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Covid-19 : Évaluation de la performance de plusieurs tests sérologiques de détection d’anticorps

Echantillons sanguins dans la cohorte Constances et tests sérologiques de l’infection au virus SARS-Cov-2  Crédits :   ©Unité des Virus Émergents (Inserm - Aix Marseille Université - IRD)  Image « UVE Séroneutralisation cellules » :  des cellules non infectées par le virus SARS-CoV-2, preuve que l’échantillon de sang contenait des anticorps neutralisants capable d’empêcher le virus d’entrer dans les cellules.   Image « UVE Séroneutralisation cellules infectées » : de nombreuses cellules ont été détruites, preuve de l’absence d’anticorps neutralisants contre le virus.

 Echantillons sanguins dans la cohorte Constances et tests sérologiques de l’infection au virus SARS-Cov-2. A gauche : des cellules non infectées par le virus SARS-CoV-2, preuve que l’échantillon de sang contenait des anticorps neutralisants capable d’empêcher le virus d’entrer dans les cellules. A droite : de nombreuses cellules ont été détruites, preuve de l’absence d’anticorps neutralisants contre le virus. ©Unité des Virus Émergents (Inserm – Aix Marseille Université – IRD)

Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm et d’Université de Paris ont réalisé une étude pilote pour évaluer la fiabilité de plusieurs tests de laboratoire afin de mieux comprendre le profil de réponses en anticorps contre le SARS-CoV-2 et la propagation du virus dans la population. A ce jour, quatre tests de détection d’anticorps anti SARS-CoV-2 ont été développés et évalués ainsi que deux tests de détection d’anticorps neutralisants. Ces tests, dits de laboratoire, sont une première étape pour les études épidémiologiques sur COVID-19. Les résultats de cette étude ont été publiés en ligne sur MedRxiv, le 24 avril 2020, puis dans Science Tanslational Medicine, le 17 août 2020. 

Pour endiguer l’épidémie et mieux comprendre la propagation du virus, il est extrêmement important d’évaluer la prévalence des cas asymptomatiques et symptomatiques d’infection par le SARS-CoV-2 et leur profil de réponses en anticorps.

Actuellement, les tests basés sur la PCR sont largement utilisés en France et dans le monde, pour le diagnostic du COVID-19 et pour la détection et la quantification de l’ARN du SARS-CoV-2. Ces tests virologiques sont essentiels pour identifier et surveiller les individus atteints d’infections actives.

Parallèlement, des tests sérologiques sont également mis en œuvre. Ces tests sont de deux types :

  • Les tests de détection d’anticorps qui permettent d’évaluer si une personne a développé des anticorps contre des protéines du SARS-CoV-2, et donc, si elle a antérieurement contracté le virus.
  • Les tests de neutralisation qui permettent quant à eux de déterminer si une personne possède des anticorps neutralisants et si elle est donc immunisée contre le virus.

Des tests fiables nécessaires

Des tests fiables sont essentiels. Plusieurs équipes de l’Institut Pasteur, du CNRS, de l’Inserm et d’Université de Paris se sont donc mobilisées pour développer différents tests sérologiques et ont donc réalisé une étude pilote pour évaluer la fiabilité de 4 tests de détection en mesurant les niveaux d’anticorps anti-SARS-CoV-2. Parallèlement, deux tests de détection ont été développés et ont permis une comparaison supplémentaire. Les groupes d’échantillons sanguins proviennent de différentes catégories d’individus. Ces groupes ayant servi à l’évaluation de ces tests étaient répartis de la manière suivante : 

  • des échantillons de 400 individus pré-épidémiques (2017-2019), servant d’échantillons de comparaison afin d’établir la spécificité des tests en s’assurant qu’il n’y a pas ou très peu de « faux positifs » ;
  • des échantillons de 51 patients positifs au COVID-19 avec des formes sévères ou critiques, provenant de l’hôpital Bichat (Paris). Cela permet d’établir la sensibilité des tests, et d’étudier les cinétiques d’apparition des anticorps ;
  • des échantillons de 209 individus présentant des symptômes légers (fièvre ou toux par exemple) prélevés dans le département de l’Oise les 3 et 4 mars 2020 ;
  • des échantillons de 200 donneurs de sang de l’Oise, asymptomatiques et prélevés entre le 20 et le 24 mars 2020.

Résultats de séroprévalence

La séropositivité (présence d’anticorps) a été détectée chez 32% des individus ayant présenté des signes légers compatibles avec COVID-19 dans les 15 jours précédant les prélèvements et chez 3 % des personnes asymptomatiques, ayant donné leur sang.
 Délai d’apparition des anticorps

Les chercheurs ont caractérisé les délais d’apparition des anticorps chez les personnes hospitalisées atteintes de COVID-19. Les anticorps apparaissent dès 5-6 jours après les premiers symptômes et ils possèdent une activité neutralisante dès 7-14 jours.

Ce délai est probablement plus long chez les personnes pauci-symptomatiques (avec peu de symptômes) ou asymptomatiques (aucun symptôme), et les titres (concentration) d’anticorps plus faibles.
 

Description et évaluation des tests

Les équipes de recherche ont conçu quatre tests de laboratoire pour évaluer les niveaux d’anticorps anti-SARS-CoV-2 dans le sérum humain.

Tests ELISA : Les deux tests ELISA sont des tests classiques, utilisant comme antigènes cibles la protéine N entière du SARS-CoV-2 (ELISA N) ou le domaine extracellulaire du spicule du virus (S).

Avantages : ces tests utilisent une technique facilement transposable et qui est utilisée dans des kits commerciaux. Le test ELISA S est un peu plus sensible que l’ELISA N.

Pour ces deux tests, se pose la question de leur utilisation à grande échelle, ou de leur industrialisation. Pour l’instant ce sont des tests maison. Des tests de principe similaire sont déjà commercialisés, et sont en cours d’évaluation par le CNR.
Les performances des tests commerciaux sont évaluées par le CNR en utilisant des sérums qui ont été qualifiés comme négatifs ou positifs en anticorps dirigés contre le SARS-CoV-2 à l’aide d’au moins deux des tests sérologiques développés à l’Institut Pasteur.

Test S-Flow : ce test détecte la protéine du spicule du SARS-Cov-2 dans sa conformation naturelle, à la surface de la cellule. Il est très sensible et spécifique. Les résultats sont similaires à ELISA S, avec une sensibilité supérieure lorsque les taux d’anticorps sont faibles.  Mais le test nécessite un appareillage de lecture particulier (cytomètre de flux), moins répandu que le lecteur de plaques dans les laboratoires d’analyse. Il est donc adapté à des activités de recherche épidémiologique plutôt qu’au diagnostic individuel à grande échelle.

Test LIPS : ce test dit « d’immunoprécipitation », utilise une technique différente des précédents et détecte les anticorps se fixant sur les protéines N ou S du SARS-Cov-2 ou leurs sous-domaines. Le test permet de caractériser de façon fine les régions des protéines virales cibles de la réponse anticorps. Le test utilise donc différents « antigènes cibles » de détection, et la sensibilité du test varie avec l’antigène détecté. Dans le cadre de cette étude une partie de N et une partie de S (S1) ont été utilisées. Par ailleurs ces tests sont utilisables sans modification chez la plupart des animaux

Les équipes de recherche ont par ailleurs développé deux tests dédiés à la recherche d’anticorps neutralisants dans le sérum des personnes infectées.  Un test qui utilise du virus infectieux SARS-Cov-2, et nécessite un accès en laboratoire P3. Et un test avec un « pseudovirus » qui permet de travailler hors P3.

Le test de neutralisation avec le virus SARS-CoV-2 infectieux est plus fastidieux à mettre en œuvre car il nécessite une manipulation en laboratoire P3. Il utilise une dose fixe de virus qui détruit 100 % des cellules. Après mélange avec différentes dilutions de sérum, on observe si la présence d’anticorps anti-SARS-CoV-2 permet de neutraliser le virus et donc d’inhiber la multiplication virale et par conséquent d’empêcher la destruction des cellules.

Les équipes de recherche ont également mis au point un test de séro-neutralisation, appelé Lenti S, utilisant non pas le virus SARS-CoV-2 mais un pseudovirus non infectieux. Ce test ne nécessite donc pas de confinement en laboratoire de sécurité ce qui en assure une grande facilité de mise en œuvre à large échelle.

A l’inverse des tests de type ELISA qui détectent la présence d’anticorps, un test de séro-neutralisation mesure la capacité des anticorps à bloquer l’entrée du virus dans les cellules. Il permet donc de déterminer si une personne possède des anticorps capables de limiter la multiplication du virus et donc susceptibles de contribuer à la protection contre une nouvelle infection par le SARS-CoV-2. Les équipes de recherche souhaitent adapter ce test pour qu’il puisse être utilisé à très haut débit. D’autres travaux seront nécessaires pour déterminer la quantité d’anticorps neutralisants susceptible de contribuer à la protection, ainsi que leur persistance dans le temps.
 

Corrélation entre les tests

Pour évaluer la fiabilité des tests les uns par rapport aux autres, les équipes de recherche ont comparé les tests en utilisant les trois cohortes.

Chez les patients hospitalisés, un nombre à peu près similaire de cas positifs a été obtenu avec les tests sérologiques visant N ou S alors que la recherche d’anticorps anti-S1 est moins sensible dans cette application diagnostique, l’objectif de ce dernier test étant l’étude d’une corrélation avec la protection.

Avec la cohorte d’individus symptomatiques de l’Oise, le test S Flow, le test ELISA S, la combinaison LIPS N+S1 ont donné des résultats très proches et des taux de détection plus élevés que les autres tests. Chez les donneurs de sang, les cas positifs n’ont été détectés qu’avec les tests S Flow et le test ELISA S.
 

En conclusion :

1. Les équipes de recherche ont comparé les performances de 4 tests d’identification d’anticorps anti SARS-CoV-2. Globalement, ils fonctionnent très bien, avec des différences de sensibilité en fonction des tests et surtout des antigènes visés.

2. En ce qui concerne les tests d’identification d’anticorps neutralisants, le test de séro-neutralisation avec pseudovirus est simple et robuste mais il nécessite un équipement de culture cellulaire et des machines spéciales. Les tests sérologiques permettent d’estimer un taux d’anticorps se liant au virus sans préjuger de leur activité fonctionnelle.

3. Les chercheurs établissent actuellement des corrélations, qui permettront d’estimer, en fonction des taux d’anticorps se fixant sur différentes parties du virus, les échantillons de sang qui ont une activité neutralisante.

4. La présence d’anticorps neutralisants dans le sang est très probablement un signe que la personne est protégée contre une nouvelle infection, de manière d’autant plus importante que leur titre est élevé, mais cela n’a pas été encore formellement démontré.

5. Les tests de sérologie permettent de faire des études épistémologiques de séroprevalence sur des groupes donnés.

6. Le virus a bien circulé au sein du cluster de premiers cas, dans l’Oise : 32% de personnes avec signes cliniques modérés compatibles avec COVID-19 avaient des anticorps.

7. Concernant les tests chez les personnes asymptomatiques, les résultats dépendent des groupes étudiés et de leur localisation. Par exemple, les donneurs de sang asymptomatiques (les personnes ayant présenté des signes récents ne peuvent donner leur sang) dans l’Oise montrent 3 % de cas positifs parmi 200 cas testés.

« Ces tests servent à détecter la séroprévalence dans des études épidémiologiques et aussi à réaliser des diagnostics individuels. Ils sont également très utiles pour caractériser complètement des panels de sérums lors de l’évaluation des tests commerciaux. Cette étude a associé de nombreuses équipes de l’Institut Pasteur, qui ont travaillé en collaboration avec des médecins et virologistes de l’APHP, de l’INSERM, des épidémiologistes, l’EFS. Nous remercions les patients et les volontaires qui ont donné leur sang pour cette étude » soulignent Marc Eloit, Hugo Mouquet, Olivier Schwartz et Sylvie van der Werf, co-auteurs de cette étude.

« Les test ELISA N et ELISA S sont particulièrement intéressants dans le contexte actuel. A l’Institut Pasteur, il pourra être effectué plusieurs milliers de tests par semaine et la technique pourra être partagée avec d’autres laboratoires » explique quant à elle Sylvie van der Werf, responsable du Centre National de Référence des virus des infections respiratoires et co-dernière auteure de l’étude.

« Les tests de type LIPS ont une sensibilité équivalente pour un même antigène à des tests de type ELISA et sont adaptés à l’étude fine d’une probabilité de protection contre une nouvelle infection sur les cohortes de quelques milliers de sérums, pour définir les antigènes optimaux à utiliser pour des tests à très haut débit, ce qui correspond à une des demandes majeures pour la gestion du déconfinement. Depuis ces travaux, nous avons également étendu l’utilisation du test LIPS à la détection de l’infection par des coronavirus saisonniers et à la détermination de leur rôle dans la protection contre le SARS-CoV-2 ou sa facilitation » souligne Marc Eloit, responsable du laboratoire de Découverte de Pathogènes et co-dernier auteur de l’étude.
« Depuis le début de cette étude, en mars 2020, le test S-Flow est utilisé pour étudier l’importance de la réponse humorale chez les individus positifs à la PCR, présentant des symptômes bénins. Nous évaluons actuellement la durée de cette réponse. Nous analysons des échantillons d’individus convalescents collectés à différents points dans le temps après l’apparition des symptômes », explique Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et immunité et co-dernier auteur de l’étude.

Comment la chirurgie bariatrique restaure la sécrétion d’insuline

Cellules β pancréatiques humaines produisant l’insuline (en rouge). L’ADN des cellules est marqué en bleu.

Cellules β pancréatiques humaines produisant l’insuline (en rouge). L’ADN des cellules est marqué en bleu. ©Inserm/Annicotte, Jean-Sébastien

La chirurgie bariatrique est un traitement efficace de l’obésité sévère mais améliore également les co-morbidités associées dont le diabète de type 2 (DT2). Certaines techniques de chirurgie ont la capacité de normaliser en quelques jours la glycémie de patients sévèrement diabétiques indépendamment de la perte pondérale. Cet effet aigu de la chirurgie est expliqué par une restauration de la sécrétion d’insuline déficitaire avant l’opération chez ces patients. Les mécanismes sous-jacents sont mal connus. Une signature moléculaire de cette réparation est néanmoins observée après une chirurgie bariatrique à la fois dans le sang circulant d’un modèle murin diabétique mais également chez les patients DT2 opérés dont la glycémie s’est normalisée. Telles sont les conclusions de l’étude dirigée par le Pr Fabrizio Andreelli (Sorbonne Université/Inserm/ hôpital Pitié-Salpêtrière AP-HP)[1] publiée dans EBioMedicine le 30 juillet 2020 et correspondant aux travaux de thèse du Dr Chloé Amouyal.

Le diabète de type 2 (DT2) est une pathologie de plus en plus fréquente et dont la prise en charge est complexe. Cette pathologie, dont le développement est parallèle à celui de l’obésité, comporte essentiellement une réduction de la sécrétion d’insuline endogène qui reste difficile à améliorer. Ainsi, malgré un panel assez large de thérapeutiques hypoglycémiantes (capables de diminuer la glycémie), de nombreux patients restent déséquilibrés. Trouver de nouveaux traitements pour améliorer l’équilibre du diabète au long cours et en particulier la sécrétion d’insuline est un objectif important en diabétologie.

Dès les années 1990, il a été prouvé qu’un type de chirurgie bariatrique, le bypass gastrique selon la méthode du Roux-en-Y ou RYGBP (technique qui exclut la majeure partie de l’estomac, le duodénum et le jéjunum proximal du circuit alimentaire) pouvait en quelques jours, avant toute perte de poids significative, améliorer voire faire disparaître le DT2. Cet effet aigu du RYGBP sur la glycémie n’est pas retrouvé dans les techniques sans changement anatomique de l’intestin (comme l’anneau gastrique), ce qui suggère que le montage chirurgical effectué durant le RYGBP a des effets spécifiques sur la sécrétion d’insuline indépendamment d’une perte de poids.

Pour comprendre comment la sécrétion d’insuline était restaurée par la chirurgie bariatrique, les chercheurs ont analysé l’évolution de la glycémie et de la sécrétion d’insuline dans un modèle murin adapté[2].

Figure 1A : Technique du bypass gastrique chez l’humain  – Figure 1B : Equivalent murin développé par l’équipe du Pr Fabrizio Andreelli

De façon aussi intéressante que surprenante, l’équipe a découvert que dans ce modèle, le diabète disparaissait en post-opératoire malgré la persistance de l’obésité grâce à une hausse de la quantité d’insuline dans les îlots pancréatiques (cellules du pancréas qui produisent l’insuline) et une amélioration significative de la sécrétion d’insuline. Ces résultats montraient ainsi in vivo et in vitro une amélioration de la fonctionnalité des îlots pancréatiques.

Les auteurs ont identifié des pistes mécanistiques pour expliquer cette restauration de la sécrétion d’insuline en analysant l’expression des gènes dans les îlots pancréatiques. Ils ont ainsi montré qu’environ 193 gènes importants pour la régulation de la sécrétion d’insuline avaient une expression normalisée après la guérison du diabète.

Corriger l’expression des gènes par la chirurgie

De nombreux facteurs peuvent réguler l’expression des gènes et parmi ceux-ci des petites molécules appelées microARNS non codants (mIRs). Chaque type cellulaire (mais également le sang circulant) contient des centaines de mIRs qui interagissent en permanence avec les gènes et modulent leur expression selon les besoins de l’organisme. Une analyse des 400 mIRs détectables dans les îlots pancréatiques a permis de montrer que 27 d’entre eux étaient régulés différemment par la chirurgie bariatrique et que 4 d’entre eux étaient fort probablement des régulateurs principaux de l’expression d’une grande partie des 193 gènes.

Il était alors important d’examiner si de tels mécanismes étaient mis en jeu chez l’homme. C’est pourquoi l’équipe a déterminé, dans le sang circulant des patients ayant un diabète résolu après bypass gastrique, les 4 mIRs fondamentaux identifiés comme centraux dans la régulation des gènes des îlots pancréatiques.

Les résultats de cette étude permettent de conclure que la chirurgie bariatrique peut rétablir la sécrétion d’insuline, indépendamment de toute perte de poids, en restaurant des fonctions clés impliquées dans la sécrétion d’insuline grâce à 4 mIRs fondamentaux identifiés également chez l’homme. Cette signature traduit probablement des mécanismes de réparation des cellules β pancréatiques localisées dans les ilôts sans doute similaires dans ces deux espèces.

Les travaux continuent actuellement dans le cadre d’un projet soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR-Bari mice) pour comprendre quels signaux issus de l’intestin opéré sont capables d’agir sur ces facteurs de régulation (mIRs) exprimés dans les cellules β pancréatiques. L’enjeu clinique futur est ainsi de pouvoir mimer les effets bénéfiques de la chirurgie bariatrique sur la sécrétion d’insuline par l’administration de composés issus de l’intestin.

[1] En collaboration avec l’Imperial College of London et l’Université de Lausanne

[2] Souris Ob/Ob diabétique.

Un nouvel outil d’édition du génome au service des maladies héréditaires rares

Les chercheurs ont développé un outil pour modifier le génome de cellules souches et rétablir la production de protéines thérapeutiques chez les malades. © Adobe Stock

Trouver des traitements adaptés pour les patients atteints de maladies héréditaires, comme l’hémophilie et la plupart des maladies métaboliques, constitue souvent un défi pour les chercheurs. L’édition ciblée du génome, via la technique CRISPR-Cas9 notamment, ouvre depuis quelques années des pistes intéressantes. Des chercheurs de l’Inserm, de l’Université d’Evry, de l’Université Paris-Saclay et du Généthon ont mis au point une nouvelle plateforme pour modifier le génome des cellules souches hématopoïétiques, à l’origine des cellules du sang. L’utilisation de ces outils pourrait apporter de nouvelles solutions thérapeutiques à de nombreux patients atteints de maladies génétiques rares. Les résultats de ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications.

Différentes maladies héréditaires, comme l’hémophilie ou la plupart des maladies métaboliques, sont caractérisées par l’absence de certaines protéines dans l’organisme. L’hémophilie en particulier est causée par un déficit des facteurs de coagulation. En cas de blessure, la coagulation du sang est empêchée, aboutissant dans certains cas à des hémorragies graves. Dans le cas des maladies métaboliques, la cause est un déficit d’enzymes métaboliques, qui entrave la dégradation de certains substrats et entraîne la défaillance d’organes vitaux, jusqu’au décès.

Si des traitements de substitution existent, ils peuvent s’avérer contraignants pour les patients et particulièrement coûteux. De plus, comme il s’agit de faire entrer dans l’organisme des protéines qui lui sont étrangères, ces traitements peuvent être neutralisés par le système immunitaire.

Pour explorer de nouvelles solutions thérapeutiques, une équipe du laboratoire « Approches génétiques intégrées de découvertes thérapeutiques pour les maladies rares » (Inserm/Université d’Evry/Université Paris-Saclay), dirigée par Mario Amendola, chercheur Inserm à Généthon, s’est intéressée à deux maladies héréditaires rares : l’hémophilie B et une maladie métabolique appelée maladie de Wolman.

La première concerne environ un garçon sur 25 000 et est causée par un déficit d’une protéine de la coagulation appelée facteur F IX. La seconde touche un enfant sur 100.000 naissances et est causée par un déficit de la lipase acide LAL.

Rétablir la production de protéines thérapeutiques

Les chercheurs ont développé une nouvelle plateforme d’édition du génome visant à rétablir la sécrétion de ces protéines. Décrit pour la première fois dans le journal Nature Communications, cet outil unique repose sur l’édition du génome de cellules souches hématopoïétiques. Ces cellules souches sont à l’origine des différentes cellules du sang, et se différencient notamment pour former les globules rouges.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont d’abord identifié et caractérisé une région du génome des cellules souches hématopoïétiques pouvant être modifiée de manière sûre. À l’aide du ciseau génétique « CRISPR-Cas 9 », les chercheurs y ont inséré des séquences d’ADN isolées, de manière à ce que seuls les globules rouges qui en sont dérivés puissent exprimer ensuite systématiquement une grande quantité du facteur F IX ou LAL, et ce de manière systématique.

« Cette étude vise à décrire pour la première fois une technique pour modifier le génome des cellules souches hématopoïétiques, pour que les globules rouges qui sont très abondants dans l’organisme, sécrètent ensuite les protéines thérapeutiques bénéfiques, sans risque pour les malades et sans rejet par le système immunitaire puisqu’elles sont produites par leurs cellules », précise Mario Amendola.

Ces travaux ouvrent donc des pistes thérapeutiques intéressantes pour de nombreux malades ; mais la plateforme devra désormais être testée dans un cadre clinique. « La technologie est prometteuse, et applicable à de nombreuses maladies, mais pour en faire une solution thérapeutique à part entière, il est essentiel de poursuivre ces travaux fondamentaux pour les mener jusqu’à l’hôpital, auprès des patients », conclut Mario Amendola.

Identification d’une nouvelle cible thérapeutique potentielle contre le Covid-19

Image de microscopie du Coronavirus SARS-CoV-2 responsables de la maladie COVID-19 accrochés aux cellules épithéliales respiratoires humaines

Coronavirus SARS-CoV-2 responsables de la maladie COVID-19 accrochés aux cellules épithéliales respiratoires humaines
©M.Rosa-Calatraval/O.Terrier/A.Pizzorno/E.Errazuriz-cerda

Une étude menée par des chercheurs et médecins de Gustave Roussy, de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris AP-HP, de l’Inserm , de l’Université Paris-Saclay et d’Université de Paris, en collaboration avec plusieurs équipes étrangères (Singapour, Chine, Israël), révèle que les patients atteints d’une forme grave de Covid-19 présentent un déficit des fonctions de l’immunité innée des cellules myéloïdes (fraction des globules blancs) comme les polynucléaire neutrophiles, monocytes), associé à un taux très élevé de calprotectine, une protéine pro-inflammatoire de la famille des alarmines, dans le sang.

Publiés dans la prestigieuse revue Cell, ces résultats permettent de proposer un test diagnostique susceptible d’identifier rapidement les patients risquant de développer une forme sévère de la maladie et ouvrent la voie à une approche thérapeutique inédite : le blocage du récepteur de la calprotectine, une protéine pro-inflammatoire de la famille des alarmines.

Dirigés par Aymeric Silvin, chercheur en immunologie, spécialiste des cellules myéloïdes, au sein de l’Unité 1015 Gustave Roussy / Inserm / Université Paris-Saclay, ces travaux ont été réalisés en collaboration étroite avec le docteur Florent Ginhoux, éminent chercheur du Singapore Immunology Network (SIgN), la Professeure Michaela Fontenay, cheffe du service d’hématologie biologique de l’hôpital Cochin, APHP, et directrice d’équipe à l’Institut Cochin dans l’Unité 1016 Inserm / CNRS / Université de Paris, et le Professeur Eric Solary, de l’Unité 1287 Gustave Roussy / Inserm / Université Paris-Saclay.

L’étude s’est appuyée sur l’analyse d’échantillons sanguins provenant de 158 patients admis aux urgences pour suspicion de Covid-19. Parmi eux, 72 patients ont été testés négatifs par PCR et 86 se sont révélés positifs, en présentant trois degrés de sévérité de la maladie (léger, modéré, sévère).

De multiples analyses des cellules sanguines de ces patients, notamment par cytométrie spectrale en flux, ont révélé des modifications de la production et de la répartition de certaines cellules myéloïdes du système immunitaire chez les patients atteints d’une forme grave de la Covid-19, aboutissant à une immunosuppression. Ces modifications incluent :

  • Un nombre élevé de monocytes « classiques » sous exprimant l’antigène HLA-DR, favorisant l’immuno-suppression
  • Une forte diminution des monocytes « non classiques », qui constituent habituellement 10% des monocytes mais représentent moins de 4% chez les patients sévères
  • La libération de cellules myéloïdes correspondant à des polynucléaires neutrophiles immatures aux propriétés immunosuppressives (myélopoïèse d’urgence). Cette libération pourrait être liée à un taux très élevé de calprotectine.

En effet, l’analyse de multiples protéines du plasma sanguin a révélé un taux très élevé de calprotectine (taux normal multiplié par 100 à 1 000) chez les patients atteints de forme sévère de Covid-19.  La calprotectine est une protéine générée dans un contexte inflammatoire.

« Nos résultats suggèrent que la calprotectine pourrait être responsable de l’aggravation de la Covid-19, puisque sa quantité corrèle avec les besoins en oxygène ainsi que les facteurs impliqués dans la thrombose, souligne Aymeric Silvin. La forte augmentation de calprotectine dans le sang pourrait intervenir avant l’orage cytokinique associé à l’emballement inflammatoire des patients développant une forme sévère.  Nous pensons qu’une boucle d’amplification se crée entre la calprotectine et l’interleukine-6, induisant une inflammation chronique aboutissant à une immuno-suppression ».

La Professeure Michaela Fontenay, cheffe du service d’hématologie biologique de l’hôpital Cochin, AP-HP, précise qu’« un diagnostic précoce d’une forme grave peut être réalisé par la combinaison d’un dosage de calprotectine et d’un test de routine de cytométrie en flux implantable dans les laboratoires d’hématologie. Un test de routine équivalent a déjà été déployé en France dans le but de faciliter le diagnostic d’une maladie hématologique. »

Ces résultats inédits permettent d’envisager de nouvelles stratégies thérapeutiques pour contrer l’aggravation de la Covid-19, en bloquant par exemple les récepteurs de la calprotectine et la myélopoïèse d’urgence. Ces stratégies sont à évaluer par des essais cliniques. Des discussions ont démarré pour repositionner un médicament anticancéreux dans cette indication.

Les conclusions de l’étude indiquent aussi que les taux de calprotectine et de monocytes non classiques dans le sang constituent des marqueurs susceptibles d’identifier les patients qui vont développer une forme grave de Covid-19. L’analyse de ces biomarqueurs pourrait être effectuée en routine. « Le diagnostic précoce d’une forme grave de la Covid-19 peut être réalisé sur un tube de sang en combinant un dosage de la calprotectine et un test de cytométrie en flux facilement implantable dans les laboratoires d’hématologie de routine, indique Pre Michaela Fontenay. Un test équivalent a été déployé ces dernières années en France dans le but de faciliter le diagnostic d’une maladie hématologique »

Cette étude a pu être réalisée grâce au soutien financier d’Amazon et de la Fondation Carrefour, des mécènes de Gustave Roussy, et du centre national de médecine de précision PRISM, soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche.
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