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La consommation de préparations infantiles hypoallergéniques n’est pas associée à un moindre risque d’allergies chez les nourrissons

 

Les préparations infantiles hypoallergéniques sont recommandées pour les nourrissons considérés comme à risque de développer des allergies et qui ne sont pas exclusivement allaités. Elles sont censées éviter que les bébés ne développent des allergies plus tard dans leur vie. Mais sont-elles efficaces ? Une équipe menée par l’Inra et l’Inserm a montré que l’utilisation de ces préparations n’est pas associée à une diminution du risque d’allergie. Ces travaux ont été réalisés dans le cadre d’ELFE, la première étude épidémiologique d’envergure nationale consacrée au suivi des enfants, de la naissance à l’âge adulte. Publiés dans la revue Pediatric Allergy and Immunology, ces résultats ne permettent pas d’établir de lien de causalité pour les effets observés mais ils soulignent la nécessité de réaliser des études cliniques sur ces préparations avant de promouvoir leur potentiel effet hypoallergénique.

Les préparations infantiles hypoallergéniques contiennent des protéines partiellement hydrolysées, c’est-à-dire fragmentées en petits morceaux. Elles sont censées protéger l’enfant contre le développement d’allergies et sont, de ce fait, recommandées par certaines sociétés savantes pour l’alimentation des nourrissons dont au moins un parent ou un membre de la fratrie a des antécédents d’allergie. Or, l’efficacité de ces préparations est controversée. Peu de données sont disponibles sur leur influence dans la prévention des allergies en conditions réelles d’utilisation. Et certaines sociétés de pédiatrie comme la société américaine de pédiatrie et la société suisse de pédiatrie ont récemment retiré leur recommandation vis-à-vis de ces préparations infantiles.

Les chercheurs de l’Inra et de l’Inserm ont voulu établir la relation entre la consommation de ces préparations infantiles et la survenue de manifestations allergiques telles que l’eczéma, les sifflements respiratoires, l’asthme et les allergies alimentaires. Pour cela, ils ont suivi pendant deux ans 15 000 enfants dans le cadre de l’étude ELFE (Étude Longitudinale Française depuis l’Enfance) conduite par l’INED et l’INSERM. Cette ambitieuse enquête, la première en son genre en France, cherche à mieux comprendre comment l’environnement affecte le développement, la santé, la socialisation et les parcours scolaires des enfants. En particulier, ELFE cherche à mesurer l’impact de l’alimentation sur les plus jeunes.

Les chercheurs ont montré que 5% des enfants consommant à l’âge de 2 mois des préparations infantiles recevaient ces préparations dites hypoallergéniques. Pourtant, la moitié d’entre eux n’avait aucun antécédent familial d’allergie qui justifierait leur prescription.

En suivant les enfants de l’étude ELFE jusqu’à l’âge de deux ans, les scientifiques n’ont observé aucun effet protecteur de ces produits contre d’éventuelles manifestations allergiques comparativement aux préparations infantiles classiques. Au contraire, l’utilisation à 2 mois de préparations hypoallergéniques chez des enfants sans signe d’allergie à cet âge était associée, dans les années qui suivent, à un risque plus élevé de sifflements respiratoires et d’allergies alimentaires.

Ces résultats épidémiologiques devront être complétés par de nouvelles études. Ils apportent en outre des arguments en faveur d’un nouveau règlement européen, qui entrera en vigueur en 2021 et qui imposera la réalisation d’études cliniques sur ces produits avant de promouvoir un effet protecteur face au développement d’allergies.

Nouveaux prébiotiques : des bénéfices sans les inconvénients?

 

©Photo by Gesina Kunkel on Unsplash

Les prébiotiques sont, à l’heure actuelle, un des traitements privilégiés de certaines maladies métaboliques, puisqu’ils restaurent l’équilibre du microbiote lorsque celui-ci dysfonctionne et améliorent le métabolisme de l’organisme. Ces molécules nécessitent cependant d’être utilisées à des doses élevées, ce qui peut générer ballonnements et flatulences chez les patients. Une équipe de recherche dirigée par Matteo Serino, chercheur Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé digestive (Inserm/Inra/ENVT/UT3 Paul Sabatier), vient de mettre en évidence chez des souris obèses/diabétiques que trois extraits de plantes présentaient des effets prébiotiques, pour un temps de traitement et à des doses inférieurs à ceux en usage aujourd’hui. Pour Matteo Serino, la question qui se pose est : faut-il revoir le protocole d’administration des prébiotiques ? Ces résultats sont publiés dans Molecular Nutrition & Food Research.

La dysbiose du microbiote intestinal correspond à un déséquilibre dans les populations de micro-organismes intestinaux et/ou à la modification de leur activité. Ce déséquilibre est souvent associé à des maladies métaboliques telles que l’obésité ou le diabète de type 2.

Il a été prouvé qu’il est possible de cibler cette dysbiose grâce à des prébiotiques, de longues molécules non digestibles par l’organisme mais qui augmentent la croissance et l’activité des certaines bactéries et permettent par conséquent d’améliorer le métabolisme glucidique et lipidique des patients. Cependant, la durée de traitement est souvent supérieure à 4 semaines, et la dose efficace pour commencer à observer une amélioration sur la santé peut engendrer des effets indésirables comme des ballonnements et des flatulences.

Une équipe de chercheurs de l’Institut de recherche en santé digestive a cherché à identifier d’autres molécules pouvant faire office de prébiotiques. Elle a pour cela étudié des molécules extraites de trois plantes ayant déjà montré certains effets bénéfiques : une algue rouge appelée Porphyra umbilicalis, les feuilles de la mélisse officinale Melissa officinalis L., ainsi que des extraits de fruits d’une plante indienne Emblica officinalis Gaertn.

Les chercheurs ont administré ces molécules à des souris obèses et diabétiques durant deux semaines seulement et avec des doses proportionnellement inférieures aux doses efficaces des prébiotiques traditionnels.

Afin d’évaluer les effets prébiotiques individuels de ces extraits de plantes, l’équipe s’est appuyée sur plusieurs critères.

Les chercheurs ont tout d’abord mesuré l’impact de ces molécules sur la diversité (le nombre de bactéries de différentes populations) et l’activité du microbiote intestinal avant et après traitement. « Nous avons montré que les résultats étaient globalement positifs pour la diversité microbienne, puisque chaque extrait augmentait l’abondance d’au moins un groupe bactérien » explique Matteo Serino, chercheur Inserm qui a dirigé l’étude.

Outre l’impact sur le microbiote, l’amélioration du métabolisme est un critère essentiel pour évaluer l’efficacité prébiotique d’une molécule. L’équipe de recherche a ainsi pu observer que chacune des trois molécules permettait une augmentation, au niveau intestinal, de la quantité des différents acides gras à courte chaîne, issus du métabolisme bactérien des prébiotiques et impliqués dans l’amélioration du métabolisme de l’hôte.

Enfin, les chercheurs ont mesuré dans le sang la présence de différents marqueurs qui permettent de mettre en évidence d’éventuelles améliorations métaboliques. Le meilleur résultat a été obtenu avec l’extrait d’algue rouge P.umbilicalis. En effet, les chercheurs ont mesuré une baisse de 30% du taux de triglycérides sanguins, de grosses molécules porteuses d’acides gras à longue chaîne et présentes en excès dans le sang des patients atteints de maladies métaboliques. Cette observation plaide donc en faveur d’une amélioration du métabolisme lipidique chez les animaux traités.

« Ce qu’il est intéressant de noter, c’est que tous ces effets ont été observés après seulement deux semaines de traitement, et en utilisant des doses faibles. Cela suggère la nécessité de nouvelles études afin de savoir si ce type de traitement pourrait être efficace chez l’homme, et de tester si les molécules actuelles pourraient être utilisées à des doses inférieures tout en restant efficaces, limitant ainsi les effets secondaires. Cela reviendrait à revoir le protocole actuel d’administration des prébiotiques », conclut Matteo Serino.

Grossesse pathologique : l’effet de l’interféron

 

Représentation artistique de cellules et du placenta © Fabrice Hyber  – Organoïde-Institut Pasteur / Microscopie à fluorescence de cellules fusionnées (en vert) et de noyaux (en  bleu). © Institut Pasteur

Découverte d’un mécanisme cellulaire impliqué dans le développement anormal du placenta lors de certaines grossesses pathologiques.

Les grossesses pathologiques sont fréquentes et d’origines variées. On estime que des fausses couches ont lieu chez 10 à 20% des femmes enceintes lors des 3 premiers mois de grossesse. Les retards de croissance du fœtus peuvent aussi survenir lors d’infections maternelles par certains microbes, parasites ou virus (par exemple la toxoplasmose, les infections au virus de la rubéole, au cytomégalovirus, aux virus de l’Herpès ou Zika), ou au cours de maladies génétiques ou auto-immunes. Des équipes de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm, de l’hôpital Necker-Enfants malades AP-HP et de l’Université de Paris, ont identifié un nouveau mécanisme cellulaire qui altère la formation du placenta et pourrait ainsi provoquer des complications graves pendant la grossesse. Il est lié à la production d’interféron, une molécule qui est produite en réponse à certaines infections, notamment virales. Ces résultats sont publiés dans Science, le 11 juillet 2019.

Le placenta constitue à la fois une surface d’échange et une barrière entre la mère et le fœtus, car il permet l’apport de nutriments nécessaires à la croissance du fœtus, la production d’hormones, ainsi qu’une protection du fœtus contre les microbes et le système immunitaire maternel. La couche externe du placenta s’appelle le « syncytiotrophoblaste ». Celui-ci est constitué de cellules qui fusionnent entre elles et forment des cellules géantes, assurant ainsi de façon optimale les fonctions de barrière et d’échanges du placenta. La fusion des cellules est assurée par des protéines appelées « syncytines ». Si le syncytiotrophoblaste ne se forme pas correctement, ceci peut entrainer une insuffisance placentaire et entraver le bon développement du fœtus. Par exemple, un syncytiotrophoblaste anormal peut être observé dans des pathologies telles que le retard de croissance intra-utérin, le lupus et chez les femmes portant un fœtus présentant une trisomie 21.

L’interféron est une substance fabriquée par les cellules immunitaires lors d’infections et permet de combattre les virus et d’autres microbes intracellulaires. Des taux élevés d’interféron sont observés dans des maladies auto-immunes ou inflammatoires telles que le lupus, ainsi qu’au cours de certaines infections. Dans cette étude, les chercheurs ont montré que l’interféron est responsable d’anomalie du placenta et qu’il agit en empêchant la formation du syncytiotrophoblaste. Plus précisément, l’interféron va induire la production d’une famille de protéines cellulaires, appelées « IFITM » (interferon-induced transmembrane proteins) qui bloquent l’activité de fusion des syncytines.

Les protéines IFITM ont une fonction bénéfique car elles empêchent les virus de fusionner avec la membrane cellulaire et donc d’entrer dans la cellule pour se multiplier. Les chercheurs montrent ici grâce à des modèles expérimentaux et des cellules humaines que cet effet bénéfique s’accompagne cependant de dommages si ces protéines sont produites de façon importante au niveau du placenta.

« L’identification du rôle d’IFITM permet de mieux comprendre les mécanismes du développement placentaire et sa perturbation au cours d’infections et d’autres pathologies » commente Olivier Schwartz, chef de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur, co-dernier auteur de l’étude. Les chercheurs souhaitent étudier si des pathologies placentaires de cause inconnue, telles que certains avortements spontanés précoces et situations de pré-éclampsies, impliquent aussi les protéines IFITM. A plus long terme, un blocage des effets d’IFITM pourrait constituer une nouvelle stratégie thérapeutique pour prévenir les anomalies placentaires liées à l’interféron.

Ces travaux ont été financés par, outre les institutions mentionnées ci-dessus, l’ANRS, Sidaction, l’Institut de recherche vaccinale (VRI), le Labex IBEID, et l’European Research Council (ERC).

Consommation de boissons sucrées et risque de cancer

 

©Photo by Mae Mu on Unsplash

Dans un article à paraitre le 11 juillet 2019 dans le British Medical Journal, des chercheurs de l’Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN / Inserm / Inra / Cnam / Université Paris 13) rapportent une augmentation du risque de cancer chez les consommateurs de boissons sucrées dans la cohorte NutriNet-Santé.

La consommation de boissons sucrées a augmenté dans le monde au cours des dernières décennies. Leur impact sur la santé cardiométabolique a fait l’objet de nombreuses études et est aujourd’hui bien établi. Cependant, leur association avec le risque de cancer a été moins étudiée : très peu d’études prospectives ont été menées sur l’association entre les boissons sucrées et le risque de cancer. Pourtant, ces boissons ont été associées au risque d’obésité, à son tour reconnu comme un facteur de risque important pour de nombreux cancers. Des mécanismes inflammatoires ou liés au stress oxydant pourraient aussi intervenir, ce indépendamment du lien avec la prise de poids.

Cette étude, publiée le 10 juillet 2019 dans le BMJ (British Medical Journal), visait à étudier les associations entre la consommation de boissons sucrées et le risque de survenue de cancer. Au total, 101 257 participants de la cohorte française NutriNet-Santé (suivis entre 2009 et 2018) ont été inclus. La consommation alimentaire habituelle a été évaluée grâce à des enregistrements de 24h répétés (6 en moyenne par participant) portant sur plus de 3300 aliments différents (dont 109 types de boissons sucrées/édulcorées).

Au cours du suivi, la consommation de boissons sucrées s’est révélée être associée à un risque plus élevé de cancer (2 193 cas sur 101 257 participants), et en particulier de cancer du sein (693 cas). Une augmentation de 100mL de la consommation moyenne quotidienne de boissons sucrées était associée à une augmentation d’environ 18% du risque de cancer. Lors de sous-analyses, la consommation de jus de fruits 100% pur jus et celle de boissons sucrées hors jus de fruits étaient toutes deux associées à un risque plus élevé de cancer au global. Les résultats des analyses suggèrent un rôle important du sucre dans les associations observées, qui par ailleurs, n’étaient pas uniquement expliquées par une prise de poids au cours du suivi.

Cette étude étant observationnelle, un lien de cause à effet ne peut être établi pour les associations observées. Cependant, en plus du design prospectif, de l’effectif important de la population d’étude et de la précision des données alimentaires collectées, les résultats tiennent compte d’un grand nombre de facteurs sociodémographiques et liés au mode de vie dont l’âge, le sexe, le tabagisme, la consommation d’alcool, le niveau d’étude, l’activité physique ainsi que le statut pondéral, les comorbidités métaboliques, les antécédents familiaux. De plus, les résultats étaient robustes après un large spectre d’analyses de sensibilité complémentaires.

Ces données sont importantes dans un contexte de santé publique où la taxe soda est débattue au niveau national et international. Elles supportent l’intérêt des recommandations nutritionnelles du Programme National Nutrition Santé (PNNS) qui visent à limiter la consommation de boissons sucrées, y compris les jus de fruits 100 %, ainsi que des mesures politiques telles que des restrictions fiscales et commerciales visant les boissons sucrées.

Cette étude a été réalisée par l’Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, plus spécifiquement par Eloi Chazelas (Epidémiologiste, doctorant) et le Dr Bernard Srour (Epidémiologiste, doctorant) sous la direction du Dr Mathilde Touvier (Directrice de Recherche Inserm, directrice de l’équipe).

L’étude NutriNet-Santé

L’étude NutriNet-Santé est une étude de santé publique coordonnée par l’Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle (EREN, Inserm U1153 / Inra U1125 / Cnam / Université Paris 13), qui, grâce à l’engagement et à la fidélité de plus de 160 000 « Nutrinautes » fait avancer la recherche sur les liens entre la nutrition (alimentation, activité physique, état nutritionnel) et la santé. Lancée en 2009, l’étude a donné lieu à plus de 160 publications scientifiques internationales. A l’occasion des 10 ans de l’étude, un appel au recrutement de nouveaux Nutrinautes est lancé afin qu’ensemble, nous continuions de faire avancer la recherche sur les relations entre la nutrition et la santé.  En consacrant quelques minutes par mois pour répondre, via Internet, sur la plateforme sécurisée www.etude-nutrinet-sante.fr aux différents questionnaires relatifs à l’alimentation, l’activité physique et la santé, les participants contribuent à faire progresser les connaissances sur les relations entre l’alimentation et la santé. Par ce geste citoyen, chacun peut facilement devenir un acteur de la recherche et, en quelques clics, jouer un rôle important dans l’amélioration de la santé de tous et du bien-être des générations futures.

Choc anaphylactique : les anticorps IgG et les neutrophiles, des acteurs inattendus

Anticorps. © Adobe Stock

 
Le choc anaphylactique, réaction allergique exacerbée pouvant entraîner la mort, peut être causé notamment par l’usage de médicaments lors d’une opération chirurgicale. Dans la plupart de ces réactions extrêmes, on peut constater chez les patients des signes d’activation cellulaire par des anticorps de type IgE. Cependant 10 à 20% des chocs anaphylactiques ne présentent aucun signe de l’activation de cette voie IgE-dépendante. Des équipes de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de l’AP-HP, du CNRS, de l’université Paris-Sud et Sorbonne université sont parvenues à identifier un nouveau mécanisme d’action responsable de ces chocs jusqu’à présent inexpliqués, impliquant des polynucléaires neutrophiles activés par des anticorps de type IgG. Ces résultats, publiés le 10 juillet dans la revue Science Translational Medicine, permettront une meilleure prise en charge du diagnostic des patients qui ont subi ce type de choc.
 

L’anaphylaxie est une réaction allergique hyper-aiguë. Elle est le résultat d’une réaction immunitaire inappropriée suite à l’introduction dans l’organisme d’un antigène habituellement inoffensif. La fixation de cet antigène à des anticorps préexistants dans l’organisme déclenche la sécrétion massive de puissants médiateurs vasodilatateurs, ce qui provoque un état de choc pouvant entraîner une défaillance de plusieurs organes, voire la mort.

L’anaphylaxie peut être induite par de nombreuses substances : les médicaments (antibiotiques, curares), les aliments, ou encore les venins d’insectes. Dans cette étude, les scientifiques se sont concentrés sur les réactions allergiques aux curares, médicaments utilisés durant les anesthésies générales pour provoquer un relâchement musculaire.

La fréquence d’apparition de choc anaphylactique aux curares est d’un cas pour 10 000 à 20 000 opérations, ce qui représente environ 3 à 5 chocs par semaine sur la région parisienne.

S’il était déjà connu que les anticorps IgE pouvaient déclencher l’anaphylaxie, des équipes  de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de l’AP-HP, du CNRS, de l’université Paris-Sud et de Sorbonne université, ont montré dans une étude clinique que les anticorps IgG peuvent aussi être impliqués dans certains chocs anaphylactiques. Ce rôle inattendu des anticorps IgG avait déjà été identifié chez la souris en 2011 par une partie des mêmes auteurs [1].

Cette étude multicentrique appelée « NASA » a été réalisée depuis 2012 par un consortium de chercheurs, biologistes médicaux et médecins anesthésistes et portée par l’hôpital Bichat AP-HP. Le consortium a suivi 86 patients ayant présenté un choc anaphylactique péri-opératoire et 86 témoins, dans 11 hôpitaux d’Ile-de-France sous la coordination à l’hôpital Bichat AP-HP du Pr Sylvie Chollet-Martin (Université Paris-Sud), immunologiste, et du Pr Dan Longrois, anesthésiste. Des prélèvements sanguins ont été effectués au moment de l’apparition du choc anaphylactique au bloc opératoire, qui ont permis d’identifier ce mécanisme alternatif, dépendant des IgG. Les chercheurs ont, en particulier, démontré que les anticorps IgG activent les neutrophiles (70-80% de nos globules blancs) qui libèrent des médiateurs vasodilatateurs néfastes à forte dose. Cette activation des neutrophiles était plus importante au cours des chocs sévères qu’au cours des chocs d’intensité modérée. De manière intéressante, l’implication de la voie IgG-neutrophiles était également évidente dans des chocs où le mécanisme classique IgE-dépendant était observé, suggérant que les IgG et les neutrophiles pourraient contribuer à la sévérité de la majorité des chocs, par un effet additif.

« Ces résultats permettent d’élucider 10 à 20% des chocs anaphylactiques qui étaient jusqu’à présent sans explication biologique. Ils seront d’une aide précieuse pour affiner le diagnostic de ces patients, et pour éviter à l’avenir de nouveaux contacts avec le médicament qui a été à l’origine de la réaction allergique » explique le Pr Sylvie Chollet-Martin (Université Paris-Sud), co-dernière auteure de l’étude et responsable du laboratoire d’Immunologie « Auto-immunité et Hypersensibilités » à l’Hôpital Bichat AP-HP.

« Alors que les anticorps IgG sont connus pour être des protecteurs de l’organisme face aux infections, et des agresseurs dans certaines maladies auto-immunes, grâce à cette étude on constate qu’ils peuvent être impliqués dans une nouvelle réaction néfaste pour l’organisme, l’anaphylaxie. Nous sommes déjà en train d’explorer expérimentalement comment bloquer cette nouvelle voie d’activation des anticorps IgG afin de proposer une solution thérapeutique » commente Pierre Bruhns, co-dernier auteur de l’étude, directeur de recherche Inserm et responsable de l’unité Anticorps en thérapie et pathologie à l’Institut Pasteur.

Ces travaux ont été financés par les organismes cités dans le premier paragraphe, ainsi que par l’European Research Council (ERC – FP7 ; projet MyeloSHOCK).

[1] Mouse and Human Neutrophils induce Anaphylaxis, The Journal of Clinical Investigation, 23 mars 2011. doi: 10.1172/JCI45232

De nouveaux antibiotiques mis au point par un laboratoire de l’Inserm et l’Université de Rennes 1

 Résistances émergentes aux antibiotiques

Culture de bactéries dans une boite de Pétri© Inserm/Latron, Patrice

Non seulement ils sont efficaces contre les bactéries multi-résistantes à Gram positif et négatif mais, de surcroît, ils ne semblent pas déclencher de résistances lors de leur utilisation pour traiter des souris infectées: voici la double promesse de deux nouveaux antibiotiques créés par le Pr Brice Felden et son équipe du laboratoire Inserm-Université de Rennes 1 U1230 ‘ARN régulateurs bactériens et médecine’, avec une équipe de l’Institut des sciences chimiques de Rennes (CNRS/Université Rennes 1/ENSCR/INSA Rennes). Cette avancée française pourrait apporter un nouveau souffle ainsi que de nouvelles possibilités pour lutter contre l’antibiorésistance mondiale. Le détail de ces travaux est publié le 9 juillet dans la revue scientifique Plos Biology.

Les antibiotiques ont sauvé tant de vies depuis un siècle d’utilisation chez l’humain qu’ils sont considérés comme une avancée majeure en médecine contemporaine. Malheureusement, une augmentation croissante des résistances aux traitements les rend progressivement inefficaces. Si cette tendance se généralisait, les conséquences pour la santé publique seraient catastrophiques. Les nouveaux antibiotiques mis sur le marché sont peu nombreux et se résument à des dérivés de classes existantes, les ‘me-too drugs’.

Des chercheurs de l’Inserm et de l’université de Rennes 1 ont récemment identifié une nouvelle toxine bactérienne et l’ont transformée en antibiotiques puissants et actifs contre différentes bactéries responsables d’infections humaines, tant à Gram positif que négatif.

« Tout est parti d’une découverte fondamentale en 2011 », explique Brice Felden, directeur du laboratoire ‘ARN régulateurs bactériens et médecine’ de Rennes. « Nous nous sommes rendu compte qu’une toxine fabriquée par les staphylocoques dorés dont le rôle était de faciliter l’infection était également capable de tuer d’autres bactéries présentes dans notre organisme. Nous avions ainsi identifié une molécule qui possédait une double activité toxique et antibiotique. Nous nous sommes dit que si nous arrivions à dissocier ces 2 activités, nous serions capables de créer un nouvel antibiotique dépourvu de toxicité sur notre organisme. Restait à relever ce challenge ».

En collaboration avec l’équipe de Michèle Baudy Floc’h, chimiste au sein de l’ISCR, une nouvelle famille de « peptidomimétiques » a été synthétisée. Comme leur nom l’indique, ces peptides sont inspirés du peptide bactérien naturel initial mais ont été raccourcis et modifiés. Sur la vingtaine de molécules créées, deux se sont avérées efficaces contre le Staphylocoque doré et les Pseudomonas aeruginosa résistants sur des modèles murins atteints de sepsis sévères ou d’infections cutanées. De plus, aucune toxicité sur les autres cellules et organes, que ce soit chez l’animal ou sur des cellules humaines n’a été observée. Ces nouveaux composés sont bien tolérés à leurs doses actives et même au-delà, et sont dépourvus de toxicité rénale, problèmes souvent rencontrés avec ce type de composés. « Nous les avons testés à des doses 10 à 50 fois supérieures à la dose efficace sans observer de toxicité » précise Brice Felden qui raconte par ailleurs « qu’il a fallu la contribution et l’imagination de l’équipe et de nos collaborateurs chimistes pour concevoir les molécules les plus actives possibles».

Peu d’antibio-résistance identifiée en conditions expérimentales

Fait important, les bactéries que les chercheurs ont laissées en contact pendant plusieurs jours chez l’animal avec ces antibiotiques n’ont pas montré de signes de résistances. Afin d’aller plus loin, les chercheurs ont créé des conditions favorables au développement de résistances in vitro et in vivo. Et rien ne s’est déclaré. La prudence reste encore de mise sur ce point car l’expérience a été réalisée sur des temps courts, jusqu’à 15 jours.

L’activité antibactérienne de ces peptidomimétiques est, en partie, due à la capacité de ses acides aminés non naturels à renforcer l’association de ces composés avec les membranes des bactéries infectieuses. Cette forte liaison induit une perméabilité de la membrane et entraîne la mort des bactéries. « Nous pensons que ces nouvelles molécules représentent des candidats prometteurs au développement de nouveaux antibiotiques, pouvant apporter des traitements alternatifs à la résistance aux antimicrobiens ».

La prochaine étape consiste à démarrer les essais cliniques de phase I chez l’humain. Le brevet vient d’être licencié et une start-up vient d’être créée.

Pour voir ces explications en vidéo : http://bit.ly/video-antibio

En France, 2 femmes sur 100 subissent des violences pendant leur grossesse

kieferpix/iStock

Les violences à l’encontre des femmes y compris pendant la grossesse constituent un problème majeur de santé publique. Elles peuvent entrainer la mort, le handicap, et différents troubles de santé mentale et physique que ce soit chez la mère ou pour l’enfant à naître. Une équipe réunissant des chercheurs de l’Inserm et l’Université de Paris au sein du Cress (Centre de recherche en épidémiologie et statistiques), a enquêté sur la fréquence des abus physiques pendant la grossesse, ses conséquences pour la mère et pour l’enfant, ainsi que les caractéristiques associées à ces violences, dans le cadre de l’Enquête nationale périnatale de 2016 qui incluait plus de 12 000 femmes. Publiés dans le Maternal and Child Health Journal, leurs résultats estiment qu’1,8 % d’entre elles ont subi des violences physiques pendant leur grossesse.

Bien que la proportion soit difficile à estimer et qu’elle varie selon les régions, environ 1/3 des femmes dans le monde entier sont victimes d’abus physiques ou sexuels, de leur partenaire ou d’une autre personne.

Quand ces femmes sont enceintes, cela peut avoir des conséquences très néfastes pour leur santé et celle de l’enfant à naître. Mais jusqu’à présent, nous n’avions pas de données concernant les violences physiques spécifiquement pendant la grossesse, à l’échelle nationale.

Cette lacune est désormais comblée grâce aux travaux d’une équipe mixte de recherche (EPOPé) réunissant l’Inserm et l’Université de Paris au sein du Cress. Les chercheurs ont étudié ce phénomène en s’appuyant sur les données recueillies lors de l’Enquête nationale périnatale réalisée en 2016 auprès de 12 330 femmes dans des maternités publiques ou privées en France. (Cf. Rapport : Enquête nationale périnatale 2016. Les naissances et les établissements, situation et évolution depuis 2010). L’objectif de cette étude, coordonnée par Marie-Josèphe Saurel-Cubizolles, était de connaître la fréquence des violences physiques pendant la grossesse, les facteurs de risque, les conséquences pour la mère et pour l’enfant, étapes essentielles pour mettre en place des mesures visant à réduire l’incidence de ces violences.

Les chercheuses ont ainsi calculé qu’1,8 % de l’ensemble des femmes interrogées avaient subi des violences physiques pendant leur grossesse, et que différentes caractéristiques y étaient associées.

En particulier, les femmes qui ne sont pas en couple cohabitant, qu’elles soient en couple non cohabitant ou sans partenaire, sont plus nombreuses à être victimes. La fréquence des violences est également fortement liée aux revenus du ménage, plus élevée pour les femmes vivant dans ceux ayant moins de ressources financières. Enfin, certains comportements comme la consommation de tabac, ou de cannabis, par la future mère sont plus fréquents en cas de violences physiques.

Les chercheuses montrent également que ces violences entrainent des conséquences très néfastes pour la mère et pour l’enfant. En effet, 62 % des femmes ayant subi des abus physiques ont affirmé avoir été en situation de détresse psychologique pendant la grossesse, contre 24 % pour les autres femmes. En ce qui concerne le nouveau-né, ces violences sont associées à un risque plus élevé de naissance prématurée ou encore de transfert de l’enfant dans une unité de soins intensifs.

Une meilleure connaissance des facteurs associés aux situations de violences et la mise en évidence des complications pour la mère et pour l’enfant devraient aider les professionnels de santé à développer des stratégies préventives ou de protection et les conduire à évoquer cette question lors des consultations anténatales.

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