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La mémoire associative indirecte : un mécanisme cérébral identifié

Neurone d’hippocampe de souris à 7 jours de différenciation en culture. Crédits: Inserm/Peris, Leticia

Imaginez que vous mangez une belle pomme Granny sous un parasol rouge de la terrasse d’un jardin public. Le lendemain vous mangez une autre pomme Granny chez vous, dans votre cuisine mais juste après vous êtes malade. Et bien si vous retournez dans le jardin public, vous n’irez plus jamais sous le parasol rouge.  Il n’y a – a priori – aucune relation entre le parasol et le fait d’avoir été malade … et pourtant si ! Il s’agit du processus de mémoire associative indirecte et les chercheurs de l’Inra et de l’Inserm viennent d’en révéler le mécanisme cérébral majeur. Leurs résultats, publiés le 30 août 2018 dans la revue Neuron, révèlent que les récepteurs cannabinoïdes de l’hippocampe jouent un rôle essentiel pour la mémorisation de ces associations.

Les mémoires associatives directes, qui impliquent un couplage précis entre une information et des conséquences positives ou négatives, influencent nos choix futurs. Cependant, nos comportements sont le plus souvent guidés par des mémoires associatives indirectes, basées au départ sur des associations entre différentes informations à priori sans conséquence. Ceci explique que nous sommes souvent repoussés, ou attirés, par des objets, des endroits ou des personnes qui n’ont jamais été directement associés à des situations aversives, ou attractives, mais que l’on a préalablement rencontrés en présence d’autres informations qui elles ont ensuite acquis une signification aversive, ou positive. C’est le cas dans l’exemple de la pomme et du parasol rouge !

Les récepteurs, les neurones et la structure cérébrale impliqués dans la mémoire associative indirecte sont aujourd’hui identifiés

Si les bases neurobiologiques des apprentissages associatifs directs font l’objet d’intenses recherches, celles des apprentissages indirects restent assez méconnues. Les chercheurs de l’Inra et de l’Inserm ont tout d’abord mis en évidence au laboratoire des modèles comportementaux d’apprentissages associatifs indirects sur des souris. Ils ont pour cela présenté une odeur (de banane ou d’amande) et un goût (sucré ou salé), de façon répétée et simultanée, sans conséquence particulière pour l’animal; dans un deuxième temps, ils ont associé le goût à un malaise gastrique (similaire à une intoxication alimentaire) ; enfin, en présentant l’odeur initialement associée à ce goût, les chercheurs ont noté l’évitement spécifique de cette odeur traduisant un transfert de la valeur aversive entre le goût et l’odeur.

Les chercheurs ont montré des résultats similaires avec une lumière et un son et le transfert entre ces sensorialités, non pas d’une valeur aversive, mais d’une valeur attractive (par l’octroi d’une récompense), généralisant ainsi ce phénomène. Les scientifiques ont alors précisé le mécanisme en jeu : ce processus de mémoire associative indirecte (entre une odeur et un goût ou entre une lumière et un son) implique l’hippocampe et un système neuromodulateur majeur au sein de cette structure cérébrale, le système endocannabinoïde. Plus spécifiquement, cette forme particulière d’apprentissage associatif fait intervenir les récepteurs cannabinoïdes CB1 de l’hippocampe présents au niveau de certains neurones : les neurones GABA.

Ces résultats inédits vont conduire les chercheurs à évaluer si ces récepteurs CB1 pourraient également intervenir dans d’autres structures cérébrales lors de ces apprentissages associatifs indirects. Cela pourrait également ouvrir des pistes sur la compréhension de certaines pathologies (schizophrénie ou états psychotiques) dans lesquels cette mémoire associative est altérée.

Un nouveau réseau cérébral relié à la douleur chronique dans la maladie de Parkinson

©Inserm/U746, 2011. Stuctures cérébrales profondes en 3D des hémisphères droit et gauche du cerveau. en vert et en rouge, les deux noyaux sous-thalamiques. 

Des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Grenoble Alpes ont révélé un nouveau réseau cérébral qui relie la douleur ressentie dans la maladie de Parkinson à une région spécifique du cerveau. Ces travaux, parus dans la revue eLife, révèlent qu’un sous-ensemble de neurones situé dans une partie du cerveau appelée noyau sous-thalamique serait une cible potentielle pour soulager la douleur dans la maladie de Parkinson, ainsi que dans d’autres maladies comme la démence, la sclérose latérale amyotrophique, la maladie de Huntington, et certaines formes de migraine.                                                     

Les personnes atteintes de la maladie de Parkinson font souvent état de douleurs inexpliquées telles que des sensations de brûlure, de coup de poignard, de démangeaisons ou de fourmillements, qui ne sont pas directement liées aux autres symptômes de la maladie. Le traitement par stimulation cérébrale profonde du noyau sous-thalamique peut aider à réduire les symptômes liés aux mouvements dans la maladie de Parkinson. Des études récentes ont cependant montré que ce traitement atténue également la douleur, mais sans pouvoir à ce jour mettre en lumière les mécanismes impliqués. C’est sur cette question que se sont penchés des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Grenoble Alpes au sein de l’Unité 1216 Grenoble Institut des neurosciences.

« Dans cette étude, nous avons cherché à déterminer si le noyau sous-thalamique intervient dans la traduction d’un stimulus nuisible (par exemple une lésion) en douleur, et si cette transmission de l’information est altérée dans la maladie de Parkinson, » explique Arnaud Pautrat, doctorant à l’université Grenoble-Alpes et chercheur principal de l’étude.

L’équipe a commencé par utiliser l’électrophysiologie pour mesurer le déclenchement de signaux électriques dans les cellules nerveuses du noyau sous-thalamique de rats recevant un choc dans la patte postérieure. Les cellules nerveuses apparaissaient temporairement activées par cette stimulation. Les chercheurs ont également découvert que les neurones se divisaient en trois catégories de réponses par rapport à la vitesse de déclenchement de base : une hausse, une baisse ou un maintien de la vitesse.

L’équipe a ensuite cherché à savoir si ces réponses provoquaient une modification de la fonction cérébrale. Les rats au noyau sous-thalamique endommagé ont mis beaucoup plus de temps pour montrer des signes d’inconfort que les rats sains. Lorsqu’ils ont élargi leur étude au modèle du rat dans la maladie de Parkinson, les chercheurs ont découvert que les cellules nerveuses du noyau sous-thalamique présentaient des vitesses de déclenchement plus élevées et que les réponses à la douleur étaient plus importantes et plus longues que chez les animaux sains. L’ensemble de ces résultats suggère que la douleur associée à la maladie de Parkinson serait due à un dysfonctionnement des voies du traitement de la douleur dans le noyau sous-thalamique.

Pour comprendre d’où proviennent les signaux de la douleur envoyés au noyau sous-thalamique, l’équipe s’est intéressée à deux structures cérébrales connues pour leur importance dans la transmission de signaux de lésions depuis la moelle épinière : le colliculus supérieur et le noyau parabrachial. En bloquant leur activité, les chercheurs ont observé que ces deux structures jouaient un rôle déterminant dans la transmission des informations de la douleur au noyau sous-thalamique, et qu’une voie de communication directe existe entre le noyau parabrachial et le noyau sous-thalamique. Dans le cas de la maladie de Parkinson, cette voie de communication pourrait donc intervenir dans les effets bénéfiques sur la douleur de la stimulation cérébrale. Ces nouvelles données pourraient aider à orienter la stimulation sur des parties spécifiques du cerveau pour augmenter l’efficacité de ses effets antalgiques.

« Les résultats que nous avons obtenus mettent en évidence que le noyau sous-thalamique est relié de manière fonctionnelle à un réseau de traitement de la douleur et que ces réponses sont affectées dans le syndrome parkinsonien, » conclut Véronique Coizet, chercheuse Inserm et directrice de l’étude. « Il faut maintenant effectuer d’autres expériences pour caractériser précisément les effets, qui ont été observés avec nos modèles expérimentaux, de la stimulation cérébrale profonde sur cette région du cerveau, afin de trouver les moyens d’optimiser cette stimulation en tant que traitement de la douleur induite par la maladie de Parkinson et par d’autres maladies neurologiques. »

Une intelligence artificielle permet de prédire la réponse thérapeutique des patients atteints d’un cancer du rectum avancé traités par radiochimiothérapie pré-opératoire

Cancer colorectal humain et les cellules immunitaires. Crédits: Inserm/Galon, Jérôme

Les équipes de cancérologie digestive des Hôpitaux européen Georges-Pompidou, Cochin et Ambroise-Paré AP-HP, et du laboratoire « Sciences de l’information et médecine personnalisée » de l’Unité 1138 Centre de recherche des Cordeliers de l’INSERM et de l’Université Paris-Descartes, ont élaboré un système d’intelligence artificielle permettant de prédire la réponse thérapeutique à une radiochimiothérapie pré-opératoire chez des patients suivis pour un cancer du rectum. Ces travaux, coordonnés par le Dr Jean-Emmanuel Bibault du service d’oncologie radiothérapie de l’Hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP, permettraient de proposer un traitement conservateur plutôt qu’une ablation totale du rectum aux patients en réponse thérapeutique complète.

Ces résultats contribuent ainsi à l’élaboration d’une prise en charge plus personnalisée en cancérologie. Ils ont fait l’objet d’une publication le 22 août 2018 dans la revue Scientific Reports (revue du groupe Nature).  

Le traitement standard du cancer du rectum localement avancé comprend une radiochimiothérapie pré-opératoire, suivi d’une chirurgie d’exérèse (ablation) complète du rectum. Environ un quart des patients sont en réponse complète après la radiochimiothérapie : ils pourraient éviter une chirurgie radicale et bénéficier plutôt d’un traitement conservateur (surveillance ou résection endoscopique) entraînant moins de séquelles. Toutefois, la seule manière de savoir si ces patients répondent parfaitement à la radiochimiothérapie reste actuellement l’opération avec ablation de l’ensemble du rectum.

Cette étude, pilotée par le Dr Jean-Emmanuel Bibault, du service d’oncologie radiothérapie de l’Hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP, le Pr Philippe Giraud, du service de radiothérapie de l’HEGP, et le Pr Anita Burgun, chef du laboratoire « Sciences de l’information et médecine personnalisée » de l’Unité 1138 Centre de recherche des Cordeliers de l’INSERM et de l’Université Paris-Descartes, avait donc pour objectif de mettre au point un dispositif d’intelligence artificielle qui prédirait à l’avance les patients ayant une réponse complète à la radiochimiothérapie pré-opératoire, afin de leur éviter l’opération.

Les équipes se sont appuyées sur les données cliniques de patients et sur les images de scanners de radiothérapie. Ils ont ensuite utilisé une méthode d’intelligence artificielle de type « Deep learning » (ou « réseau neuronal profond ») qui a été paramétrée pour identifier les patients en réponse complète au traitement. Le « Deep learning » fait partie des méthodes d’apprentissage automatique qui modélisent avec un haut niveau d’abstraction des données.

L’algorithme mis au point a ensuite été évalué sur les données des patients déjà pris en charge à l’hôpital européen Georges-Pompidou, à l’hôpital Cochin et à l’hôpital Ambroise-Paré AP-HP. Il s’est montré précis dans 80% des cas analysés. 22 des 95 patients inclus dans l’étude avaient une réponse complète à la radiochimiothérapie pré-opératoire.

Cette étude montre ainsi que les algorithmes d’intelligence artificielle de type « Deep learning » pourraient être utilisés pour prédire l’efficacité des traitements en cancérologie afin de personnaliser davantage la prise en charge des patients.

Ces résultats pourront donner lieu à d’autres recherches en vue d’intégrer ce dispositif dans la prise en charge des cancers du rectum localement avancés.

La metformine améliore la motricité de patients atteints de dystrophie myotonique de Steinert, la maladie neuromusculaire la plus fréquente de l’adulte

Cellules musculaire de patient atteint de dystrophie myotonique. Crédits: Inserm/IGBMC

Des chercheurs Inserm au sein d’I-Stem, l’Institut des cellules souches pour le traitement et l’étude des maladies monogéniques, annoncent des résultats encourageants de la metformine, un antidiabétique connu, pour le traitement symptomatique de la dystrophie myotonique de Steinert. En effet, un essai de phase II réalisé chez 40 malades, à l’hôpital Henri-Mondor AP-HP, montre que, après 48 semaines de traitement à la plus forte dose, les patients traités avec la metformine (contre placebo) gagnent en motricité et retrouvent une démarche plus stable. Les résultats de cet essai, financé à hauteur d’1,5 million d’euros par l’AFM-Téléthon, sont publiés ce jour dans la revue Brain.

La dystrophie myotonique de Steinert (DM1) est la plus fréquente des dystrophies musculaires de l’adulte. D’origine génétique, sa prévalence est estimée à 1/8.000, soit environ 7 à 8000 malades en France. Elle affecte les muscles, qui s’affaiblissent (dystrophie) et ont du mal à se relâcher après contraction (myotonie) ce qui désorganise les mouvements (marche instable par exemple). Elle atteint également d’autres organes (cœur et appareil respiratoire, appareil digestif, système endocrinien et système nerveux). A ce jour, cette dystrophie musculaire ne bénéficie d’aucun traitement curatif.

Les résultats publiés dans Brain sont le fruit d’une recherche menée depuis plusieurs années au sein d’I-Stem. En effet, grâce au développement de modèles cellulaires à partir de cellules souches pluripotentes, l’équipe de Cécile Martinat a, en 2011, identifié des mécanismes nouveaux à l’origine de la dystrophie myotonique de Steinert (Cell Stem Cell – 31 mars 2011). En 2015, Sandrine Baghdoyan, ingénieure de recherche à I-Stem, parvient à corriger certains défauts d’épissage dans des cellules souches embryonnaires et dans des myoblastes provenant de personnes atteintes de DM1 grâce à la metformine, une molécule anti-diabétique bien connue et identifiée comme efficace dans cette nouvelle indication grâce au criblage à haut-débit.(Mol.Therapy – 3 nov 2015).

Forts de ces résultats, I-Stem a lancé un essai clinique monocentrique de phase II, en double aveugle, randomisé contrôlé, chez 40 patients, en collaboration avec des équipes de l’Hôpital Henri Mondor AP-HP, celle du Dr Guillaume Bassez du centre de référence maladies neuromusculaires Ile-de-France, et celle du Centre d’Investigation Clinique coordonné par le Pr Philippe Le Corvoisier. Dans cette étude contre placebo, la metformine a été administrée trois fois par jour, par voie orale, avec une période d’augmentation de la dose sur 4 semaines (jusqu’à 3 g/jour), suivie de 48 semaines à la dose maximale.

L’évaluation de l’efficacité du traitement était notamment fondée sur le test de « 6 minutes de marche ». A la fin de l’étude, soit après un an de traitement, les patients ayant reçu la metformine gagnent une distance moyenne de marche de près de 33 mètres sur les performances initiales alors que le groupe ayant reçu le placebo reste stable (gain moyen de 3 mètres).

Cette motricité, analysée finement grâce à l’outil Locometryx développé par le laboratoire de physiologie et d’évaluation neuromusculaire de Jean-Yves Hogrel à l’Institut de Myologie au sein de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, est étroitement liée au fait que la metformine améliore la posture globale des patients qui, de fait, passent d’une marche instable « élargie », avant traitement, à une démarche droite, plus rapide et donc plus performante ».

Ces résultats démontrent, pour la première fois, l’efficacité d’un traitement pharmacologique sur la motricité dans la dystrophie myotonique de Steinert et, à notre connaissance, l’efficacité thérapeutique d’une molécule identifiée sur la base de la modélisation d’une pathologie avec des cellules souches pluripotentes.

Prédire la réponse à l’immunothérapie grâce à l’intelligence artificielle

Photo by Ken Treloar on Unsplash

Une étude publiée dans The Lancet Oncology établit pour la première fois qu’une intelligence artificielle peut exploiter des images médicales pour en extraire des informations biologiques et cliniques. En concevant et en entrainant un algorithme à analyser une image de scanner, des médecins-chercheurs de Gustave Roussy, CentraleSupélec, l’Inserm, l’Université Paris-Sud et TheraPanacea (spin-off de CentraleSupélec spécialisée en intelligence artificielle pour l’oncologie-radiothérapie et la médecine de précision) ont créé une signature dite radiomique. Cette signature qui définit le niveau d’infiltration lymphocytaire d’une tumeur détermine un score prédictif de l’efficacité de l’immunothérapie chez un patient.    
À terme, le médecin pourrait donc utiliser l’imagerie pour identifier des phénomènes biologiques d’une tumeur située dans n’importe quelle partie du corps sans avoir à réaliser de biopsie.

Jusqu’à présent, aucun marqueur ne permet d’identifier de manière certaine les patients qui vont répondre à une immunothérapie anti-PD-1/PD-L1 permettant de restaurer les fonctions immunitaires contre la tumeur alors que seulement 15 à 30 % des patients répondent au traitement. Sachant que plus l’environnement immunologique d’une tumeur est riche (présence de lymphocytes), plus l’immunothérapie a de chance d’être efficace, les chercheurs ont cherché à estimer cet environnement grâce à l’imagerie pour le corréler à la réponse clinique des patients. C’est l’objectif de la signature radiomique créée et validée par IA de l’étude publiée dans The Lancet Oncology.

Dans cette étude rétrospective, la signature radiomique a été apprise, entrainée et validée sur 500 patients présentant une tumeur solide (toutes localisations) issus de quatre cohortes indépendantes. Elle a été validée au niveau génomique, histologique et clinique ce qui la rend particulièrement robuste.

Dans une démarche basée sur le machine learning, les chercheurs ont d’abord appris à l’algorithme à exploiter les informations pertinentes extraites des scanners de patients inclus dans l’étude MOSCATO* qui comportait aussi les données génomiques tumorales des patients. Ainsi, en se basant uniquement sur des images, l’algorithme a appris à prédire ce que la génomique aurait révélé de l’infiltrat immunitaire tumoral notamment par rapport à la présence de lymphocytes T cytotoxiques (CD8) dans la tumeur et a établi une signature radiomique.  

Cette signature a été testée et validée dans d’autres cohortes dont celle du TCGA (The Cancer Genome Atlas) démontrant ainsi que l’imagerie pouvait prédire un phénomène biologique, à savoir évaluer l’infiltration immunitaire d’une tumeur.

Puis, pour tester la pertinence de cette signature en situation réelle et la corréler à la prédiction de l’efficacité de l’immunothérapie, elle a été évaluée à partir des scanners réalisés avant la mise sous traitement de patients inclus dans 5 essais d’immunothérapie anti-PD-1/PD-L1 de phase I. Les chercheurs ont montré que les patients chez qui l’immunothérapie fonctionnait après 3 et 6 mois présentaient un score radiomique plus élevé, tout comme ceux qui avaient une meilleure survie.

Une prochaine étude clinique consistera à évaluer la signature de manière rétrospective et prospective, d’augmenter le nombre de patients et de les segmenter par type de cancers pour affiner la signature.

Il s’agira aussi d’utiliser des algorithmes plus sophistiqués d’apprentissage automatique et d’intelligence artificielle pour prédire la réponse des patients à l’immunothérapie. Pour cela, les chercheurs comptent sur l’intégration globale de données venant de l’imagerie, de la biologie moléculaire et de l’analyse des tissus. C’est tout l’objet de la collaboration entre Gustave Roussy, l’Inserm, l’Université Paris-Sud, CentraleSupélec et TheraPanacea qui permettra d’identifier les patients qui sont les plus à même de répondre au traitement, et aussi d’améliorer le rapport coût/efficacité de la prise en charge.

A propos de la radiomique
En radiomique, on considère que l’imagerie (scanner, IRM, échographie…) ne reflète pas seulement l’organisation et l’architecture des tissus mais aussi leur composition moléculaire ou cellulaire. Cette technique consiste à analyser de manière objective par des algorithmes une image médicale afin d’en extraire des informations invisibles à l’œil nu comme la texture d’une tumeur, son microenvironnement, son hétérogénéité… C’est une approche non invasive pour le patient qui peut être répétée tout au long de la maladie pour suivre son évolution.

Mécanisme de refoulement : peut-on altérer un souvenir à l’insu d’une personne ?

Photo by Christophe Hautier on Unsplash

Ces dernières années, les neurosciences cognitives ont permis de montrer qu’il était possible d’altérer un souvenir par un effort conscient. Des chercheurs du Centre de Psychiatrie et de Neurosciences de l’Inserm, du Centre Hospitalier Sainte Anne et de l’Université Paris Descartes viennent aujourd’hui de montrer qu’il est possible d’altérer inconsciemment des souvenirs. Cette démonstration expérimentale d’une manipulation inconsciente des souvenirs, qui s’apparente au refoulement, un concept de la psychanalyse, est publiée dans la revue Cognition.

Les chercheurs savent, depuis quelques années qu’en faisant un effort conscient de répression d’un souvenir précis, il est possible de l’altérer, c’est-à-dire de diminuer notre capacité à se le remémorer. Cet effet se traduit par une désactivation des hippocampes cérébraux, structures du cerveau impliquées dans l’encodage de la mémoire. Une telle fragilisation est-elle possible inconsciemment ?

Sous la direction du Professeur Raphaël Gaillard, des chercheurs du Centre de Psychiatrie et de Neurosciences de l’Inserm, du Centre Hospitalier Sainte Anne et de l’Université Paris Descartes ont mis à profit leur expertise de la conscience et des processus inconscients pour tester cette hypothèse.

Afin de recréer en laboratoire les conditions d’un mécanisme de remémoration inconscient, des personnes volontaires ont appris des paires de mots associés (par exemple, bougie-champagne, balade-colline…) puis étaient entraînées, lorsque le premier mot leur était présenté, soit à penser au second mot de la paire, soit à s’empêcher d’y penser, en fonction d’un signal visuel. Un dispositif expérimental similaire avait permis auparavant la démonstration d’une altération d’un souvenir par un effort conscient.

L’originalité de cette étude réside dans le fait que ces signaux visuels donnant la consigne de penser ou de s’efforcer de ne pas penser au second mot de la paire étaient parfois présentés de façon subliminale, c’est-à-dire trop brièvement pour accéder à la conscience. Dans ce cas, les volontaires devaient déterminer le plus rapidement possible si le premier mot était masculin ou féminin. Bien que ces signaux n’aient pas été consciemment perçus, les chercheurs ont mis en évidence une altération sur la capacité à se remémorer le second mot.

De ce fait le signal associé à la consigne de ne pas penser au second mot a diminué la capacité de remémoration de ce mot et le signal associé automatiquement à la consigne d’y penser l’a augmenté. Cette étude démontre ainsi qu’il est possible de manipuler inconsciemment le souvenir d’un mot.

Ces travaux ouvrent de nouvelles perspectives dans la compréhension des phénomènes psychiques inconscients. Si, dans le cadre du laboratoire et le temps d’une expérience de 2 heures, il est possible de démontrer un tel phénomène de refoulement, dans la vie quotidienne la répétition d’indices altérant un souvenir pourrait avoir des effets majeurs.

Plus généralement, ces travaux montrent une nouvelle fois que la mémoire est susceptible de distorsions, voire de manipulations : un enjeu pour les témoignages et pour la biographie de chacun.  

Une hormone produite lors de l’exercice pourrait améliorer les capacités musculaires des séniors

© David Monje – Unsplash 

Comment limiter la diminution liée à l’âge des capacités musculaires (ou sarcopénie), une des causes majeures de perte d’autonomie des séniors ? Des chercheurs de l’Inserm, de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier et du Gérontopôle du CHU de Toulouse pourraient avoir trouvé, au sein même des muscles, un allié de taille dans la lutte contre cette maladie : l’apeline. Cette hormone, dont la production diminue avec l’âge, est sécrétée lors de l’exercice physique et permet une amélioration de la capacité musculaire. Ces travaux publiés dans Nature Medicine permettent d’envisager l’apeline à la fois comme un outil diagnostique de la sarcopénie et comme une solution pour son traitement.

En 2016, l’OMS reconnaissait enfin la diminution des capacités musculaires – aussi appelée sarcopénie ou dystrophie musculaire liée à l’âge – comme une maladie. Or, le maintien des capacités fonctionnelles des séniors est essentiel afin de préserver leur indépendance et leur qualité de vie. Associée à une limitation de la mobilité, la sarcopénie apparaît comme une des premières causes de la perte progressive d’autonomie et du développement de pathologies liées à l’âge (ostéoporose, altérations cardiaques et/ou cognitives) et par conséquent comme une des raisons principales de placement en institut médicalisé.

La sarcopénie se caractérise par une dégénérescence de la masse, de la qualité et de la force musculaire. Les stratégies développées aujourd’hui pour lutter contre cette pathologie se heurtent à l’absence d’outils de diagnostic précoce et affichent des efficacités variables, souvent associées à des effets secondaires. L’exercice physique, bien que présentant l’inconvénient majeur d’être souvent impraticable ou infructueux chez les individus dont les capacités motrices sont réduites, est souvent considéré comme l’approche la plus efficace.

Dans de précédentes études, il a été mis en évidence qu’en stimulant l’activation des cellules souches à l’origine des cellules musculaires, la contraction musculaire générée par l’exercice physique participait au renouvellement des fibres musculaires (myofibres), ainsi qu’à l’amélioration de leur métabolisme

L’équipe de recherche Inserm de l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires, I2MC (U1048 Inserm/Université Toulouse III – Paul Sabatier) en collaboration avec les équipes du Gérontopôle du CHU de Toulouse s’est intéressée à la relation entre ces mécanismes et le développement de la sarcopénie.

Ces travaux ont permis aux chercheurs d’identifier une hormone, l’apeline, produite par la contraction du muscle au cours de l’exercice, et qui semble capable de maintenir voire même de restaurer les capacités musculaires.

En effet, en administrant de l’apeline à des souris âgées, les chercheurs ont notamment pu observer une amélioration de leurs capacités musculaires ainsi qu’un retour à la normale de leurs myofibres. Cette amélioration serait due à la capacité de l’apeline à stimuler à la fois le métabolisme cellulaire dans le muscle et la régénération des myofibres à partir des cellules souches.

Enfin, les chercheurs ont observé qu’à mesure que l’âge progresse, la production d’apeline en réponse à l’exercice diminue. Selon Philippe Valet co-directeur de l’étude et professeur à l’université Toulouse III – Paul Sabatier, « dans les années à venir, l’apeline pourrait être utilisée à des fins thérapeutiques dans le domaine de la sarcopénie puisque les résultats de l’étude chez la souris montrent qu’un traitement par cette hormone permet d’améliorer significativement les facultés musculaires. Ces travaux permettent donc d’envisager l’apeline à la fois comme un outil diagnostique précoce de la sarcopénie et comme un traitement prometteur pour lutter contre la perte de fonction liée à l’âge. »

Des essais cliniques seront menés à partir de 2019 par le Gérontopôle du CHU de Toulouse dans le cadre du projet d’IHU-Inspire sur la prévention, le vieillissement en santé et la médecine régénératrice.

Maintenir une bonne santé cardiovasculaire diminuerait le risque de développer une démence et un déclin cognitif avec l’âge

Photo by George Kourounis on Unsplash

Des chercheurs de l’Inserm au sein du Bordeaux Population Health Research Center, du Paris Cardiovascular Research Center, de l’Université de Bordeaux et de la cohorte des 3 Cités ont démontré que maintenir à un niveau optimal et combiner plusieurs facteurs et comportements bénéfiques pour le cœur était associé à un risque diminué de développer une démence et un déclin cognitif après 65 ans. Les chercheurs ont utilisé le concept de santé cardiovasculaire optimale défini par l’American Heart Association dans ses objectifs à 2020 pour la prévention des maladies cardiovasculaires. Cette étude a été publiée dans la revue JAMA.

Dans le cadre d’une nouvelle étude épidémiologique menée au sein de la grande cohorte Française des 3 Cités initiée en 1999 pour comprendre l’impact des facteurs de risque vasculaires dans le vieillissement cognitif et la démence, des chercheurs de l’Inserm (au sein du Bordeaux Population Health Research Center et du Paris Cardiovascular Research Center) ont suivi en France pendant 16 ans, 6 626 adultes âgés de 65 ans et plus. Plusieurs travaux ont à ce jour montré la pertinence de l’approche de la prévention dans le cas des maladies cardiovasculaires. Compte tenu des liens biologiques et de la présence de facteurs de risque communs entre maladies cardiovasculaires et démence, l’équipe de recherche s’est intéressée aux bénéfices de la prévention des facteurs de risque vasculaires pour les démences et le déclin cognitif.

La notion de « santé cardiovasculaire optimale » telle qu’elle est définie par l’American Heart Association repose sur 7 paramètres qui intègrent 4 comportements de santé (ne pas fumer, avoir un poids corporel optimal, une activité physique et une alimentation en adéquation avec les recommandations de santé publique) et 3 composantes biologiques (avoir un taux de cholestérol, un taux de glucose et une tension artérielle à un niveau idéal, et ce sans traitement).

Bien que cette étude possède ses limites, notamment concernant la population étudiée issue du milieu urbain et la variation possible des paramètres pris en compte. Elle montre néanmoins que le fait de maintenir une santé cardiovasculaire dite optimale (7 paramètres au niveau idéal) est associé à une diminution importante du risque de développer une démence, et à une atténuation du déclin cognitif qui lui est associé.

Ainsi par exemple, chaque paramètre supplémentaire à niveau idéal est associé à une diminution de 10% du risque de démence (si les 7 paramètres sont à un niveau optimal, la réduction du risque est de 70 % par rapport à ceux n’en ayant aucun).

Si l’objectif est d’atteindre une santé cardiovasculaire optimale, l’étude montre que le simple fait d’avoir un seul paramètre au niveau idéal est associé à une diminution du risque de démence. Cécilia Samieri, chercheuse Inserm en charge de l’étude précise : « En pratique, cet objectif paraît plus réaliste et pourrait permettre de toucher un plus grand nombre de personnes et donc d’avoir des effets plus importants. La promotion de la santé est un enjeu collectif des pouvoirs publics et des professionnels de santé mais qui implique également que chacun soit acteur de sa propre santé ».

Malnutrition chronique chez l’enfant : une signature bactérienne intestinale inédite

Projet Afribiota à Bangui RCA en avril 2017. © Institut Pasteur de Bangui / JM Zokoué

La malnutrition chronique, le plus souvent associée à une inflammation de l’intestin grêle, touche un enfant sur quatre de moins de cinq ans. Principale cause de mortalité infantile dans les pays à faible revenu, elle est également responsable d’importantes anomalies de développement. C’est ainsi pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents de la malnutrition chronique et mieux la prendre en charge que s’est mis en place le projet Afribiota, mené par les instituts Pasteur de Paris, de Madagascar et de Bangui, en collaboration avec l’université de la Colombie-Britannique (UBC), l’Inserm et le Collège de France. Aujourd’hui, une première étude révèle les désordres subis par le microbiote des enfants malnutris, ainsi que l’existence d’une signature bactérienne intestinale surprenante, caractérisée par la présence massive de bactéries d’ordinaires inféodées au nez et à la bouche. Ces résultats viennent d’être publiés le 20 août dans la revue PNAS.

La malnutrition chronique touche un enfant sur quatre de moins de cinq ans dans le monde. Elle est responsable de plus 3 millions de morts chaque année et entraine des anomalies de développement cognitif et physique, comme des retards de croissance, difficiles à combler.

« Avec une prise en charge classique, c’est-à-dire en apportant des micronutriments, en traitant les infections sous-jacentes et en donnant à l’enfant une alimentation équilibrée et abondante, on ne peut corriger que 30 % des retards de croissance, souligne Pascale Vonaesch, docteur en microbiologie au sein de l’unité de Pathogénie Microbienne Moléculaire de l’Institut Pasteur. Il semble donc vraiment exister des phénomènes que l’on n’a pas encore élucidés ».

En effet, la malnutrition chronique n’est pas uniquement liée à des problèmes d’alimentation, mais également à des problèmes immunitaires et d’inflammation chronique de l’intestin dont on ne connaît pas encore tous les rouages. C’est pour en savoir plus sur les mécanismes sous-jacents de ces désordres et offrir une prise en charge plus efficace que le projet Afribiota, mené en collaboration avec les instituts Pasteur de Paris, Madagascar et Bangui, a vu le jour en 2016 [1].

Dans cette première étude, les chercheurs se sont intéressés à la flore intestinale des enfants, l’un des objectifs étant de caractériser les populations bactériennes colonisant l’intestin grêle des enfants malnutris.

« On sait que chez ces enfants, il existe une inflammation de l’intestin. Les villosités de l’intestin grêle en particulier s’atrophient et ce dernier ne remplit plus correctement son rôle dans la digestion et l’absorption des nutriments », rappelle Philippe Sansonetti, médecin et chercheur en microbiologie au sein de l’unité de Pathogénie Microbienne Moléculaire qu’il dirige à l’Institut Pasteur, et Professeur au Collège de France. « Mais on ne savait pas à quel point les populations bactériennes habituellement résidentes étaient modifiées ».

Pour élucider cette question, les selles et le liquide duodénal de 400 enfants vivant à Tananarive (Madagascar) et à Bangui (République Centrafrique), avec et sans problème de malnutrition chronique, ont été analysés. Des cultures bactériennes et des analyses metagénomiques, susceptibles de dévoiler l’ensemble des espèces microbiennes en présence, ont alors été réalisées et ont apporté des résultats étonnants.

« On s’attendait à voir chez les enfants malnutris une augmentation des bactéries entéropathogènes, comme Campylobacter, Shigelles ou encore Salmonelles, commente Pascale Vonaesch. Mais en aucun cas des bactéries de la sphère oropharyngée ! » « Ce qui est aussi très surprenant, c’est leur nombre, rajoute Philippe Sansonetti. On a déjà observé ce type de phénomène pour certaines maladies inflammatoires de l’intestin ou le cancer du côlon, mais jamais des migrations aussi massives. Les bactéries sont 10 à 100 fois plus nombreuses que chez les témoins ».

Ainsi, les bactéries de la sphère oropharyngée – dont certaines sont connues pour leurs propriétés inflammatoires – semblent avoir littéralement franchi les barrières qui les confinent d’ordinaire au rhinopharynx et à la bouche, pour migrer vers et coloniser l’estomac et l’intestin. Une migration massive et inhabituelle que l’on retrouve chez les enfants malnutris, qu’ils soient malgaches ou centrafricains, autrement dit indépendamment de leur origine, de leurs habitudes alimentaires et de leur environnement. 

L’origine et les conséquences de cette signature bactérienne intestinale, caractéristique de la malnutrition chronique, restent à élucider, même si de premières hypothèses se dessinent. « On sait que les enfants touchés par la malnutrition ont aussi souvent une mauvaise hygiène buccale et des rhinopharyngites à répétition. Donc il pourrait y avoir une surcroissance de la flore buccale et rhinopharyngée qui serait ensuite avalée et arriverait, faute de contrôle efficace, vers le système digestif, avance Philippe Sansonetti. Ce sont des informations importantes à connaître pour ensuite pouvoir délivrer des messages de prévention efficace ».

À terme, cette signature bactérienne intestinale, auxquelles s’ajouteront les données des études épidémiologique, biologique et anthropologique du projet Afribiota, devrait aider à mieux cerner les causes de la malnutrition chronique, à en faciliter le diagnostic et finalement à mieux traiter ce fléau mondial.

Le projet Afribiota est soutenu par la Fondation d’Entreprise Total, Odyssey Reinsurance Company, l’Institut Pasteur, la Nutricia Research Foundation et la Fondation Petram.
Pour plus d’information : https://www.pasteur.fr/fr/institut-pasteur/institut-pasteur-monde/programmes-recherche-internationaux/malnutrition-infantile

Pourquoi perdons-nous conscience lors d’une anesthésie générale?

Crédits photo: Inserm/Latron, Patrice

À l’état conscient, différentes aires du cerveau, même non connectées anatomiquement, peuvent fonctionner en phase, grâce au phénomène de « réverbération » de l’information dans le cerveau. C’est cette propriété qui est bloquée sous anesthésie générale. Quel que soit l’agent anesthésique employé, l’effet d’une anesthésie générale sur le cerveau correspond à une « rigidification » du cheminement de l’information au sein du cerveau : l’activité cérébrale est maintenue, mais reste cantonnée aux connexions anatomiques, lui retirant la possibilité de générer d’autres flux d’informations plus flexibles. C’est ce phénomène qui explique la perte de conscience induite par l’anesthésie générale chez un patient. Il a pu être caractérisé, chez le singe, grâce à l’IRM fonctionnelle, l’électroencéphalographie (EEG), et un algorithme faisant partie des méthodes de type « Big Data ». Les résultats sont publiés par une équipe rassemblant des chercheurs du CEA, de l’Inserm, des Universités de Versailles Saint-Quentin en Yvelines, Paris Sud/Paris Saclay, et Paris Descartes et de l’hôpital Foch, le 20 juillet dernier dans Anesthesiology, journal de l’American Society of Anesthesiologists, qui a consacré son éditorial à cette étude.

Le cerveau ne s’éteint pas sous anesthésie et continue à avoir une activité significative. Ainsi, les agents pharmacologiques utilisés agissent directement sur le cerveau et suppriment la conscience de manière contrôlée et réversible. Pourtant, le mécanisme d’action de l’anesthésie générale reste méconnu. Or cette connaissance est fondamentale pour développer des outils modernes de monitorage du cerveau pendant l’anesthésie, ainsi que le développement de nouveaux agents pharmacologiques plus sélectifs.

Dans une étude publiée dans la revue Anesthesiology, une équipe de NeuroSpin est parvenue à observer le cerveau d’un modèle animal de type primate non humain en état conscient et sous anesthésie générale, établissant ainsi une « signature cérébrale universelle » de l’anesthésie générale, quel que soit l’agent pharmacologique utilisé.

Béchir Jarraya, qui a dirigé ces travaux avec Lynn Uhrig, explique : « Pour mieux comprendre la découverte, imaginez que notre cerveau soit notre planète terre et que l’IRM fonctionnelle soit un satellite surveillant les axes routiers. Nous avons constaté que, dans l’état conscient, le réseau routier est fluide et flexible : axes autoroutiers et secondaires voient une bonne circulation et une bonne flexibilité dans la gestion des évolutions du flux rencontré par le réseau. En revanche, en cas d’anesthésie générale, le réseau est cantonné aux axes autoroutiers. Il ne permet ni une bonne flexibilité et ni une bonne répartition du flux, générant en quelque sorte des embouteillages».

« C’est ainsi que notre équipe a découvert une signature cérébrale universelle de l’anesthésie générale ».

Pour cette découverte, les scientifiques ont induit une anesthésie générale chez un primate non humain, suivant un protocole très similaire à l’anesthésie humaine, et enregistré l’activité cérébrale par imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf) et par électroencéphalographie (EEG). La dynamique cérébrale a été étudiée grâce à un algorithme de classification statistique qui a permis d’extraire, à partir des données de l’IRMf, des états cérébraux spécifiques à l’anesthésie générale (cf figure ci-dessus).

Les retombées de cette découverte pourraient impacter significativement la manière dont on surveille et ajuste une anesthésie générale chez les patients devant être opérés ou chez les patients comateux qui reçoivent une sédation en réanimation.

Ont également contribué à cette étude le Collège de France, les hôpitaux Sainte-Anne et Necker, ainsi que l’Institut du cerveau et de la moelle.
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