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Troubles de la conscience : deux nouvelles découvertes fondamentales pour le diagnostic et le traitement des patients

©Fotolia

L’équipe de recherche PICNIC Lab dirigée par le Pr. Lionel Naccache à l’Institut du Cerveau (Sorbonne Université / Inserm / CNRS / AP-HP) publie deux études importantes concernant les malades souffrant d’un trouble durable de la conscience comme les patients en « état végétatif » ou en « état de conscience minimale ». Ces deux études originales, correspondant à une partie des travaux de la thèse du Dr. Bertrand Hermann[1] et réalisées sous la direction de Lionel Naccache, ont respectivement fait l’objet d’une publication dans les revues Brain et Scientific Reports.

 

Un nouveau signe clinique pour sonder l’état de conscience

La première étude, publiée dans la revue Brain, décrit la découverte et la validation d’un nouveau signe d’examen clinique permettant d’identifier, au sein de ces malades non communicants, ceux dont le fonctionnement cérébral est le plus riche. Les scientifiques ont observé que la réponse réflexe de sursaut au bruit (clignement des paupières à la suite d’un son brusque) présentait une habituation chez les patients capables de prévoir et d’anticiper cette répétition. Lorsque les sons étaient répétés, ils étaient capables d’inhiber cette réponse comportementale.

À l’inverse, un sursaut au bruit inépuisable était surtout présent chez les malades dont l’examen clinique détaillé et les explorations cérébrales[2] révélaient une activité cérébrale et cognitive très pauvres.

Au-delà de cette valeur diagnostique, la présence de ce signe clinique, facile à rechercher au lit du malade, permettait également de prédire une amélioration de leur état de conscience à six mois. L’invention de nouveaux signes cliniques fondée sur l’utilisation des techniques d’imagerie cérébrale structurelle et fonctionnelle les plus récentes démontre également la vitalité et le renouveau contemporains de la sémiologie neurologique. Cet article a été choisi par le comité éditorial de la revue mondiale de neurologie Brain comme « Editor’s choice » en raison de son caractère novateur et de son importance.

 

Le métabolisme cérébral d’un vaste réseau préfronto-pariétal est plus élevé chez les patients ayant un réflexe de sursaut au bruit épuisable (EX) par rapport aux patients ayant un réflexe de sursaut au bruit inépuisable (IN) (différence de métabolisme cérébral à gauche et régions où cette différence est statistiquement significative à droite).

 

Améliorer la conscience en stimulant électriquement le cortex cérébral

La seconde étude révèle quant à elle comment la stimulation électrique transcrânienne en courant continu (tDCS) du lobe frontal de ces malades améliore leur état de conscience. En comparant les patients ayant présenté une amélioration comportementale après une séance unique de tDCS, aux patients ne présentant pas d’amélioration, les chercheurs ont montré que la réponse clinique à la tDCS était associée à une augmentation de marqueurs EEG spécifiques de la conscience : l’amélioration de l’état de conscience était associée à une amélioration des oscillations et de la communication à longue distance entre les régions préfrontales et pariétales dans les bandes de fréquence thêta-alpha:4-10Hz.

Par ailleurs, l’équipe de recherche a également montré, grâce à une simulation de la distribution du courant électrique basée sur l’anatomie individuelle des patients, que la réponse clinique à la tDCS était corrélée à l’intensité du champ électrique au niveau du cortex en regard des électrodes de stimulation. Autrement dit, plus le cortex préfrontal d’un patient donné était effectivement stimulé électriquement, plus son état clinique et son activité cérébrale avaient tendance à s’améliorer.  Ces résultats sont importants à la fois sur le plan clinique, – en ouvrant la voie au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques de stimulation personnalisée-, et sur le plan de la recherche fondamentale en confirmant l’importance du cortex préfrontal et du réseau fronto-pariétal dans la physiologie de la conscience, ainsi que le postule la théorie de l’espace global neuronal développée depuis une vingtaine d’années par Stanislas Dehaene, Jean-Pierre Changeux et Lionel Naccache à l’Institut du Cerveau (Sorbonne Université / Inserm / CNRS / AP-HP). Ces résultats ont été publiés dans la revue Scientific Reports.

 

La réponse clinique à la tDCS est associée à une augmentation de la connectivité fonctionnelle à longue distance dans la bande de fréquence thêta entre les régions préfrontales et pariétales en réponse à la stimulation par tDCS. Chaque « cheveu » représente une paire d’électrodes pour laquelle la différence de connectivité avant/après stimulation par tDCS est significativement plus élevée chez les malades répondeurs cliniques que chez ceux qui n’étaient pas améliorés.

 

[1] Inserm, AP-HP, Université de Paris

[2] EEG à haute densité quantifié, potentiels évoqués cognitifs, IRM tenseur de diffusion, PET-scan au fluoro-deoxy-glucose

Cancer du sein : une perturbation chronique du rythme circadien augmenterait la dissémination des cellules cancéreuses

© Daniele Levis Pelusi on Unsplash

Le cancer du sein est le type de cancer le plus répandu dans le monde et l’une des principales causes de décès chez les femmes. Une étude impliquant des chercheurs de l’Université Paris-Saclay, de l’Inserm et d’INRAE vient d’établir un lien entre le travail de nuit et l’augmentation du risque de cancer, suggérant que la perturbation du rythme circadien pourrait rendre les tumeurs plus agressives. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications mercredi 24 juin 2020.

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez les femmes. Le risque cumulé qu’une femme développe un cancer du sein est d’environ 5 % dans le monde, avec un risque de décès de 1,4 %. En 2018, plus de 2 millions de nouveaux cas ont été diagnostiqués, ce qui représente près de 25 % de tous les cas de cancer dans le monde.

Différentes études épidémiologiques menées ces dernières années ont permis de mieux appréhender les facteurs susceptibles d’accroître les risques de développer un cancer du sein.

On sait ainsi que moins de 10% des cas seraient héréditaires et auraient une origine génétique.

Dans la majorité des cas, les différents facteurs de risques identifiés sont des facteurs comportementaux liés par exemple à une mauvaise alimentation ou à la consommation d’alcool ; des facteurs hormonaux en lien avec une prise de pilule contraceptive très précoce ou très prolongée ou encore la prise de traitements hormonaux à la ménopause ; et enfin des facteurs environnementaux tels que la pollution de l’air ou des cycles lumière/obscurité modifiés, comme ceux que connaissent les travailleurs de nuit.

C’est justement à cet effet du décalage horaire chronique sur le développement des tumeurs mammaires que se sont intéressés les chercheurs du laboratoire ONCOSTEM (U 935 Inserm/UPSaclay) et du laboratoire GABI (INRAE/AgroParisTech/UPSaclay, Jouy-en-Josas).

Les scientifiques ont utilisé un modèle de souris qui développaient spontanément des tumeurs mammaires. Les animaux ont été soumis à un décalage horaire continu reproduisant expérimentalement un rythme de travail décalé (alternance de travail de jour et de nuit ou à cheval sur des périodes diurnes et nocturnes). Les chercheurs ont alors pu observer que le dérèglement circadien[1] avait bien un impact significatif sur le développement des tumeurs mammaires. Ce dérèglement du rythme veille/sommeil augmentait la dissémination des cellules cancéreuses et la formation de métastases dans ces modèles animaux.

Cette étude révèle également que ces perturbations chroniques du rythme circadien rendent le système immunitaire plus permissif à la dissémination des cellules cancéreuses en modifiant le micro-environnement tumoral.

Ainsi, l’augmentation de l’expression de la chemokine Cxcl5 dans les tumeurs, conduit à une infiltration accrue des cellules myéloïdes CXCR2 + qui favorise un microenvironnement immunosuppresseur. Ces effets négatifs peuvent être corrigés par l’utilisation d’un inhibiteur de la voie CXCR2/CXCL5 et donc limiter l’effet du stress circadien sur la progression tumorale.

Ces résultats expérimentaux renforcent les résultats d’études épidémiologiques montrant que les femmes pré-ménopausées exposées par leur travail à des rythmes décalés sur de longues périodes seraient particulièrement exposées à des cancers du sein plus agressifs.

Ces travaux ont reçu un soutien financier de la part des associations et fondations suivantes : Vaincre le Cancer, ICIG (Institut de Cancérologie et d’Immunogénétique), Fondation de l’Avenir, GEFLUC-IdF Les Entreprises contre le cancer. 

 

[1] Le rythme circadien est défini par l’alternance entre la veille, période de la journée pendant laquelle on est éveillé et le sommeil, celle pendant laquelle on dort. Il est d’environ 24 heures.

Les femmes jeunes rechutent plus de leur cancer du sein lorsqu’elles stoppent l’hormonothérapie la première année

 

Hormones et cancer. Lignée cancéreuse MCF7 (lignée de cellules tumorales mammaires) et immunohistochimie de la cathepsine D hyperexprimée © Inserm/Rochefort, Henri

Publiée dans le Journal of Clinical Oncology, une analyse de la cohorte CANTO, réalisée par des médecins-chercheurs de Gustave Roussy, de l’Inserm et de l’université Paris-Saclay, démontre pour la première fois à l’aide d’une mesure biologique que les jeunes femmes qui ne suivent pas leur traitement d’hormonothérapie (tamoxifène) pour le cancer du sein rechutent davantage. Le risque de rechute locale et à distance (apparition de métastases) est multiplié par 2,31 et intervient très précocement à seulement trois ans de la fin des traitements curatifs du cancer (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie). L’étude identifie aussi les femmes les plus à risque de ne pas adhérer au traitement hormonal : elles ont plus d’effets indésirables ressentis du médicament (fatigue, douleurs musculaires et articulaires), ont moins souvent reçu une chimiothérapie pour leur cancer, vivent plus fréquemment seules ou souffrent d’autres problèmes de santé.

Pour diminuer le risque de rechute du cancer, l’hormonothérapie est prescrite pour une durée de cinq à dix ans après la prise en charge d’un cancer du sein localisé lorsqu’il est « hormonosensible » (présence de récepteurs aux hormones sur les cellules cancéreuses). « C’est le cas de 80 % des cancers du sein », indique le Dr Barbara Pistilli, oncologue à Gustave Roussy, « le traitement d’hormonothérapie, qui peut provoquer des effets secondaires variables en particulier des symptômes de ménopause, n’est malheureusement pas toujours suivi par les femmes, alors que ceci les pénalise. Cela peut en effet provoquer une augmentation du risque de rechute et de décès », déplore-t-elle.

Cette analyse de la cohorte nationale CANTO s’est concentrée sur 1 177 femmes non ménopausées traitées pour un cancer du sein localisé, et qui avaient accepté de prendre un traitement d’hormonothérapie (tamoxifène) – indiqué dans leur situation.

Cette étude est la première à combiner les réponses à un questionnaire déclaratif sur la prise de traitement avec un dosage biologique sanguin du médicament, réalisé à plusieurs reprises tout au long de l’hormonothérapie. Elle établit une association significative entre la non-prise du médicament et le risque de rechute.

« Les résultats du dosage sanguin du Tamoxifène après un an de traitement ont montré qu’une femme sur six (16 %) ne suit pas la prescription médicale après seulement un an de traitement, ce qui est élevé par rapport à ce qui avait été décrit  auparavant», rappelle le Dr Pistilli qui a présenté ces premiers résultats de l’étude au congrès de l’ESMO en septembre 2018. Elle ajoute que la moitié d’entre elles ne l’avaient pas mentionné dans le questionnaire de suivi où la question était posée. « Nous observons une importante dissociation entre ce que ces femmes osent nous dire et la réalité. Il faut que nous puissions comprendre pourquoi, afin de leur proposer une aide mieux adaptée et une approche plus personnalisée. Il est important de changer la manière dont on prend en charge ces patientes pour améliorer leur adhésion au traitement » appuie le Dr Inès Vaz-Luis, oncologue à Gustave Roussy qui a dirigé l’étude au sein de l’unité 981 « Biomarqueurs et nouvelles cibles thérapeutiques en oncologie » (Inserm/Gustave Roussy/Université Paris-Saclay).

Les résultats publiés aujourd’hui démontrent de plus un lien direct et rapide entre perte de chance et non-adhésion à l’hormonothérapie. À trois ans, le risque de rechute de la maladie, localement et à distance (métastases), augmente de 131 %. « Il est multiplié par 2,31 lorsque les femmes ne prennent pas leur hormonothérapie la première année, ce qui est considérable », souligne Barbara Pistilli, « à trois ans, 95 % des femmes qui ont suivi le traitement n’ont pas rechuté, alors que c’est seulement 89,5 % de celles qui ont moins bien adhéré ». « Selon les nouvelles mesures que nous sommes en train de réaliser, l’écart semble se creuser encore davantage tant sur le risque de rechute que sur la mortalité après cinq à dix ans de traitement d’hormonothérapie non suivi », complète Inès Vaz-Luis.

L’étude a également analysé les facteurs associés à une moins bonne adhésion au traitement.

Les principaux facteurs associés retrouvés sont l’apparition d’effets indésirables relatifs aux traitements telles que la fatigue ou des douleurs musculaires et articulaires, la présence d’autres maladies, le fait de ne pas avoir reçu de chimiothérapie lors du traitement du cancer et le fait de ne pas vivre en couple.

Il n’a pas été observé de lien direct avec les types de traitements locaux (chirurgie et radiothérapie), la gravité du cancer (son stade), l’indice de masse corporelle, les autres effets secondaires des traitements (autre que la fatigue et les douleurs musculaires et articulaires), l’anxiété ou la dépression. « L’interprétation de ces résultats est plus complexe qu’il n’y paraît. Le fait d’avoir été traitée par chimiothérapie provoque de la fatigue et celle-ci semble être un frein à la prise régulière du traitement hormonal. Paradoxalement, ne pas avoir reçu de chimiothérapie – indiquée pour diminuer le risque de récidive – semble aussi diminuer l’adhésion au traitement », analyse le Dr Pistilli.

« Maintenant que nous cernons mieux les facteurs qui poussent les femmes à ne pas suivre leur traitement, nous devons développer des solutions et outils adaptés pour les aider à le poursuivre afin de leur offrir une meilleure qualité de vie dans l’après-cancer, tout en les préservant le plus possible d’une rechute », conclut le Dr Vaz-Luis.

12 000 femmes atteintes d’un cancer du sein localisé prises en charge dans 26 centres français, ont accepté de participer à la grande cohorte nationale prospective CANTO (pour CANcer TOxicities), promue par Unicancer, qui réunit l’ensemble des Centres de lutte contre le cancer (CLCC). CANTO est dirigée par le Pr Fabrice André, directeur de la recherche de Gustave Roussy, Professeur à l’Université Paris-Saclay, et directeur de l’unité 981 « Biomarqueurs et nouvelles cibles thérapeutiques en oncologie » (Inserm/Gustave-Roussy/Université Paris-Saclay). Elle a pour objectif de décrire les toxicités associées aux traitements, d’identifier les populations susceptibles de les développer et d’adapter les parcours thérapeutiques en conséquence pour garantir une meilleure qualité de vie dans l’après-cancer. La cohorte CANTO bénéficie du soutien de la Ligue contre le cancer.

La présente étude a bénéficié du soutien de l’Institut National du Cancer, d’Odyssea, de la Fondation Gustave Roussy, de l’association Susan G. Komen et de l’Agence Nationale de la Recherche

Choc toxique menstruel : favoriser le bon usage des tampons périodiques pour limiter les risques

L’Inserm propose une vidéo de prévention sur le choc toxique staphylococcique. © Camille Henry/Inserm

Le choc toxique staphylococcique est lié à la présence d’une bactérie, Staphylococcus aureus ou staphylocoque doré, dans le microbiote vaginal de certaines femmes. Chez ces dernières, un mauvais usage d’une protection intravaginale (tampon, coupe menstruelle…) pourrait augmenter la probabilité de le développer. Le choc toxique est caractérisé par de multiples symptômes, notamment par des troubles digestifs, une forte fièvre et des éruptions cutanées. Dans les cas les plus graves, il peut conduire à des défaillances multi-organes et au décès.

Si l’incidence du choc toxique reste très rare, des chercheurs de l’Inserm, du CNRS, des Hospices Civils de Lyon, de l’Université Claude Bernard Lyon 1 et de l’ENS Lyon au sein du Centre International de recherche en infectiologie et du Centre National de référence des staphylocoques, ont identifié les facteurs de risque pouvant dans certains cas le favoriser. Dans une étude parue au mois de mars 2020 dans le journal EClinical Medicine, l’équipe menée par le Pr Gérard Lina propose des mesures simples à mettre en place pour un meilleur usage des tampons périodiques pendant les règles.

Retrouvez tous les conseils dans la nouvelle vidéo pédagogique de l’Inserm visant à sensibiliser et à rassurer les femmes concernées par le port du tampon. N’hésitez pas à partager cet outil de prévention sur vos plateformes et à le diffuser largement. 

Pour obtenir le fichier vidéo au format mp4, merci de contacter le service de presse. 

L’imagerie ultrasonore pour résoudre le fonctionnement du cortex visuel

Colonnes de dominance oculaire dans le cortex visuel du primate non-humain après visualisation par imagerie ultrasonore ultrarapide. ©Kevin Blaize, Institut de la vision, Paris, France

L’imagerie ultrasonore ultrarapide a récemment été proposée pour suivre l’activité cérébrale dans la profondeur du cerveau. Cette nouvelle technologie permettrait même de visualiser des structures fonctionnelles aussi fines – que les colonnes corticales du cortex visuel – d’une taille trop petite pour une détection plus traditionnelle par imagerie par résonnance magnétique (IRM). Telles sont les conclusions d’une étude dirigée par Serge Picaud, physiopathologiste à l’Institut de la vision (Sorbonne Université / Inserm / CNRS) et Mickael Tanter, physicien au laboratoire Physique pour la médecine (ESPCI Paris – PSL / Inserm / CNRS) et directeur de l’ART « Ultrasons biomédicaux ». Les répercussions de leurs travaux, parus le 8 juin 2020 dans la revue PNAS, s’étendent bien au-delà de la compréhension du système visuel.

Le fonctionnement du cerveau demeure difficile à comprendre car l’IRM requiert des équipements lourds non mobiles souvent incompatibles à la réalisation de tâches comportementales. Par ailleurs, les technologies optiques ont offert une très haute résolution mais uniquement pour observer les structures à la surface du cerveau mis à nu.

À l’inverse, comme le souligne cette nouvelle étude parue dans PNAS, l’imagerie ultrasonore ultrarapide permet de visualiser les structures fonctionnelles profondes dans le cortex visuel sur un animal éveillé réalisant une tâche de comportement.

En une heure, la projection du champ visuel sur le cortex peut être reconstruite et ce, même dans la profondeur du cortex visuel. La répartition différentielle des informations de l’œil gauche et de l’œil droit sous forme de colonnes de dominance oculaire apparait sur les images malgré leur taille de quelques centaines de microns. Il devient même possible de distinguer l’extension de ces colonnes dans les différentes couches du cortex visuel et donc la zone d’intégration des informations visuelles provenant de chacun des deux yeux, ce que seule l’histologie sur coupes de cerveau avait permis de visualiser.

Si auparavant, une telle visualisation des couches du cortex n’avait pu être réalisée autrement que par histologie, un partenariat pluridisciplinaire mettant en commun les connaissances sur le système visuel[1], le cerveau[2] et l’imagerie ultrasonore ultrarapide[3] l’a rendue possible. Ce partenariat pluridisciplinaire s’inscrivait dans le cadre du projet Européen ERC Synergy « Helmholtz » pour le développement de technologies d’investigation du système visuel.

En révélant ainsi les structures fonctionnelles dans la profondeur du cortex visuel, les chercheurs ouvrent un nouveau champ d’investigation pour la compréhension de notre vision et plus largement du cerveau.

Ces travaux mettent en lumière combien l’imagerie ultrasonore ultrarapide pourrait changer l’analyse du fonctionnement du cerveau en révélant des structures fonctionnelles de taille autrefois impossibles à discerner.

 

[1] Institut de vision (Sorbonne Université / Inserm / CNRS)

[2] Institut du cerveau (Sorbonne Université / Inserm / CNRS) et Institut de neurosciences de la Timone (CNRS / AMU)

[3] laboratoire Physique pour la médecine (ESPCI Paris – PSL / Inserm / CNRS) et Institut Langevin (ESPCI Paris – PSL / CNRS)

Les hommes et les femmes ne sont pas égaux face au premier stade de l’infection par le VIH-1

Fusion de macrophages infectés par le VIH © Inserm/Institut Curie/Gaudin, Raphaël/Bernaroch, Philippe

 

Pour la première fois, une équipe de recherche a mis en évidence un mécanisme génétique dépendant du sexe dans la réponse immunitaire innée qui a lieu lors de la phase aiguë de l’infection par le VIH-1.

Ces travaux, publiés dans JCI Insight le 18 juin, soutenus par l’ANRS, viennent éclairer d’une façon nouvelle les différences de charge virale entre les hommes et les femmes dans le premier stade de l’infection par le VIH-1, déjà observées précédemment. Cette publication contribue à une meilleure compréhension des mécanismes de l’infection par le VIH-1, qui reste un problème de santé mondiale avec 1,7 million de personnes nouvellement infectées en 2018 dans le monde*.

Ces travaux ont été menés par l’équipe de Jean-Charles Guéry (Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan, Université de Toulouse III-Paul Sabatier, Inserm, CNRS), en collaboration avec Laurence Meyer (Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations, Inserm, Université Paris-Saclay), Pierre Delobel (Service des maladies infectieuses et tropicales, CHU de Toulouse, Inserm) et Michaela Müller-Trutwin (Unité HIV, inflammation et persistance, Institut Pasteur). 

Afin de comprendre les différences de charge virale observées dans la phase aiguë de l’infection par le VIH chez les femmes et les hommes, les chercheurs se sont intéressés à des cellules centrales dans la réponse immunitaire innée en cas d’infection virale : les cellules dendritiques plasmacytoïdes (pDC, pour plasmacytoid dendritic cells). Ces dernières possèdent des récepteurs appelés « TLR7 ». Lorsque de l’ARN viral se fixe sur ce récepteur, les pDC sécrètent alors de grandes quantités de molécules, telles que l’interféron de type I (IFN-I). L’IFN-I possède à la fois une activité antivirale et des propriétés régulatrices de la réponse immunitaire. Le gène codant pour le récepteur TLR7 se situe sur le chromosome X. Ce chromosome est possédé en deux copies par les femmes (XX) et une seule chez les hommes (XY). Chez les femmes, afin de ne pas surexprimer les gènes du chromosome X, un mécanisme inactive les gènes portés par l’un des deux chromosomes. Or, la même équipe a montré en 2018 que le gène codant pour TLR7 échappait à cette inactivation. Ainsi, le récepteur est présent en quantité significativement plus importante chez les femmes que chez les hommes.

Ici, les auteurs ont étudié un variant fréquent du gène codant pour le TLR7, l’allèle « T ».

Entre 30 et 50 % des femmes européennes sont porteuses d’au moins un allèle T. La présence de cet allèle diminue la quantité du récepteur TLR7 et la production d’IFN-I par les pDC chez les femmes, mais pas chez les hommes.

En comparant les paramètres cliniques des patientes de la cohorte française ANRS CO6 PRIMO regroupant des personnes infectées par le VIH-1 en phase aiguë (cf. ci-dessous), ils ont observé que les femmes qui portent l’allèle T en deux exemplaires (homozygotes) présentent également moins de symptômes d’infection aiguë par le VIH-1 et voient une réduction significative de leur charge virale par rapport aux femmes non porteuses de l’allèle T. 

En conclusion, les scientifiques indiquent que « TLR7 est une molécule effectrice clé qui, quand elle est surexprimée, exerce un effet délétère sur la charge virale dans l’infection aiguë par le VIH-1. Ces résultats sont inattendus, car ils suggèrent que l’IFN-I, moins sécrété chez les porteuses de l’allèle T du gène codant pour TLR7, n’est pas responsable du meilleur contrôle de la charge virale, comme de nombreuses hypothèses le suggéraient jusqu’à présent. Cette molécule jouerait même un rôle délétère dans la phase aiguë de l’infection si ses niveaux sont trop élevés. Dorénavant, les études des mécanismes immunitaires, ainsi que les stratégies visant à réduire les réservoirs viraux à l’aide de molécules capables de se lier spécifiquement au récepteur TLR7, devront tenir compte de cette découverte. »

 

* Source : ONUSIDA 2019 (www.unaids.org/fr/resources/fact-sheet)

Cohorte ANRS CO6 PRIMO

Initiée en 1996, la cohorte ANRS CO6 PRIMO a inclus à ce jour 2 426 patients vivant avec le VIH-1 depuis moins de trois mois. Son objectif principal est d’améliorer les connaissances physiopathologiques sur la primo-infection VIH. Elle permet désormais d’apporter des informations sur l’impact des traitements précoces dès la primo-infection, transitoires ou prolongés, par rapport à un traitement différé sur le pronostic à long terme ; sont ainsi étudiés des marqueurs de l’inflammation et la baisse des réservoirs viraux.

Alzheimer : les collations sucrées feraient mauvais ménage avec les prédispositions génétiques

Alzheimer : les collations sucrées feraient mauvais ménage avec les prédispositions génétiques © Robert Anderson on Unsplash

Si les prédispositions génétiques sont un facteur majeur du risque de développer une démence liée à l’âge, et en particulier la maladie d’Alzheimer, les facteurs environnementaux comme l’alimentation ont également un rôle important à jouer. Grâce au suivi sur 12 ans de près de 2 800 Français de plus de 65 ans, une équipe de recherche de l’unité 1061 Neuropsychiatrie : recherche épidémiologique et clinique (Inserm/Université de Montpellier) a cherché à comprendre l’impact de repas riches en sucres (sucres simples et glucides raffinés) sur le risque de développer une démence. Ses travaux montrent une association entre consommation des sucres au goûter et risque de développer la maladie d’Alzheimer chez les personnes possédant des prédispositions génétiques. Ces résultats publiés dans Alzheimer’s and Dementia ouvrent la voie à une meilleure compréhension des liens entre facteurs de risques environnementaux et génétiques et pourraient permettre d’améliorer les stratégies de prévention des démences.

Selon les prévisions de l’OMS, plus de 152 millions de personnes pourraient être atteintes d’une démence liée à l’âge en 2050. Il n’existe actuellement pas de traitement pour guérir ni ralentir la progression de ces maladies dont fait partie la maladie d’Alzheimer. Il s’avère donc essentiel d’identifier les facteurs favorisant leur apparition et sur lesquels il serait possible d’agir de façon préventive.

Depuis plusieurs années, la nutrition est reconnue comme un facteur important dans le bon vieillissement du cerveau. Plusieurs études chez l’animal ont notamment mis en lumière le rôle d’une consommation importante des sucres – qui incluent l’amidon et les sucres ajoutés (saccharose, sirops de glucose et de fructose) – dans l’aggravation des signes cliniques de la maladie d’Alzheimer, et en particulier dans l’accélération de l’apparition des dépôts amyloïdes (plaques séniles) caractéristiques de cette dernière.

Mais si l’environnement joue sur la survenue de la maladie d’Alzheimer, l’importance des facteurs génétiques n’est pas négligeable. C’est le cas particulièrement du gène APOE qui se présente sous trois formes (ou allèles) : E2, E3 et E4. Les personnes porteuses de l’allèle E4 de ce gène présentent un risque accru de développer la maladie d’Alzheimer.

Or, jusqu’à présent, aucune étude sur l’humain n’avait exploré un potentiel lien entre prédispositions génétiques, consommation des sucres et risques de démence.

Une équipe de recherche dirigée par la chercheuse Inserm Sylvaine Artero au sein de l’unité 1061 Neuropsychiatrie: recherche épidémiologique et clinique (Inserm/Université de Montpellier) a voulu mettre en évidence les liens entre survenue de démences (en particulier la maladie d’Alzheimer) chez l’humain, prédispositions génétiques liées à l’allèle E4 et consommation des sucres. Les chercheurs ont analysé les données sur 12 ans de près de 2 800 participants de la cohorte française des Trois Cités, qui suit depuis 1999 près de 10 000 Français de plus de 65 ans. Ils ont étudié la survenue de 350 démences en lien avec les habitudes alimentaires et plus particulièrement leur apport en charge glycémique (la capacité de l’aliment à élever la glycémie en fonction de la portion consommée) estimé sur quatre repas : petit déjeuner, déjeuner, goûter, dîner.

Chez les participants ne possédant pas le génotype à risque, l’équipe de recherche n’a décelé aucune association entre la survenue de démences et la consommation des sucres lors des quatre repas quotidiens.

Cependant, chez les participants possédant l’allèle E4 du gène APOE, les chercheurs ont observé une association entre la consommation des sucres lors du goûter et la survenue de démences. Pour les personnes APOE4 ayant l’habitude de consommer un goûter, le risque de développer la maladie d’Alzheimer était augmenté de 2 à 3 fois pour chaque portion supplémentaire équivalente à la charge glycémique de 30 grammes de baguette, et ce indépendamment de l’apport énergétique quotidien, de l’activité physique, de la présence de comorbidités ou de l’adhésion à un régime alimentaire sain de type méditerranéen. En revanche, aucune association de ce type n’a été révélée pour les autres repas de la journée.

Mais pour quelle raison la consommation des sucres aurait-elle plus d’impact lors du goûter pour les personnes présentant des dispositions génétiques ?

Selon Sylvaine Artero, « une hypothèse à envisager serait l’impact potentiel de l’insulinorésistance – pathologie impliquée dans le diabète de type 2 et favorisée par la consommation des sucres – sur le risque de développer une démence ».

En effet, il a déjà été montré chez l’animal que les porteurs de l’allèle E4 présentaient un métabolisme du glucose moins performant. Ils seraient par conséquent plus susceptibles de développer une insulinorésistance. Or, les aliments riches en sucres consommés lors du goûter ont tendance à être pauvres en graisses et en fibres. Ils sont consommés plus rapidement et sans être accompagnés d’autres types d’aliments comme lors des principaux repas. Ils sont par conséquent absorbés beaucoup plus rapidement dans le sang lors de la digestion, déclenchant alors un pic d’insuline.

« Répété quotidiennement, ces pics d’insuline pourraient induire à terme une insulinorésistance périphérique mais aussi cérébrale (dans laquelle le cerveau est moins sensible à l’insuline et moins capable d’utiliser le glucose) via le stress oxydatif et l’inflammation, ce qui favoriserait le développement des démences, des phénomènes auxquels les porteurs de l’allèle E4 sont plus sensibles », précise Sylvaine Artero.

« Ces résultats ouvrent la voie à de nouvelles stratégies de prévention mais doivent être confirmés par d’autres études en population et approfondis par des études expérimentales, afin de mieux comprendre les liens entre la consommation des sucres, l’insulinorésistance et la survenue de démences », conclut Sylvaine Artero.

Covid-19 : La recherche vaccinale à l’Inserm

La mobilisation des chercheurs de l’Inserm permet de grandes avancées dans la compréhension sur SARS-CoV-2 et de la recherche vaccinale. © Inserm/Depardieu, Michel

Développer un vaccin efficace et sûr constitue l’un des objectifs prioritaires de la lutte pour endiguer la pandémie de Covid-19. Depuis le séquençage complet du génome du SARS-CoV-2 en janvier 2020, des équipes de recherche en France et à l’international travaillent sans relâche pour mieux comprendre la réponse immunitaire suite à l’infection et pour tester des candidats vaccins. A l’Inserm, une douzaine d’équipes sont impliquées dans des projets de recherche vaccinale. Trois initiatives ont notamment récemment été sélectionnées par le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation sur avis du Comité analyse, recherche et expertise (CARE) Covid-19 et du consortium REACTing de l’Inserm, afin de recevoir un soutien particulier et d’accélérer ainsi les recherches.

A l’heure actuelle, plus de 200 équipes à travers le monde sont engagées dans des projets de recherche pour développer un vaccin contre le Covid-19. Parmi elles, une trentaine de groupe français, membres de l’alliance AVIESAN ou de l’écosystème biotech/industrie. Les chercheurs de l’Inserm ne sont pas en reste, puisqu’une douzaine de ces projets impliquent des unités de l’institut.

Si le degré d’avancement de ces travaux est variable, certaines de ces équipes sont à l’heure actuelle en phase d’identification des séquences antigéniques du virus qui induisent la réponse immunitaire spécifique contre le SARS-CoV-2 et minimisent la possible production des anticorps facilitateurs (un type d’anticorps qui facilite l’entrée du virus dans les cellules). Par ailleurs, certaines des plateformes vaccinales proposées ont déjà été utilisées auparavant pour d’autres candidats vaccin, notamment pour des vaccins contre le VIH, la grippe, le toxoplasme, ou encore pour des vaccins oncologiques. 

Les différents projets en cours peuvent être répartis en trois grandes catégories. La première est celle des vaccins sous-unitaires, qui ne contiennent pas de composants vivants, mais plutôt des fragments antigéniques de l’agent pathogène. La deuxième rassemble les candidats vaccins vivants atténués ayant tous une visée prophylactique. La troisième est celle des vaccins basés sur de l’ADN ou de l’ARN codant pour des antigènes du SARS-CoV-2.

Des candidats vaccins innovants

Au sein de cet écosystème dynamique, trois projets impliquant des unités Inserm ont été identifiés comme prioritaires par le Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Le premier est porté par le Vaccine Research Institute (VRI), sous tutelle de l’Inserm. L’équipe menée par le Pr. Yves Lévy est impliquée dans French COVID-19, la cohorte nationale des patients infectés par le SARS-CoV-2, coordonnée par le réseau REACTing de l’Inserm, en lien avec 56 hôpitaux en France. Dans un premier temps, à partir des données de ces patients, l’objectif des chercheurs a été de caractériser la réponse immunitaire chez les malades positifs au Covid-19. En effet, ces données sont essentielles et constituent un prérequis au développement de tout vaccin. S’appuyant sur ces travaux mais aussi sur leur expertise dans le domaine de la recherche vaccinale, ils développent à présent un candidat vaccin dans lequel les antigènes du SARS-CoV-2 seraient présentés par des anticorps monoclonaux à certaines cellules clés du système immunitaire (les cellules dendritiques). Le VRI a déjà développé plusieurs candidats vaccins sur la base de cette stratégie, notamment contre le VIH (pour lequel des essais cliniques démarreront en 2020).

Le second projet de recherche vaccinale, menée au sein du Centre Infection et Immunité de Lille par le chercheur Inserm Camille Locht et son équipe s’appuie sur le repositionnement de vecteurs dont l’activité est connue, en intégrant des séquences antigéniques du SARS-CoV-2. Dans ce cas précis, le vecteur choisi est un vaccin contre la coqueluche. L’objectif est ainsi de développer un candidat vaccin sûr, dont l’action sur l’organisme est bien documentée, et très spécifique au nouveau coronavirus car intégrant des antigènes soigneusement sélectionnés.

Porté par le chercheur Inserm Patrice Marche à l’Institut pour l’avancée des biosciences et le chercheur Fabrice Navarro, responsable du Laboratoire des systèmes microfluidiques et de bio-ingénierie du CEA-Leti, le troisième projet propose également une approche vaccinale originale contre le SARS-Cov-2. Elle est fondée sur un système de délivrance innovant, impliquant des nanoparticules lipidiques développées par les chercheurs. Ces nanoparticules très stables et bien tolérées par l’organisme avaient à l’origine été créées pour encapsuler et transporter des médicaments vers des cellules-cibles. Dans le cadre de la lutte contre le SARS-CoV-2, les chercheurs espèrent encapsuler des antigènes du virus afin de susciter une forte réponse immunitaire.

Ayant déjà utilisé cette technique dans le cadre de la recherche vaccinale contre le VIH, l’équipe devrait rapidement être en mesure de développer ce nouveau candidat vaccin, à grand échelle, ce qui constitue un avantage de taille pour permettre à la recherche de gagner en efficacité et en rapidité.

Développer un vaccin sûr et efficace contre Covid-19 est un long processus. Néanmoins, la mobilisation de la communauté scientifique, et notamment des chercheurs de l’Inserm, permet de grandes avancées aussi bien dans la compréhension du virus et de la réponse immunitaire que dans la mise en place de nombreux essais, pour tester en un temps record une grande variété de stratégies vaccinales.

Arrêts cardiaques en dehors de l’hôpital pendant le pic de l’épidémie Covid-19 : l’embolie pulmonaire, déterminant principal ?

Les arrêts cardiaques en dehors de l’hôpital pendant le pic de la pandémie de Covid-19 pourraient être en partie dus à des embolies pulmonaires massives. © Adobe Stock

Des investigateurs français de l’Institut médico-légal de Paris, de l’Inserm, du service de radiologie de l’hôpital Sainte-Anne/GHU Paris, du département d’anesthésie-réanimation des hôpitaux de l’AP-HP Saint-Louis et Lariboisière, d’Université de Paris, et du CNRS ont fait l’hypothèse que les arrêts cardiaques en dehors de l’hôpital pendant le pic de la pandémie de Covid-19 pourraient être en partie dus à des embolies pulmonaires massives. Le détail de ces travaux a été publié le 28 mai 2020 dans l’European Journal of Heart Failure.

L’Institut médico-légal de Paris et le service de radiologie de l’hôpital Sainte-Anne pratiquent des scanners du corps entier pour les examens demandés par les autorités de justice. Ces scanners ont été comparés entre la période de deux semaines correspondant au pic épidémique (23 mars au 7 avril 2020) et toute l’année 2019. Les éléments recherchés au scanner étaient la présence de signes d’infection pulmonaire évocateurs d’une infection à Covid-19, de phlébites des membres inférieurs et d’embolie pulmonaire proximale, responsable d’arrêt cardiaque.

Cette étude montre que les demandes d’autopsies médico-légales pour mort subite inexpliquée étaient 14 fois plus fréquentes pendant le pic épidémique que lors de l’année 2019.

La très grande majorité des morts subites inexpliquées pendant le pic épidémique avaient des lésions pulmonaires suspectes d’infection à Covid-19.

L’âge des patients décédés variait de 27 à 99 ans. Les personnes sont surtout décédées à leur domicile, certains avaient de la fièvre et/ou de la toux et la majorité a soudainement perdu le contact avec sa famille ou les services de secours 30 min à quelques heures avant la survenue de l’arrêt cardiaque.

L’analyse scanographique montre une fréquence 3 fois plus élevée d’embolie pulmonaire proximale et de phlébite pendant le pic épidémique par rapport à toute l’année 2019.

Ces résultats suggèrent qu’une part importante des personnes victimes de mort subite, pendant le pic épidémique, était probablement liée à des embolies pulmonaires proximales qui doivent être rapidement dirigées vers des centres de traitement des chocs cardiogéniques. Cette étude confirme également le rôle primordial de la prévention intensive de la thrombose chez les patients présentant une infection Covid-19.

Maladies inflammatoires de l’intestin : les cellules immunitaires, fer de lance de la guérison

Cette image obtenue par microscope d’une coupe intestinale de souris témoigne de lésions importantes, de signes inflammatoires et d’une cicatrisation dysfonctionnelle de la muqueuse intestinale. ©Sonnenberg Lab

Les inflammations de l’intestin touchent de nombreux patients, avec des perspectives thérapeutiques souvent réduites. Le rôle du fer dans ces processus inflammatoires est de mieux en mieux documenté, permettant d’ouvrir de nouvelles pistes de traitements. Une étude collaborative entre l’équipe dirigée par la directrice de recherche Inserm Carole Peyssonnaux à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris) et l’équipe de Greg Sonnenberg à New York (Weill Cornell Medicine) montre que l’hormone qui régule le niveau de fer dans l’organisme est produite par des cellules immunitaires lors d’une inflammation de l’intestin, et qu’elle contribue à réparer les lésions de la muqueuse intestinale. Ces travaux sont publiés dans la revue Science.

Les infections, les maladies chroniques inflammatoires de l’intestin (MICI) comme la maladie de Crohn ainsi que les cancers colorectaux sont associés à une inflammation de l’intestin. Chez les patients, la muqueuse intestinale peut alors être endommagée, et des saignements ainsi qu’une distribution altérée du fer dans l’organisme sont souvent observés.

Depuis plusieurs années, la directrice de recherche Inserm Carole Peyssonnaux et son équipe au sein de l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris) s’intéressent au rôle de l’hepcidine dans des contextes pathologiques. Cette hormone est régulatrice du métabolisme du fer dans l’organisme et est principalement produite par le foie. Les chercheurs avaient néanmoins déjà montré que dans le cas de certaines pathologies, l’hepcidine est également sécrétée au niveau d’autres tissus.

Leur nouvelle étude, réalisée en collaboration avec l’équipe de Gregory F. Sonnenberg de l’université de Cornell aux Etats-Unis et publiée en avril 2020 dans le journal Science, montre que dans un contexte d’inflammation intestinale, l’hepcidine est aussi exprimée par des cellules immunitaires particulières, les cellules dendritiques de l’intestin.

Nouvelles pistes thérapeutiques

Les scientifiques ont d’abord étudié le processus de cicatrisation intestinale chez plusieurs groupes de souris présentant toutes une inflammation de l’intestin. Pour l’un de ces groupes de souris, le gène codant pour l’hepcidine n’était pas exprimé. Comparé aux autres groupes de souris pour qui ce gène fonctionnait normalement, cela se traduisait par une perte de poids continue plus importante, mais aussi par une cicatrisation moins efficace de la muqueuse intestinale.

Les chercheurs ont ainsi confirmé que l’hepcidine joue un rôle important pour la guérison des lésions de l’intestin. Ils se posaient néanmoins encore la question de savoir si c’est l’hepcidine normalement sécrétée par le foie qui avait cet effet bénéfique, ou si dans ce contexte pathologique, cette hormone régulatrice du fer était produite au niveau d’autres organes.

Grâce à l’utilisation de modèles de souris où le gène codant l’hepcidine était uniquement déficient dans le foie, les chercheurs ont pu montrer, de manière surprenante, que le processus de cicatrisation était indépendant de la production hépatique d’hepcidine. Suite à une lésion intestinale et dans un contexte d’inflammation, les cellules dendritiques locales de l’intestin étaient la source dominante de production de cette hormone.

Par ailleurs, ces travaux soulignent aussi que l’hepcidine interagit avec un transporteur de fer clé appelé ferroportine, présent sur d’autres cellules immunitaires de l’intestin (les macrophages), ce qui favorise la séquestration du fer et empêche la prolifération de bactéries qui en dépendent au niveau des lésions intestinales. Ce processus permet ainsi de limiter la sévérité de l’inflammation.

Pour déterminer si ce phénomène se produit également chez l’homme, les chercheurs se sont enfin intéressés à des d’échantillons prélevés sur des patients pédiatriques atteints de MICI. Ils ont confirmé que les cellules dendritiques de l’intestin humain produisent également de l’hepcidine en réponse à une lésion. Cette voie pourrait donc s’avérer cliniquement importante chez les personnes atteintes de MICI. « Notre étude suggère que l’hepcidine aurait un rôle protecteur car en cas de suppression du gène qui code pour cette hormone la sévérité de la maladie est plus importante. L’utilisation de traitements mimétiques de l’hepcidine pourrait donc avoir un rôle thérapeutique pour favoriser la séquestration de fer, réduire sa disponibilité pour les bactéries qui prolifèrent dans l’intestin et favoriser la guérison des lésions », conclut Carole Peyssonnaux.

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