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Un parasite qui se tortille pour envahir une cellule-hôte

Crédits: Inserm/Bougdour, Alexandre

Des chercheurs du CNRS, de l’Inserm et de l’Université Grenoble Alpes viennent de décrypter les mécanismes déployés par le parasite Toxoplasma gondii pour pénétrer dans les cellules de ses hôtes. À l’aide d’une imagerie quantitative à haute vitesse et haute résolution, ils ont identifié un mouvement singulier du parasite qui lui permet de fermer derrière lui la porte qu’il a créée pour rentrer dans la cellule-hôte et s’y nicher. Ces travaux, à l’interface de la biologie cellulaire, de la parasitologie et de la biophysique, sont publiés dans Cell Host & Microbes le 28 juin 2018.

La toxoplasmose est une infection répandue causée par un parasite, nommé Toxoplasma gondii, dont la multiplication au sein d’un hôte s’accompagne de dommages tissulaires irréversibles. La contamination humaine passe principalement par l’ingestion de viandes peu cuites ou par les fruits et légumes mal lavés. Après avoir infecté le système digestif, il gagne les tissus profonds du système nerveux, par exemple, y persiste quasi incognito et s’y développe.

Pour ce faire, T. gondii a mis en place une stratégie invasive ingénieuse. Les scientifiques de l’Institut pour l’avancée des biosciences (CNRS/Inserm/Université Grenoble Alpes) ont réussi à reconstituer les étapes de la pénétration du parasite dans une cellule-hôte. T.gondii injecte dans la membrane d’une cellule, un complexe de protéines formant une porte par laquelle il s’engouffre en quelques secondes. Il effectue enfin une rotation sur lui-même pour refermer la porte derrière lui. La force de rotation lui permet également de s’isoler dans une vacuole, une petite poche qui lui sert de nid où il continue à se développer aux dépens de son hôte.

Cette étude pionnière dans son domaine lève le voile sur une des étapes de l’invasion qui constituerait probablement l’un des premiers « signaux » pour Toxoplasma gondii, lui indiquant qu’il peut engager la phase intracellulaire de son cycle. L’équipe cherche maintenant à comprendre en détail les propriétés mécaniques de cette porte qui ouvre et ferme les membranes des cellules.

© Isabelle Tardieux

Le parasite, une fois rentré dans la cellule, effectue une rotation qui lui permet de refermer la porte qu’il avait ouverte. Ce mouvement l’isole également dans une vacuole, une poche où il va nicher pour continuer à se développer.

Science et art : l’Inserm vous invite à suivre ses partenariats et manifestations de l’été 2018

©Amelie Blanc, Robin Lopvet, Alexandre Kong A Siou

L’Inserm est de longue date un acteur volontaire de la médiation scientifique pour faire partager la science et les avancées de la recherche biomédicale au grand-public. Cet été 2018 sera riche en événements où science et art se rencontrent, puisque nos chercheurs Inserm participeront à des projets artistiques tels que La recherche de l’art #7 à Arles, avec Binôme à Avignon, et le festival Science in The City à Toulouse. Ainsi, à travers une exposition photographique, une pièce de théâtre, et des performances visuelles, l’Inserm vous présente son agenda scientifique et culturel de l’été.

 

L’Inserm et l’École nationale supérieure de la photographie présentent La recherche de l’art #7

Depuis 2011, les laboratoires de l’Inserm accueillent en résidence photographique de jeunes diplômés de l’École nationale supérieure de la photographie. La recherche de l’art mêle art et science pour proposer une vision détonante, inattendue, et toujours innovante. Ainsi, Philippe Rostagno chercheur au Centre Méditerranéen de Médecine Moléculaire (Nice) a accueilli Alexandre Kong A Siou ; Sophie Nunes Figueirado de l’Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (Paris) a accueilli Robin Lopvet ; Laurence Doumenc de l’Institut de Recherche en Santé Digestive (Toulouse) a accueilli Amélie Blanc.

Save the date : Le vernissage qui se déroule à Arles le 3 juillet à 16h30 en présence des photographes et des chercheurs de l’Inserm permettra ce regard croisé de l’objectif photographique et de la vie quotidienne des laboratoires. Une publication dédiée est éditée. Galerie du Haut – Ensp, 16 rue des Arènes à Arles du 2 juillet au 26 août.

 

L’Inserm et la compagnie de théâtre « les sens des mots » présentent la neuvième édition de binôme au Festival d’Avignon

Une rencontre unique entre un chercheur de l’Inserm et un auteur donne lieu à l’écriture d’une pièce de théâtre interprétée par trois comédiens. Cette création est mise en lecture par la compagnie « les sens des mots » et est accompagnée d’une création musicale originale. Le résultat, sensible, étonnant, souvent drôle, nous offre un regard inhabituel sur la science et ceux qui la font.

Save the date : Bobby et le garçon X-Fragile le 20 juillet à 17h30 dans la cour minérale de l’Université d’Avignon ; de Sonia Ristic d’après sa rencontre avec Barbara Bardoni, directrice de recherche Inserm en neurogénétique.

 

L’Inserm présent à Science in the City, un festival scientifique grand public dans le cadre d’ESOF 2018 à Toulouse

  • La délégation régionale de l’Inserm Occitanie Pyrénées est partenaire du projet La science en taille XX elles porté par l’association Femmes&Sciences et le CNRS Midi-Pyrénées dont l’objectif est de promouvoir les femmes scientifiques, de déconstruire les stéréotypes et de susciter des vocations scientifiques parmi les jeunes femmes. Une exposition de 12 portraits de femmes scientifiques, dont Emmanuelle Rial-Sebbag, directrice de recherche à l’Inserm, sera installée du 6 au 15 juillet dans les vitrines des Galeries Lafayette; un parcours, en partenariat avec l’Office du tourisme de Toulouse, à la recherche des femmes scientifiques qui ont marqué l’histoire et qui pourtant sont oubliées voire méconnues. Des rencontres avec des scientifiques du 7 au 9 juillet à l’Espace des diversités et laïcités avec une projection des films Inserm « Genre et santé, attention aux clichés ».
Save the date : du 6 au 15 juillet 2018.

 

  • hEARt, un parcours musical dans l’imaginaire du cœur créé par le compositeur Christophe Ruetsch, soutenu par l’Inserm avec la participation de Franck Lezoualc’h, directeur de recherche Inserm à l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires.
Save the date : du 10 au 15 juillet dans la Chapelle des Carmélites, entrée libre de 10h à 18h.

 

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Hypertension artérielle: une étude internationale démontre le bénéfice tensionnel de la dénervation rénale endovasculaire par ultrasons focalisés chez des patients ne recevant aucun médicament antihypertenseur

Après avoir rapporté les premiers résultats positifs de la dénervation rénale dans l’hypertension artérielle (HTA) résistante dans la revue The Lancet en 2015, l’équipe du Centre d’Excellence en Hypertension Artérielle et du CIC1418 APHP-Inserm conduites par le Pr Michel Azizi et celle du service de radiologie interventionnelle conduite par le Pr Marc Sapoval de l’hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP, ont obtenu de nouveaux résultats prometteurs chez des patients hypertendus ne recevant aucun traitement antihypertenseur dans le cadre d’une étude internationale. Ils apportent, pour la première fois, la preuve de la réduction de la pression artérielle après dénervation rénale par ultrasons focalisés dans cette indication. Les résultats de l’étude RADIANCE-SOLO, coordonnée par l’hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP, ont été présentés au congrès EuroPCR à Paris et lors du congrès de la Société Européenne d’HTA à Barcelone. Ils sont publiés dans la revue The Lancet. Ils ouvrent ainsi de nouvelles perspectives de traitement dans cette pathologie qui touche 30% de la population française en permettant d’envisager dans le futur une alternative au traitement médicamenteux pour certains patients.

La dénervation rénale par voie endovasculaire consiste à interrompre l’activité électrique des nerfs du système nerveux sympathique à destinée rénale en délivrant des ultrasons focalisés par l’intermédiaire d’un cathéter dans l’étude RADIANCE-SOLO ou en utilisant une autre technologie basée sur un courant électrique de faible intensité. Cette nouvelle piste thérapeutique a été développée initialement pour traiter l’HTA sévère et résistante à au moins 3 médicaments hypertenseurs.

Une étude internationale dirigée par le Pr Michel Azizi de l’Hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP – chef de service, Centre d’Excellence en Hypertension Artérielle et Coordonnateur CIC1418 APHP-Inserm – et de l’Université Paris-Descartes, et le Pr Laura Mauri (Université d’Harvard, Brigham and Women’s Hospital, Boston, USA) a été menée en collaboration avec une start-up américaine. Elle avait pour but d’évaluer de façon objective l’efficacité tensionnelle et la sécurité de la dénervation rénale par ultrasons contre une intervention fictive – appelée « sham »- pour la première fois chez des patients ne recevant aucun traitement médicamenteux pour leur HTA.

Au total, 146 patients ayant une HTA modérée ne prenant aucun médicament antihypertenseur ont été répartis par tirage sort entre le groupe traité par dénervation rénale ou le groupe « sham » limité à une artériographie diagnostique. 

Ni les patients ni l’équipe médicale assurant le suivi des patients ne connaissaient le groupe auquel ils avaient été assignés par le tirage au sort. L’intervention fictive ou « sham » avec maintien de l’insu de la randomisation des patients et des équipes médicales permet de s’affranchir de l’effet placebo en particulier dans l’HTA et a été approuvée par les autorités de santé et le comité de protection des personnes en France et dans le monde.

Après 2 mois de suivi sans addition de traitement antihypertenseur sauf en cas de nécessité de sécurité, les résultats de l’étude montrent que :

  • la pression systolique ambulatoire diurne a été réduite de façon significativement plus importante dans le groupe dénervation (-8,5 mmHg) que dans le groupe sham (-2,2 mmHg), soit une différence de 6,3 mmHg en faveur de la dénervation rénale.
  • plus de 66% des sujets traités par dénervation rénale ont eu une réduction de 5 mmHg ou plus de la pression artérielle systolique ambulatoire diurne, comparativement à 33% dans le groupe témoin.
  • 20% des patients traités par dénervation rénale avaient leur pression artérielle normalisée sans prendre aucun médicament antihypertenseur contre 3% dans le groupe témoin.
  • Aucun évènement indésirable grave n’a été observé.

(*mmHg : millimètre de mercure)

La dénervation rénale a donc un effet hypotenseur à moyen terme chez des patients ayant une HTA et ne recevant aucun médicament antihypertenseur.

En France, l’hypertension artérielle touche environ 30% de la population et peut conduire à des complications cardiovasculaires ou rénales graves, parfois mortelles. Malgré la disponibilité de nombreuses classes médicamenteuses différentes, l’HTA reste mal contrôlée chez plus de 45% des patients hypertendus en France[1] et dans le monde.

 « Le maintien à long terme de cette réduction tensionnelle après une procédure de dénervation rénale aurait des conséquences bénéfiques en termes de réduction des évènements cardiovasculaires et cérébrovasculaires chez les patients ayant une HTA.  Le suivi à 6, 12 et 36 mois est en cours et donnera des indications sur le maintien à distance de la baisse tensionnelle »  explique le Pr Michel Azizi, Hôpital Européen Georges Pompidou, AP-HP. 

Le programme de recherche RADIANCE-HTN se poursuit actuellement pour inclure des  patients ayant une HTA résistante qui est à plus haut risque de complications. Les patients pionniers et la communauté médicale, cherchent ensembles à ouvrir de nouvelles perspectives de simplification et de personnalisation du traitement de l’HTA en France et dans le monde, afin de contribuer à son meilleur contrôle et à en réduire les complications.

[1] étude épidémiologie ESTEBAN menée par Santé Publique France et à l’échelle mondiale l’étude May Measurement Month 2017

Quel impact de la pollution atmosphérique sur le placenta?

Crédits: AdobeStock

Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes regroupés au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences (Unité mixte de recherche 1209) ont analysé les conséquences des expositions environnementales in utero, grâce aux données recueillies à partir d’une cohorte de 668 femmes. L’exposition à la pollution atmosphérique est associée à des modifications épigénétiques au niveau du placenta, pouvant présenter un risque pour le fœtus. Ces résultats ont été publiés dans la revue Environment International le 21 Juin 2018.

L’exposition à la pollution atmosphérique pendant la grossesse, présente un risque pour la santé fœtale et pour l’enfant. Selon plusieurs études, l’exposition à la pollution atmosphérique est associée à des impacts délétères tels que la pré-éclampsie chez la femme enceinte (hypertension associée à la présence de protéines dans les urines), un poids à la naissance diminué chez l’enfant et peut-être même un fonctionnement dégradé des poumons et des troubles neuro-développementaux. Les mécanismes expliquant un effet des polluants de l’air sur le développement du fœtus et de l’enfant pourraient passer par une altération du placenta.

Les chercheurs ont mené une étude basée sur 668 mères et leurs enfants de la cohorte EDEN. Les femmes enceintes ont été recrutées entre 2003 et 2006 dans les Centres hospitalo-universitaires de Nancy et de Poitiers. Les scientifiques ont pu observer que les mères les plus exposées au dioxyde d’azote (gaz issu des processus de combustions automobiles, industrielles et thermiques) pendant leur grossesse présentaient une modification épigénétique sur le gène ADORA2B. « Des défauts dans l’expression de ce gène ont été associés dans d’autres études à la pré-éclampsie, une maladie de la grossesse fréquente et grave si elle n’est pas prise en charge » explique Johanna Lepeule, chercheuse Inserm. Les niveaux d’exposition moyens dans la population étudiée étaient inférieurs à la limite annuelle fixée par la directive de l’Union européenne sur la qualité de l’air (40 mg/m3 pour le dioxyde d’azote).

Les résultats de cette étude confirment ainsi une partie de l’hypothèse selon laquelle les expositions prénatales aux polluants de l’air, à des niveaux communément retrouvés en Europe et en France, pourraient avoir des effets néfastes sur la santé de la femme enceinte et de l’enfant à naître.

C’est la première étude concernant les polluants atmosphériques qui aborde la question en se basant sur l’analyse de données épigénétiques à grande échelle (sur plus de 400 000 localisations épigénétiques). Les études précédentes se concentraient sur des gènes particuliers.

Ce projet de recherche a été financé par la Fondation de France et par des institutions publiques.

Cinq ans après un diagnostic de cancer la qualité de vie et la situation en emploi restent fortement dégradés

Adobestock

Plus de 3 millions de personnes en France vivent aujourd’hui avec un cancer ou en ont guéri.
Si le nombre de nouveaux cas diagnostiqués chaque année augmente, les progrès réalisés dans le diagnostic et les traitements ont permis de faire reculer la mortalité par cancer. La maladie demeure une épreuve difficile pour les personnes touchées, tant au plan physique que psychologique. Elle est aussi synonyme de ruptures dans la vie sociale et professionnelle.
Afin d’étudier l’impact dans le temps de la maladie sur le quotidien des personnes atteintes de cancer, l’Institut national du cancer a souhaité prolonger l’enquête sur la vie deux ans après un diagnostic de cancer (VICAN2) menée en 2012. Réalisée par l’Inserm[1], cette étude explore, cinq ans après un diagnostic de cancer, l’état de santé, les séquelles et le suivi, les difficultés rencontrées au quotidien mais aussi l’impact de la maladie et des traitements sur les ressources et l’emploi. Ses résultats seront discutés lors d’un colloque
le 20 juin à Paris.

 

L’Étude « La vie cinq ans après un diagnostic de cancer – VICAN5 »

Riches d’enseignements sur l’évolution des effets secondaires mais également sur la répercussion de la maladie sur la vie personnelle et professionnelle des personnes atteintes d’un cancer, les résultats permettent de guider l’action des pouvoirs publics et de l’ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre les cancers.

Aussi, certains de ces résultats confortent les actions mises en place par l’Institut national du cancer et les pouvoirs publics (le panier des soins de support, les actions en prévention tertiaire telles que  le remboursement des patchs nicotiniques ou la prescription de l’activité physique, le droit à l’oubli ou encore le retour et le maintien dans l’emploi dans le cadre du club des entreprises). D’autres permettent d’envisager les actions à mener pour renforcer les dispositifs actuels ou d’en mettre en œuvre de nouveaux pour orienter au mieux l’accompagnement des personnes malades et de leurs proches. En effet, des disparités selon le pronostic, la localisation ou encore le statut des personnes malades permettent d’envisager des actions plus ciblées notamment pour les cancers dont les progrès des thérapeutiques restent faibles. Réaffirmée dans le Plan cancer 2014-2019, la continuité et la qualité de vie préservée malgré la maladie est une ambition partagée par l’ensemble des acteurs de la lutte contre le cancer.

 

Les principaux résultats de l’enquête VICAN5

Une persistance de l’impact du cancer sur la qualité de vie physique

Les personnes malades rapportent, à 44,4 %, une qualité de vie physique dégradée par rapport à la population générale. Ce pourcentage est similaire à celui observé lors de la première enquête.
Si le cancer du poumon a les conséquences les plus négatives en termes de qualité de vie physique, on observe une baisse de la dégradation par rapport à la situation antérieure. Il en est de même pour le cancer du sein. Pour les autres localisations, la situation reste stable.

L’amélioration observée pour le cancer du poumon reste cependant à nuancer ; en effet, il s’agit de la localisation dont le taux de décès est le plus élevé entre les deux enquêtes. Les résultats ne sont donc pas superposables.

 

La fatigue : symptôme le plus fréquemment spontanément rapporté mais qui s’améliore en fonction des localisations

Cinq ans après le diagnostic, 48,7 % des personnes décrivent la fatigue comme un symptôme cliniquement significatif. La prévalence est plus importante chez les femmes et varie en fonction des localisations.

Par ailleurs, les niveaux de fatigue demeurent significativement plus importants chez les femmes et les personnes jeunes. Enfin, les personnes en situation de précarité rapportent des niveaux de fatigue plus élevés soulignant ainsi le poids des inégalités quant à son vécu.Les résultats montrent une baisse significative de la prévalence de la fatigue pour le cancer du poumon et dans une moindre mesure pour le cancer de la thyroïde, localisations pour lesquelles la prévalence de la fatigue était la plus élevée à deux ans (de 70,9 % à 2 ans à 59,4 % à 5 ans et de 66 % à 2 ans à 55,8 % à 5 ans respectivement).Au-delà des différences hommes-femmes, les personnes les plus vulnérables par rapport à la fatigue sont les plus jeunes, et celles en situation de précarité financière. Ce dernier point souligne le poids toujours aussi important des inégalités sociales dans le vécu de l’après-cancer.

 

Une diminution des ressources liée en majorité à la diminution du temps de travail

Plus d’un quart des personnes diagnostiquées en 2010 ont connu une diminution de leurs revenus disponibles cinq ans après le diagnostic. Les personnes ayant connu une telle diminution présentent les profils les plus vulnérables sur le marché du travail (femmes, personnes avec niveau d’étude inférieur au baccalauréat, travailleurs indépendants), vivent fréquemment seules et déclarent vivre avec des séquelles liées à la maladie et/ou à son traitement.

La réduction du temps de travail est la principale cause d’une baisse des revenus professionnels.

Fortement associée à des caractéristiques de la maladie telles que le pronostic du cancer, le fait d’avoir été traité par chimiothérapie et éprouver de la fatigue en 2015, la réduction du nombre d’heures travaillées constitue le levier le plus fréquemment utilisé lors de la reprise de l’activité professionnelle afin de tenir compte de la capacité physique réduite, à cause notamment des séquelles de la maladie et des traitements.

L’enquête VICAN5 permet également de réaliser un suivi à deux puis cinq ans du diagnostic pour les personnes qui ont répondu aux deux questionnaires. L’analyse spécifique de ce groupe a montré que la baisse de revenus par personne intervient majoritairement à l’issue des deux premières années après le diagnostic ; pour 53,7 % cette diminution intervient au cours des trois années suivantes.

 

Une dégradation de la situation professionnelle au fil du temps

Cinq ans plus tard, un cancer a toujours un impact négatif sur la vie professionnelle des individus concernés, contrasté selon la réalité épidémiologique de la maladie et les caractéristiques professionnelles de l’emploi occupé initialement.

Aussi, la situation professionnelle des personnes ayant eu un cancer s’est détériorée, révélant globalement une accélération du phénomène de sortie d’emploi : baisse du taux d’emploi et hausse du chômage sont les premiers résultats de l’enquête VICAN5 concernant l’évolution de la situation professionnelle. Une hausse de la part d’inactifs en invalidité a également été constatée.

Parmi les personnes en emploi au moment du diagnostic du cancer, une sur cinq ne travaille pas cinq ans après.

En tenant compte du fait que les personnes en arrêt-maladie restent administrativement en situation d’emploi, ce résultat révèle une détérioration de la situation professionnelle plus importante que celle constatée lors de l’enquête VICAN2. Il semblerait ainsi que l’impact du cancer sur la vie professionnelle puisse survenir à moyen terme.

Comme dans la précédente enquête, les plus concernés par la perte d’emploi cinq ans après un diagnostic de cancer sont les travailleurs-exécutants, les salariés du secteur privé, les individus travaillant dans des TPE, les chefs d’entreprise et les personnes ayant connu un diagnostic de cancer du poumon, des vois aérodigestives supérieures ou un cancer colorectal.

Certains des résultats présentés ici doivent être interprétés avec précaution. La situation d’emploi présentée en fonction de différentes caractéristiques socioprofessionnelles permet de caractériser les groupes d’individus les plus concernés par une dégradation de la situation professionnelle cinq ans après un diagnostic de cancer, mais cela ne doit pas être interprété trop hâtivement en termes de causalité. Par exemple, si les individus touchés par un cancer du poumon sont plus affectés en termes de maintien en emploi, ceci peut provenir des caractéristiques de la maladie, mais également exprimer un argument d’épidémiologie sociale des cancers : les catégories socioprofessionnelles les plus concernées par ce type de maladie, comme les ouvriers, sont justement les plus vulnérables sur le marché du travail. 

 

L’aménagement des conditions de travail jugées satisfaisantes

L’aménagement du temps de travail est la mesure la plus fréquente pour les personnes en emploi au moment du diagnostic ; 62,7 % d’entre elles ont connu un aménagement de leurs conditions de travail au cours des cinq années suivantes et s’en déclarent majoritairement satisfaites. Les personnes qui ont bénéficié des aménagements sont les femmes, les personnes initialement à temps plein, les salariés du secteur public et les personnes à contrat à durée indéterminée.
Les indépendants ont moins recours à ces aménagements.    

 

La prévention tertiaire : suivi médical, habitudes de vie et de consommation

À cinq ans du diagnostic, 56,9 % des personnes ont un suivi spécifique en médecine générale de leur cancer. Toutefois, plus d’un tiers (33,1 %) déclare ne pas être suivie. Celles-ci se sentent d’ailleurs moins bien informées sur les symptômes auxquels elles sont susceptibles d’être confrontées.

Pendant et après un cancer, l’alimentation et l’activité physique jouent un rôle important dans plusieurs domaines tels que la prévention des risques de second cancer ainsi que l’amélioration du pronostic de la maladie et de la tolérance aux traitements. Pourtant, cinq ans après un diagnostic de cancer, 34,3 % des personnes déclarent ne pas avoir modifié leur pratique d’activité physique. De plus, 53 % des individus déclarent en faire moins ou avoir cessé complètement toute activité tandis que 12,7 % affirment en pratiquer davantage.

Les personnes rapportant une augmentation de leur activité physique sont plus jeunes et plus souvent des femmes tandis que celles ayant connu une diminution de leur activité physique conservent des séquelles, souffrent de troubles anxieux ou dépressifs, sont plus souvent des hommes et sont plus âgés. Trois individus sur cinq ayant réduit leur activité physique présentent un état de fatigue avéré.

Comme en population générale, parmi les personnes diagnostiquées d’un cancer il y a cinq ans, la prévalence tabagique décroît avec l’âge et concerne plus particulièrement les individus ayant un faible statut économique. Aussi, 39,8 % des personnes qui fumaient avant le diagnostic ont arrêté cinq ans après et 16,7 % fument du tabac le plus souvent quotidiennement. Par ailleurs, et contrairement à ce qui est observé en population générale, les femmes fument plus que les hommes.

 

[1] Équipe de recherche UMR 1252-SESSTIM de l’Inserm.

 

Méthode

L’enquête VICAN5 prolonge VICAN2, en interrogeant des personnes bénéficiaires de l’assurance maladie, résidant en France métropolitaine, pour lesquelles un diagnostic de cancer a été posé environ cinq ans avant le déroulement de l’enquête, et qui étaient âgées de 18 à 82 ans au moment du diagnostic. Douze localisations cancéreuses, dont les plus fréquentes, ont été privilégiées. Parallèlement à l’enquête téléphonique, des données issues du dossier médical et des informations sur la consommation de soins[1] ont été recueillies.
Au total, 4 174 personnes ont été interrogées, parmi lesquelles 2 009 individus ayant déjà participé à l’enquête VICAN2 auxquels s’ajoute un échantillon complémentaire de 2 165 personnes.

[1] Données extraites du Système national d’information inter-régime de l’assurance maladie (SNIIRAM).

 

Télécharger  la synthèse de l’étude « La vie cinq ans après un diagnostic de cancer »

Télécharger le rapport complet  de l’étude « La vie cinq ans après un diagnostic de cancer »

Fièvre jaune : nouvelle méthode pour tester l’innocuité du vaccin

Une tri-culture Minibrain. © Marie-Christine Cumont et Monique Lafon – Institut Pasteur.

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et de Sanofi Pasteur viennent de développer une nouvelle méthode alternative à l’expérimentation animale, qui permettra à terme de tester l’innocuité de vaccins comme celui contre la fièvre jaune. Cette démarche originale, repose sur la mise au point d’un dispositif in cellulo utilisant un modèle de culture 3D, le « BBB-Minibrain », pour évaluer l’innocuité de vaccins vivants à usage humain. Ce modèle a été développé par l’Institut Pasteur et une demande de brevet a été déposée par l’Institut Pasteur et l’Inserm. Il permet d’envisager une limitation du recours aux animaux dans le contrôle qualité, notamment pour les tests effectués par l’industrie pharmaceutique pour répondre aux demandes des autorités. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Biologicals en mai 2018, et en ligne le 24 mars.

Depuis plusieurs années et suite à la directive européenne 2010/63/EU1, la communauté scientifique cherche activement à réduire le recours à l’expérimentation animale. Néanmoins, cette volonté reste entravée, pour de nombreuses applications, par l’absence d’alternatives acceptées par les agences règlementaires. C’est en particulier le cas des tests règlementaires qui exigent, pour les vaccins vivants viraux comme le vaccin contre la fièvre jaune, de contrôler que les lots de semences utilisés pour produire les lots de vaccins mis sur le marché ne comportent pas un risque neurotoxique. Ces tests sont actuellement effectués chez l’animal en recherchant, dans le système nerveux central, l’apparition de signes cliniques évocateurs d’effets secondaires neurotoxiques.

Dans ce contexte, des chercheurs de l’Institut Pasteur ont mis au point en 2014 un modèle de culture 3D mimant l’interface sang-cerveau de l’homme, le « BBB-Minibrain ». Ce modèle, formé d’une barrière hémato-encéphalique (« bloodbrain barrier » – BBB) associée à une culture mixte de neurones, astrocytes et microglie (Minibrain), permet de détecter l’entrée des virus dans le cerveau au travers de la BBB, leur multiplication dans le Minibrain et l’apparition d’éventuels effets neurotoxiques. Il a fait l’objet de la demande de brevet WO2016038123.

Les chercheurs ont proposé d’éprouver la capacité du BBB-Minibrain à repérer et amplifier les rares particules mutantes neuro-invasives et neurovirulentes qui pourraient être présentes dans les lots de semences des vaccins viraux vivants. Pour cela, ils ont choisi d’utiliser deux souches vaccinales du virus de la fièvre jaune, dont la souche à partir de laquelle le vaccin est actuellement produit et qui est dénuée de neurotoxicité.

En collaboration avec les équipes de recherche de Sanofi Pasteur, ils ont démontré que le « BBB-Minibrain » permet d’identifier les rares particules virales qui, à partir des préparations vaccinales, ont acquis la propriété d’entrer dans le cerveau et de s’y multiplier. Ce test devrait donc permettre, à l’avenir, d’écarter les lots de semences qui contiennent des virus mutants capables de pénétrer dans le cerveau et de devenir neuro-virulents.

Comme l’explique Monique Lafon, auteure principale de l’étude et directrice du département de Virologie à l’Institut Pasteur, « le remplacement des tests sur animaux est un défi majeur posé à la recherche. Le modèle BBB-Minibrain est un outil ingénieux qui va nous permettre de mieux analyser les bases de la neurovirulence de ces virus qui colonisent le cerveau par la voie sanguine ».

Ce travail de recherche représente donc une première preuve de concept et de faisabilité de la mise au point d’un test substitutif dans le cadre de la mise en œuvre de la règle des 3Rs. Le travail de développement de ce test est en cours. A terme, l’objectif est que ce nouveau test puisse être validé par les autorités.

Le modèle « BBB-Minibrain » permet d’espérer le développement d’une méthode de remplacement pour la réalisation, par l’industrie pharmaceutique, de tests réglementaires sur les vaccins viraux vivants. Cette méthode vise ainsi à limiter l’utilisation d’animaux tout en assurant un suivi rigoureux des bénéfices et avancées scientifiques réalisés pour la santé humaine.

 

1 Cette directive a instauré la règle des 3Rs : les soins et l’utilisation d’animaux vivants à des fins scientifiques sont régis par des principes de Remplacement, de Réduction et de Raffinement établis sur le plan international.

Anaelle Da Costa est récipiendaire du prix Hub France R&D awards 2017 (November 2017), Sanofi Pasteur et du prix Global R&D awards 2017, we’R hope award, Innovative Post Doctoral Reasearch (May 2018), Sanofi Pasteur.

Syndromes d’hypercroissance : amélioration remarquable de l’état de santé de 19 patients

Crédits: C Kowalski/Université Paris-Descartes

Première médicale : Syndrome de CLOVES et syndromes d’hypercroissance : amélioration remarquable de l’état de santé de 19 patients enfants et adultes grâce à une nouvelle stratégie thérapeutique

Le Dr Guillaume Canaud de l’hôpital Necker-Enfants malades – AP-HP, l’Université Paris Descartes, l’Inserm (INEM l’Institut Necker Enfants Malades – Centre de médecine moléculaire) et son équipe viennent de démontrer l’efficacité d’un nouveau médicament, un inhibiteur spécifique appelé BYL719, dans une cohorte de 19 patients suivis à l’hôpital Necker-Enfants Malades – AP-HP et souffrant du syndrome de CLOVES (Congenital Lipomatous Overgrowth, Vascular Malformation, Epidermal Nævi) ou de troubles apparentés. Ce médicament est actuellement en cours d’essai thérapeutique en cancérologie (phase I/II). Aucun effet secondaire significatif n’a été constaté 18 mois après le début du traitement. Cette étude, publiée dans la revue Nature, représente un exemple de médecine de précision et démontre l’intérêt majeur de cette stratégie thérapeutique pour ces patients qui voient leur état de santé et leur qualité de vie s’améliorer de manière significative.

Les patients souffrant du syndrome de CLOVES (Congenital Lipomatous Overgrowth, Vascular Malformation, Epidermal Nævi) ou de troubles apparentés présentent des déformations majeures et des tuméfactions vasculaires dues à des mutations d’un gène, appelé PIK3CA. Ce gène régule la prolifération et la croissance des cellules. Lorsqu’il est trop activé il est responsable de croissance excessive des parties du corps touchées par la mutation. Ainsi la présentation clinique des patients est très variable en fonction du nombre de tissus affectés pouvant aller d’une macrodactylie (gros doigt isolé) à des formes très sévères touchant l’ensemble du corps telles que le syndrome de CLOVES.

Au cours des formes les plus graves, il existe des excroissances de tissu graisseux, des malformations vasculaires, une scoliose, des manifestations touchant le squelette comme un élargissement majeur des os ou encore des déformations d’organes tel que le cerveau ou les reins. Jusqu’à présent aucun traitement curatif n’était disponible pour ces patients dont le pronostic pouvait être engagé à court ou moyen terme et pour lesquels, les seules options thérapeutiques consistaient en des traitements symptomatiques, et pour les cas les plus graves, à subir des embolisations ou des chirurgies mutilantes pour préserver les organes ou les membres sains. Enfin, il est important de noter que ces syndromes sont fréquemment associés à des douleurs chroniques et ont un retentissement majeur sur la qualité de vie des patients et leur vie sociale.

Le gène PIK3CA est fréquemment muté dans un certain nombre de cancers (sein et colon notamment) et constitue une cible thérapeutique pour l’industrie pharmaceutique. Les mutations de PIK3CA dans les cancers sont les mêmes que celles retrouvées chez les patients atteints de syndrome de CLOVES et troubles apparentés.

Fin 2015, le Dr Guillaume Canaud, spécialiste de cette voie moléculaire, a été confronté à un patient de 29 ans porteur d’un syndrome de CLOVES très évolué avec un pronostic engagé pour lequel plus aucune chirurgie ou embolisation radiologique ne pouvait être proposée. le Dr Guillaume Canaud s’est alors rapproché du laboratoire Novartis qui travaille au développement en cancérologie d’un inhibiteur spécifique du gène PIK3CA appelé BYL719. Ce médicament est actuellement en cours d’essai thérapeutique en oncologie (phase I/II).

En janvier 2016, après avoir obtenu l’autorisation de l’ANSM d’utiliser ce médicament expérimental, le Dr Guillaume Canaud a démarré le traitement chez ce premier patient. Très rapidement, un effet positif a été observé sur l’ensemble des symptômes. Il a notamment été constaté une diminution importante des masses vasculaires et des excroissances dont le patient souffrait mais aussi une amélioration majeure de sa qualité de vie. Dix-huit mois plus tard, ce premier patient n’a présenté qu’un seul effet secondaire, une hyperglycémie, bien contrôlée par un simple régime alimentaire.

 

En parallèle, afin de mieux comprendre cette pathologie et le mode de fonctionnement du médicament, le Dr Canaud a créé avec son équipe de recherche au sein de l’INEM-Unité Inserm U1151), le premier modèle de souris (modèle murin) au monde regroupant l’ensemble des lésions dont souffrent les patients. Les souris ont été traitées avec le médicament BYL719 et là encore une amélioration majeure et rapide de leur état a pu être constatée.

Fort de ces résultats, le Dr Canaud a rapidement constitué en juin 2016, un groupe de travail réunissant une dizaine de spécialités médicales et chirurgicales prenant en charge les patients atteints de syndrome de CLOVES ou apparentés au sein de l’hôpital Necker – Enfants malades – AP-HP. L’idée de ce groupe était de mieux prendre en charge ces patients.

Au cours de l’été 2016, une enfant de 9 ans atteinte d’une forme sévère du syndrome de CLOVES avec une tuméfaction vasculaire menaçant sa vie et pour laquelle un acte chirurgical ou d’embolisation n’était pas possible, a bénéficié de ce traitement expérimental. De nouveau, le BYL719 a eu un effet spectaculaire sur l’ensemble des symptômes, déformations et sur la tuméfaction vasculaire. Il est important de noter qu’aucun effet secondaire n’a été constaté chez ce premier enfant, le premier dans le monde à recevoir ce traitement, et que sa croissance n’a pas été affectée au cours des 12 mois du suivi.

En février 2017, 17 nouveaux patients (14 enfants et 3 adultes âgés de 4 ans à 50 ans) suivis à l’hôpital, et pour lesquels le pronostic était engagé ou une chirurgie mutilante programmée, ont bénéficié, grâce à une autorisation de l’ANSM, du traitement par BYL719 fourni par Novartis. Dès les premiers jours après initiation du traitement, tous les patients ont présenté une amélioration spectaculaire de leur état général et notamment une réduction rapide de la taille des tumeurs vasculaires, des dilatations veineuses, de l’aspect cutané ou du volume anormal des membres ainsi qu’une diminution de la fatigue et une meilleure résistance à l’effort. Par ailleurs, tous les patients ont connu une amélioration de leur scoliose. Ils ont ainsi pu selon les cas reprendre une activité physique, arrêter les traitements à base de morphine, retourner à l’école, …

Après six mois de traitement, ces 17 patients sont encore en vie et aucune intervention chirurgicale n’a été effectuée. Des effets secondaires mineurs, tels que des aphtes, ont été observés chez trois d’entre eux.

Les 19 patients continuent de recevoir quotidiennement le BYL719.

Patients à j 0 et à j + 180 – © Dr Canaud, AP-HP

Cette étude, dont le protocole a été approuvé par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM), démontre l’efficacité de cette approche thérapeutique.

Pour le Dr Canaud, « ce traitement va radicalement changer le devenir des patients porteurs de syndromes d’hypercroissance associés à une mutation de PIK3CA. Le médicament a permis d’obtenir des résultats dépassant nos espérances avec des régressions de malformations, pourtant présentes depuis de nombreuses années, mais aussi une amélioration de la qualité de vie des patients et de leur entourage. Le BYL719 représente ainsi un formidable espoir thérapeutique même pour des formes très sévères. Enfin, notre étude démontre l’intérêt de mettre au point des traitements ciblés dans les maladies génétiques pour développer une médecine dite de précision, mais également la nécessité d’une très forte interaction entre cliniciens et chercheurs pour faire avancer la connaissance et le développement de nouveaux médicaments. »

Ces travaux ont fait l’objet du dépôt d’une demande de brevet par Inserm Transfert au nom de l’AP-HP, de l’Université Paris Descartes et de l’Inserm.

L’influence du microbiote intestinal sur le métabolisme du tryptophane et sur notre santé

Crédits: Fotolia

De nombreux composés sont impliqués dans les interactions complexes qui existent entre notre organisme et son microbiote. Parmi eux : le tryptophane qui est un acide aminé essentiel. Le 13 juin 2018, dans la revue Cell Host and Microbe, une équipe menée par l’Inra, l’AP-HP, Sorbonne Université et l’Inserm dresse un état des connaissances scientifiques sur le rôle central du tryptophane dans le dialogue avec notre microbiote intestinal. L’ensemble de ces données laissent entrevoir des pistes de recherche et de futures applications thérapeutiques, notamment dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin.

En 2016, une équipe menée par l’Inra, l’AP-HP, l’Inserm et Sorbonne Université a étudié le rôle du gène CARD9, dans la susceptibilité aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI)[1]. Sans ce gène, les souris sont plus sensibles à l’inflammation intestinale et leur microbiote intestinal n’utilise pas efficacement le tryptophane, un acide aminé essentiel (provenant uniquement de notre alimentation) dont les métabolites sont notamment impliqués dans les voies de l’immunité. Plus encore, les chercheurs ont également montré que le transfert de microbiote de souris sans CARD9 à des souris génétiquement normales transmettaient également cette susceptibilité à l’inflammation intestinale. Comment le microbiote est-il capable de moduler la réponse immunitaire ? Quelles sont les relations entre génétique, immunité et bactéries intestinales ? Et plus spécifiquement, quel est le rôle du tryptophane dans le dialogue entre l’hôte et son microbiote?

Pour répondre à ces questions, la même équipe dresse aujourd’hui un état des lieux des dernières avancées scientifiques sur le rôle du tryptophane et de ses métabolites dans le dialogue avec le microbiote intestinal. Ils abordent notamment deux aspects dans leur synthèse : 1) les effets des dérivés du tryptophane produits directement par les bactéries du microbiote, et 2) le contrôle indirect sur le métabolisme du tryptophane de l’hôte par le microbiote intestinal. Les chercheurs décrivent et analysent les trois voies principales du métabolisme du tryptophane au niveau intestinal :

  • La voie AhR (pour hydrocarbures aromatiques) :

Le tryptophane est transformé par certaines bactéries du microbiote en dérivés indoles qui sont capables d’activer AhR, un récepteur présent sur des cellules immunitaires et sur des cellules épithéliales de l’intestin. En activant ce récepteur, les cellules immunitaires produisent notamment l’interleukine 22 qui a une action anti-inflammatoire et un rôle de protection de la muqueuse.

  • La voie de la sérotonine 

Ce neurotransmetteur est produit à partir du tryptophane et a des effets partout dans le corps. Il intervient dans différents processus biologiques et dans de nombreuses pathologies. Or, plus de 80% de la sérotonine de notre organisme est fabriquée dans l’intestin par des cellules spécialisées et sous l’influence du microbiote.

  • La voie IDO (Indoleamine 2,3-dioxygénase) :

A partir du tryptophane, la voie IDO conduit à la production notamment de la kynurénine mais aussi de nombreux autres métabolites qui sont impliqués dans des processus immunitaires, métaboliques et même neurologiques.

En décryptant l’équilibre complexe entre toutes ces voies métaboliques, ces travaux permettent de mieux comprendre la survenue des maladies intestinales et extra-intestinales. Ils mettent en évidence de nouvelles connexions entre microbiote et santé et ouvrent des perspectives pour de nouvelles thérapies.

[1] Lire le communiqué de presse « Génétique et microbiote intestinal contribuent ensemble aux MICI » : http://presse.inra.fr/Communiques-de-presse/Genetique-et-microbiote-intestinal-contribuent-ensemble-aux-MICI

L’hypertension artérielle à 50 ans augmenterait le risque de développer une démence

©JORGE LOPEZ on Unsplash 

Et si, selon l’âge à laquelle on la développe, l’hypertension artérielle avait des conséquences plus ou moins grandes sur le maintien de nos fonctions cognitives ? C’est ce que suggère l’étude d’une équipe Inserm en collaboration avec le Department of Epidemiology and Public Health du University College London qui suit, depuis 1985, l’évolution de la tension artérielle et la survenue de démences chez plus de 10 000 volontaires. Ces travaux parus dans European Heart Journal suggèrent qu’à 50 ans, une tension élevée mais toujours en-dessous du seuil de diagnostic de l’hypertension, pourrait être associée à une augmentation du risque de développer une démence plus tard dans la vie et ce, même pour les personnes ne présentant aucune autre pathologie cardio-vasculaire.

Bien qu’il existe déjà des études associant pression artérielle et risque accru de démence à un âge avancé, celles-ci portent sur les mesures de la pression artérielle chez une large catégorie de population dont l’âge varie de 35 à 68 ans et n’ont jamais été réalisées sur des tranches d’âge précises.

Des chercheurs de l’Inserm, en collaboration avec le  Department of Epidemiology and Public Health du University College London (UCL) ont entrepris avec l’étude Whitehall II, de suivre sur le long terme une population de 10 000 volontaires âgés de 35 à 55 ans au lancement de l’étude en 1985, afin d’étudier le lien entre âge, hypertension et démence. En 1985, 1991, 1997 et 2003, les chercheurs ont mesuré la pression sanguine des participants. Ces derniers ont été suivis jusqu’en 2017 afin de détecter la possible survenue d’une démence.

Parmi les participants, moins de 5% ont développé une démence en vieillissant avec un âge moyen de diagnostic d’environ 75 ans.

L’équipe de recherche a étudié deux types de pressions artérielles distincts : la pression artérielle systolique – mesurée lors de la phase de contraction du cœur permettant d’éjecter le sang dans les artères (systole) – et la pression artérielle diastolique – mesurée lors de la phase de relâchement du cœur qui lui permet de se remplir de sang (diastole).

Si la pression diastolique ne semble pas avoir d’impact sur le risque de développer une démence, les chercheurs ont en revanche observé que les quinquagénaires qui avaient une pression systolique égale ou supérieure à 130mmHg (selon la Société Européenne de cardiologie, la valeur seuil pour diagnostiquer une hypertension est de 140mmHg) avaient 45% de risque supplémentaire de développer une démence par rapport à ceux ayant une pression systolique plus basse au même âge. Aucune majoration de ce risque n’a été observée chez les personnes ayant une hypertension artérielle à 60 ou 70 ans.

Par ailleurs, le sur-risque associé à une pression artérielle supérieure à 130mmHg est constaté également chez les personnes n’ayant développé aucun problème cardio-vasculaire durant la période de suivi : leur risque était accru de 47% par rapport aux personnes sans problème cardio-vasculaires présentant une pression systolique inférieure à 130mmHg.

Selon Archana Singh-Manoux, directrice de recherche Inserm responsable du projet de recherche et professeur honoraire à l’UCL, ces analyses « suggèrent que l’impact de la pression artérielle sur la santé du cerveau est dépendant du temps d’exposition ; pour cette raison les personnes ayant une pression artérielle élevée dès 50 ans seraient plus susceptibles de développer une démence que celles qui développent une hypertension à 60 ou 70 ans ».

Ceci pourrait s’expliquer par le fait qu’une pression artérielle élevée est responsable de petits AVC qui, bien que souvent indétectables, sont dommageables pour le cerveau et peuvent entraîner à terme un déclin dans son fonctionnement.

« Dans cette étude, nous avons pu mettre en évidence différents schémas d’association selon les tranches d’âge étudiées », précise la première auteure de l’article Jessica Abell, post-doctorante à l’Inserm et  chercheuse associée à l’UCL qui ajoute que « ces résultats pourraient ainsi permettre de redéfinir les tranches d’âge à étudier pour évaluer l’impact de l’hypertension sur la santé ». Elle conclut : « Il est important d’insister sur le fait que ces résultats sont issus d’une étude observationnelle d’un échantillon de la population et ne peuvent être directement utilisés comme des outils prédictifs pour chaque individu. La définition de la valeur seuil optimale permettant de diagnostiquer l’hypertension est actuellement au cœur du débat ».

Pandoravirus : des virus géants qui inventent leurs propres gènes

Pandoravirus quercus, trouvé à Marseille. Coupe fine visualisée en microscopie électronique. Barre d’échelle : 100 nm. ©IGS- CNRS/AMU.

La famille de virus géants pandoravirus s’enrichit de trois nouveaux membres, isolés par des chercheurs du laboratoire Information génomique et structurale (CNRS/AixMarseille Université), associés au laboratoire Biologie à grande échelle (CEA/Inserm/Université GrenobleAlpes) et au CEA-Genoscope. Lors de sa découverte1, cette famille de virus avait étonné par son étrangeté – génomes géants, nombreux gènes sans équivalent connu. Dans Nature Communications le 11 juin 2018, les chercheurs proposent une explication : les pandoravirus seraient des fabriques à nouveaux gènes – et donc à nouvelles fonctions. De phénomènes de foire à innovateurs de l’évolution, les virus géants continuent de secouer les branches de l’arbre de la vie !

 

En 2013, la découverte de deux virus géants ne ressemblant à rien de connu brouillait la frontière entre monde viral et monde cellulaire[1]. Ces pandoravirus sont aussi grands que des bactéries et dotés de génomes plus complexes que ceux de certains organismes eucaryotes[2]. Mais leur étrangeté – une forme inédite d’amphore, un génome énorme[3] et atypique – posait aussi la question de leur origine. 

La même équipe a depuis isolé trois nouveaux membres de la famille à Marseille, Nouméa et Melbourne. Avec un autre virus trouvé en Allemagne, cela fait désormais six cas connus que l’équipe a comparés par différentes approches. Ces analyses montrent que, malgré une forme et un fonctionnement très similaires, ils ne partageant que la moitié de leurs gènes codant pour des protéines. Or, les membres d’une même famille ont généralement bien plus de gènes en commun…

De plus, ces nouveaux membres de la famille possèdent un grand nombre de gènes orphelins, c’est‐à‐dire codant pour des protéines sans équivalent dans le reste du monde vivant (c’était déjà le cas pour les deux premiers pandoravirus découverts). Cette caractéristique inexpliquée est au cœur de tous les débats sur l’origine des virus. Mais ce qui a le plus étonné les chercheurs, c’est que ces gènes orphelins sont différents d’un pandoravirus à l’autre, rendant de plus en plus improbable qu’ils aient été hérités d’un ancêtre commun à toute la famille !

Analysés par différentes méthodes bioinformatiques, ces gènes orphelins se sont révélés très semblables aux régions non‐codantes (ou intergéniques) du génome des pandoravirus. Face à ces constats, un seul scénario pourrait expliquer à la fois la taille gigantesque des génomes des pandoravirus, leur diversité et leur grande proportion de gènes orphelins : une grande partie des gènes de ces virus naîtrait spontanément et au hasard dans les régions intergéniques. Des gènes « apparaissent » donc à des endroits différents d’une souche à l’autre, ce qui explique leur caractère unique.  

Si elle est avérée, cette hypothèse révolutionnaire ferait des virus géants des artisans de la créativité génétique, qui est un élément central, mais encore mal expliqué, de toutes les conceptions de l’origine de la vie et de son évolution.

[1] Communiqué de presse du 18 juillet 2013 : http://www2.cnrs.fr/presse/communique/3173.htm 

[2] Organismes dont les cellules sont dotées de noyaux, contrairement aux deux autres règnes du vivant, les bactéries et les archées.

[3] Jusqu’à 2,7 millions de bases.

Voir aussi « Behind the paper: Giant pandoraviruses create their own genes » sur le blog natureecoevocommunity.nature.com 

Ces recherches ont bénéficié, entre autres, d’un financement de la Fondation Bettencourt Schueller à Chantal Abergel, lauréate 2014 du prix « Coup d’élan pour la recherche française ».

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