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Les laits de croissance, une bonne stratégie pour prévenir la carence en fer chez les tout-petits

© Robert Hrovat on Unsplash

En France, la stratégie de prévention de la carence en fer chez les jeunes enfants est en partie fondée sur la recommandation d’utiliser des laits infantiles enrichis en fer, dont le lait de croissance, lors de l’arrêt de l’allaitement. Mais quel est l’apport réel de ces laits dans la prévention de la carence en fer ? Une équipe de recherche de l’Inserm, de l’AP-HP et d’Université de Paris, au sein du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques (Cress) a étudié l’apport en fer de l’alimentation et la survenue de carence chez 561 nourrissons de 2 ans en France de 2016 à 2017. Les chercheurs ont observé que la consommation de laits infantiles enrichis en fer réduisait très significativement le risque de carence en fer et permettait d’atteindre les besoins nutritionnels quotidiens recommandés pour près de la moitié des enfants. Ces résultats, publiés dans Clinical Nutrition, appuient la stratégie de prévention française et invitent à accorder une attention particulière aux familles défavorisées, dont les enfants sont les plus touchés par la carence en fer.

La carence en fer est considérée comme la carence en micronutriment la plus fréquente à travers le monde, et en particulier dans les pays industrialisés. Lorsqu’elle survient chez les nouveau-nés et les jeunes enfants, elle est fortement suspectée d’être associée à des effets neurocognitifs néfastes à court et long terme, comme une diminution des capacités d’apprentissage et de mémoire, ou une atteinte neurosensorielle visuelle ou auditive.

Pour les nourrissons de plus de 1 an, les besoins nutritionnels moyens quotidiens en fer recommandés sont de 5 mg[1]. Lorsque le taux sanguin de ferritine (protéine fixant le fer, correspondant aux réserves en fer de l’organisme) est inférieur à 12 µg/L, on considère qu’un jeune enfant est carencé.

En France, la stratégie de prévention de la carence en fer repose en partie sur la recommandation de consommation systématique et prolongée de laits infantiles enrichis en fer – notamment le lait dit « de croissance » de 1 à 3 ans – lors de l’arrêt de l’allaitement, afin de compléter les apports de l’alimentation qui sont rarement suffisants pour cette tranche d’âge.

Afin d’examiner la pertinence de cette stratégie de prévention, les travaux d’une équipe de recherche de l’Inserm, de l’AP-HP et d’Université de Paris, au sein du Centre de recherche en épidémiologie et statistiques  Cress (Inserm/Université de Paris/Université Sorbonne Paris Nord/INRAE), coordonnés par Anne-Sylvia Sacri et Martin Chalumeau ont comparé l’apport en fer de l’alimentation, avec et sans consommation de lait de croissance, et la survenue de carence, chez 561 nourrissons âgés de 2 ans et ne présentant pas de pathologie affectant le métabolisme du fer. Cette étude a mis à contribution, entre 2016 et 2017, près de 120 cabinets pédiatriques répartis dans toute la France, grâce aux réseaux Activ et Afpa.

Pour chaque enfant, un questionnaire renseignant tous les aliments ingérés sur 3 périodes de 24h non consécutives a été rempli par les parents et a permis aux chercheurs de déterminer la quantité de fer ingérée au quotidien. Les analyses ont montré que lorsque la consommation de lait de croissance (utilisés par 73 % de l’effectif) n’était pas prise en compte, les apports en fer issus de l’alimentation ne permettaient pas d’atteindre les besoins recommandés de 5 mg/jour pour 63 % des enfants contre 18 % lorsqu’elle était prise en compte.

La consommation de lait de croissance a donc permis à 45 % des enfants d’atteindre les besoins nutritionnels recommandés en fer.

Dans un second temps, la concentration sanguine de ferritine a été mesurée à partir d’un prélèvement sanguin. Chez les 561 enfants étudiés, 37 (7 %) présentaient une carence en fer. La concentration sanguine en ferritine était significativement plus élevée chez les enfants consommant du lait de croissance à 24 mois ou depuis l’âge de 10 mois. Elle était significativement inférieure chez ceux consommant du lait de vache à 24 mois ou ayant débuté leur consommation avant cet âge.

La survenue de carence en fer était d’autant plus diminuée que la consommation de lait de croissance était prolongée et ce, même en faible quantité (à partir de 200 mL/jour).

« Cela suggère que la consommation régulière de fer est un meilleur moyen de prévenir les carences en fer qu’une importante supplémentation sur une courte période », précise Anne-Sylvia Sacri.

Elle ajoute : « Ces résultats plaident en faveur des stratégies nationales de prévention de la carence en fer fondées sur la recommandation de consommation de lait infantile enrichi en fer après l’âge de 12 mois. Ces laits apparaissent comme une solution simple pour supplémenter en fer les jeunes enfants, afin d’atteindre les besoins nutritionnels quotidiens recommandés. »

Les chercheurs ont également observé qu’une carence en fer était associée à des antécédents de prématurité. Elle était également plus fréquente dans les familles nombreuses et dans celles présentant des marqueurs de situation sociale défavorisée.

« Une attention particulière doit être apportée à ces populations plus vulnérables. Elles doivent être ciblées plus spécifiquement par les politiques de prévention et de surveillance », conclut Martin Chalumeau.

 

[1] Selon les recommandations de la European Food Safety Authority (EFSA)

Sclérose en plaque et sévérité du Covid-19 : des facteurs de risque identifiés.

Sclérose en plaques (SEP), les cellules en rouge sont en train de mourir (mort cellulaire). Astrocytes exposés au facteur glycotoxique. ©Inserm/RIEGER F.

Une étude, ayant pour objectif d’identifier les facteurs de risque de sévérité du COVID-19 chez les patients atteints de sclérose en plaques en France, a été menée par les équipes du service de neurologie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, de l’Institut du Cerveau (Inserm/CNRS/Sorbonne Université) à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP, de Sorbonne Université et du service de neurologie du CHU de Strasbourg. Ces travaux ont été réalisés avec la participation de l’ensemble des centres et neurologues impliqués dans la prise en charge de la sclérose en plaques, grâce aux réseaux nationaux FCRIN4MS, à l’Observatoire Français de la SEP (OFSEP) et à la Société Francophone de la SEP (SFSEP).

Les résultats de cette étude qui ont été publiés le 26 juin 2020 au sein de la revue JAMA Neurology ont donné lieu à la publication du premier registre sur la sclérose en plaques et le COVID-19. Ce registre a permis d’apporter des informations concrètes et en temps réel pour guider la prise en charge des patients pendant l’épidémie.

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire du système nerveux central, qui touche principalement les adultes jeunes, et qui peut être responsable d’un handicap neurologique. Ces dernières années, plusieurs traitements immunosuppresseurs ou immunomodulateurs ont permis des avancées majeures dans la prise en charge des patients.

Dès le début de l’épidémie de COVID-19, les neurologues et patients ont eu de nombreuses questions concernant le risque de COVID chez les patients atteints de sclérose en plaques, en particulier en lien avec leur traitement de fond. Nous avons donc mis en place une étude multicentrique observationnelle dont l’objectif est d’identifier les facteurs de risque de sévérité du COVID-19 chez les patients atteints de sclérose en plaques en France.

Plus de 350 patients ont été inclus dans le registre, et les équipes ont identifié comme principal facteur de sévérité du COVID-19 le handicap neurologique (mesuré par le score EDSS), suivi de l’âge et de l’obésité, ces 2 facteurs de risque ayant été également identifiés dans la population générale. En revanche, les traitements de fond de la SEP ne sont pas associés à un risque plus élevé de COVID sévère. Le taux de mortalité était de 3.5%, légèrement plus élevé que le taux attendu dans cette population ayant un âge moyen de 44 ans.

Il s’agit du premier registre publié sur la sclérose en plaques et le COVID-19. Il a permis d’apporter des informations concrètes et en temps réel pour guider la prise en charge des patients pendant l’épidémie.

Un nouvel espoir dans la lutte contre la douleur causée par des lésions nerveuses

 

Étude pour le traitement des neuropathies sensitives périphériques © Inserm/Scamps, Frédérique

Des chercheurs du laboratoire Neuro-Dol (Université Clermont Auvergne et Inserm) viennent d’identifier deux pistes pharmacologiques qui pourraient ouvrir la voie à une nouvelle prise en charge de la douleur causée par des lésions nerveuses (douleur neuropathique). Une perspective encourageante quand 7 à 10% de la population est atteinte, sans réelle thérapeutique médicamenteuse efficace. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication le 5 juin 2020 dans la revue Progress in Neurobiology.

La prise en charge de la douleur chronique: un exercice périlleux

Les douleurs chroniques, c’est-à-dire continues ou récurrentes, sont un réel problème de santé publique dont la prévalence est importante et la prise en charge difficile. Parmi celles-ci, les douleurs neuropathiques affectent entre 7 et 10% de la population française et les thérapeutiques médicamenteuses disponibles sont insatisfaisantes avec au mieux un patient sur trois partiellement soulagé.

Cette situation aurait par ailleurs pu conduire à des prescriptions/consommations excessives d’antidouleurs (on pensera par exemple à la crise des opioïdes aux Etats-Unis). Les patients douloureux et leurs médecins attendent donc des propositions thérapeutiques innovantes. 

A l’origine de la douleur neuropathique: un récepteur à la surface des cellules nerveuses

C’est donc pour développer de nouvelles pistes de traitement que des chercheurs du laboratoire Neuro-Dol (Université Clermont Auvergne UCA et Inserm), soutenus par le challenge « mobilité personnalisée, facteur-clé de la santé » de l’I-Site CAP 20-25 porté par l’UCA, et l’Agence Nationale de la Recherche, en collaboration avec des chercheurs de l’Institut de Génomique Fonctionnelle de Montpellier, du département de Chimie Médicinale de Cracovie et de l’Institut des Biomolécules Max Mousseron de Montpellier, se sont intéressés à un neurotransmetteur particulier, la sérotonine, impliqué dans de nombreuses fonctions (régulation de l’appétit, sommeil, humeur, …) et dans la modulation de la douleur. Ils ont mis en évidence que l’activité spontanée du récepteur 5-HT6 de la sérotonine, présent sur des neurones de la moelle épinière facilitant la transmission du message douloureux, participait aux douleurs neuropathiques.

Un responsable, deux solutions potentielles pour soulager les patients

Une fois démontrée l’activité spontanée du récepteur 5-HT6, les chercheurs ont mis au point et breveté un nouveau composé bloquant cette activité. Ce dernier, le PZ-1388, présente chez l’animal un effet antidouleur rapide et prolongé sur différents symptômes douloureux induits par le toucher ou le froid.

L’amélioration de ces symptômes est accompagnée d’une amélioration des déficits cognitifs, troubles fréquemment associés à ce type de douleur.

Les chercheurs ont également voulu comprendre les mécanismes cellulaires intimes mis en jeu par le récepteur 5-HT6. Ils ont montré pour la première fois que l’activité spontanée du récepteur entraînait, dans ce contexte pathologique, l’activation d’une autre protéine à l’intérieur du neurone appelée mTOR. Comme suspecté, l’utilisation d’un « leurre » empêchant l’interaction physique entre le récepteur et mTOR a également réduit les symptômes douloureux.

Ainsi, les résultats obtenus dans ce travail collaboratif proposent non pas un, mais deux nouveaux concepts pharmacologiques susceptibles de devenir des stratégies thérapeutiques originales dans le traitement des douleurs chroniques neuropathiques.

 

Pour en savoir plus:

Neuro-Dol : http://neurodol.uca.fr/

CAP 20-25 : https://cap2025.fr/

Le projet I-Site CAP 20-25 fait partie des 18 initiatives d’excellence reconnues au national par le label IDEX/I-Site du programme d’investissements d’avenir, sélectionnées parmi des dizaines de candidatures déposées par les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Il est porté par l’Université Clermont Auvergne et un consortium de 20 partenaires issus de l’enseignement supérieur et de la recherche, des collectivités, entreprises et établissements de soin.

Discovery : Arrêt des inclusions dans deux groupes de traitements

© Michał Parzuchowski on Unsplash

Après l’arrêt des inclusions dans le bras testant l’hydroxychloroquine, les deux bras testant la combinaison lopinavir/ritonavir avec ou sans interféron bêta sont arrêtés dans les essais cliniques Solidarity et Discovery. Compte-tenu de la nature adaptative de l’essai Solidarity et de son essai « fille » européen Discovery, une réflexion est en cours sur l’évolution du protocole dont les inclusions se poursuivent. Des publications dans des journaux internationaux à comité de lecture sont en préparation concernant tant l’évaluation de l’hydroxychloroquine que du lopinavir/ritonavir.

Les essais cliniques Solidarity et Discovery, dont l’objectif est de tester l’efficacité et la sécurité de molécules repositionnées dans l’indication de Covid-19 nécessitant une hospitalisation, annoncent ce jour l’arrêt définitif des inclusions dans les groupes de patients recevant les antiviraux lopinavir/ritonavir avec ou sans interféron bêta.

Cette décision s’appuie sur les recommandations d’arrêt formulées par les comités d’experts indépendants des deux essais. Celles-ci sont basées d’une part sur l’absence d’efficacité sur la mortalité à 28 jours des patients hospitalisés pour les bras lopinavir/ritonavir (avec ou sans interféron béta) par rapport au traitement standard. D’autre part, dans l’essai Discovery, qui analyse de façon approfondie les évènements indésirables chez les patients traités, le comité indépendant a souligné la fréquence significativement plus élevée d’effets indésirables graves concernant la fonction rénale dans les deux groupes de patients recevant la combinaison lopinavir/ritonavir, notamment chez les patients hospitalisés en réanimation. Il convient d’ajouter que de son côté, l’essai britannique Recovery a également arrêté le bras de traitement avec lopinavir/ritonavir pour absence d’efficacité.

Une communication sous forme de publications dans des journaux internationaux à comité de lecture détaillera les résultats. Par ailleurs, compte-tenu de la nature adaptative de l’essai Solidarity et de son essai « fille » européen Discovery, une réflexion est en cours sur l’évolution du protocole. Outre la poursuite de l’évaluation du remdesivir et possiblement de l’interféron bêta, celle-ci porte notamment sur la possibilité de tester de nouveaux traitements.

La pandémie liée au virus SARS-CoV-2 responsable de la maladie Covid-19 continue sa progression. L’essai clinique thérapeutique mondial Solidarity organisé par l’OMS continue d’inclure environ 500 patients par semaine, notamment en Amérique du Sud et au Moyen-Orient où l’épidémie reste active. Le total actuel du nombre de patients inclus dans Solidarity est supérieur à 5500 patients dans le monde, dont 760 patients font partie de l’essai Discovery. La France est le 2eme pays contributeur en termes de nombre de patients

 

Microbiote : la géographie intestinale influence les interactions entre les bactéries et leurs virus

Phages (en jaune) sur une bactérie Escherichia coli (en bleu) © Laurent Debarbieux – Institut Pasteur

Le microbiote intestinal abrite une communauté microbienne complexe et variée qui se maintient dans un équilibre aussi crucial pour la santé humaine qu’elle est méconnue. Les bactéries du microbiote sont soumises à la prédation de leurs virus, les bactériophages, mais une partie d’entre elles peut trouver refuge dans le mucus qui recouvre les tissus de l’intestin, permettant de garder les populations de bactériophages et de bactéries en équilibre. Telles sont les conclusions d’une étude dirigée par Laurent Debarbieux, directeur de recherche et responsable du laboratoire Bactériophage, bactérie, hôte à l’Institut Pasteur avec Luisa De Sordi, maître de conférences Sorbonne Université au Centre de recherche Saint Antoine (Sorbonne Université / Inserm) parue le 1er juillet 2020 dans Cell Host & Microbe.

Les bactéries et les bactériophages (également appelés phages) sont les composantes les plus abondantes du microbiote intestinal. Bien que les phages tuent les bactéries, ces deux populations antagonistes coexistent en équilibre dans l’intestin. Si de précédents travaux ont montré que les bactéries intestinales peuvent développer une résistance à cette prédation à travers des modifications génétiques, cette résistance n’a toutefois pas été observée dans cette nouvelle étude, effectuée sur un modèle de microbiote murin en collaboration avec l’université de Munich[1].

Ici, les auteurs ont observé que les bactéries et les phages ne sont pas distribués uniformément dans le tractus digestif et qu’une grande proportion des bactéries est présente dans le mucus recouvrant le tissu intestinal. Ces données nouvelles confortent un modèle écologique appelé « source-puit » dans lequel le mucus constitue un réservoir (« source ») de bactéries. Celles-ci peuvent s’y multiplier, cachées de leurs prédateurs. La lumière intestinale quant à elle représente un « puit » où les bactéries sont tuées au bénéfice de la population des phages.

« Ces travaux mettent en évidence l’importance de la géographie intestinale et de sa structure hétérogène et irrégulière dans la modulation des interactions qui régulent la composition du microbiote » expliquent Laurent Debarbieux et Luisa de Sordi, derniers auteurs de l’étude. Les résultats ont des implications importantes pour la compréhension de l’équilibre intestinal associé à la santé humaine mais aussi du déséquilibre qui caractérise les nombreuses maladies et syndromes associés à des altérations des micro-organismes de l’intestin telles que le diabète, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou encore les troubles du spectre autistique. De plus, ces conclusions pourraient guider l’utilisation thérapeutique des bactériophages (phagothérapie) pour contrôler la prolifération des pathogènes intestinaux.

 

[1] L’étude a été réalisée avec l’équipe de Bärbel Stecher (German Center for Infection Research).

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