Menu

Résistance aux antidépresseurs : des neurones capables de s’autoréguler

Neurones de l’hippocampe d’une souris observés en microscopie confocale à fluorescence puis reconstruits en 2D. Crédits: Inserm/CNRS/IGMM/Loustalot,Fabien/Kremer,Eric

Pourquoi certains patients déprimés présentent-ils une résistance quasi-totale aux antidépresseurs les plus courants ? C’est sur cette question que se sont penchés des chercheurs de l’Inserm et de Sorbonne Université au sein de l’Institut du Fer à Moulin qui ont pu mettre en évidence le rôle majeur des neurones sécréteurs de sérotonine – la cible médicamenteuse privilégiée dans les dépressions – dans la régulation de leur propre activité. En cause, un récepteur à la sérotonine porté par ces neurones dont la déficience pourrait être déterminante dans l’absence de réponse aux antidépresseurs les plus prescrits. Ces travaux, parus dans la revue Neurospychopharmacology ouvrent la voie à une meilleure compréhension de l’implication de la sérotonine dans les maladies psychiatriques.

La sérotonine est un neurotransmetteur – une substance chimique produite par certains neurones pour en activer d’autres – impliqué dans de nombreuses maladies psychiatriques telles que la dépression, l’addiction, l’impulsivité ou la psychose. Elle est sécrétée par des neurones spécifiques appelés neurones sérotoninergiques.

La libération de sérotonine hors de la cellule neuronale permet d’activer des neurones possédant des récepteurs spécifiques à ce neurotransmetteur. Lorsque ces récepteurs détectent une quantité suffisante de sérotonine dans le milieu extracellulaire, ils envoient un message d’activation ou d’inhibition au neurone qui les exprime. Les neurones sérotoninergiques possèdent également plusieurs types de récepteur à la sérotonine, qu’on appelle alors autorécepteurs et qui leur permettent d’autoréguler leur activité.

Des chercheurs de l’Inserm et de Sorbonne Universités/UPMC au sein de l’Institut du Fer à Moulin (Inserm, UPMC),  se sont intéressés au rôle d’un des autorécepteurs des neurones sérotoninergiques appelé 5-HT2B, dans la régulation de leur activité, afin de mieux comprendre l’absence d’effet de certains traitements antidépresseurs.

En temps normal, lorsqu’un neurone sérotoninergique sécrète de la sérotonine dans le milieu extracellulaire, il va être capable d’en recapturer une partie qu’il pourra de nouveau relarguer a posteriori.  Ce mécanisme assuré par un transporteur spécifique lui permet de réguler la quantité de sérotonine présente dans le milieu extracellulaire. Le transporteur est la cible privilégiée des médicaments antidépresseurs utilisés pour traiter les pathologies psychiatriques impliquant la sérotonine. Ceux-ci sont appelés « inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine » (ISRS) car ils empêchent la recapture par le transporteur. Dans le contexte de la dépression où la sécrétion de la sérotonine est trop réduite, les ISRS permettent donc de conserver une concentration normale de sérotonine dans le milieu extracellulaire.

L’équipe de recherche est partie de l’observation que, chez la souris, lorsque le neurone sérotoninergique ne porte pas d’autorécepteur 5-HT2B, d’une part l’activité des neurones  sérotoninergiques est inférieure à la normale et d’autre part les molécules bloquant l’activité du transporteur comme les antidépresseurs ISRS sont sans effet sur la quantité extracellulaire de sérotonine. Les chercheurs ont ainsi montré que pour avoir un effet, ces molécules nécessitaient la présence et une expression normale du récepteur 5-HT2B à la sérotonine.

Ils ont également découvert que lorsqu’un neurone sécrète de la sérotonine, son autorécepteur 5-HT2B détecte la quantité présente dans le milieu extracellulaire et envoie un signal au neurone pour qu’il sécrète d’avantage de sérotonine. Pour éviter une sécrétion excessive de sérotonine, le neurone sérotoninergique possède un régulateur négatif : l’autorécepteur 5-HT1A qui détecte également la quantité de sérotonine extracellulaire et va envoyer un signal d’inhibition de la sécrétion au neurone sérotoninergique. Afin de conserver une activité neuronale normal, 5-HT2B permet de maintenir ainsi un certain niveau d’activité, en agissant comme un autorégulateur positif.

Ces résultats, à confirmer chez l’humain, mettent en évidence un mécanisme d’autorégulation fine des neurones sérotoninergiques avec une balance entre des autorécepteurs activateurs et des autorécepteurs inhibiteurs. Ils constituent une avancée dans l’identification de nouvelles cibles médicamenteuses,  dans la compréhension de l’implication de la sérotonine dans certaines pathologies psychiatriques et dans l’appréhension de l’inefficacité de certains traitements antidépresseurs.

Chez la souris, une exposition au chlordécone a des effets transgénérationnels sur la production de spermatozoïdes

souris blanches et noires

Une étude coordonnée par des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail à Rennes, montre que l’exposition de souris gestantes au chlordécone[1] entraine chez leur descendance mâle (3e génération) une diminution du nombre de cellules souches germinales (à l’origine des spermatozoïdes), une atteinte de leur différenciation et une diminution du nombre de spermatozoïdes matures. Ces travaux sont publiés dans la revue Scientific Reports

Lors du développement embryonnaire, l’exposition maternelle à certains facteurs environnementaux peut avoir un impact sur le fœtus à naître. L’exposition précoce à certains perturbateurs endocriniens est suspectée d’entrainer des effets sur la fonction de reproduction.  L’objectif de cette nouvelle étude était de tester chez l’animal, l’hypothèse de conséquences sur plusieurs générations, de l’exposition au cours de la gestation au chlordécone, un perturbateur endocrinien avéré.

Il est en effet bien établi que l’exposition au chlordécone à l’âge adulte et à des doses élevées induit chez l’animal de laboratoire ainsi que chez l’homme une atteinte de la production et de la qualité spermatique. Des études épidémiologiques précédemment conduites par l’Inserm aux Antilles, ont montré que les niveaux d’exposition environnementale au chlordécone, auxquels les populations sont confrontées actuellement, ne sont pas de nature à entrainer des modifications des caractéristiques du sperme, lorsque l’exposition intervient à l’âge adulte. Mais du fait de la capacité du chlordécone à traverser la barrière placentaire, la question d’un effet de cette substance lors d’une exposition cours de la vie intra-utérine restait sans réponse.

Pour apporter des éléments de réponse, des souris gestantes ont été exposées par voie orale à une dose journalière de chlordécone connue pour ne pas induire d’effets néfastes chez cette espèce (100 μg par kg de poids corporel). La période d’exposition choisie (du 6ème au 15ème jour embryonnaire) correspond à une fenêtre critique pour la transmission d’information épigénétique aux générations suivantes mais également de vulnérabilité pour le développement des cellules germinales.

Principaux résultats : l’exposition des femelles gestantes au chlordécone entraine à la troisième génération (première génération n’ayant pas été directement exposée) une diminution du nombre de cellules souches germinales ou spermatogonies, une atteinte de leur différenciation et une diminution du nombre de spermatozoïdes matures.  

En d’autres termes, explique Fatima Smagulova, chercheuse à l’Inserm, responsable scientifique de ce travail et d’une équipe ATIP/Avenir :  » l’ensemble de la lignée germinale chez le mâle est affecté soit de manière quantitative soit de manière qualitative et ce, après deux générations. »

Ces modifications apparaissent corrélées à des changements de localisation de certaines marques épigénétiques (notamment méthylation et acétylation des histones) situées au niveau des promoteurs de gènes codants pour des facteurs de transcription, dont certains sont régulées par ESR1 (connu également sous le nom de récepteur alpha aux œstrogènes).

Enfin, des modifications de l’expression de 377 gènes codant pour des protéines impliquées dans des fonctions cellulaires essentielles (ségrégation des chromosomes, division cellulaire, réparation de l’ADN) sont observées.

Cette recherche menée chez des rongeurs montre que l’exposition prénatale au chlordécone à de faibles doses entraine des effets transgenerationnels sur la production spermatique et suggère que les propriétés hormonales de la molécule pourraient être impliquées dans les mécanismes conduisant à ces effets. Les chercheurs ignorent cependant quelle pourrait être la portée effective de ces résultats sur la fertilité des hommes résidants aux Antilles ayant été exposés au chlordécone lors de leur vie prénatale.

[1] Le chlordécone est un insecticide organochloré employé aux Antilles de 1973 jusqu’en 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Sa présence persistante dans l’environnement est à l’origine de la contamination de diverses denrées alimentaires locales, végétales et animales, terrestres et aquatiques. La population, y compris les femmes enceintes, sont exposées comme l’ont montré des études d’imprégnation menées antérieurement par l’Inserm, l’exposition ayant lieu principalement aujourd’hui par la consommation d’aliments contaminés.

Quand une bactérie intestinale aggrave le syndrome métabolique et qu’un probiotique le soulage

©AdobeStock

Obésité, diabète et autres complications métaboliques sont autant de pathologies devenues aujourd’hui des questions de santé publique sans que l’on sache complétement en expliquer la prévalence. Une équipe de chercheurs de l’Inra, de Danone, de l’AP-HP, de l’Inserm et de Sorbonne Université vient de mettre en évidence, dans une étude préclinique in vivo, que les troubles métaboliques liés à un régime alimentaire riche en graisses sont aggravés par la prolifération d’une bactérie intestinale pro-inflammatoire, Bilophila wadsworthia qui contribue à détériorer la barrière intestinale. Ces effets sont atténués par une bactérie probiotique, Lactobacillus rhamnosus CNCM I-3690. Ces résultats ouvrent la voie au développement d’approches nutritionnelles et de probiotiques qui ciblent le microbiote. Ils sont publiés le 18 juillet 2018 dans la revue Nature Communications.  

Bilophila wadsworthia, son petit nom ne vous dit probablement rien. Il est vrai que, chez un individu sain, elle représente moins de 0,1 ‰ des bactéries du microbiote intestinal. En revanche, chez des individus dont le régime alimentaire est riche en graisses, elle est significativement plus abondante. Or, les modifications de la composition du microbiote sont couramment associées à des dysfonctionnements métaboliques sans pour autant que les mécanismes qui sous-tendent cette relation soient encore bien compris.

Dans le cadre d’une étude préclinique in vivo, des chercheurs de l’Inra, de Danone, de l’AP-HP, de l’Inserm, de Sorbonne Université et leurs collègues ont montré qu’un régime alimentaire riche en graisses crée des conditions propices à la prolifération de bactéries intestinales, telle B. wadsworthia. Cette multiplication s’accompagne d’une aggravation des différents paramètres qui caractérisent le syndrome métabolique (p. ex. l’altération de la tolérance glycémique, la diminution de la sensibilité à l’insuline ou l’augmentation des lipides sanguins et hépatiques). Elle est également associée à une inflammation intestinale et à un dysfonctionnement de la barrière intestinale ainsi qu’à des troubles du métabolisme des sels biliaires, favorables au développement de cette bactérie.

Les scientifiques ont ensuite exploré le potentiel thérapeutique d’une bactérie probiotique, Lactobacillus rhamnosus, révélant l’intérêt d’une souche spécifique, CNCM I-3690. Celle-ci limite la prolifération de B. wadsworthia, protège la barrière intestinale de ses effets pro-inflammatoires et améliore les paramètres de régulation du glucose.

Ces travaux mettent en lumière le rôle d’une bactérie intestinale, B. wadsworthia, dans l’aggravation des effets métaboliques d’un régime riche en graisses. Ces résultats, s’ils sont confirmés chez l’homme, ouvrent la voie à l’utilisation préventive et thérapeutique de souches probiotiques susceptibles de faire reculer le spectre de maladies inflammatoires et métaboliques, telles que le diabète et l’obésité, en rétablissant les fonctions assurées par un microbiote intestinal équilibré et en contribuant à améliorer la qualité des régimes alimentaires.

Obésité : combattre les effets délétères d’un foie trop gras grâce au microbiote

Détail d’une stéatose, accumulation d’une graisse, triglycéride, dans la cellule hépatique. Crédits: Inserm/Hadchouel, Michelle

Le microbiote continue jour après jour de livrer ses secrets. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Medicine, Rémy  Burcelin, directeur de recherche Inserm au sein de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (Inserm/UPS) avec des chercheurs de l’Imperial College de Londres, de l’hôpital de Girone et de l’Université Tor Vergata de Rome, montrent comment certaines bactéries intestinales provoquent l’accumulation de graisse dans le foie et jouent un rôle majeur dans la maladie dite du « foie gras » (stéatose hépatique). Ces travaux pourraient permettre à terme de disposer de biomarqueurs prédictifs de la maladie et de proposer des solutions thérapeutiques fondées sur des approches pharmacologiques et une nouvelle génération de probiotiques.

70 à 80 % des personnes souffrant d’obésité et de diabète possèdent un « foie gras ». L’accumulation de graisse dans cet organe conduit rapidement au développement d’une insuffisance hépatique avec pour conséquences un risque de développement de cancer et une capacité réduite à filtrer les toxines environnementales et alimentaires.

Aujourd’hui, il n’existe pas de médicament pour combattre ces altérations hépatiques. Les seules solutions résident dans un contrôle strict du régime alimentaire et, dans les cas les plus extrêmes, consistent à proposer une greffe de foie.

Face à cette impasse thérapeutique, un consortium européen (FLORINASH) réunissant des chercheurs français de l’Inserm, italiens et anglais, a décidé de créer puis de colliger les données issues de deux grandes cohortes de 800 hommes et femmes souffrant d’obésité, en séparant les groupes en fonction de la présence ou non d’un « foie gras ». Chez ces personnes, de nombreuses données médicales ont pu être collectées. Puis, dans un sous-groupe plus réduit de femmes obèses (environ une centaine) des analyses moléculaires ont pu être réalisées à partir de biopsies du foie, de prélèvements d’urine et de plasma et de la collection de selles.

Le but de cette nouvelle étude était de découvrir le chemin biologique par lequel l’insuffisance hépatique se déclarait, de révéler des marqueurs biologiques permettant de prédire le risque de développer la maladie chez les personnes obèses et de trouver des solutions thérapeutiques.

Des résultats antérieurs (publiés en 2007 et 2011) avaient permis d’expliquer le processus par lequel les bactéries de l’intestin (microbiote) devenaient délétères et entrainaient le diabète et l’obésité. Les chercheurs se sont donc posé la question de savoir si le microbiote pouvait, là encore, jouer un rôle dans la survenue des complications hépatiques du diabète et de l’obésité.

À partir des biopsies réalisées et des données cliniques des patientes, les chercheurs ont utilisé une approche de big data. Une immense base de données contenant tous les détails moléculaires de la composition du microbiote, des gènes du foie, des protéines plasmatiques et des protéines urinaires a été constituée. Puis, les chercheurs ont développé des algorithmes capables d’identifier un lien logique entre ces données.

En d’autres termes, explique Rémy Burcelin, directeur de recherche Inserm et coordinateur de ce travail :  » Nous voulions voir si nous pouvions identifier, étape par étape, depuis le microbiote, la succession de mécanismes responsables de la maladie hépatique. »

Grâce à ce travail à grande échelle (plus de 3 millions de gènes bactériens ont été passés au crible par les algorithmes), les chercheurs ont pu aboutir à deux constats. Premièrement, plus la maladie progresse, plus la diversité des gènes microbiens retrouvés diminue ; ce qui suggère une réduction de la composition du microbiote avant même que les premiers symptômes n’apparaissent. Deuxièmement, un des composés spécifiques du microbiote, l’acide phénylacétique, potentialise l’accumulation de graisses dans le foie.

Afin de prouver le lien de cause à effet, les chercheurs ont poursuivi leurs travaux chez l’animal et sur des cellules du foie humain. Pour cela, ils ont transféré chez des souris saines le microbiote de donneurs humains présentant une maladie du foie gras. Le taux de triglycérides a alors augmenté drastiquement dans le foie de ces souris. Ils ont également montré que l’acide phénylacétique administré aux souris déclenchait l’accumulation de graisses dans leur foie.

D’après l’équipe, il serait possible à terme, en manipulant des bactéries du microbiote, d’empêcher les complications hépatiques liées à l’obésité. L’idée est également de pouvoir aboutir au développement d’une nouvelle génération de probiotiques et à une stratégie pharmacologique interférant avec les mécanismes bactériens responsables de l’affection hépatique.

Maladies chroniques du foie: découverte du rôle des lymphocytes T invariants

Crédits: Inserm/Hadchouel, Michelle

En collaboration avec l’équipe «Inflammation et stress dans les maladies du foie» du Centre de Recherche sur l’Inflammation (UMR 1149-Inserm-Université Paris Diderot), des équipes des services d’hépatologie, d’anesthésie-réanimation et d’anatomo-pathologie de l’hôpital Beaujon AP-HP, de l’Université Paris Diderot et de l’Institut Cochin (UMR 1016,Inserm–Université Paris Descartes), ont démontré qu’une population particulière de lymphocytes T, appelée « MAIT », jouait un rôle majeur dans l’inflammation et la fibrose associées aux maladies chroniques du foie. Ces cellules pourraient ainsi représenter une stratégie antifibrogénique intéressante pour développer de nouvelles approches thérapeutiques des maladies chroniques du foie. Cette étude a fait le 1er juin 2018 l’objet d’une publication dans la revue Nature communications.

La cirrhose représente le dernier stade évolutif de la fibrose associée aux maladies chroniques du foie quelle que soit leur cause (principalement abus d’alcool, hépatites virales chroniques et stéatopathie métabolique en France). On estime qu’en France 200 000 à 500 000 individus sont atteints de cirrhose et que plus de 170 000 décès par an sont liés à cette maladie en Europe. A terme, la cirrhose aboutit à une insuffisance hépatique dont le seul traitement curatif est la transplantation hépatique. En effet, il n’existe à ce jour aucune molécule dont l’effet antifibrosant ait été validé en pratique clinique.

Les maladies chroniques du foie sont caractérisées par une inflammation persistante qui contribue à leur progression vers des stades plus sévères. Elles peuvent évoluer vers une fibrose du foie et une cirrhose, et alors nécessiter une transplantation de foie. Un traitement permettant une régulation de cette réponse inflammatoire pourrait constituer une approche anti-fibrogénique intéressante.

L’équipe du Dr Sophie Lotersztajn (centre de recherche sur l’inflammation Inserm-Université Paris Diderot), en collaboration avec les services d’anesthésie-réanimation (Dr Emmanuel Weiss), d’anatomo-pathologie (Pr Valérie Paradis) et d’hépatologie (Pr Pierre-Emmanuel Rautou) de l’hôpital Beaujon AP-HP et une équipe de l’Institut Cochin – Université Paris Descartes (Dr Agnès Lehuen) se sont intéressées au rôle des lymphocytes T invariants associés aux muqueuses (MAIT) dont la fonction commence juste à être décryptée.

Ces travaux  montrent qu’au cours de la cirrhose, les cellules MAIT du foie et du sang sont activées et qu’elles s’accumulent dans le foie au contact des cellules fibrogéniques dans les septa fibreux. Dans un modèle de souris enrichies en cellules MAIT, la fibrose est exacerbée.

A contrario, les souris déficientes en MAIT sont résistantes au processus fibrogène. Enfin, des études in vitro démontrent que les cellules MAIT interagissent avec les macrophages en augmentant leurs propriétés inflammatoires et avec les myofibrolastes hépatiques en stimulant leurs propriétés profibrogéniques.

Cette étude met donc en évidence le rôle des cellules MAIT dans l’inflammation et la fibrose associés aux maladies chroniques du foie et suggère que cibler ces cellules pourrait constituer une approche thérapeutique antifibrogénique innovante.

Un dépistage universel de l’hépatite C coût-efficace en France

Crédits: Inserm/Jammart, Baptiste

En France, environ 75 000 personnes seraient infectées par le virus de l’hépatite C sans en avoir connaissance. Les résultats d’une étude soutenue par l’ANRS et menée par Sylvie Deuffic-Burban, chargée de recherche à l’Inserm au sein de l’IAME « Infection, Antimicrobiens, Modélisation, Evolution » (Inserm – Université Paris Diderot – Université Paris 13) et son équipe, mettent en avant le coût-efficacité d’une stratégie de dépistage universel de l’hépatite C associée à un bénéfice sur l’espérance de vie des personnes infectées, par rapport à un dépistage ciblé. Ces résultats fondés sur une modélisation font l’objet d’une publication dans la revue Journal of Hepatology le 1er juillet 2018.

Actuellement, en Europe, les recommandations concernant le dépistage du virus de l’hépatite C (VHC) ciblent les personnes présentant un haut risque d’infection par le virus. En 2014, en France, selon les données de Santé Publique France, environ 75 000 personnes de 18 à 80 ans étaient infectées par le VHC sans en avoir connaissance. De plus, lorsque les patients sont diagnostiqués, ces derniers, le sont, au moins une fois sur dix à un stade avancé de la maladie, alors qu’une mise sous traitement rapide après la contamination permet de réduire la morbidité et la mortalité de manière significative. On dispose en effet aujourd’hui, vis-à-vis de l’infection par le VHC, de traitements à la fois très efficaces et bien tolérés, assurant en quelques semaines la guérison de l’infection dans plus de 95% des cas.

C’est dans ce cadre qu’au sein d’une équipe de recherche de l’Inserm dirigée par le Pr Yazdan Yazdanpanah, Sylvie Deuffic-Burban a mis au point un modèle mathématique permettant d’évaluer l’efficacité et le coût-efficacité de différentes stratégies de dépistage dont celle d’un dépistage universel.

Pour mener cette étude, les scientifiques se sont appuyés sur les données de l’enquête de séroprévalence menée en 2004 par l’InVS qu’ils ont appliquées à la population générale résidant en France, âgée de 18 à 80 ans, excluant les personnes atteintes d’une infection chronique par le VHC et déjà diagnostiquées. La combinaison de ces données de séroprévalence avec d’autres données issues d’études portant sur les caractéristiques des personnes infectées (âge, sexe, stade de la maladie lors du diagnostic, consommation d’alcool…), la progression naturelle de la maladie, la qualité de vie de patients traités et les coûts que représente la prise en charge de cette infection a permis aux chercheurs l’élaboration de leur modèle d’analyse. Les différentes stratégies de dépistage évaluées ciblaient les publics suivants : uniquement la population à risque, tous les hommes entre 18 et 59 ans, tous les individus entre 40 et 59 ans, tous les individus entre 40 et 80 ans, et enfin tous les individus entre 18 et 80 ans (dépistage universel).

Les résultats obtenus grâce cette modélisation ont permis de démontrer qu’un dépistage universel, est associé à la meilleure espérance de vie ajustée sur la qualité de vie, comparée aux autres stratégies. De plus, ce dépistage universel se révèle coût-efficace si les patients dépistés pour l’infection par le VHC sont pris en charge et traités rapidement après le diagnostic.

Selon Sylvie Deuffic-Burban, « Le dépistage permet, à titre individuel, une prise en charge rapide ce qui évite le développement de complications graves. Dans une perspective collective, il contribue à l’élimination, à terme, de l’hépatite C dans une population qui aurait été dépistée sans restrictions. »

Ainsi, les résultats de cette étude soutenue par l’ANRS plaident en faveur d’un dépistage universel du VHC en France, suivi d’une prise en charge et d’un traitement immédiat des personnes diagnostiquées.

« Notre modèle ne permet pas de le tester, mais les caractéristiques épidémiologiques qui rapprochent le VHC, le VIH et le VHB permettent de penser qu’un dépistage universel et combiné de ces trois virus pourrait être particulièrement intéressant. » conclut la chercheuse.

fermer