Un mécanisme de tolérance vis-à-vis de la flore intestinale serait impliqué dans la survenue d’une forme familiale de maladie rare auto-inflammatoire induite par le froid. C’est ce que montrent les travaux de chercheurs du Centre d′Infection et d′Immunité de Lille (Inserm/Université de Lille/CNRS/CHU de Lille/Institut Pasteur de Lille), du laboratoire de physiopathologie des maladies génétiques d’expression pédiatrique (Inserm/Sorbonne Université) et du département d’immunologie de l’université d’Hohenheim. Ces travaux, parus dans Nature Communications, mettent en évidence l’implication dans la survenue de la maladie d’une réponse inflammatoire exacerbée contre la flore intestinale permettant une réponse immunitaire plus efficace contre certains pathogènes. Ils ouvrent ainsi la voie à de nouvelles pistes thérapeutiques pour la prise en charge des patients.
Le syndrome auto-inflammatoire induit par le froid (ou urticaire familial au froid) se manifeste par des accès de fièvre déclenchés par le froid, accompagnés de crises d’urticaire et de douleurs digestives et articulaires. Les patients – une vingtaine de cas identifiés à ce jour – sont porteurs d’une mutation sur le gène NLRP12 qui s’exprime selon un mode autosomique dominant (la présence d’un seul allèle muté est suffisant pour que la maladie se manifeste). Jusqu’à présent, les mécanismes physiopathologiques à l’origine de la maladie demeuraient inconnus.
Une équipe de recherche dirigée par Mathias Chamaillard, chercheur Inserm au sein du Centre d′Infection et d′Immunité de Lille (Inserm/Université de Lille/CNRS/CHU de Lille/Institut Pasteur de Lille) et ses collaborateurs au sein du laboratoire de physiopathologie des maladies génétiques d’expression pédiatrique (Inserm/Sorbonne Université), ainsi que du département d’immunologie de l’université d’Hohenheim, ont cherché à mieux comprendre comment se développait ce syndrome grâce à des études menées chez la souris et chez l’Homme.
Les chercheurs ont constaté que l’inactivation du gène NLRP12 déclenchait chez la souris une inflammation intestinale, mais la rendait résistante à certaines bactéries pathogènes, ce qui laisse à penser que NLRP12 pourrait jouer un rôle clef dans la tolérance immunitaire vis à vis de la flore intestinale.
Or, l’équipe de recherche a observé qu’une autre molécule appelée NOD2 jouait également un rôle dans l’immunité intestinale en favorisant la défense contre ces mêmes pathogènes bactériens.
En outre, une mutation sur le gène NOD2 prédispose à la maladie de Crohn qui présente de troublantes similitudes avec le syndrome dont il est question ici : des douleurs intestinales et une prévalence plus importante dans les pays froids que dans les pays chauds.
Enfin, les chercheurs ont constaté l’existence d’une interaction physique entre cette protéine NOD2 et la protéine NLRP12.
Baisse de tolérance aux bactéries de la flore intestinale
Chez les personnes atteintes du syndrome auto-inflammatoire lié au froid, la production de la protéine NLRP12 est réduite. Reproduit chez la souris, ce phénomène modifie l’activité de NOD2 et réduit la tolérance aux bactéries commensales avec un recrutement accru de cellules inflammatoires dans le tube digestif. En revanche, l’efficacité d’élimination des pathogènes s’en trouve améliorée. Autrement dit, en situation normale, NLRP12 réprime l’activité de NOD2 et améliore la tolérance aux bactéries intestinales. Ces résultats suggèrent qu’un inhibiteur de la voie NOD2 pourrait atténuer les symptômes de ces patients.
La baisse de tolérance chez les sujets atteints du syndrome auto-inflammatoire lié au froid génère une inflammation chronique qui pourrait expliquer les douleurs intestinales chez les patients. Mais pourquoi le froid déclenche-t-il des manifestions supplémentaires hors du système digestif ? Les chercheurs suspectent une augmentation de la perméabilité intestinale en cas de température basse. Chez les sujets sains, ce phénomène serait sans conséquence mais chez les sujets malades, de nombreuses molécules ayant une activité pro-inflammatoire ainsi que des débris bactériens pourraient passer en masse dans le sang. Une inflammation locale secondaire pourrait donc expliquer en partie les autres symptômes comme la fièvre, les céphalées et les douleurs articulaires.
Mathias Chamaillard et ses collègues s’attaquent désormais, chez la souris, à cette nouvelle piste de travail.
Des équipes de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, de l’Inserm et de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière – AP-HP / CNRS / Inserm / Sorbonne université- ont montré que l’appréciation des soignants (infirmiers et aides-soignants) concernant l’état de conscience des patients représentait une réelle valeur ajoutée aux diagnostics médicaux et aux examens d’électrophysiologie et d’imagerie cérébrale classiques. Ces travaux, publiés dans la revue The British Medical Journal open,appliquent le principe de « l’intelligence collective » (ou « wisdom of the crowds »)
Au décours d’une agression cérébrale sévère, un patient initialement dans le coma peut évoluer vers un état de conscience altéré tel que l’état végétatif ou l’état de conscience minimale. La détermination du niveau de conscience est importante à la fois pour mieux apprécier l’état du malade, pour l’expliquer à ses proches, et aussi en raison de la valeur pronostique de cette information.
Cependant celle-ci est parfois difficile à établir et nécessite alors une approche dite « multimodale » associant expertise clinique et la neuroimagerie. Les récentes recommandations internationales insistent notamment sur la nécessité de répéter les évaluations cliniques en utilisant une échelle spécifique (la « Coma Recovery Scale – Revised »), et l’utilité de les compléter par des examens d’imagerie cérébrale spécialisés (électroencéphalogrammes, potentiels évoqués cognitifs, PET-scan et IRM fonctionnelle).
C’est dans ce contexte que des chercheurs de l’Inserm, une équipe soignante de la réanimation neurologique de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, dirigée par le Dr Sophie Demeret, ainsi qu’une équipe du département de neurophysiologie clinique de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP et du laboratoire « PICNIB Lab » à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière dirigé par le Pr Lionel Naccache, professeur de physiologie à Sorbonne Université, ont souhaité ajouter à cette approche multimodale une source d’information supplémentaire selon le principe de l’ « intelligence collective » (ou « wisdom of the crowds ») : celle de l’expertise du personnel soignant en permanence au contact des patients tout au long de leur hospitalisation.
L’outil, baptisé « DoC-feeling » (DoC pour Disorders of Consciousness) utilise une échelle visuelle analogique (comme celle utilisée pour l’évaluation de la douleur) pour recueillir le ressenti subjectif des soignants vis-à-vis de l’état de conscience du patient de manière simple et rapide. La synthèse de l’ensemble des mesures réalisées sur une semaine permet ainsi d’obtenir un score « collectif » entre 0 et 100.
Quarante-neuf patients hospitalisés pour évaluation experte du niveau de conscience dans le service de réanimation neurologique de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP ont été inclus en un an et demi. Près de 700 évaluations réalisées par plus de 80 soignants ont été collectées. L’étude, supervisée par deux infirmières référentes et soutenue par les cadres de santé, a ainsi permis de montrer que la valeur médiane des évaluations individuelles réalisées par les soignants était étroitement corrélée aux évaluations cliniques spécialisées approfondies. Autre avantage, cette approche permettait d’augmenter considérablement le nombre d’observations des patients, dont l’état de conscience peut fluctuer au cours du temps.
Les équipes concluent que cette approche, en complément de l’évaluation clinique médicale et des examens d’électrophysiologie et d’imagerie cérébrale, devrait permettre d’améliorer la précision diagnostique de l’état de conscience des patients. Ce travail met de plus en avant l’intérêt de l’intelligence collective et d’une approche collaborative face à une question clinique réputée complexe.
« Ce travail initié par deux infirmières de la réanimation neurologique de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP: Gwen Goudard et Karine Courcoux, et qui a impliqué plus de 80 soignants sur une durée de plus d’un an, démontre l’extraordinaire motivation et l’énorme potentiel de la recherche paramédicale dans l’unité » raconte le Dr Benjamin Rohaut qui a supervisé l’étude. Il ajoute : « Le soutien des cadres du service, Louise Richard-Gilis et Julie Bourmaleau et l’aide du Dr Bertrand Hermann, chercheur Inserm au sein du PICNIC-lab pour l’analyse des données et l’écriture de l’article, ont été des atouts déterminants permettant de mener l’étude à son terme ».
Une équipe Sorbonne Université / AP-HP / Inserm, dirigée par le Pr Irène Netchine, professeure de physiologie à Sorbonne Université et pédiatre à l’hôpital Armand-Trousseau AP-HP, a étudié les mécanismes moléculaires de la ressemblance clinique entre le syndrome de Temple et le syndrome de Silver Russell. Leur étude, parue dans Science Advances, met en lumière l’importance du concept de réseau de gènes « soumis à empreinte » pour le diagnostic et le traitement des patients atteints de ces deux syndromes rares.
Dans le génome humain, l’information génétique est portée par deux copies, chacune étant héritée d’un des deux parents. Pour la plupart des gènes, les deux copies (maternelle et paternelle) s’expriment de façon équivalente. Cependant, certains gènes sont dits « soumis à empreinte parentale »1 lorsqu’une seule des deux copies s’exprime; l’autre copie s’éteignant. L’expression de ces gènes répond à un mécanisme épigénétique, c’est-à-dire des modifications biochimiques de la molécule d’ADN, qui sont différentes sur chacune des deux copies. Ces gènes soumis à empreinte sont en général impliqués dans la croissance, le métabolisme et le développement.
Les gènes exprimés par la copie maternelle ont en effet tendance à restreindre la croissance du fœtus pour préserver ses propres réserves, alors que les gènes exprimés par la copie paternelle favorisent quant à eux la croissance fœtale pour assurer une descendance en bonne santé et transmettre ses gènes à la génération suivante.
Le syndrome de Temple et le syndrome de Silver Russell sont associés à des troubles de la croissance fœtale qui est diminuée, et sont causés par des anomalies génétiques ou épigénétiques sur deux régions contenant des gènes soumis à empreinte, plus précisément sur les chromosomes 11 et 14, respectivement.
Ces patients présentent par ailleurs des troubles du métabolisme et de la prise alimentaire, ainsi qu’une puberté précoce ou avancée.
Dans son étude, l’équipe du Pr Netchine analyse les mécanismes moléculaires de la ressemblance clinique entre ces deux affections. Dans le syndrome de Silver Russell, une diminution de l’expression d’un gène (IGF2) exprimé habituellement à partir du chromosome 11 paternel, est à l’origine du retard de croissance. Quant au syndrome de Temple, les modifications des gènes sur le chromosome 14 (en particulier certains ARN exprimés habituellement à partir de la copie maternelle du chromosome 14) impactent également l’expression du gène IGF2, alors que les marques épigénétiques sont non modifiées sur le chromosome 11.
Ces découvertes permettent d’avancer dans la compréhension de la régulation épigénétique de l’expression des gènes et d’envisager une nouvelle approche de la physiologie de la croissance fœtale.
Des chercheurs de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, du CNRS, du Collège de France, de Sorbonne Université et de l’Université Clermont Auvergne, et en collaboration avec les universités de Miami, de Columbia et de San Francisco, viennent de parvenir à restaurer l’audition au stade adulte chez un modèle murin de la surdité DFNB9, un trouble auditif représentant l’un des cas les plus fréquents de surdité congénitale d’origine génétique. Les sujets atteints de surdité DFNB9 sont sourds profonds, étant dépourvus du gène codant pour l’otoferline, protéine essentielle à la transmission de l’information sonore au niveau des synapses des cellules sensorielles auditives. Grâce à l’injection intracochléaire de ce gène chez un modèle murin de cette surdité, les chercheurs sont parvenus à rétablir la fonction de la synapse auditive et les seuils auditifs des souris à un niveau quasi-normal. Ces résultats, publiés dans la revue PNAS, ouvrent la voie à de futurs essais de thérapie génique chez des patients atteints de DFNB9.
Plus de la moitié des cas de surdité congénitale profonde non syndromique ont une cause génétique, et la plupart (~ 80%) de ces cas sont dus à des formes autosomiques récessives de surdité (DFNB). Les implants cochléaires sont actuellement la seule option permettant une récupération auditive chez ces patients.
Les virus adéno-associés (AAV) sont parmi les vecteurs les plus prometteurs pour le transfert de gènes dans le but de traiter des maladies humaines. La thérapie génique basée sur les AAV est une option thérapeutique prometteuse pour le traitement des surdités, mais son application est limitée par une fenêtre thérapeutique potentiellement courte. En effet, chez l’humain, le développement de l’oreille interne s’achève in utero et l’audition débute à environ 20 semaines de gestation. En outre, les formes génétiques de surdité congénitale sont généralement diagnostiquées au cours de la période néonatale. Les approches de thérapie génique dans les modèles animaux doivent donc en tenir compte et l’efficacité du gène thérapeutique doit être démontrée pour une injection du gène effectuée après la mise en place de l’audition. La thérapie doit alors conduire à la réversion de la surdité déjà installée. Dans ce but, l’équipe dirigée par Saaïd Safieddine, chercheur CNRS au sein de l’unité de Génétique et de physiologie de l’audition (Institut Pasteur/ Inserm), et coordinateur du projet, a utilisé un modèle murin de DFNB9, une forme de surdité humaine représentant 2 à 8 % de l’ensemble des cas de surdité génétique congénitale.
La surdité DFNB9 est due à des mutations dans le gène qui code pour l’otoferline, une protéine jouant un rôle majeur dans la transmission de l’information sonore au niveau des synapses des cellules ciliées internes[1]. Les souris mutantes dépourvues d’otoferline sont sourdes profondes en raison d’une défaillance complète de la libération de neurotransmetteur par ces synapses en réponse à la stimulation sonore, et ce malgré l’absence d’anomalie décelable de l’épithélium sensoriel. Les souris DFNB9 constituent donc un modèle approprié pour tester l’efficacité de la thérapie génique virale lorsqu’elle est administrée à un stade mature. Cependant, la capacité limitée d’empaquetage de l’ADN par les AAV (environ 4,7 kilo-bases (kb)), rend difficile l’utilisation de cette technique pour des gènes dont la séquence codante (ADNc) dépasse 5 kb, tel que le gène Otof codant pour l’otoferline, dont la séquence codante est de 6 kb. Les chercheurs ont surmonté cette limitation en adaptant une approche d’AAV, dite duale, parce qu’elle utilise deux vecteurs recombinants différents, l’un contenant la partie 5’ et l’autre la partie 3’ de l’ADNc de l’otoferline.
Une seule injection de la paire de vecteurs dans la cochlée de souris mutantes à des stades adultes a permis de reconstituer la séquence codante de l’otoferline par recombinaison des segments d’ADN 5′ et 3′, conduisant à la restauration durable de l’expression de l’otoferline dans les cellules ciliées internes, puis à une restauration de l’audition.
Les chercheurs ont ainsi obtenu une première preuve de concept du transfert viral d’un ADNc fragmenté dans la cochlée en utilisant deux vecteurs, en montrant que cette approche permet d’obtenir la production de l’otoferline et de corriger durablement le phénotype de surdité profonde chez la souris.
Les résultats obtenus par les chercheurs suggèrent que la fenêtre thérapeutique pour le transfert de gène local chez les patients atteints de surdité congénitale DFNB9 pourrait être plus large que prévu, et donnent l’espoir de pouvoir étendre ces résultats à d’autres formes de surdité. Ces résultats font l’objet d’une demande de brevet.
En plus des institutions citées dans le premier paragraphe, ce travail a été financé par la Fondation pour la recherche médicale, l’Union européenne (TREAT RUSH) et par l’Agence nationale de la recherche (EargenCure et LabEx Lifesenses).
[1] Travaux publiés par l’unité de Génétique et de physiologie de l’audition de l’Institut Pasteur et de l’Inserm (UMRS1120) : » Otoferlin, defective in DFNB9 deafness, is essential for synaptic vesicle exocytosis at the auditory ribbon synapse » Cell, 20 octobre 2006
Des équipes du département de biothérapie et de l’unité d’immuno-hématologie pédiatrique de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP, du département de médecine fœtale de l’hôpital Trousseau AP-HP, de l’Inserm, de l’Institut Imagine, de l’Université Paris Descartes et de Sorbonne université, ont réalisé une greffe in utero de cellules souches hématopoïétiques chez un fœtus atteint de déficit immunitaire combiné sévère lié à l’X.
La greffe a été réalisée en juillet 2015, suite à un risque de transmission materno-fœtale d’un parasite (le Toxoplasma gondii) qui peut avoir des conséquences importantes sur le développement cérébral du fœtus et plus particulièrement ici chez un fœtus sans lymphocytes T.
Le greffon provenant de la sœur, dont le système immunitaire était compatible, était constitué d’un mélange de cellules souches hématopoïétiques capables de rétablir le développement normal du système immunitaire à long terme, et de lymphocytes T matures (capables de défendre le fœtus rapidement face à l’infection du parasite).
Le greffon a été préparé au laboratoire de thérapie cellulaire et génique du département de biothérapie de l’Hôpital Necker-Enfants malades AP-HP. Puis il a été infusé dans le fœtus par la veine ombilicale sous contrôle échographique au département de médecine fœtale de l’hôpital Trousseau AP-HP.
La greffe et la suite de la grossesse se sont déroulées sans aucun événement particulier, et le bébé est né à terme à la maternité de l’hôpital Trousseau AP-HP avec un système immunitaire fonctionnel. L’enfant est actuellement âgé de plus de trois ans, en bonne santé et aucune hospitalisation ni aucune intervention thérapeutique n’ont été nécessaires depuis la naissance.
Cette intervention a permis au fœtus de guérir pendant la grossesse, sans les contraintes pratiques ni la charge émotionnelle liées à une greffe classique de cellules souches hématopoïétiques.
Cette dernière entraîne une longue hospitalisation en milieu hautement protégé pour ces jeunes patients très fragiles.
L’indication à la greffe in utero est jusqu’à ce jour restée très limitée à cause des risques potentiels liés à la procédure et à la possibilité de réaliser la greffe très tôt à la naissance.
Toutefois le succès de cette greffe ouvre de nouvelles perspectives thérapeutique pour les fœtus atteints de déficits immunitaires sévères, lorsqu’il existe un donneur compatible et qu’il y a un risque infectieux avéré au cours de la grossesse.
Les maladies chroniques sont des affections non transmissibles de longue durée, parfois permanentes, qui évoluent avec le temps. Selon l’OMS, elles sont la première cause de mortalité mondiale et en Europe elles « concourent à près de 86 % des décès (…) et pèsent de plus en plus lourdement sur les systèmes de santé, le développement économique et le bien-être d’une grande partie de la population, en particulier chez les personnes âgées de 50 ans et plus ».
En France, la part des personnes âgées de 60 ans et plus devrait passer d’un quart en 2015 à un tiers de la population en 2040. Actuellement, c’est un français sur quatre qui souffre d’une maladie chronique, trois sur quatre après 65 ans. Avec l’augmentation de l’espérance de vie, le nombre de personnes âgées atteintes par les pathologies chroniques ne cesse de progresser. Ces maladies entraînent des limitations fonctionnelles ayant des répercussions sur leur qualité de vie. Le nombre de personnes dépendantes passerait ainsi de 1,2 million en 2012 à 2,3 millions en 2060. Améliorer la prévention et la prise en charge des maladies chroniques c’est donc répondre à une urgence majeure de santé publique.
Selon le rapport de l’OMS de 2010, un large pourcentage des maladies chroniques est accessible à la prévention par des actions sur quatre facteurs de risque principaux : consommation de tabac, inactivité physique, consommation d’alcool et mauvaise alimentation. En France, les estimations actuelles des coûts directs (75 %) et indirects (25 %) de l’inactivité physique sont de l’ordre d’1,3 milliard d’euros.
Des actions de prévention peuvent être mises en œuvre en amont des maladies, mais aussi à tout moment de l’évolution de celles-ci. Les maladies chroniques et leurs complications contribuent très fortement à l’état de dépendance ; la prévention de leurs complications et récidives est de ce fait un enjeu central pour le maintien de l’autonomie, notamment chez les personnes âgées.
L’Inserm a été sollicité par le ministère des Sports pour réaliser une expertise collective afin de disposer d’un bilan des connaissances scientifiques et d’analyser, dans le cadre des maladies chroniques, l’impact de l’activité physique[1] et sa place dans le parcours de soin. Cette expertise s’appuie sur une analyse critique de la littérature scientifique internationale réalisée par un groupe pluridisciplinaire de treize chercheurs experts dans différents domaines relatifs aux pathologies chroniques, à la médecine du sport et à la psychosociologie.
Les principales pathologies qui y sont étudiées sont les pathologies cardiovasculaires, les cancers, le diabète et les pathologies respiratoires chroniques. L’obésité, en tant que déterminant de maladies chroniques et phénomène morbide en soi, y trouve également sa place. Enfin, sont aussi prises en compte certaines maladies mentales (dépression, schizophrénie), ainsi que les troubles musculosquelettiques (TMS) et la multimorbidité.
Trois enjeux majeurs sont associés aux travaux qui sont présentés dans cette expertise.
Le premier enjeu n’est pas tant de savoir si on doit recommander une pratique régulière d’activité physique adaptée aux personnes atteintes d’une maladie chronique – il n’y a plus aucun doute sur cette nécessité – mais de déterminer les caractéristiques des programmes les plus efficients selon les aptitudes physiques et les ressources psychosociales des patients, dans la perspective d’obtenir un maximum de bénéfices avec un minimum de risques : quand commencer un programme, quelle pratique, quelle intensité, quelle fréquence, dans quel cadre, avec quelle forme d’intervention ?
Le deuxième enjeu est d’identifier les déterminants de l’adoption d’un comportement actif, pérenne et inséré dans les habitudes de vie. Quel serait l’intérêt d’un programme d’activité physique dont la démonstration d’efficacité a été faite par un essai clinique réalisé dans des conditions idéales, mais qui se révélerait ensuite ni approprié ni adopté par les patients ?
Le troisième enjeu est de comprendre les mécanismes par lesquels l’activité physique agit de façon générale, en amélioration de la condition physique, mais aussi de façon spécifique selon les pathologies concernées. Une partie importante de l’expertise décrit pathologie par pathologie les bénéfices/risques de l’activité physique, et l’intérêt en prévention, soin complémentaire ou thérapeutique.
Le groupe d’expert s’appuie sur ces éléments scientifiques pour établir des recommandations de recherche ainsi que des recommandations d’actions destinées aux autorités de santé.
Principales recommandations
1. Prescrire de l’activité physique pour toutes les maladies chroniques étudiées et l’intégrer dans le parcours de soin
Dans de nombreuses pathologies chroniques le repos a longtemps été la règle, mais on assiste aujourd’hui à un véritable changement de paradigme : les études scientifiques montrent que, lorsqu’elle tient compte des recommandations de pratique et des complications liées à la pathologie, non seulement l’activité physique ne l’aggrave pas mais qu’en plus ses effets bénéfiques sont d’autant plus importants qu’elle est introduite tôt après le diagnostic.
Le groupe d’experts considère par conséquent que l’activité physique fait partie intégrante du traitement des maladies chroniques. Il recommande que sa prescription soit systématique et aussi précoce que possible dans le parcours de soin des pathologies étudiées. Il recommande également que l’activité physique soit prescrite avant tout traitement médicamenteux pour la dépression légère à modérée, le diabète de type 2, l’obésité et l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs.
Le groupe d’experts a également pu élaborer des recommandations spécifiques par pathologie qui s’accordent cependant sur la fréquence de la pratique d’activité physique adaptée – un minimum de 3 séances par semaine. Voici quelques exemples :
obésité: mettre l’accent sur la diminution du tour de taille comme paramètre de suivi plutôt que sur la perte de poids et proposer des programmes d’activité d’endurance ;
diabète de type 2 : privilégier l’association du renforcement musculaire et des activités d’endurance dans des intensités modérées à fortes ;
pathologies coronaires : poursuite d’une activité physique régulière d’endurance à optimiser en jouant sur l’intensité de l’exercice ;
artériopathie oblitérante des membres inférieurs : la marche est le traitement de première intention ;
insuffisance cardiaque : tous les patients peuvent bénéficier d’un programme de réentraînement à l’effort quel que soit le degré de sévérité de la pathologie, grâce à un entraînement régulier et progressif. Idéalement, 30 minutes d’activité modérée 5 fois par semaine dans la dernière phase du programme, qui doit être poursuivi tout au long de la vie ;
accident vasculaire cérébral (AVC): réduire l’impact des séquelles neuromusculaires sur la qualité de vie du patient et prévenir les récidives en améliorant les capacités cardiorespiratoires et la force musculaire par une activité physique régulière intégrant la pratique des gestes journaliers ;
bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO): améliorer la qualité de vie et réduire les limitations fonctionnelles liées aux complications grâce à une activité physique régulière pérenne et variée (endurance, renforcement musculaire, natation, tai chi…) ;
asthme: réduire l’importance et la fréquence des crises par l’amélioration du VO2max, de l’endurance et de la capacité d’exercice par des activités d’endurance ;
pathologies ostéo-articulaires: prévenir et/ou réduire le handicap et la douleur à travers des programmes d’activité physique adaptée variés et une pratique pérenne ;
cancers : améliorer la qualité de vie et réduire les effets secondaires liés au cancer et aux traitements (déconditionnement musculaire, fatigue, intolérance au traitement…) ainsi que les récidives en proposant des programmes combinant endurance et renforcement musculaire ;
dépression : prévenir les récidives et améliorer les symptômes dépressifs par des programmes combinant endurance et renforcement musculaire.
2. Adapter la prescription d’activité physique aux caractéristiques individuelles et médicales des patients
Les principales barrières à la pratique de l’activité physique sont en général liées à la pathologie elle-même (douleurs, fatigue, effets secondaires de certains traitements…).
L’enjeu principal est donc d’adapter la pratique à l’état de santé du patient, ainsi qu’à son traitement, ses capacités physiques, ses risques médicaux et ses ressources psychosociales.
Le groupe d’experts recommande :
d’évaluer le niveau d’activité physique du patient par un entretien et/ou des tests simples (ex : test de marche de 6 minutes) visant à évaluer sa capacité et sa tolérance à l’exercice. Des tests plus complexes (ex : épreuve d’effort cardiorespiratoire) sont requis pour permettre une adaptation de la prescription en terme d’intensité de pratique et pour sécuriser la pratique des personnes les plus vulnérables notamment ;
de réaliser un suivi de l’évolution de la condition physique et de la tolérance à l’exercice pour adapter la prescription ;
d’individualiser la prescription d’activité physique en tenant compte du cadre et du type de pratique, de ses modalités (intensité, durée, fréquence), et surtout des préférences et attentes du patient qui conditionnent son intérêt et son plaisir dans la pratique de cette activité ;
de proposer des programmes personnalisés pour adapter individuellement l’activité physique en fonction de la pathologie, du patient et de son environnement afin de favoriser son adhésion et son observance, en particulier sur le long terme.
3. Organiser le parcours du patient afin de favoriser l’activité physique à toutes les étapes de la pathologie
Le projet de pratique d’activité physique doit intégrer l’ensemble de la trajectoire du patient. Il est recommandé de concevoir dès le début des soins la préparation et l’identification des éléments lui permettant la poursuite d’une pratique à domicile ou à proximité de son lieu de vie. Il s’agit de permettre au patient de mobiliser immédiatement ses capacités et s’il le souhaite, d’adopter une position active dans son parcours de soins.
4. Associer à la prescription une démarche éducative pour favoriser l’engagement du patient dans un projet d’activité physique sur le long terme
L’enjeu principal est que le patient intègre l’activité physique dans sa vie quotidienne, ce qui implique de favoriser dès le départ son engagement et le développement de son autonomie dans une pratique qui a du sens pour lui et qu’il pourra poursuivre sur le long terme. La bonne intégration de l’activité physique au projet global de soins et d’éducation thérapeutique suppose une communication régulière entre l’intervenant en activité physique adaptée et les soignants.
Le groupe d’experts recommande d’articuler les programmes d’activité physique avec les programmes d’éducation thérapeutique et d’initier toute démarche par un bilan éducatif partagé qui invite le patient à identifier ses habitudes de vie, ses besoins, ses possibilités, ses envies, ses freins et ses leviers, la manière dont il aimerait pouvoir être aidé… Il conviendra alors de fixer un objectif et d’identifier les moyens qu’il mobilisera pour l’atteindre. Des bilans de suivi permettront d’ajuster les objectifs et de renouveler les moyens tout au long de ce programme.
Pour les publics présentant des caractéristiques connues pour limiter ou compromettre l’adhésion et le maintien à long terme de l’activité physique (patients âgés, faible niveau socio-économique, précarité sociale…) et/ou n’ayant pas ou peu de vécu en matière d’activité physique, le groupe d’experts préconise un cycle éducatif de plusieurs mois en activité physique adaptée encadré par des professionnels. L’enjeu est de permettre à ces patients d’expérimenter concrètement des activités physiques adaptées à leurs possibilités et à leurs besoins, d’en ressentir les effets, de les vivre avec plaisir et de les reconnaître comme étant bénéfiques pour leur santé.
Dès que le patient en a les ressources, le groupe d’experts recommande ensuite de l’accompagner dans la construction d’un projet de pratique d’activité physique qui a du sens pour lui dans son parcours de soins et de vie.
5. Soutenir la motivation du patient dans la mise en œuvre de son projet
Proposer des types de pratiques efficaces mais également ludiques et motivantes doit être un souci constant. L’engagement des personnes atteintes de maladie chronique dans une activité physique régulière est principalement motivé par le plaisir et l’intérêt qu’elles y trouvent mais aussi par leurs croyances en termes de bénéfices perçus, aussi bien pour leur santé physique que pour leur bien-être psychologique. À l’inverse, le manque de connaissances sur les effets positifs de la pratique de l’activité physique, ou des croyances défavorables selon lesquelles celle-ci serait inutile dans la gestion de leur pathologie, peuvent être à l’origine de l’absence d’initiation ou de maintien de sa pratique.
Les patients peuvent également être motivés par l’image de soi positive que leur renvoie le fait de pratiquer (ou la vision négative qu’ils auraient d’eux-mêmes en l’absence de pratique). Plus particulièrement, le fait de devoir se prendre en main pour faire face à sa pathologie est vécu par certains comme une responsabilité ou un devoir.
Si les intentions et la planification sont le plus souvent une étape incontournable à sa mise en place, la création de routines s’avère ensuite une nécessité pour que l’activité physique soit adoptée de manière pérenne. Pour favoriser le maintien de la motivation à long terme, le groupe d’experts recommande de s’appuyer sur une combinaison de stratégies incluant la communication d’informations sur les effets de l’activité physique et les opportunités de pratique, la définition d’objectifs, le suivi et l’anticipation des barrières et freins à la pratique, le soutien social et le partage d’expériences, la réévaluation cognitive et l’entretien motivationnel.
L’efficacité de ces stratégies sur la motivation est plus importante lorsque plusieurs d’entre elles sont utilisées ensemble. Elles peuvent être employées par différents interlocuteurs tout au long du parcours de santé (personnel soignant, médecin, psychologue, spécialiste de l’activité physique adaptée…) lors de séances en face-à-face, individuelles ou collectives. Certaines stratégies peuvent bénéficier d’un soutien technologique (accéléromètre, réseaux sociaux, sites internet, appels téléphoniques, SMS, objets connectés santé, serious games, visioconférences…).
6. Former les médecins à la prescription d’activité physique
La formation à la connaissance théorique et pratique des bénéfices de l’activité physique et des dispositifs d’intervention en activité physique est nécessaire en direction de l’ensemble des professionnels de santé. Par conséquent, le groupe d’experts recommande :
une généralisation de modules obligatoires relatifs à la prescription de l’activité physique dans la formation des étudiants en médecine ;
une formation continue des médecins avec les mêmes objectifs que ceux de la formation initiale ;
la participation d’experts de l’activité physique à visée de santé mais aussi d’experts de l’activité physique adaptée dans ces modules de formation pluridisciplinaire ;
le développement d’échanges et de réflexions communes entre différentes professions impliquées en faveur de la pratique de l’activité physique adaptée.
7. Former des professionnels de l’activité physique à la connaissance de la pathologie et à l’intégration de l’activité physique dans l’intervention médicale
Le groupe d’experts recommande que les intervenants en activité physique adaptée aient été formés aux compétences suivantes :
savoir maîtriser les interactions entre l’activité physique et la pathologie chronique dans la conception de programmes et de séances destinés aux patients ;
savoir mettre en œuvre et interpréter des tests spécifiques d’activité physique (complémentaires aux tests médicaux) adaptés aux limitations des personnes ;
savoir mettre en œuvre un bilan éducatif partagé pour engager le patient dans une démarche de projet et évaluer avec lui sa motivation et ses freins vis-à-vis de la pratique de l’activité physique, ses habitudes et conditions de vie et ses possibilités d’activité ;
savoir concevoir et planifier un programme d’activité physique développant l’autonomie de la personne qui soit adapté aux contre-indications et indications médicales, aux capacités et limitations de la personne, à son niveau de pratique et à ses objectifs ;
savoir mettre en œuvre les programmes d’intervention en ajustant la pratique à la progression de la personne et à l’évolution de son état de santé sur la base d’évaluations pertinentes ;
savoir développer une démarche d’éducation pour la santé ou d’éducation thérapeutique selon le niveau de qualification et/ou le moment de l’intervention dans le parcours de soins ;
savoir mobiliser les techniques de soutien de la motivation et de l’engagement du patient dans son projet personnel ;
savoir communiquer avec le patient et l’ensemble des acteurs impliqués dans le parcours personnalisé en respectant les règles de confidentialité ;
savoir gérer, mettre en œuvre et intégrer les principes de l’éthique de la relation de soin dans le travail avec le patient ;
savoir gérer les conditions de sécurité de la pratique de personnes vivant avec une maladie chronique.
8. Promouvoir des recherches
Sur les modalités d’interventions et leurs effets
Peu d’études évaluent sur le long terme « en conditions réelles » les conditions du maintien de la pratique d’activité. Or, un patient atteint de maladie chronique doit faire face aux éventuels effets secondaires ou séquelles des traitements et gérer l’évolution de sa maladie avec l’avancée en âge. Celle-ci peut se traduire par l’apparition d’autres maladies appelées comorbidités, des symptômes anxieux ou dépressifs ou encore des dysfonctionnements neurocognitifs. Faire adopter de nouveaux comportements aux patients atteints de maladies chroniques nécessite de bien cerner ce qui se joue dans l’ajustement psychologique à ce type de pathologie.
Le groupe d’experts recommande de consolider les recherches concernant la faisabilité, le rapport bénéfice-risque, l’adhésion sur le long terme à la pratique d’activité physique et en particulier d’étudier les conditions nécessaires au maintien de la pratique, surtout lors des phases de transition (de l’hôpital au centre de soin de suite et de réadaptation, du centre à la médecine de ville, de la médecine de ville au domicile) et d’étudier les dispositifs d’intervention.
Sur les modalités d’intégration de l’activité physique dans le parcours de soins et ses finalités
Il s’agit de saisir le sens que peut prendre l’activité physique pour le patient au cours de sa maladie, en analysant la manière dont sa pratique est impactée par les interactions avec les professionnels, les pairs, la famille, et en identifiant les conditions lui permettant de construire de nouvelles normes de vie.
Sur la motivation et l’observance à long terme
Sur les outils technologiques
Le groupe d’experts recommande d’évaluer les outils technologiques et de tester leur efficacité afin d’estimer l’intérêt de les intégrer dans le parcours des patients.
Les innovations et actions de prévention qui ne prennent pas en compte les inégalités sociales de santé contribuent souvent à les aggraver[2]. Le groupe d’experts recommande par conséquent la réalisation d’études pour analyser l’efficience de ces nouvelles technologies selon la culture, l’âge, le niveau socioculturel et les attentes des patients.
Sur les effets des politiques publiques de santé en faveur de l’activité physique des personnes atteintes de maladies chroniques
Le plan national « sport santé bien-être » a produit de nouveaux partenariats dans les 22 territoires régionaux, au service du développement d’une offre d’activité physique à visée de prévention des maladies chroniques. En développant la prescription par le médecin traitant d’une activité physique adaptée aux patients atteints de maladies chroniques, l’article 144 de la Loi de santé publique et les outils qui l’accompagnent, visent une généralisation de ce type de prescriptions. Cela pose la question de l’accessibilité à cette offre de soin ou de prévention pour l’ensemble des personnes atteintes de maladies chroniques, quels que soient leur âge, leur zone géographique de résidence ou leurs ressources socioéconomiques et culturelles.
Le groupe d’experts recommande d’étudier la construction du dispositif d’offre d’intervention en activité physique sur prescription médicale et son impact sur les inégalités sociales de santé, en examinant également les effets de la prise en charge financière sur l’adoption des programmes par le patient et sur son engament à long terme.
Sur les mécanismes physiologiques d’action de l’activité physique en général et par pathologie
Sur les effets synergiques de stratégies combinant alimentation et activité physique
Consulter notre vidéo en partenariat avec Sciencetips sur les Dragon pink ladies, un groupe de femmes atteintes d’un cancer du sein ou en rémission avec le canoë comme thérapie.
Notre infographie
[1] L’OMS définit l’activité physique comme « tout mouvement produit par les muscles squelettiques, responsable d’une augmentation de la dépense énergétique ».
[2] Expertise collective Inserm. Inégalités sociales de santé en lien avec l’alimentation et l’activité physique, 2014
Depuis sa création en 1993, l’Expertise collective de l’Inserm assure une mission d’expertise et de transfert de connaissances auprès de nombreux institutionnels et décideurs (Ministères, Agences…) dans le domaine de la santé publique.
Cette mission, menée par le Pôle Expertises collectives rattaché à l’Institut thématique Santé Publique, apporte un éclairage scientifique utile à la prise de décision sur des questions de politique publique de santé. Le Pôle Expertises collectives assure le cadrage scientifique, le support bibliographique, la coordination et la valorisation des expertises collectives.
Ayant accumulé une expérience et un savoir-faire largement reconnus, l’Expertise collective de l’Inserm occupe aujourd’hui une position originale dans le paysage de l’expertise sanitaire. La procédure d’expertise repose sur les compétences scientifiques d’experts chercheurs et cliniciens représentant toutes les disciplines utiles à la santé publique, réunis en groupes de travail ad hoc par le Pôle Expertises collectives. Dans un souci constant d’excellence scientifique, d’indépendance et de pertinence en regard des enjeux scientifiques, économiques et sociaux soulevés par les thèmes traités, les expertises contribuent à la valorisation sociale des sciences. Les experts sont choisis dans la communauté scientifique francophone pour leur compétence scientifique (attestées par leurs publications) et pour leur indépendance.
Les rapports d’expertise collective, publiés sous la forme d’ouvrage, traitent d’importantes questions telles que santé et environnement, santé au travail, vieillissement, nutrition, conduites addictives, handicaps… La plupart de ces rapports présente une synthèse et des recommandations, disponibles en ligne dès la publication des résultats de l’expertise. L’ouvrage complet est disponible en librairie et mis en ligne dans les mois qui suivent la publication.
L’expertise «Activité physique. Prévention et traitement des maladies chroniques», a nécessité plus de 3 ans de travail et l’analyse critique d’environ 1800 documents scientifiques.
Un nanomédicament anti-douleur vient d’être développé par l’équipe de Patrick Couvreur à l’Institut Galien Paris-Sud (Université Paris-Sud/CNRS) en collaboration avec des scientifiques de l’Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris (Inserm/Université Paris Descartes) et du laboratoire de neuropharmacologie (Université Paris-Sud/Inserm). Ce nouveau médicament cible spécifiquement la zone d’inflammation douloureuse, tout en évitant les effets secondaires, notamment le phénomène d’addiction. Ces travaux sont publiés dans la revue Science Advances du 13 février 2019.
Le traitement de la douleur représente un enjeu médical important. Même si la morphine et les opiacés de synthèse constituent actuellement les médicaments les plus efficaces, les effets secondaires associés à ces traitements sont considérables, en particulier la dépression respiratoire mais aussi l’addiction et la tolérance. L’addiction aux opiacés constitue, en effet, un fléau national aux Etats-Unis avec 11 millions de patients dépendants et environ 175 décès journaliers à la suite de surdosages ; les autres pays ne sont pas épargnés.
L’utilisation des neuropeptides endogènes, comme les enképhalines ou les endorphines, constitue incontestablement une alternative intéressante à l’utilisation de la morphine. En effet, en agissant principalement sur les récepteurs delta des opiacés (récepteurs de neurotransmetteurs qui modulent notamment la fonction de réponse à la douleur), ces molécules naturelles n’induisent pas ces effets secondaires. Malheureusement, après administration, ces molécules sont métabolisées en quelques minutes et sont dans l’incapacité de déclencher un effet analgésique.
L’équipe « Nanomédicaments innovants pour le traitement des maladies graves » dirigée par Patrick Couvreur au sein de l’Institut Galien Paris-Sud (Université Paris-Sud/CNRS), a eu l’idée de synthétiser des échantillons de nanoparticules constituées de la leu-enképhaline couplée au squalène. La liaison chimique s’effectue via différents liens chimiques, activables enzymatiquement.
En collaboration avec des scientifiques de l’Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris (Inserm/Université Paris Descartes) et du laboratoire de neuropharmacologie (Université Paris-Sud/Inserm), il a été montré que ces nanomédicaments induisaient, chez le rat, un effet anti-douleur important et prolongé, avec une efficacité plus grande que celle de la morphine.
Grâce à l’utilisation d’antagonistes des récepteurs aux opiacés, ne pénétrant pas la barrière hémato-encéphalique, il a été observé que, contrairement à la morphine, les nanoparticules de leu-enképhaline-squalène épargnaient le tissu cérébral et agissaient exclusivement au niveau des récepteurs périphériques. L’imagerie a, par ailleurs, montré que les nanoparticules étaient capables de délivrer le neuropeptide spécifiquement au niveau de la zone inflammatoire douloureuse ; ils évitent ainsi les effets centraux responsables des phénomènes d’addiction.
Les investigations biochimiques et histologiques menées au niveau des animaux traités ont, par ailleurs, démontré que ce nouveau médicament anti-douleur n’induisait aucune toxicité ou effet secondaire.
Cette étude, publiée dans la revue Science Advances ,représente une avancée décisive dans le traitement antidouleur grâce à la nanomédecine.
Un travail de recherche interdisciplinaire associant cliniciens, hépatologues et épidémiologistes de l’Inserm, Sorbonne Université et l’AP-HP (hôpitaux Cochin et Saint-Antoine) coordonné par le Pr Fabrice Carrat, le Pr Stanislas Pol et le Dr Hélène Fontaine[1] et soutenu par l’ANRS montre, auprès de 9 895 patients de la cohorte nationale ANRS CO 22 HEPATHER recrutés dans 32 centres en France, les bénéfices cliniques à court terme des antiviraux à action directe dans le traitement de l’infection par le virus de l’hépatite C. Ces résultats font l’objet d’une publication dans The Lancet ce lundi 11 février 2019.
Les traitements contre le virus de l’hépatite C (VHC) les plus récents, les antiviraux à action directe (AAD), ont une remarquable efficacité dans l’élimination du virus. En effet, ils permettent d’éliminer chez presque tous les patients traités (95% en général), le virus en huit à 12 semaines de traitement. Si l’efficacité virologique des AAD n’est plus à démontrer, il n’existait à ce jour que très peu de données prospectives sur leur efficacité clinique (c’est-à-dire leur impact sur l’évolution de la maladie hépatique liée à l’infection par le VHC au quotidien) et ces dernières portaient sur des patients très sélectionnés ou étaient issues d’enquêtes rétrospectives. C’est à cette efficacité clinique « en vie réelle » que se sont intéressés les chercheurs soutenue par l’ANRS. Ils ont pour cela comparé l’évolution clinique de patients infectés par le VHC et traités ou non par AAD.
L’étude dont les résultats sont publiés aujourd’hui a été réalisée auprès de 9 895 patients infectés par le VHC et inclus entre 2012 et 2015 dans la cohorte ANRS CO22 HEPATHER (cf. encadré page suivante). En France, les AAD ont commencé à être prescrits en 2014, dans un premier temps prioritairement aux patients présentant une hépatite C avancée, puis en janvier 2017 à l’ensemble des patients infectés de manière chronique par ce virus.
Parmi les 9 895 patients de l’étude, suivis 33 mois en médiane[1], l’analyse statistique a permis de mettre en évidence, auprès des 7 344 patients ayant reçu les AAD avant la fin de l’étude, que ce traitement était associé à une diminution de la mortalité et de la survenue de carcinomes hépatocellulaires (cancer du foie).
En effet, après ajustement des différents facteurs individuels (âge, avancement de la maladie, présence d’autres pathologies…) les patients traités par AAD avaient un risque de mortalité diminué de 52% et un risque de développer un cancer du foie diminué de 33% par rapport aux patients présentant un stade de la maladie similaire mais ne prenant pas d’AAD.
« Nous pouvions nous attendre à ces résultats. En effet, il peut sembler logique que l’élimination du virus causant les dégâts soit liée à une amélioration clinique » expliquer le Pr Fabrice Carrat « Nos résultats montrent que ces bénéfices sont obtenus rapidement après la guérison virologique et il ne s’agit plus de patients très sélectionnés comme dans les premiers essais. Notre analyse reflète l’efficacité sur le terrain pour tous les patients. »
Le recueil prolongé des données de ces patients guéris d’une infection par le VHC permettra de préciser le bénéfice du traitement par AAD sur le long terme et de définir les modalités à mettre en place pour leur suivi médical (A quelle fréquence effectuer des dépistages de cancers du foie ? Pendant combien de temps après la guérison ? A quel coût ?).
Une des difficultés parfois rencontrées dans ce genre d’étude est le cas des patients guéris et perdus de vue. Le « chaînage » des données médicales des patients de la cohorte ANRS CO22 HEPATHER au système national des données de Santé (SNDS), validé par la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) le 19 juillet 2018, devrait aider les chercheurs à obtenir des renseignements exhaustifs sur la consommation de soins de ces patients sur le long terme.
Cette étude a été réalisée en collaboration avec l’AFEF (société française d’hépatologie), le soutien de l’ANRS, de l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) dans le cadre du Programme des investissements d’avenir et celui de partenaires industriels :Gilead, Abbvie, MSD, JanssenBMS et Roche
La cohorte ANRS CO22 HEPATHER initié en 2012 en collaboration avec l’AFEF compte à ce jour plus de 21 000 patients (6 500 patients infectés par le VHB, 14 600 par le VHC et 95 co-infectés par ces deux virus). L’objectif principal de cette cohorte, coordonnée par le Pr Fabrice Carrat, le Pr Stanislas Pol et le Dr Hélène Fontaine, est de mesurer les bénéfices et risques associés aux différentes modalités de prise en charge thérapeutique des hépatites B et C et en identifier les déterminants individuels, virologiques, environnementaux et sociaux.
[1] Fabrice Carrat (Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé Publique, Sorbonne université, Inserm UMR 1136 – unité de santé publique – hôpital Saint-Antoine, AP-HP), Stanislas Pol (Département d’Hépatologie, Hôpital Cochin AP-HP; Université Paris-Descartes; Inserm, Institut Pasteur), Hélène Fontaine (Département d’Hépatologie, Hôpital Cochin, AP-HP).[1] La médiane de l’ensemble d’un échantillon est une valeur x qui permet de couper l’ensemble des valeurs en deux parties égales.
Une équipe de chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’Université Grenoble Alpes et de l’Institut de santé globale de Barcelone montre que l’exposition prénatale et postnatale à différents polluants chimiques est associée à une diminution de la fonction respiratoire des enfants. Ces résultats, basés sur le concept de l’exposome (désignant l’ensemble des facteurs environnementaux auxquels un individu est soumis depuis sa conception), ont été obtenus dans le cadre du projet européen HELIX et publiés dans la revue The Lancet Planetary Health.
Avec les changements de nos modes de vie et le développement de la chimie de synthèse, les expositions aux contaminants environnementaux sont devenues multiples et complexes. La grossesse et les premières années de vie sont reconnues pour être des périodes où la sensibilité aux facteurs environnementaux est très importante, avec des effets possibles sur la santé de l’enfant tout au long de la vie. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, de l’Université Grenoble Alpes et de l’Institut de santé globale de Barcelone ont mesuré un grand nombre de facteurs environnementaux auxquels sont exposés les enfants – y compris à travers l’exposition maternelle pendant la grossesse –,et qui sont définis comme « l’exposome de la vie précoce ».
Cette approche a pour objectif de mettre en lien ces expositions avec la santé d’enfants âgés de 6 à 12 ans, notamment la fonction respiratoire.
Les chercheurs ont recueilli des données sur les expositions prénatales et postnatales liées à l’environnement extérieur (pollution de l’air par les particules fines, bruit…), à des contaminants chimiques (perturbateurs endocriniens, métaux, polluants organiques persistants …) et au style de vie (alimentation…) chez plus de 1000 femmes enceintes et leurs enfants dans six pays européens. À travers 85 expositions prénatales et 125 expositions post-natales, une photographie de l’environnement précoce a pu être établie pour chaque enfant. Les femmes enceintes et les enfants étaient généralement exposés à des dizaines de substances chimiques à des niveaux variables. Ainsi, plus des deux tiers des biomarqueurs chimiques d’exposition avaient des niveaux détectables chez au moins 9 femmes ou 9 enfants sur 10.
Les analyses suggèrent que l’exposition prénatale aux composés perfluorés (utilisés pour leurs propriétés hydrophobes dans différents produits industriels et de consommation, comme par exemple certains ustensiles de cuisine antiadhésifs ou revêtements antitâches) et l’exposition postnatale à l’éthyl-parabène (parabène utilisé comme conservateur dans les cosmétiques) et à des métabolites des phtalates (le DEHP « Diethylhexyl phthalate », un perturbateur endocrinien reconnu, et le DINP « Diisononyl phthalate », utilisé comme plastifiant) pourraient être associées à une fonction respiratoire diminuée chez l’enfant.
Cette étude, qui est une des toutes premières mises en œuvre de l’approche exposome à grande échelle, suggère des associations entre l’exposition pré et postnatale à des substances chimiques et la détérioration de la fonction respiratoire des enfants. Valérie Siroux, chercheuse à l’Inserm et co-coordinatrice de l’étude précise : « Identifier les facteurs de risque d’une fonction respiratoire diminuée dans l’enfance est important car le développement pulmonaire de l’enfant est un facteur déterminant de sa santé globale, et pas seulement respiratoire, tout au long de la vie ».
Cette approche s’appuyant sur l’exposome doit être vue comme une première étape de sélection permettant d’identifier des expositions suspectes pour lesquelles des travaux plus spécifiques sont nécessaires.
L’existence de réservoirs cellulaires où se cachent des virus VIH « dormants » chez les patients infectés sous traitement est un obstacle majeur à l’éradication du virus. Dans une étude parue aujourd’hui dans la revue Nature Microbiology, une équipe de recherche de l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université Paris Descartes) soutenue par l’ANRS et le Sidaction, et coordonnée par Morgane Bomsel, directrice de recherche CNRS, montre que, chez ces patients, des cellules de l’immunité particulières (macrophages) résidant dans les tissus du pénis, constituent de tels réservoirs cellulaires. La découverte de ce nouveau type de réservoirs dans les macrophages tissulaires pourrait ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques.
Les réservoirs cellulaires sont des cellules infectées par le virus de l’immunodéficience humaine de type 1 (VIH-1) qui ne produisent plus de virus à cause des traitement anti-rétroviraux qui rendent l’infection latente, mais dans lesquelles, dès l’absence de traitement, le virus recommence à se multiplier. L’essentiel des travaux menés sur les cellules réservoirs s’est concentré sur les lymphocytes T circulants. Des essais d’éradication du virus logés dans ces réservoirs lymphocytaires ont consisté à réactiver les cellules réservoirs par une approche « shock and kill ». Cette approche consiste à rendre visible au système immunitaire les cellules infectées dormantes en les réactivant puis de les éliminer par les cellules cytotoxiques du patients mais aussi par des agents antirétroviraux ou des anticorps. Ces essais restent néanmoins pour l’instant infructueux.
De plus, la comparaison des séquences des génomes des virus issus des cellules T « réservoirs » et des virus qui réapparaissent lors de l’arrêt des traitements a montré qu’une partie de ces virus viennent d’un autre type de réservoir cellulaire. Ceci suggère donc qu’il existe d’autres réservoirs viraux parmi les différents types cellulaires que le VIH-1 infecte. Les macrophages sont les meilleurs candidats car ils sont rapidement ciblés par le VIH-1 lors de la transmission sexuelle mais résistent à l’effet de destruction cellulaire du virus.
Les chercheurs se sont particulièrement intéressés aux réservoirs présents dans les tissus du pénis de patients infectés, sous thérapie et sans virus détectables dans le sang. Ils ont comparé la capacité des macrophages à produire des virus avec celle des lymphocytes T des mêmes tissus, une fois les traitements arrêtés. Sur des échantillons muqueux issus d’une vingtaine de patients. À partir d’échantillons muqueux, les chercheurs ont isolé les cellules immunes triées pour leurs marqueurs de surface : CD68 pour les macrophages et CD3 pour les cellules T. Ils ont ainsi pu montrer par PCR (polymerase chain reaction) que l’intégration du génome viral n’était détectable que dans l’ADN des macrophages et pas dans celui des lymphocytes T. De plus, la production de virus infectieux à partir des cellules des tissus n’est réactivée qu’en stimulant spécifiquement les macrophages alors que la stimulation des lymphocytes T reste sans effet. Enfin, les macrophages contenant ces réservoirs infectieux ont été caractérisés : ils forment un nouveau sous-type de macrophages, porteurs marqueurs spécifiqueset leur proportion augmente considérablement chez les patients infectés.
Les chercheurs ont pu ainsi montrer que contrairement au dogme actuel, qui ne voyait de réservoirs de VIH-1 que dans les lymphocytes T, les macrophages contenus dans les muqueuses urétrales constituent un réservoir principal du virus. « Comme les macrophages de l’urètre sont les premières cellules ciblées par le virus lors de relations sexuelles, ces réservoirs viraux dans les macrophages pourraient s’établir très tôt, dès le début de l’infection », estiment les chercheurs.
Cette étude est la première à mettre en évidence l’existence de réservoirs réactivables du VIH-1 dans les macrophages tissulaires chez l’homme. La recherche systématique de la présence de réservoirs dans les macrophages d’autres tissus muqueux ou lymphoïdes apparaît maintenant essentielle pour cibler ce nouveau type de réservoirs cellulaires par des stratégies de type “shock and kill” dans les tentatives d’éradication des virus latents, restées jusqu’à maintenant sans succès.