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La première cartographie complète de la latéralisation des fonctions cérébrales

La latéralisation des fonctions cérébrales représentée dans un espace à 4 dimensions le long de l’axe de la communication symbolique (vert), l’axe de la « perception/action » (cyan), l’axe des émotions (rose) et l’axe de la prise de décision (jaune). ©Karoliset al./ Nature Communications

Certains processus cérébraux sont réalisés préférentiellement dans l’hémisphère droit ou l’hémisphère gauche du cerveau. Mais quelles fonctions et quel hémisphère ? Une équipe de recherche franco-italienne dirigée par un chercheur CNRS de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (AP-HP/CNRS/Inserm/Sorbonne Université) vient de répondre à cette question en livrant la première cartographie complète de la latéralisation des fonctions cérébrales, publiée le 29 mars 2019 dans la revue Nature Communications. Leurs résultats montrent pour la toute première fois que la prise de décision, comme la perception et l’action ainsi que les émotions, fait plus appel à l’hémisphère droit. Au contraire de la communication symbolique, qui repose plus sur l’hémisphère gauche.

En 1865, le médecin français Paul Broca notait que parmi les patients souffrant d’une lésion cérébrale, seuls ceux touchés au lobe frontal gauche rencontraient des difficultés pour parler. Pour la première fois, on observait une asymétrie fonctionnelle entre les deux hémisphères. De nombreuses recherches s’en sont suivies pour essayer d’identifier l’hémisphère « dominant » des différentes fonctions cérébrales, sans pour autant donner lieu à une investigation globale de cette latéralisation…

Jusqu’aux récents travaux de Michel Thiebaut de Schotten, chercheur CNRS de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (AP-HP/CNRS/Inserm/Sorbonne Université), et de ses collègues italiens de l’Université de Padoue. Grâce aux données d’IRM fonctionnelle collectées à l’échelle mondiale depuis plus de quinze ans, ils ont produit la première carte globale de la latéralisation des fonctions cérébrales.

Les chercheurs ont ainsi identifié quatre groupes de fonctions extrêmement latéralisées utilisant des régions cérébrales communes : la communication symbolique (où l’on retrouve le langage, la lecture et le calcul, par exemple) très latéralisée à gauche ; le groupe « perception/action » et les émotions latéralisés à droite et enfin la prise de décision, qui reposerait plutôt sur des régions du lobe frontal droit. Ce dernier point est tout à fait novateur, aucune équipe n’ayant encore décrit d’asymétrie entre les hémisphères lors de la prise de décision.

En outre, cette étude a permis de trancher une question épineuse quant aux connexions entre hémisphères: les régions très latéralisées sont-elles peu connectées avec l’autre hémisphère pour traiter plus rapidement l’information, ou au contraire sont-elles très connectées pour pouvoir s’influencer et prendre le dessus sur l’hémisphère opposé dans certains cas ? Grâce à leur carte, les chercheurs ont pu montrer que plus les fonctions sont latéralisées, moins elles établissent de connexions avec l’autre hémisphère, validant ainsi l’hypothèse qu’un hémisphère dominant pour une fonction est peu connecté à l’autre pour gagner en efficacité.

Aussi, cette découverte valide l’idée que les fonctions cérébrales se sont latéralisées avec l’augmentation de la taille du cerveau afin d’optimiser le traitement de l’information. Cette optimisation s’est néanmoins faite au dépend d’un autre avantage évolutif : la récupération fonctionnelle après une lésion cérébrale. À cause de la diminution des connexions entre les hémisphères, il est en effet plus difficile pour l’hémisphère non endommagé de pallier les fonctions perdues.

Les chercheurs souhaitent maintenant poursuivre ces travaux en étudiant les variations de latéralisation des fonctions entre individus, et tester par exemple si une forte latéralisation d’une fonction chez une personne entraîne une latéralisation différente d’autres fonctions.

Les Nanoblades : des navettes pour opérer le génome

©Adobestock

Pour éditer le génome de façon précise, les chercheurs disposent désormais des « ciseaux génétiques » CRISPR/Cas9, outil très prometteur pour la thérapie génique. Le défi technologique aujourd’hui est d’amener cet outil jusqu’au génome de certaines cellules. Dans cet objectif, une équipe associant l’Inserm, le CNRS, l’Université Claude Bernard Lyon 1 et l’École normale supérieure de Lyon au sein du Centre international de recherche en infectiologie (CIRI) ont développé des capsules permettant d’amener CRISPR/Cas9 jusqu’à l’ADN cible : les Nanoblades. Décrites dans Nature Communications, elles ouvrent des perspectives pour la recherche sur l’édition du génome des cellules souches humaines.

Depuis 2012, la communauté scientifique dispose d’une méthode révolutionnaire pour « opérer » le génome de façon précise : le système CRISPR/Cas9. Ces ciseaux moléculaires sont capables de couper l’ADN à un endroit précis dans une grande variété de cellules. Ils offrent par conséquent des perspectives considérables pour la recherche et pour la santé humaine. Cependant, amener ces « ciseaux génétiques » jusqu’à leur cible – notamment le génome de certaines cellules souches – reste un défi technique.

C’est sur cette problématique que travaillent des équipes de recherche de l’Inserm, du CNRS, de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et de l’École normale supérieure de Lyon qui ont développé les Nanoblades[1], des particules qui permettent de délivrer CRISPR/Cas9 dans de nombreuses cellules, y compris des cellules humaines.

Les scientifiques ont eu l’idée d’encapsuler le système CRISPR/Cas9 dans des structures ressemblant beaucoup à des virus et assurer ainsi sa livraison au sein d’une cellule cible, en fusionnant avec la membrane de cette dernière.

Pour concevoir ces Nanoblades, les chercheurs ont exploité les propriétés de la protéine rétrovirale GAG, qui a la capacité de produire des particules virales non infectieuses car dénuées de génome. L’équipe de recherche a fusionné la protéine GAG d’un rétrovirus de souris avec la protéine CAS9 – le ciseau du système CRISPR. Cette nouvelle protéine dite « fusion » fait l’originalité des Nanoblades.

Par conséquent, et à l’inverse des techniques classiquement utilisées pour modifier le génome, les Nanoblades encapsulent un complexe CRISPR/Cas9 immédiatement fonctionnel ; elles ne délivrent donc aucun acide nucléique codant le système CRISPR/Cas9 dans les cellules traitées. « L’action de CRISPR/Cas9 dans les cellules est ainsi temporaire. Elle est également plus précise et préserve les régions non ciblées du génome, atout particulièrement important dans le cadre d’applications thérapeutiques », précisent les auteurs.

Enfin, les chercheurs ont utilisé une combinaison originale de deux protéines d’enveloppe virales à la surface des Nanoblades pour leur permettre d’entrer dans une large gamme de cellules cibles.

 

Les scientifiques ont démontré l’efficacité des Nanoblades in vivo, dans l’embryon de souris, pour un large spectre d’applications et dans un large panel de cellules cibles où d’autres méthodes sont peu performantes. « Les Nanoblades s’avèrent notamment efficaces pour corriger le génome des cellules souches humaines, cellules d’un grand intérêt thérapeutique (notamment dans la reconstitution de tissus) mais restant difficiles à manipuler par les méthodes habituelles », précisent les auteurs de ces travaux.

 

[1] Les Nanoblades ont été testées chez la souris et brevetées en 2016 par Inserm Transfert.

La co-infection VIH/tuberculose à pleins tubes

 

Nanotubes entre deux macrophages humains infectés par le VIH-1 dans un environnement tuberculeux © Shanti Souriant & Renaud Poincloux, IPBS, CNRS/Université Toulouse III-Paul Sabatier

1,2 million d’individus dans le monde sont co-infectés par Mycobacterium tuberculosis, la bactérie responsable de la tuberculose, et le virus du Sida (VIH-1). Cette association est meurtrière : elle complique le diagnostic et le traitement des patients, et augmente la pathogénicité de ces deux agents infectieux. Une collaboration internationale, menée par des chercheurs du CNRS et de l’Inserm, a mis en évidence que dans un contexte tuberculeux, le VIH-1 passe d’une cellule à l’autre grâce à des nanotubes formés entre les macrophages, ce qui augmente très fortement la proportion de cellules infectées. Ces résultats sont publiés le 26 mars 2019 dans la revue Cell Reports.

Des chercheurs de l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université Toulouse III – Paul Sabatier) et du Laboratoire international associé IM-TB/VIH établi entre le CNRS et le Conicet (Argentine), en collaboration avec le Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (CNRS/Inserm/Université Toulouse III – Paul Sabatier), ont montré que les macrophages, cellules hôtes pour la tuberculose et pour le VIH-1, forment entre eux des nanotubes lorsqu’ils sont exposés à l’interleukine-10 (IL-10), une molécule sécrétée en cas de tuberculose. L’abondance dans les poumons de ces macrophages particuliers, appelés M(IL-10), est corrélée avec la gravité de la maladie. Les nanotubes sont empruntés par les particules virales du Sida, comme des tunnels, pour infecter les cellules voisines et s’y multiplier. En inhibant leur formation par différentes approches, les scientifiques ont réussi à réduire le transfert du virus entre les macrophages, entrainant ainsi une diminution de la production de VIH-1.

En cas de tuberculose sévère, la formation de nanotubes entre les macrophages est amplifiée, facilitant par conséquent la dissémination du virus du Sida et augmentant ainsi la production virale. La présence de ces macrophages particuliers pouvant être quantifiée, le diagnostic et le suivi de la tuberculose chez les patients co-infectés pourra être facilité. Ces travaux ouvrent ainsi la voie à de nouvelles approches thérapeutiques visant à contrôler l’augmentation de la charge virale en cas de tuberculose.

Une thérapie génique à l’essai pour traiter la myopathie myotubulaire

 

Des chercheurs Inserm et CNRS de l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (Inserm/CNRS/Université de Strasbourg) ont découvert comment la myotubularine, protéine déficitaire dans la myopathie myotubulaire, interagit avec l’amphiphysine 2 et proposent de cibler cette dernière pour traiter les patients. Ces travaux sont parus le 20 mars 2019 dans Science Translational Medicine.

La myopathie myotubulaire est une maladie génétique rare, affectant environ un enfant sur 50 000. Elle est liée à une mutation sur le gène MTM1 situé sur le chromosome X et se manifeste par une diminution d’adhésion des cellules musculaires entre elles et une altération des fibres musculaires. Ce phénomène entraine une grande faiblesse musculaire, y compris au niveau respiratoire, et provoque un décès prématuré avec deux tiers des patients qui ne dépassent pas l’âge de deux ans. A ce jour, il n’existe pas de traitement.

En explorant les interactions de la myotubularine, protéine codée par le gène MTM1, avec une autre protéine, l’amphiphysine 2 codée par le gène BIN1, également exprimée dans les muscles et impliquée dans des myopathies similaires, l’ équipe Inserm « Physiopathologie des maladies neuromusculaires », avec la collaboration du CNRS, à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (CNRS/Inserm/Université de Strasbourg) a découvert comment ces protéines travaillent ensemble et propose une nouvelle cible thérapeutique. De précédents travaux avaient en effet montré que la myotubularine et l’amphiphysine 2 peuvent interagir physiquement en se liant l’une à l’autre.

Pour explorer le lien fonctionnel entre les deux, les chercheurs ont développé un modèle de souris transgéniques déficitaires en MTM1 et ont croisé ces animaux avec d’autres souris dont certaines n’expriment pas BIN1 et d’autres qui au contraire, surexpriment ce gène. Ils n’ont obtenu aucun animal déficitaire à la fois en MTM1 et BIN1, prouvant qu’au moins l’une des deux protéines est nécessaire au développement des fibres musculaires et à la survie du fœtus. A l’inverse, et c’est la bonne surprise, la surexpression de BIN1 a permis de corriger la myopathie liée au déficit de MTM1 et d’obtenir une espérance de vie équivalente aux animaux sauvages. En analysant de plus près les muscles, les chercheurs ont constaté une organisation et une taille correcte des fibres musculaires avec une bonne adhésion des cellules entre elles. Ils ont donc fait l’hypothèse que MTM1 est un activateur de la protéine bin1 in vivo, et que fournir cette dernière en grande quantité pourrait permettre de se « passer » de MTM1.

Pour vérifier si BIN1 est une bonne cible thérapeutique, ils ont mené dans un second temps une expérience de thérapie génique chez des souris déficitaires en MTM1. Ils ont administré le gène BIN1 humain grâce à un vecteur viral de type AAV par injection systémique (intra-péritonéale) après la naissance des rongeurs. Cette intervention a nettement réduit les symptômes de la maladie et prolongé la survie des souris malades, à hauteur de celle de souris saines.

« Nous avons là la preuve de concept que le gène BIN1 humain présente un potentiel important pour traiter la myopathie myotubulaire liée à un déficit en myotubularine, avec un résultat spectaculaire chez la souris. Nous aimerions maintenant poursuivre ce développement avec des essais précliniques et espérons pouvoir proposer à terme un traitement aux patients actuellement confrontés à un désert thérapeutique », conclut Jocelyn Laporte, responsable de l’équipe Inserm qui a réalisé ces travaux.

Découverte d’une réaction immunitaire cruciale lors de la diversification alimentaire pour prévenir l’apparition des maladies inflammatoires

 

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Les microbes colonisent l’ensemble des surfaces de notre corps et participent au bon équilibre de notre système immunitaire. Chez les nouveau-nés, le microbiote intestinal est d’abord formaté par les composants du lait maternel. Lors de la diversification alimentaire, il se développe et de nombreuses bactéries prolifèrent. Des chercheurs de l’Institut Pasteur et de l’Inserm montrent chez la souris qu’une réponse immunitaire importante se produit lors de l’introduction de nourriture solide et du développement du microbiote. Mais surtout, ils ont montré que cette réaction immunitaire était essentielle car elle participe à l’éducation du système immunitaire, et permet, à l’âge adulte, une faible susceptibilité aux maladies inflammatoires (allergies, colites, maladies auto-immunes, cancer). Ces résultats ont été publiés dans la revue Immunity, le 19 mars 2019.

L’introduction d’une hygiène de qualité au milieu du XIXe a drastiquement fait diminuer la mortalité due aux maladies causées par des micro-organismes. Dans nos sociétés industrielles actuelles, l’hypothèse hygiéniste affirme désormais que la réduction de l’exposition en bas âge aux microbes entraînerait une augmentation de la sensibilité aux maladies allergiques ou auto-immunes. De précédentes études ont montré que la perturbation du microbiote, notamment par l’exposition aux antibiotiques, peut se traduire par des réponses allergiques[1].

Chez le nouveau-né, la constitution du microbiote se fait lors de l’accouchement par l’acquisition des bactéries de la mère mais aussi, grâce à la composition du lait maternel. Il est alors majoritairement composé de bifidobacteria et de lactobacilles. A l’introduction de nouveaux aliments dans le régime, le microbiote prolifère et le nombre de bactéries augmente de 10 à 100 fois. Des chercheurs (Ziad Al Nabhani et ses collègues) de l’unité Microenvironnement et Immunité (Institut Pasteur/Inserm) dirigée par Gérard Eberl, ont découvert chez la souris que ce phénomène était accompagné d’une réponse immunitaire intense. « Nous avons pu montrer que ce mécanisme se produisait dans une fenêtre de temps très spécifique : entre 2 et 4 semaines chez la souris ce qui correspondrait à 3 et 6 mois chez l’homme » explique Gérard Eberl, principal auteur de l’étude.

« Nous avons ensuite supposé que l’existence d’une fenêtre de temps déterminée indique que la réponse immunitaire est programmée dans le temps et possède de ce fait une fonction unique dans le développement du système immunitaire » poursuit Gérard Eberl. En effet, les chercheurs ont pu démontrer qu’en traitant les souris par antibiotiques sur la fenêtre critique de la réponse immunitaire, elles étaient par la suite plus sujettes à développer certaines maladies inflammatoires : les allergies intestinales, le cancer colorectal et les colites. Ainsi, le microbiote une fois détruit par les antibiotiques, on constate que la réaction immunitaire ne se produit pas. 
« C’est ce que l’on appelle l’empreinte pathogénique » explique Gérard Eberl, « c’est-à-dire que des évènements se produisant dans la prime enfance déterminent une future susceptibilité aux maladies inflammatoires ».

Les chercheurs ont également pu mettre en évidence la présence des cellules spécifiques au moment de cette réaction et qui participent au bon fonctionnement des réponses immunitaires : les cellules T régulatrices (Tregs), des modulateurs clés sans lesquelles les réponses immunitaires sont exacerbées, entraînant par la suite des maladies inflammatoires.

L’ensemble de ces données montre l’importance d’une exposition précoce au microbiote, ciblée dans le temps, pour le développement d’un système immunitaire équilibré. « Nous aimerions maintenant valider ces résultats sur l’influence du microbiote au moment de la diversification alimentaire sur l’apparition d’autres types de pathologies comme les maladies neurodégénératives par exemple » conclut Gérard Eberl.

Ces travaux ont été financés par l’Institut Pasteur et l’Inserm, mais également par l’Association François Aupetit, la Crohn’s Colitis Foundation of America, l’European Crohn’s and Colitis Organisation, la Fondation pour la Recherche Médicale, Janssen, et la Fondation Kenneth Rainin.

Ces travaux ont été menés dans le cadre du programme transversal « Microbiote » mis en place en 2016 dans le cadre du plan stratégique de l’Inserm.

[1] Comment le microbiote bloque les allergies, Science, 2015

Courir ou manger du chocolat, un choix dicté par les récepteurs cannabinoïdes

 

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Les pathologies qui résultent de notre mode de vie sédentaire ont pour principale cause une inactivité physique, cette dernière étant souvent associée à une prise excessive de nourriture riche en sucres et/ou en gras. A l’opposé, une activité physique excessive aux dépens de la prise de nourriture peut également s’avérer nocive, comme l’illustrent des cas d’anorexie nerveuse. Ces données rendent donc cruciale la recherche des processus neurobiologiques contrôlant les motivations respectives pour l’activité physique et la prise alimentaire. Fruit de la collaboration entre des chercheurs de l’Inserm et du CNRS, une étude publiée le 07 Mars 2019 dans la revue JCI Insight révèle que les récepteurs cannabinoïdes CB1 jouent un rôle primordial dans le choix entre courir et consommer une nourriture chocolatée.

Les auteurs de ce travail avaient précédemment rapporté que les récepteurs des cannabinoïdes CB1, présents sur plusieurs types de neurones, jouent un rôle clef dans les performances lors d’une activité physique chez la souris. Cette conclusion était basée sur les performances réalisées par des animaux ayant un accès libre à une roue d’activité, un modèle qui ne permettait pas de distinguer le mécanisme mis en jeu (motivation, plaisir…). La motivation pour une récompense ne pouvant être estimée que par la mesure des efforts que l’individu, Homme ou animal, est prêt à fournir pour accéder à cette récompense, les chercheurs ont élaboré un modèle dans lequel chaque accès à la roue était conditionné par un effort préalable. Cet effort préalable consiste en l’introduction répétée du museau dans un réceptacle, condition sine qua none pour débloquer la roue. Après une période d’apprentissage de la tâche au cours de laquelle l’effort demandé était constant, les souris ont été confrontées à un test dans lequel l’effort demandé pour accéder à la roue a été augmenté de manière progressive. Exposées à ce test, des souris dépourvues de récepteurs CB1 ont montré un déficit de 80 % dans l’effort maximal qu’elles étaient prêtes à fournir pour accéder à la roue, et ce sans diminution des performances lors de leurs accès à la roue. Ce résultat indique que les récepteurs CB1 jouent un rôle majeur dans le contrôle de la motivation pour l’activité physique. L’utilisation d’autres souris génétiquement modifiées a également permis aux chercheurs de démontrer que ces récepteurs CB1 contrôlant la motivation pour l’exercice sont localisés sur des neurones GABAergiques.

Les chercheurs ont ensuite examiné si les récepteurs CB1 dans les neurones GABAergiques contrôlent la motivation pour une autre récompense, de la nourriture chocolatée (au même titre que les humains, les souris en raffolent même si elles sont bien nourries). Alors que les récepteurs CB1 jouent également un rôle dans la motivation pour la nourriture, mais à un degré moindre que dans la motivation pour l’activité physique, les récepteurs CB1 localisés sur les neurones GABAergiques ne sont pas impliqués dans la motivation pour la prise de nourriture chocolatée.

Dans notre vie quotidienne, nous sommes confrontés à un choix permanent entre plusieurs récompenses. Cette évidence a poussé les chercheurs à développer un modèle dans lequel, après apprentissage, les souris avaient le choix, moyennant les efforts décrits ci-dessus, entre une activité physique et de la nourriture chocolatée. La motivation pour l’activité physique l’a emporté sur la prise de nourriture chocolatée, à l’exception des souris dépourvues de récepteur CB1 de manière globale ou uniquement dans les neurones GABAergiques qui, elles, ont montré une préférence pour la nourriture.

Au-delà de ces résultats indiquant que le récepteur cannabinoïde est primordial pour la motivation pour l’activité physique, cette étude ouvre des perspectives pour pouvoir étudier les mécanismes neurobiologiques responsables d’augmentations pathologiques de cette motivation. Une illustration est fournie par l’anorexie nerveuse qui associe souvent une diminution de la motivation pour se nourrir à une augmentation de la motivation pour l’activité physique.

Cancer du poumon métastatique : une thérapie ciblée pour améliorer l’efficacité du traitement

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Comment améliorer l’efficacité de la chimiothérapie dans les formes les plus agressives du cancer du poumon ? Des équipes de l’Inserm, de l’Université Paris Descartes et de l’AP-HP ont peut-être trouvé la solution à travers le développement d’une thérapie ciblée visant à améliorer la réponse aux sels de platine – la chimiothérapie de référence en cas de cancer du poumon – en neutralisant l’activité d’un récepteur contribuant à l’agressivité de ce cancer. Ces travaux parus dans Cancer Letters, montrent que chez la souris, cette thérapie restaure la réponse à la chimiothérapie et réduit par deux à trois la survenue de métastases.

L’espérance de vie du cancer du poumon métastatique reste très limitée, avec 85 % des patients qui décèdent dans les 5 ans. Les nouveaux traitements disponibles pour certaines populations présentent une réelle efficacité, mais celle-ci est limitée dans le temps et des rechutes successives sont courantes. Accroître l’efficacité des traitements et trouver de nouvelles thérapies reste donc une priorité.

C’est sur cette problématique que travaille l’équipe de Patricia Forgez, chercheuse Inserm, qui en collaboration avec des équipes de l’AP-HP (hôpitaux Cochin, Lariboisière et Saint-Antoine), et de l’Université Paris Descartes développe une thérapie ciblée pour augmenter la sensibilité des tumeurs les plus agressives aux sels de platine, chimiothérapie incontournable contre le cancer du poumon.

Dans de précédents travaux, Patricia Forgez et ses collaborateurs avaient montré que les tumeurs pulmonaires et surtout celles à un stade métastatique surexpriment le récepteur à la neurotensine. Cette dernière est une petite molécule produite dans les intestins et le cerveau, qui se trouve également anormalement surexprimée dans les tumeurs, où en se liant à son récepteur, elle déclenche de manière continue une cascade de signaux stimulant la croissance, la survie et la migration des cellules tumorales. Celles-ci sont ainsi beaucoup plus agressives et sont peu ou pas sensibles aux sels de platine. En corrélant la surexpression du récepteur à la neurotensine avec un plus mauvais pronostic observé chez les malades, les chercheurs ont démontré que ce récepteur est un acteur de la progression tumorale.[1]

Dans cette nouvelle étude, l’équipe de recherche a développé un anticorps neutralisant spécifiquement la forme de neurotensine produite par les tumeurs.[2] Elle l’a testé dans plusieurs modèles expérimentaux chez la souris et a observé que la tumeur régressait de 40 à 65 % en taille et perdait en agressivité. Les souris traitées présentaient ainsi moitié moins de métastases ganglionnaires et pulmonaires que les animaux non traités. Les chercheurs ont également montré que l’administration concomitante de l’anticorps avec un sel de platine permettait de restaurer ou d’améliorer l’efficacité du traitement en améliorant l’accès de la molécule thérapeutique à sa cible.

L’objectif à terme est le développement d’une thérapie ciblée permettant de bloquer le récepteur à la neurotensine afin d’affaiblir les cellules tumorales et d’améliorer leur sensibilité aux sels de platine.

« Presque tous les patients diagnostiqués pour un cancer du poumon bénéficieront à un moment donné de leur prise en charge d’un traitement par les sels de platine, rappelle Jean Trédaniel, co-auteur de l’étude et responsable de l’unité de cancérologie thoracique du Groupe hospitalier Paris Saint-Joseph, que ce soit en première intention ou après échec d’une thérapie ciblée ou d’une immunothérapie. Or, les sels de platine sont toxiques pour l’organisme et il n’est donc pas possible d’augmenter les doses en cas de résistance. Administrer cet anticorps permettrait de rendre la tumeur plus sensible au traitement. En outre, chez la souris, il a été très bien toléré sur le long terme. »

En collaboration avec Inserm Transfert, la SATT Ile de France INNOV, et Fair Journey Biologics, l’équipe de recherche travaille maintenant à développer des anticorps anti-neurotensine utilisables chez l’humain dans l’objectif de débuter un essai clinique. Des résultats encourageants sur le cancer du poumon permettraient d’étendre cette thérapie aux autres cancers exprimant la neurotensine et son récepteur, comme le cancer du sein, de l’ovaire, de l’endomètre, de la prostate, du pancréas, de l’estomac et du côlon.

 

[1]   Cette découverte a été protégée par un brevet déposé par Inserm Transfert et dont les copropriétaires sont l’Inserm et l’AP-HP. Ce brevet revendique que le récepteur de la neurotensine est un marqueur de l’agressivité tumorale et la neurotensine une cible thérapeutique potentielle.

[2] Cet anticorps a fait l’objet de plusieurs dépôts de demandes de brevets par Inserm Transfert pour le compte de l’Inserm et de l’Université Paris Descartes ; l’un de ces brevets a été délivré fin 2018 aux Etats-Unis.

Maladie d’Alzheimer : cinq nouveaux marqueurs génétiques identifiés

 

Marquage fluorescent de la protéine Tau dans une cellule humaine hNT, la protéine Tau contribue à la maladie, particulièrement dans les formes familiales de la maladie d’Alzheimer ©Inserm/U837

Les connaissances sur la composante génétique de la maladie d’Alzheimer ne cessent de progresser. L’objectif n’est pas de prédire la maladie mais de découvrir les mécanismes physiopathologiques dans le but de développer de nouveaux médicaments. Une équipe de l’Inserm menée par Jean Charles Lambert au sein de l’unité Inserm 1167  » Facteurs de risques et déterminants moléculaires des maladies liées au vieillissement » dirigée par Philippe Amouyel à l’Institut Pasteur de Lille vient de franchir un nouveau cap grâce au projet IGAP (Genomics of Alzheimer’s Project). Ce dernier a permis d’analyser les génomes de 94.000 individus. Ce travail a révélé cinq nouveaux variants génétiques associés à la maladie. Ces travaux sont parus dans Nature Genetics.

Quarante variants génétiques sont désormais associés à la maladie d’Alzheimer : cinq nouveaux variants viennent, en effet, d’être découverts dans le cadre du projet IGAP (Genomics of Alzheimer’s Project) co-piloté par l’équipe « recherche des déterminants moléculaires des maladies neurodégénratives » au sein de l’unité Inserm 1167 à l’Institut Pasteur de Lille. Ce projet de grande ampleur a été mené en partenariat avec quatre consortium internationaux*[1] incluant 35000 personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et 59000 sujets sains servant de contrôles, portant à 94.000 le nombre de génomes étudiés. La maladie était très majoritairement développée tardivement, les chercheurs ayant exclu les formes familiales précoces.

Les génomes des patients ont été comparés à ceux des personnes non malades et présentant un âge moyen équivalent. L’objectif était de rechercher des variants, c’est-à-dire des séquences d’ADN distinctes entre ces deux groupes et statistiquement associées à la survenue de la maladie. Les chercheurs en ont passé plus de 11 millions en revue. Ce travail a mis en évidence cinq nouveaux variants associés à la maladie d’Alzheimer dans, ou à proximité des gènes IQCK, ACE, ADAM10, ADAMTS1 et WWOX. Parmi ces 5 variants, un rare a été retrouvé chez moins de 1% des patients. « La découverte de ce variant rare valide la stratégie de construction de cohortes de plus en plus importantes pour obtenir une très grande puissance statistique. En augmentant encore leur taille, nous allons pouvoir partir à la recherche de davantage de variants rares. Ils représentent probablement une grande partie de la composante génétique pas encore découverte dans cette maladie », estime Jean-Charles Lambert, chercheur Inserm co-responsable de ces travaux.

Certains de ces nouveaux variants sont concentrés dans des régions impliquées dans le métabolisme de la protéine Tau et de la protéine précurseur des peptides amyloïdes, dont la contribution à la maladie est déjà connue, particulièrement dans les formes familiales de la maladie d’Alzheimer. « Ceci suggère des mécanismes communs dans les formes précoces ou plus tardives », explique Jean-Charles Lambert. Des traitements ciblant ces mécanismes pourraient donc être efficaces contre ces deux formes. Mais on retrouve également des variants dans des régions impliquant l’immunité et cela est très intéressant car pourrait valider une piste de recherche actuelle. « Une hypothèse est que la microglie, composée de cellules immunitaires apparentées aux macrophages et jouant un rôle dans la défense du cerveau, est impliquée dans la maladie », précise Jean-Charles Lambert. Pour les chercheurs, il est probable que ces variants contrôlent en fait des voies biologiques communes qui aboutiraient à plusieurs dysfonctionnements et à l’apparition de la maladie.

Compte tenu des échecs répétés des essais thérapeutiques dans le domaine de la maladie d’Alzheimer, mieux connaître les variants associés à la maladie et les mécanismes physiopathologiques qu’ils contrôlent est fondamental pour développer de nouvelles stratégies thérapeutiques. Un nouveau projet européen coordonné par Jean-Charles Lambert, et incluant encore plus de patients, est déjà à l’étude pour poursuivre cette traque : EADB (European DNA bank for deciphering the missing heritability of Alzheimer’s disease).

[1] *CHARGE (Heart and Aging Research in Genomic Epidemiology Consortium, Etats-Unis), EADI (The European Alzheimer’s Disease Initiative), ADGC (Alzheimer Disease Genetics Consortium, Etats-Unis) et GERAD/PERADES (Cohorts for and Genetic and Environmental Risk in AD/Defining Genetic, Polygenic and Environmental Risk for Alzheimer’s Disease Consortium, France)

Brain Prize 2019 : une équipe française reçoit un prix international pour ses recherches sur CADASIL, une maladie cérébrovasculaire héréditaire

 

De gauche à droite : Pr Elisabeth Tournier-Lasserve, Pr Hugues Chabriat, Pr Marie-Germaine Bousser, Dr Anne Joutel

Attribué par la fondation Danoise Lundbeck, le « Brain Prize » est un grand prix international qui récompense des scientifiques pour l’importance de leurs recherches en neurosciences. Il est doté d’un montant d’un million d’euros.

Il met cette année à l’honneur des travaux débutés il y a près de quarante ans par quatre scientifiques français sur CADASIL, une maladie cérébrovasculaire héréditaire, qui provoque crises de migraine, accidents vasculaires cérébraux et déclin cognitif. C’est aujourd’hui la maladie génétique des petits vaisseaux cérébraux la plus fréquemment diagnostiquée.

Les quatre lauréats français du « Brain Prize 2019 » sont:

>le Pr Elisabeth Tournier-Lasserve, chef du service de génétique neuro-vasculaire de l’hôpital Lariboisière AP-HP, professeur de génétique médicale à l’université Paris Diderot et responsable de l’équipe de recherche « Maladies cérébro-vasculaires, génomique, imagerie et médecine personnalisée » au sein de l’unité Paris Diderot – Inserm 1141 « NeuroDiderot ».

>le Pr Hugues Chabriat, chef du département de neurologie de l’hôpital Lariboisière AP-HP, coordonnateur du centre de référence pour les maladies vasculaires rares du cerveau et de l’oeil (CERVCO), professeur de neurologie à l’université Paris Diderot et chercheur au sein de l’équipe de recherche « Maladies cérébro-vasculaires, génomique, imagerie et médecine personnalisée » au sein de l’unité Paris-Diderot – Inserm 1141 « NeuroDiderot ». Le Pr Chabriat co-coordonne également le Département hospitalo-universitaire (DHU) NeuroVasc Sorbonne Paris-Cité.

>le Pr Marie-Germaine Bousser, ancien chef du service de neurologie à l’hôpital Lariboisière AP-HP et professeur émérite de neurologie à l’université Paris Diderot.

>le Dr Anne Joutel, directrice de recherche Inserm, directrice de l’équipe « Mécanismes physiopathogéniques des maladies des petits vaisseaux cérébraux » à  l’Institut de Psychiatrie et Neurosciences de Paris-Descartes – Inserm UMR1266 et Professeur dans le département de pharmacologie de l’Université du Vermont (Etats Unis).

Les quatre scientifiques ont montré que CADASIL (pour « Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with Sub-cortical Infarcts and Leukoencephalopathy ») est une maladie cérébrovasculaire héréditaire, causée par des mutations du gène NOTCH3 sur le chromosome 19. Cette affection, responsable de crises de migraine et d’accidents vasculaires cérébraux, peut conduire à des troubles moteurs et cognitifs sévères. Les malades peuvent souffrir également de dépression, de difficultés de concentration, d’un ralentissement et de troubles de l’équilibre.

La découverte de CADASIL a permis la mise au point de tests diagnostiques et le développement de modèles murins de la maladie, indispensables pour comprendre les mécanismes responsables des lésions cérébrales et le développement de thérapeutiques. L’identification puis l’étude clinique et préclinique de cette maladie représentent également une étape majeure pour identifier et mieux comprendre d’autres maladies des vaisseaux cérébraux.

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