme si de rien n’était, la fabrication d’une protéine complète. Néanmoins, les molécules capables de jouer ce rôle et identifiées jusqu’à présent ont une efficacité très limitée et/ou une toxicité importante.

@ Extrait du journal Médecine sciences https://doi.org/10.1051/medsci/2012282018

En alliant leurs savoir-faire et grâce à l’utilisation d’un système de criblage sur la chimiothèque-extractothèque du Muséum national d’Histoire naturelle, deux équipes de scientifiques[2] ont réussi à montrer que l’extrait d’un champignon, Lepista inversa ou clitocybe inversé, est capable de restaurer très efficacement l’expression de gènes humains présentant des mutations non-sens sur des cellules en culture.

Une activité significative a aussi été mise en évidence sur des cellules de patients atteints de mucoviscidose[3] grâce à la collaboration des deux laboratoires de recherche avec le CHU de Lille, Les Hospices Civils de Lyon, l’hôpital Cochin et l’association Vaincre la Mucoviscidose.

« Quand on sait que restaurer 5% de protéines fonctionnelles dans la mucoviscidose pourrait avoir un impact sur les conséquences de la maladie, ces travaux sont extrêmement encourageants. » Estiment les auteurs qui précisent que cette stratégie présente aussi l’avantage de ne pas toucher au patrimoine génétique des patients.

« Cette découverte est porteuse d’espoir car ce champignon, bien que non prisé pour ses qualités gustatives, est comestible ; il est de plus très courant – il pousse en Ile-de-France et dans diverses régions de France et d’Europe. » explique Fabrice Lejeune, chercheur à l’Inserm et dernier auteur de ce travail. Les étapes pour aboutir à une réelle stratégie thérapeutique sont encore longues » nuance-t-il. « Il faut encore que l’on arrive à purifier les molécules d’intérêt présentes dans cet extrait puis les tester in vivo pour contrôler leur efficacité sur le long terme et l’absence de toxicité. »

Cette étude pluridisciplinaire montre également l’intérêt de la collection d’extraits conservée dans l’extractothèque du Muséum pour des équipes de biologistes et de chimistes travaillant dans le domaine de la santé.

[1] Laboratoire Mécanismes de la Tumorigenèse et Thérapies Ciblées (CNRS, Université de Lille, Institut Pasteur de Lille) et laboratoire Molécules de Communication et Adaptation des Microorganismes (MNHN, CNRS)

[2] Laboratoire Mécanismes de la Tumorigenèse et Thérapies Ciblées (CNRS, Université de Lille, Institut Pasteur de Lille) et laboratoire Molécules de Communication et Adaptation des Microorganismes (MNHN, CNRS)

Plasticité des ribosomes : une nouvelle piste de thérapie ciblée pour combattre le cancer

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L’équipe « Domaines nucléaires et pathologie » dirigée par Jean-Jacques Diaz, directeur de recherche Inserm au Centre de recherche en cancérologie de Lyon (Inserm/CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/Centre Léon Bérard), vient de démontrer qu’un des composants essentiels de la « machinerie cellulaire » qui fabrique les protéines, le ribosome, est dénaturé dans les tumeurs. Les chercheurs observent en effet que ces ribosomes modifiés fonctionnent différemment dans les cellules cancéreuses et produisent préférentiellement des protéines favorisant la prolifération et la survie des cellules cancéreuses. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives pour le développement de thérapeutiques innovantes anti-cancéreuses, ciblant ces machineries anormales. Ces travaux sont publiés ce jour dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences).

Les travaux de recherche de l’équipe de Jean-Jacques Diaz portent sur un mécanisme clé du fonctionnement d’une cellule : la production des protéines, réalisée par l’intermédiaire de « petits robots spécialisés » appelés ribosomes. Les ribosomes ont pour mission de récupérer le message génétique qui est encore codé, et de le décoder sous forme de protéines actives. Les protéines ainsi produites vont jouer des rôles dans différents mécanismes physiologiques de l’organisme, par exemple l’insuline impliquée dans le contrôle de la glycémie.

L’équipe de Jean-Jacques Diaz s’intéresse plus spécifiquement au rôle que jouent les ribosomes dans le cancer.

En effet, les cellules cancéreuses ont une activité métabolique et une prolifération anormalement élevée, ce qui requiert de fabriquer plus de protéines. Dans une étude majeure publiée en 2013 dans la revue Cancer Cell[1], les chercheurs avaient identifié certaines modifications des ribosomes qui surviennent au cours du développement des cancers du sein et du côlon, et qui favorisent le développement de ces maladies. Dans l’étude publiée ce mois-ci et coordonnée par Frédéric Catez, chargé de recherche CNRS, l’équipe lyonnaise montre le mécanisme par lequel ces modifications des ribosomes (des 2′-O-méthylations) altèrent la synthèse des protéines.

Les chercheurs ont notamment démontré que la plasticité de la 2′-O-méthylation modifie le fonctionnement des ribosomes. Cette découverte met en lumière une nouvelle facette du ribosome, celle d’un régulateur direct de la synthèse des protéines, alors qu’il était considéré, jusqu’à aujourd’hui, comme un simple effecteur.

Ce travail ouvre des perspectives nouvelles sur l’utilisation des ribosomes, notamment en cancérologie. En effet, en apportant une description précise, au niveau moléculaire, des ribosomes des cellules tumorales dans différents cancers, ces travaux ouvrent des voies de recherche encore inexplorées pour identifier de nouveaux marqueurs pronostiques du développement des tumeurs et pour développer de nouvelles thérapies ciblées contre ces ribosomes particuliers. Ces voies sont actuellement explorées par l’équipe de chercheurs du Centre de recherche en cancérologie de Lyon (CRCL).

[1] Marcel, V. et al. Cancer Cell. 2013. 24(3):318-30)

Mucoviscidose : un nouvel axe thérapeutique à explorer

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Une nouvelle étude menée par Olivier Tabary et ses collègues du Centre de recherche Saint-Antoine (Unité Inserm 938 / Université Pierre et Marie Curie, Sorbonne Universités) met en évidence un nouveau mécanisme permettant de rétablir le fonctionnement d’un canal cellulaire situé notamment dans la muqueuse pulmonaire. Ce transfert, opéré initialement par la protéine CFTR, est déficient chez les patients atteints de mucoviscidose, et est connu pour être à la base de la pathologie. Les résultats, publiés dans la revue Nature Communications, ouvre une piste vers une thérapie qui permettrait aux malades de recouvrer leur fonction respiratoire.

La mucoviscidose est une maladie grave affectant les fonctions digestives et pulmonaires et touche en moyenne 1 nouveau-né sur 4 500. Si l’espérance de vie n’était que de 5 ans en 1960, elle atteint aujourd’hui approximativement 40 ans grâce aux progrès de la recherche. Cette maladie génétique est liée à la déficience d’un gène extrêmement instable, situé sur le chromosome 7 et codant pour la protéine CFTR (Cystic Fibrosis transmembrane Conductance Regulator). A ce jour, plus de 2000 mutations de ce gène ont été identifiées ce qui complique les approches thérapeutiques.

Présente dans la membrane cellulaire de différentes muqueuses (appareil digestif, poumons…), la protéine CFTR fonctionne comme un canal permettant l’échange d’ions chlorure entre l’intérieur et l’extérieur des cellules. Lorsque la protéine est déficiente (suite à la mutation du gène codant), le canal ne fonctionne plus. Au niveau pulmonaire, le dysfonctionnement va alors induire des cycles d’infections et d’inflammations chroniques qui aboutiront à la destruction de l’épithélium pulmonaire. La personne présentera alors les symptômes de la mucoviscidose.

Depuis la découverte en 1989 du gène CFTR mis en cause dans la mucoviscidose et des mécanismes génétiques sous-jacents, les chercheurs n’ont eu de cesse de de faire avancer les connaissances et de proposer des nouvelles thérapies. Néanmoins jusqu’à présent, ces dernières ne concernaient qu’une petite partie des patients avec des effets relativement faibles. En 2008, un nouveau canal chlorure est identifié : le canal Anoctamin-1 (ANO1). La protéine CFTR étant déficiente chez les patients, le canal ANO1 est dès lors imaginé comme cible thérapeutique pour rétablir l’efflux chlorure.

Dans une récente étude publiée dans Nature Communications et menée par Olivier Tabary (Unité Inserm 938 Centre de recherche Saint-Antoine), les chercheurs décrivent un mécanisme de régulation permettant de mettre en évidence l’effet inhibiteur d’un microARN (mirR-9) sur le canal ANO1.

Dans un but thérapeutique, l’équipe de chercheurs a réussi, grâce à la synthèse d’une séquence d’acides nucléiques, à empêcher la fixation de miR9 sur ANO1 permettant ainsi de stopper l’inhibition du micro-ARN sur le canal chlorure et de rétablir son fonctionnement.

 « Par cette technique, nous avons pu rétablir dans des lignées cellulaires, chez des souris et dans des cultures de cellules de patients atteints de mucoviscidose, les efflux chlorures, la réparation tissulaire ainsi que la clairance muco-ciliaire, qui sont des paramètres importants dans l’évolution de la maladie. Une telle stratégie permettrait de cibler à terme l’ensemble des patients quelle que soit la mutation, et de corriger des paramètres majeurs dans le développement de la physiopathologie des patients atteints de mucoviscidose. » explique Olivier Tabary.

Cette étude a reçu le soutien de l’association Vaincre la mucoviscidose.

Pour aller plus loin : Dossier d’information sur la mucoviscidose

Une enzyme cruciale enfin démasquée

© L. Peris /GIN

Après 40 ans de recherche, des chercheurs du CEA, du CNRS, de l’Université Grenoble Alpes, de l’Université de Montpellier et de l’Inserm ont enfin démasqué l’enzyme responsable de la détyrosination de la tubuline. Surprise : ce n’est pas une enzyme mais deux qui ont été découvertes capables de modifier ce composant essentiel du squelette de la cellule. Ces travaux ouvrent de nouvelles pistes pour mieux comprendre le rôle de la tubuline dont les altérations accompagnent cancers, maladies cardiaques et défauts neuronaux. Ces résultats sont publiés le 16 novembre 2017 dans la revue Science.

Une collaboration internationale impliquant des chercheurs du CEA, du CNRS, de l’Inserm, de l’Université Grenoble Alpes, de l’Université de Montpellier et de l’Université de Stanford[1] a identifié une enzyme, la Tubuline CarboxyPeptidase (TCP), qui est responsable d’une transformation biochimique des microtubules cellulaires, la détyrosination. La détyrosination est une réaction biologique consistant à supprimer l’acide aminé terminal tyrosine[2], de la tubuline α, un composant des microtubules. Alors qu’elle était recherchée depuis quatre décennies, les biologistes ont réussi à isoler cette protéine par purification et ont ensuite apporté les preuves de son activité cellulaire.

Les microtubules contribuent à des fonctions cellulaires essentielles

Les microtubules sont des fibres dynamiques présentes dans toutes les cellules. Formés par l’assemblage de deux protéines (tubuline α et tubuline β), les microtubules assurent de  nombreuses fonctions. Ils séparent les chromosomes destinés aux deux cellules filles lors de la division cellulaire, ils contribuent à la polarité des cellules, à la morphologie et à la migration cellulaire. Ils forment des sortes de rails sur lesquels sont transportés des constituants cellulaires tels que des protéines ou des brins d’ARN.

Ces fonctions cellulaires sont régulées grâce à l’existence de « signaux » présents à la surface des microtubules. Ces signaux sont des modifications biochimiques des acides aminés (appelées modifications post-traductionnelles car elles ont lieu après la synthèse de la protéine) qui sont réalisées par plusieurs enzymes qui, ici, modifient les tubulines. 

L’enzyme TCP, identifiée après 40 ans de mystère

L’activité de l’une de ces enzymes a été mise en évidence pour la première fois en 1977 par des chercheurs argentins qui lui donnent le nom de TCP (Tubuline CarboxyPeptidase). Cette enzyme, qui n’avait jusqu’à ce jour jamais été identifiée (sa taille et sa séquence restaient inconnues), a comme fonction de supprimer le dernier acide aminé, une tyrosine, de l’extrémité de la tubuline α. C’est la réaction de détyrosination. Une enzyme réverse, la ligase TTL, est chargée de repositionner cette tyrosine à sa place. C’est la tyrosination. Ce cycle de détyrosination/tyrosination est vital pour la cellule et l’organisme. Une détyrosination massive (anormale) est observée dans plusieurs cancers sévères et maladies cardiaques. 

Identifier et caractériser la TCP constituait donc un objectif majeur pour comprendre la fonction physiologique de la détyrosination de la tubuline α et pour évaluer les conséquences de son inhibition.

Pour isoler la TCP, les chercheurs ont suivi son activité, utilisé des techniques classiques de biochimie et fait appel à des chimistes de l’Université de Stanford qui ont développé une petite molécule inhibitrice de son activité. Cette molécule a été utilisée comme hameçon pour « pêcher » l’enzyme convoitée.

Cycle de détyrosination/tyrosination de la tubuline
Les microtubules sont des fibres présentes dans toutes les cellules composées d’un empilement de tubulines α/β. La tubuline α porte une tyrosine (Y) à son extrémité qui est alternativement enlevée et replacée par deux enzymes, modifiant ainsi la surface des microtubules. La TCP (représentée par une scie composée de deux éléments, VASH/SVBP) est responsable de la détyrosination. La TTL (représentée par un tube de colle) replace la tyrosine sur la tubuline. Ce cycle est essentiel aux diverses fonctions des microtubules dans les cellules (division, migration, …) et vital pour l’organisme. © C. Bosc, GIN

Au final, ce ne sont pas une, mais deux enzymes qui ont été découvertes ! Ces dernières, dénommées VASH1 et VASH2, étaient déjà connues des scientifiques mais sans savoir qu’il s’agissait d’enzymes en lien avec le cytosquelette. Les chercheurs ont montré qu’à la condition d’être associées à une protéine partenaire appelée SVBP, VASH1 et VASH2 sont capables de détyrosiner la tubuline α. Pour le démontrer, les chercheurs ont supprimé leur expression (ou celle de leur partenaire SVBP) dans les neurones. Ils ont alors observé une très forte diminution du taux de détyrosination de la tubuline α, ainsi que des anomalies dans la morphologie des neurones (v. Figure). Les chercheurs sont allés plus loin en montrant que ces enzymes sont également impliquées dans le développement du cortex cérébral.

Des perspectives pour la lutte contre le cancer

Ainsi, quarante ans après les premiers travaux sur la détyrosination de la tubuline α, les enzymes responsables ont été démasquées ! Dorénavant, les scientifiques espèrent qu’en modulant l’efficacité de la TCP et en améliorant les connaissances du cycle détyrosination/tyrosination, ils pourront mieux lutter contre certains cancers et progresseront dans la connaissance des fonctions cérébrales et cardiaques.

Photographies de l’altération des neurones par une réduction de l’expression des enzymes TCP (VASH/SVBP. De gauche à droite : neurone contrôle, neurones dans lesquels l’expression de VASH1 et VASH2 est réduite, neurones dans lesquels l’expression de SVBP est réduite. Les neurones ayant moins d’enzyme présentent un retard de développement et des anomalies morphologiques. © L. Peris /GIN


[1] Les instituts suivants sont impliqués : Grenoble Institut des neurosciences, GIN (Inserm/Univ. Grenoble Alpes); l’Institut de biosciences et biotechnologies de Grenoble, BIG (Inserm/CEA/Univ. Grenoble Alpes) ; l’Institut pour l’avancée des biosciences, IAB (Inserm/CNRS/Univ. Grenoble Alpes), le Department of Pathology, Stanford University School of Medicine (Stanford, USA), l’Institut de génétique humaine, IGH (CNRS/Univ. de Montpellier), le Centre de recherche en biologie cellulaire de Montpellier, CRBM (CNRS/Univ. de Montpellier).

[2] La tyrosine est l’un des 22 acides aminés qui constituent les protéines

Edith Heard, spécialiste de l’épigénétique, lauréate du Grand Prix Inserm 2017

 

©Inserm/Delapierre, Patrick

La cérémonie annuelle des Prix Inserm distinguera, le jeudi 30 novembre prochain au Collège de France, neuf chercheurs et ingénieurs dont les réalisations contribuent à l’excellence scientifique de l’institut. Le Grand Prix Inserm 2017 sera décerné à Edith Heard pour ses travaux sur l’épigénétique.

Edith Heard, Grand Prix Inserm

Après avoir soutenu sa thèse en Angleterre, son pays d’origine, Edith Heard a rejoint l’Institut Pasteur en 1990 pour un stage postdoctoral sur l’inactivation du chromosome X. Depuis, mis à part un séjour aux Etats Unis en 200-2001 (Cold Spring Harbor Lab), elle n’a pas plus quitté la recherche française. Aujourd’hui Professeure au Collège de France et à la tête de l’unité mixte de recherche de génétique et biologie du développement à l’Institut Curie, elle mène ses recherches sur l’inactivation du chromosome X, – et sa régulation épigénétique [1] au cours du développement ainsi que sa dérégulation dans les cellules cancéreuses.

Edith Heard a découvert une partie des mécanismes épigénétiques qui régulent l’inactivation du chromosome X et le rôle de l’organisation nucléaire dans ce processus.

Point d’orgue de sa carrière, l’équipe d’Edith Heard a découvert en 2012 en collaboration avec des chercheurs américains, une organisation inattendue des chromosomes : la chromatine qui allie ADN et protéines, s’organise selon des domaines topologiques d’association qu’ils ont baptisés TAD (topologically associating domains). Ces derniers rangent l’ADN dans une sorte de « fil de laine » qui formerait plusieurs pelotes. Chacune, correspondrait à un TAD. Cet « effet pelote » est responsable de la régulation des gènes. Au cours de la reproduction la perte de ces pelotes provoque l’inactivation d’un chromosome X. Cette découverte a eu un impact important sur l’interprétation du génome et de l’épigénome.

Au-delà de ses activités de recherche et d’enseignement, Edith Heard s’attelle au développement de PAUSE, un programme national piloté par le Collège de France, qui vise à développer une science sans frontière, en accueillant en urgence les scientifiques en exil en provenance de pays où la situation politique ne leur permet plus d’exercer leur métier et met leur vie et celle de leur famille en danger. En 2019, Edith Heard deviendra la Directrice Generale de l’European Molecular Biology Laboratory (EMBL), un événement significatif pour cette Européenne convaincue.

Marie-Paule Kieny, Prix International

Le Prix International honore Marie-Paule Kieny, directrice de recherche Inserm, qui a fait la majeure partie de sa carrière à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et en a été durant 7 années la sous-directrice. En 2014, l’Afrique de l’Ouest est frappée par Ebola : Marie-Paule Kieny, spécialiste de virologie, prend en charge tous les aspects recherche et développement sur le sujet, un véritable succès. En l’espace de 11 mois, l’OMS assure la promotion et le suivi de l’essai clinique d’un des deux vaccins testés en Afrique de l’Ouest. Des effets positifs sont récoltés en Guinée. Un dossier vient d’être déposé aux autorités régulatrices américaine et européenne  et le vaccin devrait être enregistré en 2018 ou en 2019.

Claude-Agnès Reynaud et Jean-Claude Weill, Prix d’Honneur

Le Prix d’Honneur récompense Claude-Agnès Reynaud, directrice de recherche CNRS et Jean-Claude Weill, professeur émérite d’immunologie à la faculté de médecine de Paris Descartes ; qui travaillent côte à côte depuis 1981 dans le domaine de l’immunologie adaptative. C’est en voulant comprendre la fabrication des anticorps du poulet qu’ils ont pu découvrir un nouveau mécanisme moléculaire, qui consiste à utiliser un unique gène pour fabriquer une infinie diversité d’anticorps. Cette découverte leur ouvre les portes de l’Institut d’immunologie en Suisse, qui leur permettra de s’intéresser au répertoire immunitaire du mouton. Les deux chercheurs découvrent alors un second mécanisme moléculaire unique et spécifique des lymphocytes B qu’ils baptiseront « maturation de l’affinité des anticorps ».

Le Prix Opecst-Inserm est décerné à Marc Peschanski, directeur de recherche Inserm (« Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques », Istem, Evry) pour son travail sur les cellules souches embryonnaires humaines. Aujourd’hui, Marc Peschanski et son équipe sont en passe de réaliser un exploit : produire industriellement des thérapies qui soient développées à partir de cellules souches embryonnaires humaines et de leurs produits.

Les Prix Recherche sont attribués à Emmanuelle Génin, directrice de recherche Inserm (Unité 1078 « Génétique, génomique fonctionnelle et biotechnologies », Inserm/UBO/EFS-CHRU Brest) en reconnaissance de ses études sur l’ADN, et plus précisément sur l’analyse du génome d’un patient, ouvrant ainsi les possibilités que le séquençage de génome devienne un véritable outil de diagnostic clinique ; et à Alain Chédotal, directeur de recherche Inserm à l’Institut de la vision (Unité 968, équipe « rôle des molécules de guidage axonal « , Inserm/CNRS/UPMC), qui a notamment réussi à observer en 3 dimensions les connexions neuronales dans le cerveau intact, grâce à des rayons lasers et à l’imagerie en fluorescence.

Les Prix Innovation distinguent Sophie Allart, biochimiste et ingénieure de recherche Inserm (Unité 1043 « Centre de Physiopathologie de Toulouse-Purpan » (Inserm/CNRS/Université Toulouse III-Paul Sabatier), en reconnaissance de ses développements méthodologiques en microscopie qui ont contribué à la découverte de la présence du virus Zika à l’intérieur du spermatozoïde, et pas seulement à sa superficie; et Ludovic Galas, ingénieur de recherche Inserm (Unité 1234 « Physiopathologie, Autoimmunité, maladies neuromusculaires et thérapies régénératrices (PANTHER) », Inserm/Université de Rouen) dont les travaux ont abouti à l’élaboration d’une application, Agir, et ont permis d’apporter une vision plus globale de la notion de risque en termes de produits chimiques et biologiques, manipulés par les chercheurs.

[1] L’épigénétique est la conséquence de marques posées sur l’ADN ou des protéines qui l’entourent, qui vont influencer l’expression des gènes.

La consommation d’antioxydants : bénéfique contre le diabète de type 2 ?

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Un risque plus faible de diabète de type 2 a été observé chez les individus avec une alimentation riche en antioxydants. Fruits, légumes et thés y contribuent largement, comme le montre une étude d’une équipe Inserm parue dans Diabetologia.

Une alimentation riche en fruits et légumes a déjà été associée à risque plus faible de certains cancers et maladies cardiovasculaires. Une équipe Inserm (Equipe Générations et Santé, Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations, Villejuif) montre qu’elle est également associée à une diminution du risque de diabète de type 2.

L’équipe suspectait déjà ce lien puisque des études ont précédemment montré que certains antioxydants comme la vitamine E ou C, les lycopènes ou encore les flavonoïdes étaient associés à une réduction du risque de diabète de type 2. Mais ces travaux portaient toujours sur des nutriments pris isolément et jamais sur la capacité antioxydante totale de l’alimentation. A ce titre les chercheurs ont voulu vérifier si l’alimentation dans son ensemble, selon son pouvoir antioxydant, était associée au risque de diabète. Pour cela, ils ont utilisé les données de la cohorte E3N composée de femmes françaises recrutées à partir de 1990, alors âgées de 40 à 65 ans. Ils ont suivi 64 223  d’entre elles entre 1993 et 2008, toutes indemnes de diabète et de maladies cardiovasculaires  au moment de leur inclusion dans l’étude. Pour chacune d’elles, ils disposaient d’un questionnaire alimentaire rempli au début de l’étude qui renseignait sur les habitudes de consommation avec des informations détaillées sur plus de deux cents aliments. A partir de là, ils ont calculé un score  de « capacité antioxydante » pour chaque participante grâce à une base de données italienne indiquant le pouvoir antioxydant de très nombreux aliments. Ils ont ensuite analysé les liens entre  ces scores et le risque de survenue d’un diabète au cours du suivi.

Leurs résultats montrent que le risque de diabète diminue avec le niveau de consommation d’antioxydants jusqu’à un seuil de 15 mmol/jour, ce qui correspond par exemple à des alimentations riches en chocolat noir, thé, noix, pruneaux, myrtilles, fraises, noisette etc… Au-delà  de ce seuil le risque ne diminue plus.

Les femmes qui présentaient les scores antioxydants les plus élevés avaient ainsi un risque de diabète réduit de 27% par rapport à celles qui présentaient les scores les plus faibles. « Ce lien persiste après avoir pris en compte tous les autres principaux facteurs de risque de diabète de type 2 : tabagisme, niveau d’éducation, hypertension, hypercholestérolémie, antécédents familiaux de diabète et surtout l’indice de masse corporel, le plus important de tous », clarifie Francesca Romana Mancini, première auteure de ces travaux. Les aliments les plus contributifs à un score antioxydant élevé étaient les fruits et légumes, le thé et le vin rouge (consommé en quantités modérées). Par contre les auteurs ont exclu de leur analyse le café, un concentré d’antioxydants déjà associé par ailleurs à un moindre risque de diabète de type 2 et qui aurait pu masquer l’effet des antioxydants apportés par le reste de l’alimentation.

« Ces travaux viennent compléter les connaissances actuelles sur des aliments ou nutriments pris isolément, puisqu’ils apportent une vue globale de la relation alimentation – diabète de type 2 », explique Guy Fagherazzi, chercheur en charge du programme de recherche sur le diabète dans l’étude E3N. «Nous venons donc de montrer qu’un apport élevé en antioxydants pourrait contribuer à réduire le risque de diabète ». Reste à comprendre pourquoi. « Nous savons que ces molécules empêchent la formation de radicaux libres délétères pour les cellules et limitent leurs effets néfastes quand ces derniers sont présents mais il y a probablement une action plus spécifique comme un effet sur la sensibilité des cellules à l’insuline.  Cela reste à confirmer dans d’autres études », conclut Francesca Romana Mancini.

Pour en savoir plus

L’étude E3N (e3n.fr), ou Etude Epidémiologique auprès de femmes de la MGEN (Mutuelle Générale de l’Education Nationale) est une étude de cohorte prospective portant sur environ 100 000 femmes volontaires françaises nées entre 1925 et 1950 et suivies depuis 1990. Depuis 1990, les femmes remplissent et renvoient des auto-questionnaires tous les 2 à 3 ans. Elles sont interrogées sur leur mode de vie d’une part, et sur l’évolution de leur état de santé d’autre part. Le taux de « perdues de vue » est très faible du fait de la possibilité qu’offre la MGEN de suivre les non-répondantes. L’étude E3N est soutenue par quatre partenaires fondateurs : l’Inserm, la Ligue contre le Cancer, l’Institut Gustave Roussy et la MGEN. L’étude E3N est aujourd’hui prolongée par l’étude E4N (e4n.fr), étude sélectionnée comme Investissement d’Avenir en 2011 par l’Agence Nationale de Recherche et qui a pour objectif de suivre les enfants et petits-enfants des femmes E3N, ainsi que les pères biologiques de leurs enfants, afin d’étudier la santé en relation avec le mode de vie moderne chez des personnes d’une même famille, sur trois générations.

Efficacité du e-coaching nutritionnel chez les patients diabétiques de type 2 avec obésité abdominale

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Une étude coordonnée par le Dr Boris Hansel et le Pr Ronan Roussel, du service de diabétologie-endocrinologie et nutrition de l’hôpital Bichat – Claude-Bernard, AP-HP et du Centre de recherche des Cordeliers (Inserm/Université Pierre et Marie Curie, Paris Diderot, Université Paris Descartes) montre qu’un e-coaching nutritionnel -programme automatisé d’accompagnement nutritionnel- améliore les habitudes alimentaires et l’équilibre glycémique de patients diabétiques de type 2 avec obésité abdominale.

Ces résultats ont été publiés dans le Journal of Medical Internet Research, JMIR du 8 novembre 2017.

Plusieurs offres de coaching nutrition (assistance personnalisée) sont apparues sur internet ces dernières années, notamment en France. Phénomène de mode ou bien véritable révolution dans les méthodes de prise en charge nutritionnelle, l’E-coaching se développe dans le cadre du traitement des maladies chroniques. Il est maintenant testé dans certains hôpitaux tels que l’hôpital Bichat-Claude Bernard, AP-HP pour obtenir, à distance, un accompagnement quasi comparable à celui du face-à-face.

Manger équilibré et pratiquer régulièrement des activités physiques adaptées sont à la base du traitement du diabète de type 2 et de l’excès de poids. Toutefois ces recommandations sont, pour de nombreux diabétiques, difficiles à appliquer sur le long terme du fait de leur généralité ne permettant pas de savoir sur quel point concentrer ses efforts. Si les outils d’accompagnement à distance ont montré, dans certains cas, leur efficacité, aucune étude française n’a jusqu’à présent testé le e-coaching nutritionnel, en particulier en cas de diabète et/ou d’obésité abdominale, pour la réduction des apports énergétiques et l’augmentation du niveau d’activité physique, avec comme conséquence une perte de poids semblable à celle obtenue lors d’un suivi à l’hôpital.

L’équipe de recherche a testé un outil d’e-coaching totalement automatisé : le programme « Accompagnement Nutritionnel de l’Obésité et du Diabète par E-coaching – ANODE » développé par MXS. Il associe un bilan nutritionnel informatisé et un accompagnement des patients en diététique et en activité physique. Les chercheurs ont analysé l’utilité de ce programme chez des patients diabétiques de type 2 par un essai randomisé bicentrique.

L’étude ANODE a été ouverte à 120 volontaires, hommes ou femmes de 18 à 75 ans, diabétiques de type 2,  présentant un excès de poids, en particulier abdominal, et possédant un accès internet.

Deux groupes ont été constitués : un groupe expérimental bénéficiant du programme e-coaching automatisé ANODE et un groupe témoin recevant des conseils nutritionnels usuels pour une durée de 4 mois.

Les chercheurs ont suivi l’évolution d’un score de qualité alimentaire sur 100 (Diet Quality Index-International, calculé avec un carnet alimentaire sur 3 jours) entre l’enquête 1 (J-20 à J-2) et l’enquête 2 (J100 à J118). En parallèle, ils ont mesuré l’évolution de l’ « HbA1c ou hémoglobine glyquée », c’est-à-dire l’hémoglobine liée chimiquement à du sucre, des facteurs de risque cardiovasculaires et des aptitudes physiques (mesure directe du VO2max).

A l’inclusion, les deux groupes étaient comparables : 67% de femmes âgées de 57 ans, avec un IMC de 33 et un score diététique de 53,4/100 en moyenne.

Les résultats montrent que le score diététique a significativement augmenté dans le groupe e-coaching (+5,25 points) par rapport aux témoins (-1,83) en moyenne. L’évolution des apports alimentaires y était plus favorable avec la réduction des apports lipidiques, en graisses saturées, en sodium et en « calories vides » (calories fournies par des aliments de faible densité nutritionnelle).

Le poids des patients, leur tour de taille et l’HbA1c ont également diminué plus favorablement avec ce programme. Une perte de poids d’au moins 5% est observée respectivement chez 26% et 4% des sujets des groupes e-coaching et témoins. L’évolution des lipides plasmatiques et de la pression artérielle est similaire entre les groupes et le VO2max a augmenté de la même manière dans les deux groupes.

En conclusion, le programme e-coaching améliore, en 16 semaines, les habitudes nutritionnelles et l’équilibre glycémique de patients diabétiques de type 2. Il atteint son objectif en réduisant significativement le poids et le tour de taille. Ce programme, adapté aux patients, a également l’avantage d’être peu coûteux car totalement automatisé. Ces résultats encouragent ainsi le développement de l’e-coaching nutritionnel pour le suivi des patients diabétiques de type 2.

L’équipe lancera au printemps prochain une étude nationale à plus grande échelle, sur une durée d’un an avec un programme optimisé de santé connectée. L’équipe de recherche AP-HP/Université Paris-Diderot propose dès janvier 2018 une formation à la santé connectée dans le cadre du diplôme universitaire « Enseignement pratique pluridisciplinaire de santé connectée ».

Une bactérie probiotique produit un puissant antidouleur

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Le microbiote intestinal n’a pas fini de nous surprendre. Dans une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Inserm, de l’université et du CHU de Toulouse[1] au sein de l’Institut de Recherche en Santé Digestive (Inserm/INRA/Université Toulouse III – Paul Sabatier, ENVT), le mode d’action d’une bactérie probiotique utilisée dans le traitement symptomatique des douleurs du syndrome de l’intestin irritable est dévoilé. La bactérie produit un neurotransmetteur (le GABA) qui grâce à sa liaison avec un lipide, passe la barrière intestinale, agit sur les neurones sensitifs situés au niveau du ventre et réduit la douleur viscérale. Cette nouvelle famille de molécules associant lipoprotéine et GABA pourrait être utilisable comme médicament antidouleur. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communication.

Le syndrome de l’intestin irritable est une maladie chronique caractérisée par des douleurs abdominales associées à des troubles du transit. Cette pathologie est hautement invalidante et diminue drastiquement la qualité de vie des patients. Face à ce syndrome, le patient reste démuni, car il n’existe pas de traitement vraiment efficace pour cette pathologie qui, en France, concerne 5% de la population.

La bactérie Echerichia coli Nissle 1917[2], probiotique découvert pendant la première guerre mondiale, a récemment été utilisée par voie orale comme traitement thérapeutique alternatif du syndrome de l’intestin irritable. L’approche thérapeutique par les probiotiques connaît un engouement étant donné le caractère « naturel » et l’absence supposée de toxicité de ces produits. Il n’en demeure pas moins qu’il est nécessaire de comprendre les bases moléculaires de leurs propriétés thérapeutiques. La recherche dans ce domaine veille et s’interroge sur l’origine des facteurs bactériens qui régissent ces activités probiotiques et le bien-fondé de leur utilisation.

C’est dans cette optique que les chercheurs ont développé un projet visant à caractériser l’activité probiotique de la souche E. coli Nissle 1917. Leurs travaux démontrent que cette bactérie produit du GABA (acide gamma aminobutyrique) lié à un acide aminé et à un acide gras. Ensemble, ces trois molécules forment un lipopeptide. La liaison de cet acide gras par la bactérie permet au GABA qui est le principal neurotransmetteur inhibiteur du système nerveux de pouvoir passer la barrière intestinale. Il peut ensuite se fixer sur son récepteur pour diminuer l’activation des neurones sensitifs et ainsi diminuer la douleur. Le GABA n’a en revanche pas la capacité de franchir, seul (sans son acide gras), la barrière intestinale.

Une fois le lipopeptide identifié et caractérisé, des premières expériences ont d’abord été menées sur des neurones sensitifs de souris en culture. L’exposition de ces neurones à la capsaicine (le produit actif du piment) entraîne une augmentation des flux de calcium caractéristiques de leur hypersensibilité, par rapport aux neurones contrôles. Ces changements de flux calciques ne sont pas retrouvés chez ces mêmes neurones prétraités par un ajout de lipopeptide de synthèse au milieu de culture.

Ces mêmes expériences ont ensuite été conduites sur des souris chez lesquelles des électrodes posées sur l’animal permettaient de mesurer l’intensité des contractions abdominales caractéristiques de la douleur (l’équivalent des crampes d’estomac chez l’homme). Dès lors qu’elles ingéraient le lipopeptide de synthèse, les souris hypersensibles retrouvaient des contractions abdominales équivalentes à celles des souris contrôles.

Cette étude a permis de breveter une nouvelle famille de molécules pouvant être utilisables comme médicaments antidouleur. « Ces dernières ne modifiant pas la physiologie ni la motilité intestinale, on peut également espérer qu’elles entraîneraient moins d’effets secondaires que ceux provoqués par la morphine par exemple. Ceci devra bien entendu être validé par de futurs essais thérapeutiques », déclare Nicolas Cenac.

Cette découverte démontre l’importance d’une meilleure connaissance des modes d’action des probiotiques actuellement utilisés et le potentiel thérapeutique des lipopeptides produits par le microbiote intestinal.

Ces travaux ont fait l’objet du dépôt d’une demande de brevet par Inserm transfert.

[1] Associant une équipe de physiopathologistes et une équipe de bactériologistes de l’Institut de Recherche en Santé Digestive (IRSD) de Toulouse (Inserm/INRA/Université Toulouse III – Paul Sabatier, ENVT) et des équipes de chimistes de l’institut des biomolécules Max Mousseron de Montpelier et du réseau Metatoul de Toulouse

[2] Du nom du médecin allemand Alfred Nissle qui avait isolé cette souche des selles d’un soldat de la Première Guerre mondiale, qui était le seul de son unité ne souffrant pas de dysenterie.

Les antibiotiques perturbent l’efficacité de l’immunothérapie

 

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Une étude publiée dans la revue Science par des chercheurs de Gustave Roussy, l’Inserm, l’Inra, l’AP-HP, IHU Méditerranée Infection et l’Université Paris-Sud démontre que la prise d’antibiotiques affecte l’efficacité d’un traitement par immunothérapie chez des patients atteints d’un cancer. Or, environ 20% des malades du cancer sont sous antibiothérapie. En analysant le microbiote intestinal de patients par métagénomique, les chercheurs ont montré que la présence de la bactérie Akkermansia muciniphila est associée à une meilleure réponse des patients à l’immunothérapie par anticorps anti-PD-1. De plus, en administrant cette bactérie à des souris comportant un microbiote défavorable, l’activité anti-tumorale de l’immunothérapie est restaurée.

Véritable révolution thérapeutique, l’immunothérapie a prouvé sa supériorité sur le traitement standard dans la prise en charge du mélanome métastatique, du cancer du poumon, du rein ou encore de la vessie mais son efficacité est limitée à une proportion de malades. «Nos travaux expliquent en partie pourquoi certains patients ne répondent pas. La prise d’antibiotiques a un impact négatif sur la survie des malades sous immunothérapies. La composition du microbiote est un facteur prédictif de réussite » résument le Dr Bertrand Routy, médecin hématologue à l’origine de ces travaux et sa directrice, le Pr Laurence Zitvogel, directrice du laboratoire « Immunologie des tumeurs et immunothérapie » (Inserm/Université Paris-Sud/Gustave Roussy).

Dans une première série, sur 249 patients traités par immunothérapie basée sur l’anti-PD-1/PD-L1 pour un cancer avancé du poumon, du rein ou de la vessie, 28% avaient pris des antibiotiques à cause d’une infection dentaire, urinaire ou pulmonaire mais leur état de santé général n’était pas différent de celui des patients non traités par antibiotiques.

Les résultats de l’étude démontrent qu’en créant un déséquilibre au niveau du microbiote intestinal (ou dysbiose), la prise d’antibiotiques deux mois avant et jusqu’à un mois après le début du traitement a un impact négatif sur la survie sans progression de la maladie  et la survie globale des patients dans ces trois types de cancer.

Un microbiote favorable déterminé par métagénomique

La composition précise du microbiote intestinal a été établie par métagénomique avant puis pendant le traitement sous immunothérapie chez 153 patients atteints d’un cancer du poumon ou du rein. Cette analyse de tous les gènes bactériens présents dans le microbiote intestinal a été menée par l’Inra (MétaGénoPolis, Dr Emmanuelle Le Chatelier). Une composition favorable, enrichie en Akkermansia muciniphila, a été identifiée chez les patients répondant le mieux à l’immunothérapie et chez ceux dont la maladie était stabilisée pendant au moins 3 mois.

Booster un microbiote défavorable

Pour prouver un lien direct de cause à effet entre la composition du microbiote intestinal et l’efficacité de l’immunothérapie, un microbiote favorable (provenant de patients ayant démontré une bonne réponse clinique à l’immunothérapie anti-PD-1) et un microbiote défavorable (provenant de patients en échec) ont été transférés à des souris qui en étaient dépourvues. Les souris transplantées avec le microbiote favorable présentaient une évolution favorable lorsqu’elles étaient traitées par immunothérapie contrairement à celle comportant le microbiote défavorable. Chez ces dernières, l’administration d’Akkermansia muciniphila a permis de restaurer l’efficacité de l’immunothérapie par anti-PD-1. En modifiant le microbiote de la souris, l’efficacité de l’immunothérapie a été rétablie grâce à l’activation de certaines cellules du système immunitaire.

Les résultats d’une équipe américaine (Dr Jennifer Wargo, MD Anderson, Houston, Texas) publiés en même temps dans la même revue viennent appuyer ces données en démontrant que la composition du microbiote de patients atteints d’un mélanome métastatique permet de prédire leur réponse à une immunothérapie anti-PD-1.

Ces travaux se poursuivent dans le cadre du projet Torino-Lumière (programme d’investissement d’Avenir de 9 M€). L’objectif du projet Torino-Lumière est de développer de nouveaux marqueurs prédictifs de la réponse thérapeutique aux immunothérapies des patients porteurs de cancers bronchiques, à partir de l’étude de leur microbiote. Une étude prospective multicentrique a démarré en 2016 avec pour objectif d’établir des signatures bactériennes favorables afin de développer des traitements basés sur une combinaison bactéries/immunothérapies.

À propos de l’immunothérapie

Les immunothérapies ont engendré une révolution thérapeutique en cancérologie. Ces nouvelles immunothérapies, par transfert de lymphocytes T activés ou par anticorps monoclonaux (anti-CTLA4 ou anti-PD1) ou bispécifiques, déclenchent le réveil du système immunitaire du patient.  Elles permettent non seulement de réduire la taille des tumeurs mais aussi, et pour la première fois, de prolonger notablement la survie des malades voire de les guérir de cancers métastatiques ou localement avancés.

À propos du microbiote intestinal

Le microbiote intestinal (anciennement appelé flore intestinale) est un écosystème complexe composé de 100 000 milliards de bactéries, virus, archae, parasites, levures… Ceux-ci colonisent l’intestin dès la naissance et participent à la maturation des défenses immunitaires. Chaque individu est doté d’un microbiote qui lui est propre. Sa composition est dictée par des facteurs génétiques, nutritionnels et environnementaux.

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