Menu

Grippe : les raisons d’une faible couverture vaccinale chez les femmes enceintes

Des campagnes ciblées rappelant que les femmes enceintes font partie des populations à risque et incitant les soignants à proposer le vaccin pourraient avoir un impact positif. Adobe/Stock

Des travaux menés par Béatrice Blondel (Inserm Équipe de recherche en épidémiologie obstétricale, périnatale et pédiatrique – Université de Paris) avec Odile Launay (CIC Cochin Pasteur – AP-HP) soulignent que la couverture vaccinale contre la grippe saisonnière reste particulièrement faible chez les femmes enceintes en France (7,4 % pendant la saison 2015-16). Malgré les risques de complications sévères, les futures mères ne reçoivent pas souvent de proposition de vaccination au cours de leur suivi et refusent souvent cette vaccination. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Human Vaccines and Immunotherapeutics.

Depuis 2012, les autorités sanitaires françaises recommandent que toutes les femmes enceintes soient vaccinées contre la grippe. Les données de la littérature scientifique suggèrent en effet qu’elles-mêmes et leurs nouveau-nés sont plus à risque de développer des complications graves de la maladie.

Toutefois, en France, la couverture vaccinale des femmes enceintes reste faible. Dans leur étude, la chercheuse Inserm Béatrice Blondel et ses collègues estiment qu’elle était de 7,4 % pendant la saison 2015-16. Pour parvenir à ce résultat, l’équipe s’est appuyée sur les données issues de l’enquête nationale périnatale, une grande étude menée par l’Inserm périodiquement en France depuis 1995 dans le but d’évaluer l’état de santé des mères et de leurs nouveau-nés et les pratiques médicales pendant la grossesse et l’accouchement.

Près de 12 000 femmes ayant donné naissance en mars 2016 ont accepté de participer. « Le fait qu’elles aient accouché en mars était intéressant pour notre étude, car cela signifie qu’elles étaient enceintes pendant toute la période de vaccination et au moment de l’épidémie de grippe, et donc qu’elles étaient complètement concernées par les mesures de vaccination », souligne Béatrice Blondel. 

Ces femmes ont été interrogées afin de savoir si elles avaient été vaccinées contre la maladie pendant leur grossesse, mais aussi par quel professionnel de santé le suivi prénatal avec été réalisé. Au-delà des estimations de la couverture vaccinale, les chercheurs ont analysé les facteurs favorisant la vaccination, ainsi que les raisons pour lesquelles une grande majorité de femmes n’y avaient pas eu recours.

Méconnaissance et suspicion envers la vaccination

L’analyse des caractéristiques socio-démographiques des participantes à l’étude révèle que les femmes enceintes qui se font le plus vacciner sont plutôt âgée de 30 à 34 ans, ont un niveau de diplôme plus élevé, et travaillent plus souvent dans le secteur de la santé.

Par ailleurs, les femmes dont le médecin principal pendant la grossesse était un généraliste ont aussi un taux de couverture vaccinale plus important. « Le problème en France est que les principaux professionnels chargés du suivi prénatal, les gynécologues-obstétriciens et les sages-femmes, ne se sont pas emparés de cette question, et n’ont pas intégré systématiquement la vaccination dans le déroulé de la surveillance prénatale », précise Béatrice Blondel.

L’étude suggère qu’un travail de sensibilisation mené à la fois auprès des femmes et des soignants est nécessaire. En effet, seul un quart des mères interrogées disent avoir reçu une proposition de vaccination au cours de leur suivi prénatal. Parmi elles, 70 % ont refusé ce vaccin. Des campagnes ciblées rappelant que les femmes enceintes font partie des populations à risque et incitant les soignants à proposer le vaccin pourraient avoir un impact positif. Dans ce contexte, les soignants impliqués dans le suivi prénatal étant nombreux et dispersés, le rôle des associations professionnelles dans cette sensibilisation pourrait être déterminant.

« Par ailleurs, il faut s’adresser aux femmes pour les informer sur les bénéfices avérés de la vaccination. En France, les réticences vis-à-vis des vaccinations sont particulièrement fortes dans la population générale ; de plus le principe de précaution vis-à-vis des médicaments est très fortement ancré dans le comportement des femmes enceintes. Le cumul de ces deux attitudes contribue à expliquer la faible couverture vaccinale. Toutefois, le fait que la campagne vaccinale nationale 2019 inclut les femmes enceintes devrait favoriser une meilleure adhésion des professionnels de santé et de ces femmes », conclut Béatrice Blondel.

 

C’est justement pour mieux informer sur les bénéfices du vaccin et sur ses limites, et pour obtenir une telle adhésion que Canal Détox, la série de l’Inserm qui lutte contre les fausses informations, revient pour une seconde saison, avec un premier épisode consacré à la vaccination contre la grippe.

 

20 ANS DE PRIX INSERM : La science pour la santé à l’honneur

Portraits des prix Inserm 2019

La cérémonie annuelle des Prix Inserm fête ses vingt ans cette année et distinguera, le mardi 10 décembre prochain au Collège de France, six chercheurs et ingénieurs dont les réalisations contribuent à l’excellence scientifique de l’Institut, au service de la santé de tous.

« En rendant hommage à ses scientifiques de talent pour la 20e année consécutive, l’Inserm célèbre la passion et l’engagement des femmes et des hommes qui font la diversité et l’excellence de notre recherche Inserm, au service de la santé de toutes et tous », salue Gilles Bloch, président-directeur général de l’Inserm.

Le Grand Prix Inserm 2019 sera décerné à Éric Gilson dont les travaux contribuent à des avancées majeures en biologie du vieillissement, fondateur et directeur de l’Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement et coordinateur scientifique du programme de recherche Inserm AgeMed.

 

Éric GILSON, Grand Prix Inserm

Éric Gilson se passionne très tôt pour la « limite des connaissances » sur les chromosomes. Sa volonté de questionner les dogmes scientifiques va le conduire à jouer un rôle déterminant dans la compréhension du rôle des télomères, ces séquences répétées d’ADN situées à l’extrémité des chromosomes. On lui doit notamment, la découverte de leurs « capuchons » protéiques protecteurs qui contribuent à la stabilité des chromosomes. Loin de se limiter à la recherche fondamentale, Éric Gilson a souhaité relier sa thématique de recherche à des problématiques plus générales liées à la biologie du vieillissement et du cancer. Il a fondé en 2012 à Nice l’Institut de recherche sur le cancer et le vieillissement avec l’appui de l’Inserm, du CNRS et de l’université de Nice. À l’heure actuelle il dirige toujours cet institut qui fut l’un des premiers mondiaux à combiner cancer et vieillissement en une biologie commune et qui continue d’attirer des chercheurs d’excellence en France et à l’étranger. Depuis son lancement en 2016, il est également le coordinateur scientifique du programme de recherche Inserm AgeMed qui regroupe des chercheurs de tous horizons pour étudier le processus de vieillissement dans sa globalité. 

 

Mathilde TOUVIER, Prix Recherche

Le Prix Recherche distingue des chercheurs, enseignants chercheurs et cliniciens chercheurs, dont les travaux ont particulièrement marqué le champ de la recherche fondamentale, de la recherche clinique et thérapeutique et de la recherche en santé publique. Directrice de recherche Inserm au Centre de recherche en épidémiologie et statistiques, Mathilde Touvier est responsable de l’équipe Inserm de recherche en épidémiologie nutritionnelle. Elle y a participé à l’élaboration du Nutri-Score, l’étiquetage nutritionnel mis en place en France et dans plusieurs pays européens, qui représente une véritable avancée au service de la santé de chacun. Elle coordonne également l’étude NutriNet-Santé, première cohorte mondiale de recherche en nutrition, au sein de laquelle elle a dirigé des travaux mettant en lumière le lien entre la consommation de produits ultra-transformés et le développement de cancers et de pathologies cardio-vasculaires.

 

Michel SADELAIN, Prix International

Dans la longue tradition des coopérations internationales de l’Institut, le Prix International récompense les chercheurs installés à l’étranger. Cette année, l’Inserm récompense Michel Sadelain, directeur du Centre d’ingénierie cellulaire au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center à New York. Fasciné par l’avenir du transfert génétique, ce médecin-chercheur a développé durant vingt années de travaux une technique révolutionnaire de lutte contre le cancer permettant d’améliorer l’efficacité des lymphocytes T dans les procédés d’immunothérapie. Son principe : manipuler le patrimoine génétique des propres cellules immunitaires du patient, avant de les lui réinjecter.

 

Jean-François DELFRAISSY, Prix d’Honneur

Le Prix d’Honneur témoigne de la carrière d’une personnalité scientifique éminente. Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), est récompensé par ce prix pour ses découvertes et ses travaux en infectiologie, ainsi que pour son engagement dans la lutte contre le sida et auprès des patients. Impliqué dès la fin des années 1980 dans la lutte contre l’épidémie de VIH qui prend alors de court le milieu médical, il monte l’unité de recherche Virus, neurones et immunité à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre et crée les premières cohortes de patients atteints par le sida, alliant recherches fondamentale et clinique. À la tête de l’ANRS de 2005 à 2016, il fut aussi directeur de l’institut thématique d’Aviesan immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie et dirigea la task-force Ebola en 2014.

 

Hervé CHNEIWEISS, Prix OPECST-Inserm de l’impact sociétal

Avec ce prix, l’Institut récompense les efforts de valorisation de la recherche et sa capacité à être véritablement en dialogue avec les attentes de la société et les questions des citoyens sur leur santé. Président du comité d’éthique de l’Inserm, Hervé Chneiweiss est reconnu pour son travail sur les astrocytes dont il a démontré les fonctions. Ses travaux, à la frontière de la neurologie et de la génétique l’ont très vite amené à s’intéresser à la bioéthique et à la question de la place de la science dans la société. Conseiller au cabinet du ministre de la Recherche de 2000 à 2002, il a notamment été en charge de la première révision des lois de bioéthique. L’Inserm, ainsi que l’’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques, dont il a été membre du comité scientifique, souhaitent rendre hommage à la carrière de celui qui, élu en juillet à la présidence du comité international de bioéthique de l’Unesco, porte désormais cet engagement hors de nos frontières.

 

Chiara GUERRERA, Prix Innovation

La recherche se compose aussi des ingénieurs, techniciens ou administratifs qui l’accompagnent : le Prix Innovation leur est dédié. Venue d’Italie, Chiara Guerrera a rejoint en 2006 la toute nouvelle plateforme universitaire de protéomique Structure fédérative de recherche Necker (Inserm/APHP/Université de Paris) en tant qu’ingénieure de recherche. Elle a travaillé au développement de cette jeune structure afin d’en faire une plateforme de très haut niveau qui propose non seulement une assistance technique adaptée aux besoin des chercheurs mais également des soutiens stratégique et méthodologique adéquats. Son équipe participe à l’identification de biomarqueurs déterminants dans la compréhension de maladies graves comme la cystinurie ou la mucoviscidose.

Innovation : le froid pour réduire le risque de séquelles des arrêts cardiaques

Vaisseaux lymphatiques du coeur chez le rat ©Inserm/Brakenhielm, Ebba

Chaque année en France, 46 000 personnes sont victimes d’un arrêt cardiaque. Des chercheurs de l’EnvA, de l’université Paris Est Créteil, de l’Inserm et de l’institut Mondor de recherche biomédicale proposent une nouvelle approche pour mieux les prendre en charge et mieux appréhender leurs possibles conséquences. Elle repose sur une technique basée sur le froid et la ventilation liquide et est décrite dans le journal EBioMedicine.

Un nouveau pas vers une meilleure prise en charge des arrêts cardiaques vient d’être franchi ! Après 15 années de recherche, les équipes de chercheurs impliquant les professeurs Renaud Tissier (INSERM, EnvA, Institut Mondor) et Philippe Micheau (Université de Sherbrooke, Canada) ont mis au point une technologie permettant de traiter les maladies critiques en réanimation (les arrêts cardiaques notamment). Cette technique repose sur les vertus du froid. Il s’agit de faire respirer au patient inconscient un liquide froid qui va refroidir très rapidement le corps tout en assurant l’apport en oxygène. La température du corps diminue alors pour atteindre 32°C. Cet état d’hypothermie est atteint en 20 minutes contre trois à six heures avec les techniques habituelles (pour un individu de 80kg). Le froid va réduire la circulation sanguine et
réduire les besoins du corps, notamment en oxygène, et de ce fait limiter le risque de séquelles, par exemple neurologiques et cardiaques.

Les résultats de ces travaux de recherche sont publiés dans un article sur le site internet de E-biomedicine. Ils seront repris dans le numéro à venir de la revue, en janvier 2020. Dans cette nouvelle étude, les auteurs ont permis de mieux comprendre la physiologie pulmonaire au cours de la ventilation liquide, afin d’aboutir à une excellente tolérance de la procédure, tout en conservant et potentialisant les bénéfices. Un nouveau concept de ventilation liquide est alors proposé par la ventilation des poumons sous leur capacité résiduelle fonctionnelle.

À partir de ces travaux, la start up Orixha a mis au point des prototypes, déposé des brevets et réalisé les premiers tests. Orixha et Erganeo, société de transfert technologique valorisant les travaux des organismes publics de recherche, ont signé en juin une licence exclusive mondiale sur l’utilisation de cette technologie innovante.

L’enjeu est majeur pour les 46 000 victimes d’arrêts cardiaques en France chaque année. D’autant que le taux de survie après 30 jours est de 4,9%, augmentant à 10,4% lorsqu’un massage cardiaque a été effectué immédiatement après la perte de conscience.

Vers un médicament pour lutter contre une maladie intestinale grave chez l’enfant, les patients immunodéprimés

Structure 3D de l’enzyme avec la molécule AN3661 sur fond de l’intestin d’une souris immunodéficiente infectée par Cryptosporidium. ©Fabrice Laurent et Christopher Swale

Des chercheurs de l’Inserm et de l’INRA regroupés au sein des équipes de Mohamed-Ali Hakimi (Institute for Advanced Biosciences – Inserm U 1209 / CNRS UMR 5309 / UGA) et de Fabrice Laurent (INRA) viennent de découvrir un nouveau candidat-médicament pour contrôler la cryptosporidiose, une maladie intestinale grave chez l’enfant, les patients immunodéprimés et les jeunes ruminants. Au-delà de cette maladie, ces travaux sont une piste pour trouver de nouvelles pistes thérapeutiques pour d’autres infections apparentées comme la toxoplasmose ou le paludisme. Ces travaux sont publiés dans Science Translational Medicine.

La cryptosporidiose est une maladie diarrhéique causée par un parasite microscopique, Cryptosporidium, lequel se développe dans l’intestin de nombreux mammifères, notamment dans celui de l’homme. Ce parasite intestinal se propage principalement par la contamination d’eau de consommation ou de baignade où il peut survivre plusieurs jours dans les eaux chlorées, ou encore par le contact avec des animaux infectés. Au cours des 20 dernières années, l’infection par Cryptosporidium a été reconnue comme une cause fréquente de maladie hydrique chez l’homme. Selon une récente étude des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américains (CDC), le nombre d’épidémies à Cryptosporidium est même en augmentation. Chez l’Homme, il provoque des diarrhées aiguës, parfois fatales chez les populations les plus vulnérables comme l’enfant en bas âge souffrants de malnutrition, ou les patients immunodéprimés (par exemple ceux infectés par le VIH). Les moyens thérapeutiques sont actuellement très limités et dans certains cas inefficaces pour éliminer ce parasite.

L’étude menée par les chercheurs de l’Inserm et de l’INRA révèle la découverte d’un candidat-médicament, appelé AN3661, qui réduit drastiquement l’infection de Cryptosporidium mais également celle de Toxoplasma, le parasite responsable de la toxoplasmose.

Les équipes de recherche révèlent aujourd’hui le mécanisme d’action de cette molécule en résolvant la structure tridimensionnelle de sa cible, appelé CPSF3, chez Cryptosporidium. AN3661 se lie au cœur de l’enzyme CPSF3 et empêche ainsi la maturation des ARN messagers, un processus essentiel à la survie du parasite. Des essais précliniques en modèle murin montrent une efficacité remarquable in vivo avec des traitements de l’infection en dose unique chez des souriceaux ou des souris immunodéprimées.

Cette découverte majeure ouvre la voie vers de nouvelles stratégies et innovations thérapeutiques pour lutter contre la cryptosporidiose mais aussi les autres infections apparentées comme la toxoplasmose ou le paludisme.

Les risques de complication de l’obésité dépendraient avant tout de la composition du tissu adipeux

Maintenance et pesée d’une souris obèse au laboratoire de l’unité de recherche Inserm 1073 « Nutrition, inflamation et dysfonction de l’axe intestin-cerveau », Université de Rouen. ©Inserm/Guénet, François

Se reposer uniquement sur la quantité de masse grasse semble constituer une approche trop réductrice pour prédire efficacement le risque de complications métaboliques et cardiovasculaires associées à l’obésité. L’équipe Inserm de Laurent Lagrost (Inserm UMR1231 “Lipides, nutrition, cancer”, Université de Bourgogne-Franche-Comté, Dijon) montre que, chez la souris, c’est la composition du tissu adipeux, et non sa quantité, qui est associée à l’espérance de vie. Ces travaux sont parus dans Scientific Reports.

Plusieurs études observationnelles menées chez des sujets obèses ont montré que certains présentent un métabolisme très altéré, alors que d’autres se portent plutôt bien. Autrement dit, il existe une hétérogénéité chez les personnes obèses face aux complications liées à cette obésité.

Une équipe Inserm a voulu comprendre ce phénomène. Pour cela, elle a analysé le métabolisme et le tissu adipeux de jeunes souris obèses qui disposaient à volonté d’aliments gras et sucrés. De précédentes études ayant montré que des antioxydants peuvent améliorer l’espérance de vie des rongeurs obèses, certains animaux ont par ailleurs reçu un extrait polyphénolique riche en divers antioxydants.

Dans le laboratoire Inserm de Laurent Lagrost à Dijon, les chercheurs se sont aperçus que le régime gras et sucré altérait nettement le métabolisme des souris par rapport à des animaux contrôles non obèses. Elles présentaient notamment des signes d’hyperglycémie et d’hypercholestérolémie. Ce régime était de plus associé à un stress oxydatif important au niveau des cellules du tissu adipeux, conduisant notamment à l’accumulation de composés potentiellement toxiques tels que le cholestérol et ses dérivés oxydés. En outre, les auteurs ont constaté une infiltration importante de ce tissu adipeux par des cellules immunitaires pro-inflammatoires.  Ces souris ont vécu moins longtemps que des souris minces : leur espérance de vie était réduite en moyenne de 36%.

Antioxydants polyphénoliques

Toutefois, chez les souris ayant reçu en plus un extrait d’antioxydants polyphénoliques, les résultats sont tout à fait différents. Les animaux sont bien devenus obèses, avec une masse grasse équivalente aux rongeurs ayant reçu seulement le régime gras et sucré. Cette fois-ci néanmoins, leur espérance de vie était plus longue, équivalente à celle des animaux non obèses.

Les chercheurs ont donc regardé à quels paramètres biologiques cette différence de survie pouvait être imputable. Ils ont constaté que ces souris présentaient un métabolisme plus équilibré mais, aussi, que le niveau d’oxydation était moindre au niveau du tissu adipeux. Celui-ci présentait un taux d’infiltration par les cellules immuno-inflammatoires nettement réduit par rapport aux souris obèses. Au-delà de la masse grasse, ce sont ces facteurs qui sont associés à la pathogénicité de l’obésité.

« En utilisant ce mélange de polyphénols nous avons gommé les anomalies du tissu adipeux générées par un régime gras et sucré, et avons restauré l’espérance de vie à hauteur de souris minces, indépendamment du surpoids des animaux », résume Laurent Lagrost, responsable de ces travaux.

C’est la première fois qu’une équipe parvient à augmenter l’espérance de vie d’animaux obèses en modifiant uniquement la composition du tissu adipeux, sans perte de poids. Les chercheurs démontrent ainsi expérimentalement que la composition du tissu adipeux contribue plus que sa quantité à expliquer la pathogénicité de l’obésité chez la souris.

Si ces résultats se confirmaient chez l’homme, ces travaux pourraient avoir plusieurs retombées. D’une part, « ils montrent que la composition du tissu adipeux peut varier et que cela fragilise ou au contraire protège des dommages de l’obésité. Il faudra donc davantage tenir compte de cela lors de l’évaluation des facteurs de risque et des complications liées à l’obésité et ne pas se focaliser uniquement sur la masse grasse et le poids corporel », clarifie le chercheur.

D’autre part, « ils semblent indiquer qu’un régime alimentaire équilibré et riche en antioxydants pourrait améliorer la composition du tissu adipeux en limitant les phénomènes d’oxydation et d’infiltrations de cellules immuno-inflammatoires. Ces observations restent maintenant à vérifier chez les personnes obèses », conclut-il.

Opération Cortex, l’escape game de l’Inserm

© Emeraude Escape

Le premier escape game de l’Inserm, Opération Cortex, expérience immersive destinée à sensibiliser à la recherche en santé ouvre ses portes à toutes et tous le 15 novembre. Ce nouveau format de dialogue avec le public répond à la volonté de l’Institut de promouvoir la culture scientifique et de faire découvrir les laboratoires de l’Inserm au public.

Depuis plus de cinquante ans, l’Inserm agit au quotidien pour que la science améliore la santé de chacun. L’Institut contribue à la diffusion des connaissances et de la culture scientifique auprès des citoyens, et propose à tous des formats de culture scientifique innovants.

Dans Opération Cortex, les joueurs sont ainsi conviés à se laisser transporter en 2064, dans un futur où les scientifiques de l’Inserm ont réussi à mettre au point un cerveau artificiel, dédié à l’étude des perceptions sensorielles, du sommeil, des maladies… un outil qui offre des perspectives exceptionnelles pour faire avancer les connaissances. Mais en visitant le laboratoire qui est à l’origine de cette prouesse scientifique, tout ne va pas se passer comme prévu… et ce sera dès lors à chacun de faire carburer ses méninges pour réussir à ressortir du bâtiment !

Pour Gilles Bloch, président-directeur général de l’Inserm : « Il est important de faire entrer le public dans nos laboratoires Inserm afin qu’il se rende compte du travail réalisé au quotidien pour la recherche en santé, afin d’expérimenter la modernité des méthodes et les technologies de pointe qui y sont développées. Echanger et dialoguer avec le public de cette façon saisissante car immersive est notre pari avec cet escape game. »

Ce jeu, d’une durée de 45 minutes, s’adresse à tous à partir de 10 ans (les enfants doivent être accompagnés d’adultes). Il est suivi d’un échange privilégié avec les chercheurs de l’Inserm qui accueillent les participants. De nombreuses séances, en journée et en soirée, sont d’ores et déjà organisées dans quatre laboratoires parisiens en novembre. Des sessions seront organisées dans plusieurs villes en région dès janvier 2020. La participation est gratuite, mais l’inscription est obligatoire. L’ensemble des dates d’ouverture au public seront communiquées au fur et à mesure via le compte Facebook de l’Inserm et sur le site Inserm.fr.

Visualiser la vidéo teaser de l’évènement et l’affiche du jeu

Les laboratoires de recherche parisiens accueillant l’escape game :

Ont participé au comité scientifique et organisationnel de l’Escape Game : Thierry Galli, directeur de recherche Inserm, directeur de l’Institut de psychiatrie et de neurosciences de Paris ; Nicolas Ramoz, chercheur Inserm, spécialiste en neuropsychiatrie moléculaire ; Diana Zala, chercheuse Inserm spécialiste en neurobiologie cellulaire ; Armelle Rancillac, chercheuse Inserm, neurobiologiste ; Elisabeth Davenas, secrétaire générale de l’Institut de psychiatrie et de neurosciences de Paris ; Patricia Oliviero, chargée de communication à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière ; Thu Mai Nguyen, manager de projet scientifique à l’ART Ultrasons biomédicaux ; Cyrille Mahieux, secrétaire général du Paris centre de recherche cardiovasculaire ; Muriel Delacroix, gestionnaire administrative, Paris centre de recherche cardiovasculaire.

Conception et réalisation du jeu : agence Emeraude Escape.

Dossier de presse : Diabète de type 1 : l’Inserm fait le point sur les recherches

Îlots pancréatiques observés au microscope ©François Pattou/Université de Lille

De la découverte de l’insuline en 1921 jusqu’aux premières greffes de pancréas à la fin des années 60, l’histoire récente de la recherche sur le diabète de type 1 a été jalonnée de succès. Ces avancées scientifiques et médicales ont transformé le pronostic et la qualité de vie des malades.  

En France et à l’étranger, les chercheurs continuent d’œuvrer pour améliorer la prise en charge des patients. À l’Inserm, onze équipes réparties dans neuf unités travaillent sur le sujet. Leurs activités portent principalement sur la caractérisation des cellules du pancréas et tentent de parvenir à une meilleure compréhension de la maladie (facteurs de risque, susceptibilité génétique, mécanismes physiopathologiques) et de ses complications.

L’une de ces équipes explore à Lille la transplantation d’îlots, technique prometteuse qui fait l’objet d’une nouvelle publication dans la revue Diabetes Care[1] et d’une mise au point dans The Lancet[2]. D’autres pistes très intéressantes sont aujourd’hui également à l’étude, notamment l’immunothérapie ou le développement de pancréas artificiels.

 

I. La recherche sur le diabète de type 1 à l’Inserm

Les équipes Inserm sont impliquées dans de nombreux projets collaboratifs pour faire avancer les traitements sur le diabète de type 1. Quelques-uns ont d’ores et déjà donné des résultats prometteurs.

  • Le projet EXALT (2014-2019)[3], auquel a participé l’équipe Inserm de Christian Boitard à l’Institut Cochin, visait à évaluer les effets d’une immunothérapie innovante sur des patients atteints de diabète de type 1. Fondée sur l’administration d’un peptide, l’objectif de cette immunothérapie était de modifier la réaction auto-immune dirigée spécifiquement contre les cellules bêta du pancréas. La première partie du projet a montré dans des modèles expérimentaux qu’il y a bien un effet sur la réaction auto-immune du diabète. Les résultats de l’étude clinique de phase 1b sont en cours d’analyse.

 

  • Le projet européen Hypo-RESOLVE,[4] mené sur la période 2018-2022 par Éric Renard à Montpellier (Inserm 1191/UMR 5203), vise à consolider les connaissances scientifiques au sujet de l’hypoglycémie. L’idée est de créer une base de données cliniques pérenne, de mener des études pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents de l’hypoglycémie et de réaliser une série d’analyses statistiques pour en définir les facteurs de prédiction et les conséquences. Par ailleurs, les chercheurs souhaitent aussi calculer le coût financier de l’hypoglycémie dans les pays européens. 

 

  • « Pancréas artificiel » : Éric Renard et ses collègues ont mené des travaux en collaboration avec l’Université de Virginie (Charlottesville, VA, USA) pour créer un pancréas artificiel. Le système algorithmique développé a été intégré dans le dispositif Tandem Control-IQ, en vue de commercialisation (voir la photo ci-dessous). Testé actuellement en France chez 120 enfants atteints de diabète de type 1 dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique national, les données de l’analyse intermédiaire indiquent un maintien à un taux normal de glycémie 71% du temps sur 24h, avec une réduction significative du temps passé en hypo- et en hyperglycémie. Si le nom peut porter à confusion, il faut savoir que le pancréas artificiel n’est pas un faux organe qui serait greffé au patient. Il s’agit plutôt d’une technologie externe, constitué de trois éléments clés : un capteur, une pompe et un algorithme. Le capteur sous-cutané mesure la glycémie du patient en continu. La pompe perfuse l’insuline par l’intermédiaire d’une fine tubulure positionnée sous la peau. L’enjeu du pancréas artificiel réside aujourd’hui dans la troisième partie du système : l’algorithme capable de faire le lien entre le capteur et la pompe de façon automatique. 

 

  • L’équipe Inserm de Raphaël Scharfmann à l’Institut Cochin a apporté au cours des dix dernières années de nouveaux modèles cellulaires du diabète de type 1, sous forme de lignées de cellules bêta humaines. Elle cherche aujourd’hui à développer des thérapies innovantes fondées sur l’usage des cellules souches.

II. Alternative à l’insulinothérapie

a) Îlots producteurs d’insuline

Dans ce contexte d’innovations permanentes, l’allogreffe d’îlots de Langerhans, ces cellules spécialisées du pancréas qui produisent l’insuline, s’est aussi imposée comme une piste thérapeutique particulièrement séduisante. Depuis une vingtaine d’années, François Pattou, Marie-Christine Vantyghem et Julie Kerr-Conte au sein de l’unité Inserm 1190 « Recherche translationnelle sur le diabète » et leurs collègues des services de chirurgie et d’endocrino-diabétologie du CHU de Lille ont développé cette approche et greffé plus de cinquante personnes.

Au-delà du bénéfice incontestable pour les patients, leurs travaux illustrent parfaitement l’apport de la recherche translationnelle et des échanges entre laboratoire et services hospitaliers pour faire progresser les connaissances et les traitements de la maladie.

En France, 3,9 millions de personnes sont diabétiques. Parmi elles, environ 5 % sont atteintes d’un diabète de type 1. Cette forme de la maladie est due au déficit d’une hormone appelée insuline, qui entraîne une élévation prolongée de la concentration de glucose dans le sang (l’hyperglycémie).[5]  Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune, puisqu’elle est causée par un dysfonctionnement des cellules immunitaires, qui identifient les îlots de Langerhans du pancréas comme des cellules étrangères à l’organisme, et les éliminent. Ces îlots ne peuvent donc plus assurer leur fonction normale de production de l’insuline.

b) Principe de la greffe

À l’heure actuelle, le traitement de référence du diabète de type 1 repose sur l’administration d’insuline, soit en injections sous-cutanées plusieurs fois par jour, soit par pompe. Les patients ont recours à des analogues d’insuline humaine qui permettent de rétablir et maintenir les taux de glycémie à un niveau normal.

Néanmoins, chez certains patients, le diabète n’est pas parfaitement régulé par ce traitement, malgré un suivi strict des conseils alimentaires et thérapeutiques. Des complications sévères peuvent alors survenir. Un contrôle glycémique insuffisant peut en effet être délétère pour les organes, affectant en premier lieu le cœur et les vaisseaux, mais aussi les petites artères qui alimentent les reins, les nerfs des membres inférieurs et la rétine.

À côté des approches technologiques (pompe à insuline, capteurs de glucose et bientôt pompe en boucle fermée), l’approche biologique par la greffe d’îlots a constitué une étape essentielle pour la recherche sur le diabète. En permettant de restaurer une sécrétion d’insuline quasi physiologique, la greffe de cellules insulino-sécrétrices transforme la vie des patients, qui se trouvaient jusqu’ici en impasse thérapeutique.

Le principe de la greffe d’îlots ou thérapie cellulaire du diabète est de remplacer les cellules détruites du pancréas afin de rétablir une production régulée d’insuline. Se faisant, elle permet de normaliser le contrôle glycémique des malades, voire d’interrompre l’insulinothérapie. « La greffe d’îlots est proposée à deux profils de patients : d’une part ceux qui ont un diabète de type 1 très instable, souvent ancien, avec notamment la survenue d’hypoglycémies sévères et/ou non ressenties, d’autre part les patients greffés d’un rein, qui prennent déjà des médicament immunosuppresseurs qu’il suffit alors d’ajuster », souligne Marie-Christine Vantyghem.

II. Deux décennies de greffes

a) Les débuts de la greffe d’îlots

Pendant longtemps, pour les patients diabétiques de type 1 dont les complications rénales justifiaient une greffe de rein, la greffe simultanée de pancréas entier a représenté l’alternative thérapeutique la plus efficace à l’insulinothérapie. Cette tendance pourrait néanmoins s’inverser au cours des prochaines années, car cette procédure comporte des risques non négligeables. Il s’agit en effet d’un organe fragile et difficile à prélever chez les donneurs.

L’injection des îlots, c’est-à-dire seulement des cellules utiles, sécrétrices d’insuline, constitue une intervention moins lourde et tout aussi efficace.  « La greffe de pancréas est une intervention efficace mais au prix d’un risque élevé de complications parfois sévères. Tant que la greffe d’îlots ne fonctionnait pas bien, et qu’elle ne rétablissait pas un contrôle glycémique adapté, la greffe du pancréas permettait de meilleurs résultats. Mais la greffe d’îlots, moins risquée, a beaucoup progressé et peut être proposée aujourd’hui chez des patients qui ne supporteraient pas une greffe de pancréas », précise François Pattou.

Les premiers essais expérimentaux puis cliniques de cette technique remontent à la fin des années 60. Toutefois, c’est l’année 2000 qui est considérée comme un tournant majeur dans l’histoire de l’allogreffe d’îlots. Cette année-là, des chercheurs canadiens publient les résultats d’un essai clinique dans le New England Journal of Medicine[6]. Grâce à une greffe d’îlots pancréatiques, sept patients atteints d’un diabète de type 1 sont devenus entièrement insulino-indépendants. Ils n’avaient plus besoin d’avoir recours aux injections d’insuline depuis un an.

 « Après 2000, les travaux autour de cette procédure ont explosé, et d’autres succès ont été rapportés dans le monde, notamment par notre groupe. Le problème, c’est que très peu d’études se sont ensuite intéressées aux patients sur la durée, et nous sommes les premiers à présenter les résultats d’une étude à 10 ans », soulignent François Pattou et Marie-Christine Vantyghem.

b) Suivi sur 10 ans

La nouvelle étude publiée dans Diabetes Care de François Pattou, Marie-Christine Vantyghem et leurs équipes, retrace en effet la trajectoire de 28 patients ayant bénéficié d’une greffe d’îlots entre 2003 et 2012. Souffrant d’insuffisance rénale, la moitié d’entre eux avaient en outre déjà été greffés du rein.  

Avant ces travaux, plusieurs groupes avaient déjà publié des résultats sur l’évolution de patients greffés avec des îlots pancréatiques, mais aucun n’était allé au-delà d’un suivi à cinq ans. Tous soulignaient des bénéfices cliniques pour les patients et une amélioration de leur qualité de vie. Toutefois, en l’absence d’un suivi rigoureux à plus long terme, des questions demeuraient en suspens : les bénéfices de la greffe d’îlots déclinaient-ils au-delà de cinq ans ? Qu’en était-il des complications associées à la prise d’immunosuppresseurs ?

Le protocole opératoire pour réaliser la greffe d’îlots pancréatiques a été mis en place au cours des deux dernières décennies par l’équipe lilloise, en mettant l’accent non seulement sur la qualité, mais aussi sur la quantité des îlots greffés. « Nous avons choisi de greffer initialement un nombre important d’îlots. S’ils proviennent d’un pancréas particulièrement robuste, et contenant beaucoup d’îlots, une seule greffe peut suffire. Cette situation est cependant l’exception et une ou deux greffes supplémentaires sont le plus souvent nécessaires. La particularité de notre programme est de planifier les nouvelles greffes rapidement, sans les conditionner aux résultats de la première, pour donner toutes les chances aux patients de retrouver une production d’insuline normale », explique François Pattou.

Greffe d’îlots : quelques mots sur la procédure

Les îlots sont aujourd’hui isolés dans quelques laboratoires spécialisés, à Lille par l’équipe de Julie Kerr-Conte, mais aussi à Genève, Paris, Montpellier et Strasbourg à partir de pancréas prélevés chez des donneurs en état de mort cérébrale. 

La préparation d’îlots est ensuite injectée dans le foie par une courte incision abdominale ou par voie percutanée afin de perfuser les îlots collectés dans la veine porte du foie. La thrombose constitue le risque principal de cette procédure, et les patients doivent donc recevoir des anticoagulants.

Îlots pancréatiques observés au microscope – François Pattou/Université de Lille

c) Des résultats prometteurs

Dans le cadre de leur étude, les patients ont été vus à l’hôpital au moins une fois par an pendant dix ans pour vérifier l’état de la greffe. La plupart ont été suivis de façon trimestrielle. À chaque visite, la situation clinique, l’équilibre glycémique, les besoins en insuline exogène (apportée de l’extérieur) et les complications du traitement et du diabète étaient évaluées.

L’équipe de recherche avait choisi d’étudier comme critère principal l’insulino-indépendance avec un équilibre glycémique normal. Les médecins souhaitaient en effet déterminer la proportion de leurs patients capable de maintenir un bon contrôle glycémique, sans apport exogène d’insuline. L’étude souligne que c’est le cas au bout de cinq ans pour la moitié des 28 patients, et à dix ans, encore pour près d’un tiers (28 %). Ces résultats sont similaires à ceux obtenus avec la greffe de pancréas entier.

Les chercheurs ont également montré que 80 % des patients avaient une greffe toujours fonctionnelle au bout de cinq ans, sans évènement majeur d’hypoglycémie. Après dix ans, c’était toujours le cas pour les deux tiers d’entre eux. Enfin, la fonction rénale ne s’était pas détériorée de façon significative, malgré la possible toxicité rénale des immunosuppresseurs, celle-ci étant probablement compensée d’une part par un ajustement étroit des doses, d’autre part par l’excellent contrôle glycémique obtenu chez la plupart des patients.

Ces résultats montrent que la greffe permet d’améliorer considérablement l’équilibre glycémique des patients diabétiques de type 1 instables, de les mettre à l’abri du risque potentiellement mortel des hypoglycémies sévères et non ressenties, d’éviter les complications graves de la maladie et d’augmenter significativement leur qualité de vie. 

Pour comprendre pourquoi la greffe est plus efficace à long terme chez certains patients que chez d’autres, plusieurs pistes se dessinent. « Il semblerait qu’il y ait un signal en faveur des femmes, et certains éléments expérimentaux montrent que la présence d’œstrogènes serait favorable à la survie des îlots. Les patients qui ont les meilleurs résultats à long terme sont surtout ceux qui avaient retrouvé un bon contrôle glycémique juste après la greffe. Si nous voulons l’optimiser, il faut miser sur la qualité et la quantité des îlots que nous greffons au départ », indiquent François Pattou et Marie-Christine Vantyghem.

Les démarches pour le remboursement de la greffe d’îlots sont actuellement engagées auprès de la Haute Autorité de santé. La réponse est attendue pour 2020.

 

III. Quelles perspectives d’avenir ?

Différents problèmes demeurent, notamment le possible rejet immunologique des cellules greffées, et le nombre limité de cellules insulino-sécrétrices humaines disponibles pour la greffe dans le contexte actuel de pénurie de donneurs.

En effet, pour éviter le rejet de leur greffe, les patients doivent se soumettre à un traitement immunosuppresseur qui comporte un certain nombre d’effets indésirables. Plusieurs équipes s’efforcent aujourd’hui de trouver de nouvelles solutions pour éviter ce rejet de greffon. Par ailleurs, afin de développer des alternatives aux donneurs humains, de nombreuses équipes dans le monde mènent actuellement des études visant à produire des îlots à partir de cellules souches pluripotentes, et de les greffer avec succès[7].

Ces deux problématiques pourraient être résolues par une approche commune pour diffuser plus largement la thérapie cellulaire du diabète : « Le Graal serait de produire au laboratoire des îlots à partir de cellules souches puis de les greffer au sein d’une capsule de biomatériaux les protégeant du système immunitaire », souligne François Pattou.

De plus, de nombreux travaux sont en cours pour développer des pancréas artificiels totalement autonomes. À l’heure actuelle, le contrôle glycémique obtenu avec ces dispositifs externes reste inférieur à celui obtenu par la greffe et la restauration « biologique » de la sécrétion d’insuline.  « Ces approches s’avèrent néanmoins complémentaires et seront proposées en fonction du profil de chaque patient », précise Marie-Christine Vantyghem

La publication des résultats de la greffe d’îlots à 10 ans est une nouvelle étape importante dans le traitement du diabète de type 1. Ces résultats démontrent en effet que la thérapie cellulaire peut fonctionner sur le long germe si la masse d’îlots transplantée est suffisante.   Ces travaux ouvrent des perspectives très intéressantes pour toutes les équipes qui travaillent sur de nouvelles sources de cellules insulino-sécrétrices, produites notamment à partir de cellules souches et qui permettront de pallier le manque de donneurs.

IV. Témoignages de patients

Michèle, 61 ans, greffée depuis 14 ans

©Alain Vanderhaegen, Direction Communication du CHU de Lille

« Votre fille ne vivra pas au-delà de l’année 2000. Elle ne se mariera jamais et n’aura pas d’enfants ».  C’est en ces termes qu’un médecin peu empathique déclare à la mère de Michèle que son enfant souffre de diabète de type 1. À ce moment, la fillette ne comprend pas bien ce qui est en train de se passer. Nous sommes dans les années 1970, et l’an 2000 lui paraît bien loin. Elle ne se sent pas malade. Certes, ces derniers temps elle avait beaucoup maigri, mais elle n’a souffert d’aucun malaise.

Tout à coup, tout change. Son hospitalisation en dortoir, seule petite fille au milieu de personnes âgées victimes d’importantes complications liées au diabète, notamment des amputations, est vécue comme un véritable traumatisme. « Psychologiquement, cela a été très dur. Ensuite, j’ai eu une vie de mensonges, à éviter les questions des autres », explique-t-elle.

La prise des traitements est difficile. Il faut affuter les aiguilles, faire bouillir les seringues et s’injecter l’insuline, avec en permanence le sentiment de honte, la volonté de se cacher. Michèle avance, elle tient le coup. Elle rencontre son mari Jacques, avec qui elle a un fils. Tous deux la soutiennent. Tout petit, son garçon a appris à réagir face aux hypoglycémies de sa mère, à aller chercher le sucre dans les placards quand celle-ci en manifeste le besoin.

Mais les crises d’hypoglycémie sévères se font plus fréquentes. Certains jours, ce sont cinq à six crises qui se succèdent, laissant Michèle et ses proches épuisés. Son diabétologue, qui avait rencontré les équipes lilloises lors d’une conférence, décide alors de l’orienter vers la greffe d’îlots. Il lui faudra un an pour qu’elle se décide à sauter le pas, en 2006. Trois greffes s’enchainent alors très rapidement. Tout de suite après la troisième, Michèle peut arrêter les injections d’insuline.  « Que les cellules proviennent de donneurs décédés me bloquait. J’avais aussi peur que la greffe me transforme. De fait, cela a changé ma vie mais je suis restée la même, à la différence qu’il y a toujours avec moi ces trois personnes. Il y a cette ombre-là qui est permanente. C’est pourquoi, si la recherche pouvait avancer sur la greffe à partir de cellules souches, cela serait un grand pas en avant », souligne-t-elle.

Cela fait maintenant 14 ans que Michèle a arrêté l’insuline, qu’elle prend les médicaments immunosuppresseurs tous les jours, sans effets indésirables majeurs. Pour ses proches comme pour elle, c’est une libération. « Je suis redevenue une femme libre, avec mon mari nous pouvons refaire des choses de manière indépendante. Parfois je m’inquiète du vieillissement de la greffe, revenir en arrière serait inconcevable », dit-elle.

 

Carole, 60 ans, greffée depuis 4 ans

©Alain Vanderhaegen

À 14 ans, Carole rentre en seconde, à l’internat. L’expérience lui déplait, d’autant qu’elle ne cesse de s’évanouir. Cependant, lorsque ses parents la changent de lycée, les choses semblent aller mieux. Elle se sent bien, ne pense plus à ses malaises. Jusqu’à une visite médicale qui révèle du sucre dans ses urines, suivie d’une prise de sang qui confirme le diagnostic de diabète de type 1.

À l’école, après un mois d’hospitalisation, tout le monde fait très attention à elle. « Je pouvais dire n’importe quoi en classe, parce qu’on se disait : « la pauvre, elle n’y est pour rien, elle est diabétique« .  J’en ai bien profité, je me suis amusée », explique-t-elle.

Elle supporte bien les traitements, mange presque normalement, passe son bac et devient institutrice. Sur son lieu de travail, elle a toujours des bouteilles de jus d’orange à portée de main en cas de crise.

Mais progressivement, les hypoglycémies se font plus sévères, elles sont non ressenties. Elles empiètent sur son quotidien et détériorent sa qualité de vie. « À la naissance de ma fille, les médecins n’avaient pas tenu compte de mon diabète. J’ai fait un œdème pulmonaire, j’ai été hospitalisée ailleurs. Je n’ai pas vu mon bébé pendant 15 jours, et j’ai fait la grève de la faim pour qu’on me laisse la voir. Quand je suis sortie de l’hôpital, un matin j’ai fait une hypoglycémie. Soudain, je ne me souvenais plus que j’avais une fille, je l’avais oubliée. Si j’avais été toute seule, j’aurais été capable de sortir et de la laisser à la maison », raconte-t-elle.

Un jour, un ami lui parle d’une émission radio, dans laquelle il a entendu parler de la greffe d’îlots qui est proposée à Lille. Carole en discute avec son diabétologue qui promet de se renseigner. Finalement, c’est elle qui trouvera les coordonnées de l’équipe.

Greffée en 2015 et 2016 à trois reprises, Carole est bien décidée à profiter à nouveau de sa vie. Dès la deuxième greffe, elle est insulino-indépendante. Cinq ans plus tard, elle vit toujours bien la prise d’immunosuppresseurs, qu’elle n’oublie jamais. Les hypoglycémies ont disparu. Elle peut désormais conduire, refaire du sport, se balader seule sans avoir à partager tout son emploi du temps avec son mari. « Je peux même remanger des gâteaux quand des proches en font. Mais j’ai tellement été habituée à ne pas manger de sucre, que maintenant en fait, je n’aime pas ça. La greffe a changé ma vie alors que j’étais dans une situation où je ne faisais plus rien par moi-même. Ces îlots, se sont mes amis, je leur ai donné un nom et je leur fête leur anniversaire », sourit-elle.

 

Béatrice, 54 ans, greffée depuis 1 an

©Alain Vanderhaegen

L’adolescence de Béatrice a été fortement perturbée par l’annonce de son diabète. Originaire d’un milieu rural près de Rennes, aucune des personnes de son entourage n’avait entendu parler de la maladie avant son diagnostic à l’âge de 11 ans. Les débuts sont difficiles : à l’école personne ne fait l’effort de comprendre la situation qu’elle traverse. Elle est obligée de manger dans les cuisines de la cantine, et se retrouve souvent seule dans la cour de récréation. Les injections d’insuline améliorent un peu la situation, même si des effets indésirables sont à noter, notamment la prise de poids à chaque augmentation des doses. Par ailleurs, Béatrice souffre de la discrimination dont elle est victime, et qu’elle retrouvera plus tard dans le milieu professionnel.

Au fil des années, de nouvelles technologies voient le jour pour aider les patients comme Béatrice à mieux contrôler leur glycémie. C’est le cas des pompes avec arrêt automatique d’insuline, et des capteurs qui mesurent en continu la glycémie. Néanmoins, il y a aussi de désavantages : en cas d’hypoglycémie, une alarme se déclenche, à toute heure du jour et de la nuit. « C’était très difficile à vivre au quotidien. Quand j’ai enfin été greffée mon mari a fait la remarque que désormais, « nous pouvions enfin dormir« . Notre qualité de vie a été nettement améliorée », souligne-t-elle.

C’est en lisant un article dans le journal de l’Association françaises des diabétiques que Béatrice découvre la greffe d’îlots. Elle est fatiguée, elle vient de perdre son travail. « J’avais l’impression d’être en bout de parcours, il me fallait une solution nouvelle, pour survivre. Pour continuer à vivre tout simplement. En lisant, j’ai tout de suite eu le sentiment que la greffe était pour moi », explique-t-elle.

Il s’écoulera deux ans avant qu’elle ne puisse convaincre sa diabétologue de l’orienter vers des connaisseurs du sujet, et qu’elle ne rencontre enfin l’équipe Inserm-CHU de Lille. Fin 2018, Béatrice bénéficie d’une greffe à trois reprises. Elle est insulino-indépendante très rapidement après. « Je perçois la greffe comme un cadeau énorme. Par respect pour les donneurs, il faut que je continue à me battre. J’ai envie de les faire vivre, je les appelle mes petits anges », explique-t-elle.

Si la prise d’immunosuppresseurs s’accompagne de désagréments, notamment des sensations de fourmillements dans les jambes, Béatrice reconnaît que ceux-ci sont bien moindres que ne l’étaient les complications liées à son diabète de type 1. « Le diabète de type occupait toutes mes pensées, j’avais l’impression de faire ma vie autour de la maladie. Nous verrons comment mon état évolue, et comment la greffe tient dans les prochaines années, mais un an après la procédure, je suis optimiste. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai de l’espoir », dit-elle. 

Lexique

Îlots de Langerhans Les cellules des îlots de Langerhans (ou îlots pancréatiques) sont des cellules endocrines du pancréas dont la fonction principale est la production de l’insuline. Les îlots de Langerhans sont des micro-organes complexes disséminés dans le pancréas exocrine.

Allogreffe Greffes les plus courantes, qui concernent les cas où le donneur et le receveur sont de la même espèce biologique, mais étrangers l’un à l’autre.  

Xénogreffe : Greffe dans laquelle le greffon provient d’une espèce biologique différente, par exemple le porc.

Cellules souches pluripotentes : Cellules capables de se multiplier à l’infini et de se différencier en tous les types de cellules qui composent un organisme adulte.

[1] https://care.diabetesjournals.org/sites/default/files/care_upcoming/DC190401_ADVANCEDCOPY_STAMPED.pdf

[2]Advances in β-cell replacement therapy for the treatment of type 1 diabetes”.

Vantyghem MC, de Koning EJP, Pattou F, Rickels MR.

Lancet. 2019 Oct 5;394(10205):1274-1285. 

[3] https://cordis.europa.eu/project/rcn/110445/reporting/en

[4] https://hypo-resolve.eu/

[5] https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/diabete-type-1

[6] « Islet Transplantation in Seven Patients with Type 1 Diabetes Mellitus Using a Glucocorticoid-Free Immunosuppressive Regimen », New England Journal of Medicine, Juillet 2000. https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJM200007273430401

[7] https://www.ajd-diabete.fr/le-diabete/tout-savoir-sur-le-diabete/le-traitement/

Une piste prometteuse pour la prévention de la sarcopénie et le traitement des maladies neuromusculaires.

 

Protéine CaVβ1E

Le muscle est l’organe qui dépense la plus grande quantité d’énergie pour assurer les fonctions vitales (battements du cœur, respiration, motricité…) et il représente environ 40% de la masse corporelle totale. Au cours du vieillissement, une perte de la masse et de la force des muscles survient chez une grande majorité des individus, pouvant entraîner invalidité et dépendance. C’est ce que l’on appelle la sarcopénie. En étudiant des muscles jeunes et vieillissants dans un modèle murin, des chercheurs du Centre de recherche en myologie (Sorbonne Université / Inserm) de l’Institut de Myologie sont parvenus à identifier une protéine, la CaVβ1E, qui est à l’origine de l’activation du facteur GDF5. Ce mécanisme permet de prévenir la sarcopénie en maintenant la masse et la force musculaire des souris âgées. L’équipe a identifié la protéine CaVβ1E chez l’homme et montré que son expression est corrélée à la perte de masse musculaire des sujets âgés. Publiée ce jour dans Science Translational Medicine, cette étude ouvre un nouveau champ dans le développement de stratégies thérapeutiques contre le déclin musculaire lié à l’âge.

La sarcopénie est définie par une perte progressive et généralisée de la masse, de la force et de la qualité de l’ensemble de la musculature dès l’âge de 50 ans, pouvant conduire à terme, à une diminution supérieure à 30% de la masse musculaire initiale. Ses conséquences sont nombreuses : augmentation du risque de chutes (première cause de décès liée à une blessure chez les plus de 65 ans), augmentation de la durée d’hospitalisation, des risques infectieux, de la dépendance des personnes touchées… Qualifiée de « maladie » en 2016 par l’Organisation Mondiale de la Santé, la sarcopénie, touche actuellement environ un Européen sur cinq de plus de 55 ans (30 millions d’ici 2045) : c’est un réel enjeu de santé publique.

La masse musculaire dépend de l’innervation et du couplage excitation (nerf) – contraction (muscle). Elle peut varier en fonction de changements environnementaux, augmenter (hypertrophie) comme avec l’entraînement musculaire ou diminuer (atrophie) comme au cours d’une immobilisation prolongée, un endommagement des nerfs, dans un contexte pathologique ou au cours du vieillissement. La réponse du muscle à une atrophie est la mise en place de mécanismes moléculaires qui tendent à limiter sa perte.

Dans le cadre de recherches pour la prévention et/ou le traitement de la sarcopénie, France Pietri-Rouxel responsable d’équipe au Centre de recherche en myologie (Sorbonne Université / Inserm) et Sestina Falcone, cheffe d’équipe et chercheuse à l’Institut de Myologie, ont défini le rôle d’une protéine, la CaVβ1E, dans le muscle adulte murin. Celle-ci est à l’origine de l’activation du facteur GDF5, un mécanisme qui permet de prévenir la sarcopénie, en maintenant la masse et la force musculaire des souris âgées.

La CaVβ1E est une protéine normalement exprimée dans le muscle chez l’embryon. Après une atteinte du nerf périphérique, l’équipe a observé, pour la première fois, la réexpression de cette protéine dans le muscle adulte. Elle active alors GDF5 pour contrecarrer l’atrophie due à la dénervation. Au cours du vieillissement, le mécanisme impliquant la protéine CaVβ1E est altéré, entraînant, de ce fait, l’incapacité du muscle à répondre à une perte de masse musculaire.

L’équipe a testé l’efficacité d’une surexpression de CaVβ1E ou de GDF5 dans des souris âgées de 78 semaines (l’équivalent de 70 ans chez l’Homme). Après plusieurs semaines de traitement, les souris ne perdaient plus de masse musculaire et gagnaient en force.

Forte de ces travaux, l’équipe a identifié la présence de la protéine CaVβ1E chez l’homme (hCaVβ1E) et montré qu’une diminution de son expression est corrélée à la perte de masse musculaire des sujets âgés. Elle travaille aujourd’hui sur des traitements permettant le maintien de la masse, de la force et de la qualité du muscle au cours du vieillissement.

Un vaccin pour lever la résistance aux immunothérapies

©AdobeStock

L’immunothérapie est une véritable révolution thérapeutique pour les patients atteints de cancers métastatiques comme le mélanome, le cancer du poumon ou de la vessie. Malheureusement, elle ne fonctionne que chez 10 à 25 % des patients pouvant en bénéficier. Des chercheurs du Centre de Recherche de Cancérologie de Lyon (CRCL – Inserm / CNRS / Université Claude Bernard Lyon 1 / Centre Léon Bérard), du Centre Léon Bérard, et de Gustave Roussy ont montré qu’un vaccin de source commerciale permet de lever la résistance aux immunothérapies. Leur étude publiée dans Science Translational Medicine souligne que non seulement les vaccins de la gastroentérite peuvent provoquer la mort immunogénique des cellules cancéreuses in vitro mais aussi que l’association de ces vaccins et d’une immunothérapie provoque une puissante réponse immunitaire anti-tumorale in vivo là où l’immunothérapie seule n’était pas efficace.

Comment lever la résistance aux immunothérapies et permettre à un maximum de patients de bénéficier de ces traitements innovants ? Une équipe de chercheurs menée par Aurélien Marabelle (Gustave Roussy et Centre Léon Bérard), Christophe Caux (Inserm U1052) et Sandrine Valsesia-Wittmann (Centre Léon Bérard – Inserm UA8) s’est penchée sur la question. Le groupe a eu l’idée d’utiliser des vaccins pour rendre l’immunothérapie efficace dans des cancers où elle ne l’est pas encore. Ce faisant, l’objectif était aussi d’augmenter le nombre de patients qui pourraient en bénéficier dans les cancers où elle a démontré son efficacité.

« Dans cette étude, notre équipe de recherche s’est intéressée à des tumeurs pédiatriques telles que les neuroblastomes, cancers agressifs qui ne répondent pas aux immunothérapies existantes comme les anti-PD(L)1 et anti-CTLA4. Dans l’objectif de transformer la réponse de ces tumeurs à l’immunothérapie, nous avons utilisé différents vaccins comme sources d’éléments pro-inflammatoires car les agents pathogènes tels que les virus ont la capacité de stimuler directement des récepteurs de l’immunité innée » explique Aurélien Marabelle.

Vaccins de la gastroentérite

Dans un premier temps, les chercheurs ont testé in vitro 14 vaccins différents disponibles commercialement (ex. BCG, Cervarix, TicoVac,…) pour leur capacité à stimuler ces récepteurs de l’immunité innée.

Parmi ces 14 vaccins, ils ont identifié ceux contre le Rotavirus (Rotarix, Rotateq), virus responsable des gastroentérites, comme ayant de fortes propriétés pro-inflammatoires. De façon inattendue, ils ont observé que ces derniers possédaient une fonction oncolytique, c’est-à-dire une capacité à préférentiellement infecter et tuer les cellules cancéreuses par rapport aux cellules normales et à induire ce que l’on appelle une mort immunogénique.

La puissance de la combinaison vaccin-immunothérapie

Les chercheurs ont aussi testé in vivo les vaccins les plus pro-inflammatoires dans des modèles de neuroblastomes pour lesquels les immunothérapies anti-PD(L)1 et anti-CTLA4 sont inefficaces chez l’homme. Pour cela, ils les ont injectés soit par voie systémique, soit directement dans les tumeurs (voie intra-tumorale).

Ils ont constaté que lorsque les vaccins contre le Rotavirus étaient injectés directement dans les tumeurs, certaines régressaient jusqu’à disparaître. Lorsqu’ils ont ensuite combiné l’injection vaccinale avec des immunothérapies anti-PD(L)1 ou CTLA4, toutes les tumeurs disparaissaient.

Alors qu’habituellement, les tumeurs ne répondent pas bien à l’un ou l’autre de ces traitements, la combinaison des deux génère une forte réponse immunitaire anti-tumorale systémique capable d’éradiquer les tumeurs injectées et les non-injectées. « Nos résultats démontrent que les Rotavirus contenus dans les vaccins contre la gastroentérite peuvent rendre sensibles à l’immunothérapie des tumeurs qui seraient naturellement résistantes », souligne Christophe Caux.

Les chercheurs ont aussi cherché à expliquer comment les Rotavirus exerçaient un effet stimulant sur le système immunitaire. Ils ont montré que l’activation d’un récepteur de l’immunité innée appelé RIG-I (retinoic acid induced gene I) était essentiel à l’effet synergique des Rotavirus intratumoraux avec les immunothérapies.

« Les résultats de cette étude fournissent un rationnel scientifique fort en faveur du développement de stratégies d’immunisation intra-tumorale pour des cancers réfractaires à l’immunothérapie, en particulier en cancérologie pédiatrique mais aussi chez l’adulte » conclut Sandrine Valsesia-Wittmann.

Ces travaux ont été soutenus par l’Institut d’hématologie et d’oncologie pédiatrique (iHOPe), la Ligue contre le cancer, l’Inca, l’Agence nationale de la recherche (ANR) ainsi que les associations de patients Les Torocinelles, ALBEC et 111 des Arts.

Toute activité physique est-elle bonne pour le cœur ?

Les recommandations internationales insistent sur la nécessité de bouger pour lutter contre la mortalité cardiovasculaire. Crédits : Adobe Stock

Contre les maladies cardiovasculaires, l’activité physique serait notre meilleure alliée. Mais entre la pratique régulière d’un sport, le port de charges lourdes sur notre lieu de travail ou la marche entre amis, ces effets protecteurs pourraient bien varier. C’est ce que montre une nouvelle étude coordonnée par le chercheur Inserm Jean-Philippe Empana (U970 PARCC, Inserm/Université de Paris), en collaboration avec une équipe australienne. Les résultats sont publiés dans la revue Hypertension.

Les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de mortalité dans le monde, et la tendance n’est pas près de s’inverser. Néanmoins, de nombreux décès prématurés pourraient être évités grâce à des mesures de prévention adaptées. Parmi celles-ci, l’activité physique est souvent présentée comme particulièrement bénéfique, et les recommandations internationales insistent sur la nécessité de bouger pour lutter contre la mortalité cardiovasculaire[1].

Cependant, le concept d’activité physique est large, et peu de travaux scientifiques se sont penchés sur les effets de différents types d’exercices physiques sur la santé. Ceux-ci pourraient pourtant être variables. C’est l’objet de la nouvelle étude publiée dans Hypertension, et menée par les équipes de Jean-Philippe Empana et Xavier Jouven, Pierre Boutouyrie (Inserm/Université de Paris), en collaboration avec Rachel Climie du Baker Heart and Diabetes Institute, Melbourne, Australie.

« Notre idée était de regarder si toute activité physique est bénéfique, ou si dans certains cas, elle peut être délétère. Nous voulions notamment explorer les conséquences de l’activité physique réalisée dans le cadre du travail, en particulier les activités physiques pénibles comme le port répété de charges lourdes, qui pourraient avoir un impact négatif », explique Jean-Philippe Empana.

Sport, travail ou loisirs

Jean-Philippe Empana et ses collègues se sont appuyés sur les données des participants de l’Enquête Prospective Parisienne III.  Cette grande étude française suit depuis dix ans l’état de santé de plus de 10 000 volontaires, âgés de 50 à 75 ans et recrutés au cours d’un bilan de santé au Centre d’examen de santé de Paris (Investigations Précliniques de Paris, IPC).

Les participants ont été invités à remplir un questionnaire portant sur la fréquence, la durée et l’intensité de leur activité physique réalisée dans 3 contextes différents : l’activité physique sportive, l’activité physique au travail (par exemple le port de charges lourdes), et l’activité physique de loisirs (par exemple le jardinage).

La santé cardiovasculaire des participants a par ailleurs été évaluée par la santé de leurs artères grâce à une échographie ultra sophistiquée de l’artère carotide (artère superficielle du cou). Cet examen, l’« echo-tracking », permet notamment de quantifier la sensibilité du baroréflexe, mécanisme d’adaptation automatique aux variations brutales de pression artérielle. Une altération de ce système peut engendrer d’importants problèmes de santé, et est associée à un risque élevé d’arrêt cardiaque.

Étudier la pénibilité au travail

Dans leurs analyses, les chercheurs ont distingué deux composantes du baroréflexe : le baroréflexe mécanique qui correspond à une mesure de la rigidité de l’artère, et le baroréflexe neural, qui correspond à une mesure des signaux nerveux envoyés par les récepteurs présents sur les parois de l’artère, en réponse à une distension de celle-ci. Une anomalie de la composante mécanique est plutôt associée à des pathologies cardiovasculaires du vieillissement, alors qu’une anomalie de la composante neurale est plutôt liée à des pathologies rythmiques pouvant aboutir à un arrêt cardiaque.

L’étude montre que l’activité physique sportive de haute intensité est associée à un meilleur baroréflexe neural. A l’inverse, l’activité physique au travail (de type port répété de charges lourdes) serait plutôt associée à un baroréflexe neural anormal et à une plus grande rigidité artérielle. Elle pourrait donc être délétère pour la santé cardiovasculaire, et notamment être associée à des maladies rythmiques. 

« Nos résultats constituent une piste de recherche intéressante pour mieux comprendre les associations entre activité physique et maladies cardiovasculaires. Bien sûr, toute activité physique au travail n’est pas mauvaise pour la santé, mais certaines activités physiques répétées comme le port de charges lourdes peuvent l’être », souligne Jean-Philippe Empana.

Les chercheurs tenteront de répliquer ces résultats dans d’autres populations, et d’explorer plus en détails les interactions entre activité physique, santé et pénibilité. « Concernant l’activité physique au travail, il y a des implications en santé publique importantes. Nous souhaiterions maintenant aller plus loin dans notre analyse des interactions entre activité physique et état de santé des personnes au travail », conclut Jean-Philippe Empana.

[1] Voir l’expertise collective de l’Inserm : « Activité physique : Prévention et traitement des maladies chroniques » https://www.inserm.fr/information-en-sante/expertises-collectives/activite-physique-prevention-et-traitement-maladies-chroniques

fermer