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L’ingéniosité de l’homme à l’épreuve des malignes bactéries

Comment les bactéries font elles pour infecter notre organisme ? Quelles « armes » leur permettent de passer à travers les mailles du filet de notre système immunitaire ? C’est ce que tente de comprendre l’équipe de Thomas Henry chercheur à l’Inserm et ses collaborateurs du CNRS de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et de l’ENS de Lyon regroupés au sein du Centre international de recherche en infectiologie (CIRI). Dans un travail publié dans la revue Nature Communication les chercheurs se sont intéressés à un composant clé du mécanisme d’évasion des bactéries et trouvé chez l’homme, l’acteur majeur de leur détection.

Détecter la présence de l’ennemi est la première étape indispensable pour induire une réponse capable de le combattre. Au sein de l’organisme, c’est le rôle du système immunitaire. Celui-ci est confronté à différents types de pathogènes, et notamment aux bactéries qui usent de toutes les stratégies possibles et imaginables pour déjouer la surveillance du système immunitaire.

Normalement, au moment de l’invasion de l’organisme humain par les bactéries, c’est un des composants particulier de la paroi bactérienne – le LPS – qui les trahit et permet aux cellules humaines de reconnaitre et de déclencher une réponse immunitaire. Certaines bactéries échappent néanmoins plus souvent que d’autres au système immunitaire, et augmentent leur chance d’infecter l’organisme grâce à un LPS un peu plus discret.

Dans cette étude, les chercheurs se sont intéressés à une bactérie modèle, Francisella novicida, pour comprendre les mécanismes de défense de l’organisme contre les bactéries car pourvue de ce fameux « LPS discret ». Ces bactéries ont notamment la capacité de s’évader de l’intérieur des cellules de l’immunité innée (les macrophages) sensées les détruire.

L’organisation de l’évasion bactérienne

Normalement, l’arrivée de LPS dans le cytoplasme des macrophages est détectée et la réponse inflammatoire déclenchée, la mort de la cellule permettant de stopper la propagation du pathogène. En réalité, il s’agit d’une course permanente entre la multiplication de la bactérie et les systèmes de détection de la cellule hôte. Parmi les nombreux systèmes d’alarme dont dispose le macrophage, Aim2 a été identifié comme étant celui, chez la souris, capable de détecter l’arrivée de ces bactéries dans le cytoplasme. Mais impossible de reproduire le même résultat chez l’homme. Tout l’enjeu a été de comprendre dès lors, comment s’organise la riposte chez l’être humain.

L’organisation de la riposte : ensemble au bon moment !

Cette découverte explique aussi en partie pourquoi l’homme est plus susceptible que la souris au choc septique qui survient lorsque les bactéries envahissent le sang ou certains organes. La caspase 4 étant particulièrement sensible, les importantes quantités de LPS circulant dans le sang provoquent un emballement du système immunitaire avec des conséquences irréversibles pouvant conduire au décès. Malgré tout, la diversité des mécanismes de détection et leur redondance partielle, contribuent à ce que l’homme sorte le plus souvent vainqueur des rencontres avec des bactéries.

L’identification du fonctionnement de la caspase 4 et de ses cofacteurs représente une étape vers la mise en place de traitements anti-inflammatoires dans le choc septique.

[1] Inserm/CNRS/ENS Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1

Légende photo :

Macrophage humain (noyau en bleu) infecté par Francisella novicida (en rouge). La bactérie s’est échappée du compartiment phago-lysosomal en blanc (un premier mécanisme de défense du macrophage) mais une autre protéine de défense GBP2 (en vert), détecte certaines bactéries et permet à la caspase-4 de déceler le LPS de Francisella et de mettre en place des réponses anti-bactériennes.

Sommet franco-britannique. Royaume Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord. La médecine génomique au cœur de l’accord porté par Aviesan

Devenir le système de soin et de recherche en génomique le plus avancé et compétitif au monde, telle est l’ambition affichée par l’Inserm, ses partenaires d’Aviesan et le Genomics England Ltd lors du sommet franco-britannique du 18 janvier 2018. Un accord a été signé par Yves Levy, Président-directeur général de l’Inserm, et président d’Aviesan en charge du plan gouvernemental France médecine génomique 2025, et Sir John Chisholm, président exécutif de Genomics England Ltd. Cette signature a eu lieu en présence du président de la République, Emmanuel Macron et de Mme Theresa May, Première ministre du Royaume-Uni.

La France et le Royaume-Uni partagent l’ambition de construire et d’exploiter le système de soin et de recherche en génomique le plus avancé et le plus compétitif au monde. Cet accord est fondé sur le partenariat entre les deux plans nationaux « 100.000 genomes » de Genomics England et France Médecine génomique 2025 porté par Aviesan.

Depuis la découverte de l’hélice d’ADN en 1953 qui a valu un prix Nobel à l’anglais Francis Crick jusqu’au développement de l’utilisation de la génomique en médecine, les deux nations sont des leaders internationaux incontestés en médecine génomique. Cela s’est traduit, de la recherche jusqu’au soin, par l’élaboration des deux plans UK genome et  France Médecine génomique 2025 d’Aviesan,  Aujourd’hui les deux pays portent les engagements publics les plus ambitieux et les plus importants au monde pour constituer les infrastructures, mobiliser les talents nécessaires, et ainsi proposer une offre de rang mondial en médecine génomique pour le 21e siècle.

En pratique, la France et le Royaume-Uni élaboreront dans le cadre de leurs plans nationaux, des approches communes pour garantir la standardisation et la mise à disposition des avancées technologiques les plus appropriées adaptées aux évolutions dans ce secteur.

En réunissant les forces, les efforts, et les infrastructures de recherche et de soin de chaque nation, l’accord permettra ainsi d’accélérer les développements et d’atteindre les objectifs définis.

« Cette vision commune et partagée de la génomique et de nos forces nationales représente une réelle opportunité pour accélérer les collaborations et entrer de plain-pied dans l’ère de la médecine génomique. Proposer aux patients des traitements sur mesure ne sera possible que grâce à une connaissance exhaustive du génome humain et en faisant appel à nos meilleurs talents scientifiques. » s’enthousiasme Yves Lévy, PDG de l’Inserm et président d’Aviesan.

Une vie de dengue : de nouvelles cibles antivirales identifiées pour combattre ce virus

©PixieMe – stock.adobe.com

Le virus de la dengue – comme tous les autres virus- détourne à son profit de nombreuses fonctions de la cellule hôte pour accomplir son cycle infectieux. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Paris Diderot viennent d’identifier, pour la première fois, l’ensemble des facteurs cellulaires qui interagissent avec le virus au cours de sa réplication. En apportant la preuve de concept qu’il est possible d’inhiber certaines de ces molécules, les scientifiques ouvrent la voie à la possibilité de nouvelles thérapies antivirales contre la dengue mais aussi contre d’autres virus de la même famille tels que le virus ZIKA ou celui du Nil occidental.

Ces travaux sont publiés dans la revue Cell Reports.

Le virus de la dengue est un problème de santé public majeur qui touche des millions de personnes dans le monde et pour lequel aucun traitement antiviral n’est disponible. Le seul vaccin disponible aujourd’hui, n’est recommandé par l’OMS que dans les contextes géographiques (nationaux ou infranationaux) de forte endémicité et pour les personnes ayant déjà été infectées au moins une fois. Le virus provoque dans l’organisme des affections souvent bénignes allant de fièvres légères à modérées mais peut aussi entrainer des fièvres hémorragiques qui peuvent s’avérer fatales notamment pour les enfants.

Le génome du virus de la dengue est une molécule d’ARN qui code pour 3 protéines structurales formant la particule virale ainsi que pour 7 protéines dites non-structurales (NS). Ces dernières assurent d’une part la réplication du virus dans l’organisme hôte et, d’autre part, le contrôle de la réponse immunitaire antivirale de celui-ci. Ces deux fonctions sont essentielles à la survie du virus dans l’organisme infecté.

Au cours du cycle infectieux, les protéines NS s’assemblent et recrutent des facteurs cellulaires encore mal connus pour former un complexe de réplication essentiel à l’amplification du génome viral. La compréhension de cette étape cruciale dans la vie du virus est primordiale si les chercheurs veulent trouver des stratégies pour endiguer l’infection.

En utilisant des mini-génomes modifiés du virus de la dengue, l’équipe d’Ali Amara du laboratoire « Pathologie et virologie moléculaire » (Inserm, CNRS, Université Paris Diderot), en collaboration avec le Dr Pierre-Olivier Vidalain du Laboratoire de chimie et biochimie pharmacologiques et toxicologiques (Université Paris Descartes, CNRS), a réussi à purifier et à analyser la composition protéique du complexe de réplication du virus de la dengue. Ce travail a permis d’identifier tout un réseau de facteurs cellulaires interagissant avec les protéines NS lors du cycle infectieux. Certains agissent comme des facteurs de restriction du virus alors que d’autres sont essentiels à sa réplication.

Les chercheurs ont également apporté la preuve de concept que ces interactions, entre le virus et la cellule hôte, sont des cibles potentielles pour des thérapies antivirales nouvelles. Pour cela, ils ont d’abord montré que le complexe cellulaire OST, qui assure normalement le transfert de motifs sucrés sur les protéines cellulaires, est aussi détourné par le virus pour servir à certaines de ses propres protéines. Les scientifiques ont ensuite décrit qu’un inhibiteur de l’activité du complexe OST, le NGI-1 empêche la glycosylation de certaines protéines virales et inhibe fortement la réplication du virus de la dengue ainsi que la sécrétion de la virotoxine NS1 qui est un marqueur précoce des formes sévères de la maladie. Ils ont également démontré que ces résultats sont transposables à d’autres flavivirus pathogènes tels que le virus ZIKA et le virus du Nil occidental.

L’horloge biologique, un allié de taille dans la lutte contre les maladies inflammatoires ?

©Loic Djim – Unsplash

Et si la manifestation et la gravité de certaines maladies inflammatoires dépendaient de l’heure qu’il est ? C’est sur cette hypothèse qu’ont travaillé des chercheurs de l’Inserm, de l’Institut Pasteur de Lille et de l’Université de Lille[1], après avoir observé que la gravité et la mortalité de l’hépatite fulminante dépendaient du moment de la journée auquel la pathologie était induite. Leur étude, effectuée sur des souris et sur des cellules humaines, montre que  l’action anti-inflammatoire d’une protéine de l’horloge biologique permettrait de prévenir l’apparition de l’hépatite fulminante, d’en atténuer les symptômes et d’augmenter le taux de survie.

Ces travaux sont publiés dans la revue Gastroenterology.

L’hépatite fulminante est une maladie grave, qui provoque chez le patient une dégradation rapide des tissus et du fonctionnement du foie, associée à des troubles de la coagulation sanguine et à des dégâts cérébraux irrémédiables. Bien que l’hépatite fulminante puisse être provoquée par différents facteurs, le surdosage en médicaments contenant du paracétamol, demeure la cause principale de son apparition. L’accumulation de paracétamol dans l’organisme peut provoquer un stress cellulaire, qui va entraîner une réponse anormale du système immunitaire. Cette dernière se traduit par une inflammation excessive, menant à la mort des cellules hépatiques et à la destruction du foie. Jusqu’à aujourd’hui, aucun traitement spécifique de l’hépatite fulminante n’a été identifié et la seule solution reste une greffe de foie dans les 24 heures suivant l’apparition des symptômes. Les chercheurs de l’Inserm, de l’Institut Pasteur de Lille et de l’Université de Lille, se sont intéressés aux mécanismes sous-jacents à l’inflammation dans le cas particulier de l’hépatite fulminante, afin d’identifier de possibles pistes médicamenteuses.

Partant de l’observation que les fonctions immunitaires varient durant la journée, les chercheurs se sont intéressés à une protéine de l’horloge biologique : Rev-erbα et à son implication potentielle dans la régulation de l’inflammation lors d’une hépatite fulminante. Cette protéine cible notamment les tissus adipeux, les cellules du foie, des muscles squelettiques et du cerveau. Elle joue un rôle majeur dans le développement et la régulation de leur rythme circadien, c’est-à-dire de la répétition de leur cycle biologique toutes les 24 heures.

Ces nouveaux travaux, réalisés sur les souris et sur des cellules humaines du système immunitaire, ont permis de mettre en évidence que le phénomène inflammatoire suit également un rythme circadien.

Les chercheurs ont aussi pu observer que l’injection d’une molécule augmentant l’action de Rev-erbα diminuait la réaction inflammatoire responsable de la mort des cellules du foie lors de l’hépatite fulminante. Les souris qui ont reçu le traitement activant Rev-erbα, montraient des formes moins sévères de la maladie ainsi qu’un taux de survie plus élevé.

Les mêmes résultats ayant été observés in vitro sur les cellules humaines, ces données offrent des pistes à explorer pour l’élaboration potentielle d’un traitement contre l’hépatite fulminante aiguë ou permettant de ralentir l’évolution des symptômes pour les patients en attente de greffe.

L’hépatite fulminante n’est pas la seule pathologie dans laquelle intervient le mécanisme moléculaire circadien inhibé par Rev-erbα. D’autres pathologies comme la péritonite, le diabète ou encore l’athérosclérose, présentent un dérèglement similaire de la réaction inflammatoire causée par l’accumulation anormale de toxiques dans l’organisme. Hélène Duez, chercheuse à l’Inserm souligne que « Les résultats de cette étude pourraient ouvrir de nouvelles perspectives dans la prévention de ces pathologies. Ils offrent également des pistes inédites pour les chercheurs, notamment sur de potentielles améliorations de la qualité de vie et de la longévité des patients atteints par des maladies inflammatoires chroniques. »

[1] Unité Mixte de Recherche 1011 récepteurs nucléaires, maladies cardiovasculaires et diabète (Inserm, Institut Pasteur de Lille, Université de Lille)

Attention à la prise soutenue d’ibuprofène chez l’homme

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Une étude récente menée par des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Irset[1] montre que la prise soutenue d’ibuprofène induit chez de jeunes hommes sportifs un déséquilibre hormonal habituellement rencontré chez l’homme âgé et appelé « hypogonadisme compensé ». Cette situation résulte des effets négatifs de l’ibuprofène sur la production de testostérone, et sur la production de deux autres hormones testiculaires. Ces résultats sont publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences.

L’ibuprofène, que l’on peut acheter sans ordonnance, est un des médicaments les plus consommés dans la population. Cet antalgique anti-inflammatoire est utilisé notamment dans le cas de maux de tête et de dents, de douleurs chroniques, d’états grippaux, de fièvre, ainsi que dans le cadre de certaines maladies rhumatismales. En outre, de nombreuses études indiquent que l’ibuprofène est utilisé massivement par les athlètes, souvent en automédication ou sous la pression de leur entourage professionnel. Cette nouvelle étude de chercheurs de l’Inserm, qui ont déjà montré les effets délétères potentiels de l’aspirine et du paracétamol sur le testicule adulte humain[2] et de l’ibuprofène sur le développement testiculaire pendant la grossesse[3], avec l’appui des collègues du CHU de Rennes, de David Møberg Kristensen et ses collègues danois, et de chercheurs du LABERCA de Nantes, articule de façon jusqu’alors inédite :

– Un essai clinique impliquant 31 hommes volontaires sportifs âgés de 18 à 35 ans dont la moitié a pris de l’ibuprofène;

– Des cultures de fragments de testicules humains exposés à l’ibuprofène et issus de prélèvements liés à des actions thérapeutiques ou au don d’organe;

– Et des cultures d’une lignée immortalisée de cellules humaines.

Les conclusions de l’essai clinique montrent que, lorsque les hommes ont été exposés à l’ibuprofène, les niveaux d’hormone hypophysaire appelée l’hormone lutéinisante (LH) s’élèvent fortement, cette hormone jouant un rôle clé dans le contrôle de la production de testostérone. Cette élévation s’avère résulter d’effets négatifs directs de l’ibuprofène sur l’expression des gènes codant pour plusieurs enzymes responsables de la stéroïdogenèse dont la testostérone est issue.

De plus, grâce aux travaux menés ex vivo et in vitro, des effets directs sur la production de testostérone ont pu être mis en avant. L’ibuprofène s’avère inhiber une hormone produite par les cellules de Sertoli – l’inhibine B – qui est responsable de la régulation de l’hormone folliculo-stimulante (FSH).

En outre, la production d’hormone anti-mullérienne par les cellules de Sertoli est elle aussi inhibée, tant chez les volontaires exposés à l’ibuprofène, que dans les cultures de fragments de testicules humains.

Enfin, la production des prostaglandines testiculaires est bloquée par l’ibuprofène lors des tests menés ex vivo et in vitro.

Au total, cette étude démontre que la prise prolongée à des doses importantes d’ibuprofène (1200 mg/jour pendant 6 semaines) exerce chez les jeunes hommes des effets perturbateurs endocriniens sévères conduisant à un état appelé « hypogonadisme compensé ». Cet état habituellement rencontré chez environ 10% des hommes âgés, est généralement associé à des risques accrus pour la santé reproductive, comme pour la santé en général.

Pour Bernard Jégou, directeur de recherche à l’Inserm et directeur de la recherche de l’école des hautes études en santé publique, qui est le coordinateur de cette étude, ainsi que pour Christèle Desdoits-Lethimonier, ingénieure de recherche de l’université de Rennes 1, qui est co-première auteure, les conclusions de ce travail sont à prendre au sérieux :  » il existe des sous-populations d’hommes qui prennent de façon continue de l’ibuprofène, notamment  des hommes ne souffrant d’aucune maladie chronique comme des athlètes de haut niveau. Si cet état d’hypogonadisme compensé s’installe, le risque pour eux est d’accroître les risques déjà liés à ce médicament, mais aussi d’altérer leur condition physique (muscles et os), d’hypothéquer leur santé reproductive et même psychologique. »

[1]  Irset : Institut de recherche en santé environnement, santé et travail

[2] Albert O, Desdoits-Lethimonier C, Lesne L, Legrand A, Guille F, Bensalah K, Dejucq-Rainsford N, Jegou B (2013) Paracetamol, aspirin and indomethacin display endocrine disrupting properties in the adult human testis in vitro. Hum Reprod 28(7):1890–1898.

[3] http://presse.inserm.fr/attention-a-la-prise-dibuprofene-pendant-la-grossesse/27524/

Des puces pour modéliser et mieux comprendre la maladie de Huntington

©Inserm/Saudou, Frédéric

En combinant l’utilisation de neurones issus de souris modèles de la maladie de Huntington, une maladie neurologique d’origine génétique, et la technologie microfluidique, l’équipe de Frédéric Saudou, Directeur de Grenoble Institut des Neurosciences (GIN – Inserm/UGA) et responsable de l’équipe « Dynamiques intracellulaires et neurodégénérescence », en collaboration avec Benoit Charlot, de l’Institut d’électronique des systèmes (CNRS/Université de Montpellier), a reconstitué sur une puce le circuit neuronal atteint chez les patients. Cette étude qui a permis d’identifier un nouveau mécanisme pathogénique, a été publiée dans la revue Cell Reports le 2 janvier 2018.

La maladie de Huntington est une affection d’origine génétique qui touche en France environ 6 000 personnes, et concerne plus de 12 000 porteurs du gène muté, provisoirement indemnes de signes cliniques. Elle est caractérisée par des troubles cognitifs, psychiatriques et des mouvements incontrôlés.

Le gène HTT, responsable de la maladie, synthétise une protéine, la huntingtine, impliquée dans la régulation des dynamiques intracellulaires. À l’état normal, cette protéine contient des répétitions d’un acide aminé, la glutamine. Des répétitions qui peuvent devenir dangereuses : à partir d’un certain seuil (36 glutamines), la huntingtine est mutante et induit la maladie. Et plus les répétitions sont nombreuses, plus les symptômes apparaissent tôt.

Une des caractéristiques de la maladie est la dysfonction du circuit corticostriatal qui connecte deux régions du cerveau, le cortex et le striatum. Ces deux régions expriment la protéine mutante et dégénèrent dans la maladie de Huntington mais les mécanismes cellulaires impliqués sont encore mal compris. Jusqu’à présent, il était très difficile d’étudier les altérations du circuit avec une résolution subcellulaire.

Grace à l’approche microfluidique qui consiste à fabriquer dans un matériau biocompatible et transparent des chambres de culture et des canaux à l’échelle des cellules, les chercheurs ont pu contrôler la pousse et l’orientation des axones dans des canaux micrométriques pouvant atteindre jusqu’à 500 microns de longueur afin de reconstituer le circuit corticostriatal. Cette étude identifie ainsi les étapes critiques qui étaient altérées lorsque les neurones expriment la huntingtine mutante avec une résolution spatiotemporelle inédite. Cette étude montre le rôle fondamental du cortex dans la genèse des dysfonctions au niveau du circuit entier. En effet, grâce au système microfluidique, les chercheurs ont pu isoler les neurones du cortex et du striatum dans des compartiments identifiés afin de reconstituer des circuits hybrides contenant un cortex sain avec un striatum malade, et vice versa. L’équipe a ainsi montré que des neurones de cortex malade sont suffisants pour induire les dysfonctions du circuit alors même que les neurones du striatum sont sains. À l’inverse, des neurones corticaux sains sont capables de sauver les neurones du striatum malade.

Ces travaux permettent de mieux comprendre comment la huntingtine mutante induit la dysfonction et la mort sélective de ces deux régions du cerveau. Ces résultats devraient permettre de développer des stratégies thérapeutiques mieux adaptées pour les patients puisqu’elle identifie le cortex comme une cible d’importance pour empêcher la neurodégénerescence du striatum.

Ce modèle représente également une nouvelle approche pour tester et valider des molécules à intérêt thérapeutique.

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