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Enquête EpiCov : 2e phase lancée depuis le 26 octobre 2020

 

Coronavirus SARS-CoV-2 accrochés au niveau des cils de cellule épithéliale respiratoire humaine. © Manuel Rosa-Calatrava, INSERM ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

La première phase de l’enquête EpiCov a permis d’estimer le nombre de personnes ayant déjà été en contact avec le virus en mai 2020. Les premiers résultats ont aussi permis d’analyser les facteurs qui influent sur la probabilité d’avoir rencontré le virus et de documenter l’impact de l’épisode de confinement sur la vie des Français. Afin de prolonger et d’approfondir la connaissance sur les conséquences de l’épidémie et des mesures sanitaires sur les conditions de vie et les inégalités sociales dans la population, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en collaboration avec Santé publique France, l’Insee, le CNRS, l’Ined, et l’université Paris-Saclay lancent la deuxième vague de l’enquête EpiCov.

Depuis le 26 octobre, les personnes ayant répondu à la première phase de l’enquête sont sollicitées pour remplir un deuxième questionnaire et réaliser des analyses sérologiques. Cette deuxième phase permettra d’établir une cartographie complète, précise et actualisée du statut immunitaire de la population. L’intégralité des participants se verront proposer une analyse sérologique, ce qui permettra d’atteindre une précision des résultats au niveau départemental.

 

Résultats attendus

Ce deuxième volet de l’enquête EpiCov a pour objectif la mesure précise de la prévalence de la maladie sur le territoire français à l’automne 2020, avec une précision départementale. Cette photographie du statut épidémique sera ensuite croisée avec les différentes thématiques traitées par le projet, permettant d’apporter des éclairages complémentaires sur la façon dont l’épidémie affecte de manière différenciée la population selon l’âge, la profession, le niveau de vie, les conditions d’habitation, etc. L’impact des mesures sanitaires sur la santé physique et mentale ainsi que sur les comportements fera également l’objet d’analyses approfondies.

 

L’enquête

Les 135 000 participants à l’enquête de mai dernier, issus d’un échantillon représentatif sélectionné aléatoirement par l’Insee, seront recontactés afin de répondre une nouvelle fois à un questionnaire d’une trentaine de minutes, par internet ou par téléphone. À l’issue de ce questionnaire, il leur sera proposé de recevoir du matériel pour réaliser un auto-prélèvement sanguin qui servira à tester leur statut immunitaire. L’ensemble des participants pourront réaliser ce test, et une partie d’entre eux auront l’occasion d’obtenir un kit pour tester la sérologie des autres membres de leur ménage (âgés de 6 ans ou plus). Ces prélèvements ne seront pas obligatoires. L’ensemble de ces opérations seront effectuées dans le respect de la réglementation en vigueur (notamment l’approbation par la Commission nationale de l’informatique et des libertés et le respect du secret statistique et du règlement général sur la protection des données). Comme pour la première phase, la Guadeloupe, la Martinique et La Réunion sont couvertes par le champ de l’enquête.

La collecte des données a commencé le 26 octobre et se poursuivra jusqu’à fin novembre

Les émulsifiants alimentaires augmentent le pouvoir pathogène de certaines bactéries et le risque d’inflammation intestinale

Certaines bactéries du microbiote intestinal, marquées en rouge, sont capables de pénétrer la couche de mucus normalement stérile et marquée en vert. © Benoit Chassaing

L’alimentation jouerait un rôle dans le déclenchement d’inflammations intestinales pouvant aboutir au développement de certaines pathologies, comme la maladie de Crohn. Des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de Université de Paris ont montré que les émulsifiants alimentaires présents dans de nombreux plats transformés pouvaient avoir un impact délétère sur certaines bactéries spécifiques du microbiote intestinal, conduisant à une inflammation chronique. Leurs résultats sont publiés dans Cell Reports.

La prévalence des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ne cesse d’augmenter dans tous les pays du monde. Près de 20 millions de personnes seraient concernées. Caractérisées par l’inflammation de la paroi d’une partie du tube digestif, ces pathologies regroupent notamment la maladie de Crohn et les rectocolites hémorragiques.

Plusieurs facteurs, à la fois génétiques et environnementaux, ont été mis en cause pour expliquer l’inflammation de l’intestin associée à ces maladies. Depuis plusieurs années, le chercheur Inserm Benoît Chassaing et son équipe à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université de Paris) s’intéressent au rôle de l’alimentation et notamment à l’impact de certains additifs alimentaires comme les émulsifiants.

Largement utilisés par l’industrie agroalimentaire dans de nombreux produits transformés, les émulsifiants[1] ont pour fonction d’en améliorer la texture et d’en prolonger la durée de conservation. Par exemple, des émulsifiants comme la lécithine et les polysorbates permettent de garantir la texture onctueuse des crèmes glacées industrielles et d’éviter qu’elles ne fondent trop rapidement une fois servies.

Dans différents travaux s’appuyant sur des modèles animaux, les scientifiques ont déjà montré que la consommation d’émulsifiants alimentaires altérait négativement le microbiote de manière à favoriser l’inflammation.

Par ailleurs, dans des modèles de souris dont le microbiote était composé d’une faible diversité de bactéries, les chercheurs ont observé que les animaux étaient protégés contre les effets négatifs de certains émulsifiants.

Ils ont donc émis l’hypothèse que les émulsifiants impacteraient seulement certaines bactéries spécifiques, inoffensives dans des conditions « normales », mais ayant un potentiel pathogène. C’est seulement en présence d’agents émulsifiants que ces dernières seraient capables de favoriser le développement d’une inflammation intestinale chronique et de maladies associées.

E. coli comme un modèle

Dans le cadre de leur étude publiée dans Cell Reports, les chercheurs ont cette fois ci travaillé à partir de deux modèles de souris : l’un sans microbiote et l’autre avec un microbiote simple comportant seulement 8 espèces de bactérie. Ils les ont colonisés avec une souche de la bactérie Escherichia coli (les « bactéries AIEC ») associée à la maladie de Crohn.

Les chercheurs se sont intéressés aux effets de deux émulsifiants administrés suite à la colonisation des souris par les bactéries AIEC. Alors que la seule consommation d’agents émulsifiants était inoffensive chez ces animaux en l’absence de ces bactéries, ils ont constaté le développement d’une inflammation intestinale chronique et de dérégulations métaboliques lorsque ces dernières étaient présentes. Ainsi, le « couple » bactéries AIEC / agent émulsifiant était nécessaire et suffisant pour induire une inflammation intestinale chronique.

Des analyses supplémentaires ont révélé que lorsque ces bactéries étaient en contact avec les émulsifiants, elles sur-exprimaient des groupes de gènes qui augmentaient leur virulence et leur propension à induire l’inflammation. « Nous avons ainsi pu identifier un mécanisme par lequel les émulsifiants alimentaires peuvent favoriser l’inflammation intestinale chronique chez les personnes abritant certaines bactéries, telles que les bactéries AIEC, dans leur tractus digestif », souligne Benoît Chassaing qui a coordonné l’étude.

La prochaine étape consiste à lister l’ensemble des bactéries ayant les mêmes effets au contact de ces additifs alimentaires.

A plus long terme, des études pour identifier et stratifier les patients en fonction de la composition de leur microbiote et de leur risque d’inflammation pourraient être mises en place dans le but de faire de la prévention et de mettre en place des recommandations nutritionnelles personnalisées. Les personnes porteuses de microbiotes spécifiques, sensibles aux émulsifiants, pourraient en effet bénéficier de recommandations alimentaires ciblées.

« Et s’il est illusoire de penser que l’on pourra bannir les émulsifiants de notre alimentation, les modèles et les méthodologies que nous avons développés ici vont aussi nous permettre de tester l’action de plusieurs types d’agents émulsifiants sur le microbiote afin identifier ceux qui n’auraient pas d’effets délétères, et ainsi encourager leur usage », conclut Benoît Chassaing.

 

[1] Un émulsifiant est un composé qui a une affinité à la fois avec l’eau et avec l’huile et qui permet aux différentes phases d’un composé de rester mélangées

Confirmation des premiers résultats de l’essai CORIMUNO-TOCI-1

Covid-19: Observation intracellulaire d’épithélium respiratoire humain reconstitué MucilAir™ infecté par le SARS-CoV-2. © Manuel Rosa-Calatrava, Inserm ; Olivier Terrier, CNRS ; Andrés Pizzorno, Signia Therapeutics ; Elisabeth Errazuriz-Cerda  UCBL1 CIQLE. VirPath (Centre International de Recherche en Infectiologie U1111 Inserm – UMR 5308 CNRS – ENS Lyon – UCBL1). Colorisé par Noa Rosa C.

Chez certains patients avec pneumonie Covid-19, un état hyperinflammatoire d’origine immunologique contribue à l’insuffisance respiratoire aigüe et au décès. La plateforme CORIMUNO-19 a été rapidement mise en place pour permettre de tester l’efficacité et la tolérance de divers médicaments immuno-modulateurs chez les patients adultes avec infection COVID-19 modérée à sévère, grâce à une série d’essais randomisés contrôlés multicentriques, qui ont débuté le 27 mars 2020.

Le tocilizumab est un anticorps monoclonal qui bloque le récepteur de la cytokine interleukine-6. Les résultats définitifs de l’essai randomisé contrôlé ouvert multicentrique du tocilizumab, sont publiés après revue par des pairs le 20 octobre 2020 dans la revue JAMA Internal Medicine.

Les résultats définitifs de cet essai confirment les résultats préliminaires communiqués le 27 avril 2020. Ils devraient être corroborés de manière indépendante par des essais supplémentaires. Les patients inclus étaient hospitalisés pour pneumonie COVID-19 modérée à sévère, nécessitant au moins 3 L/mn d’oxygène mais sans recours à la réanimation au moment de leur admission. Le critère de jugement primaire sur lequel s’est appuyée l’analyse pour juger de l’efficacité du traitement était la combinaison du besoin de ventilation (mécanique ou non invasive) ou du décès à J+14.[1] Au total, 130 patients d’âge médian 64 ans ont été inclus dans cet essai clinique randomisé ouvert : 67 pour le traitement usuel et 63 pour le tocilizumab associé au traitement usuel.

A l’inclusion les besoins médians en oxygène étaient de 5L/mn. La proportion de patients ayant nécessité une ventilation non invasive, une intubation ou décédés au 14ème jour était de 36 % avec les soins usuels et de 24 % avec le tocilizumab. Aucune différence de mortalité à 28 jours n’a été constatée entre les deux bras (11.1% et 11.9%), respectivement. 

Ainsi, au 14ème jour, le risque de mourir ou d’avoir recours à la ventilation non invasive ou mécanique a été diminué de 33% dans le groupe traité par le tocilizumab.

La proportion de patients ayant dû être transférés en réanimation a été diminuée de moitié dans le bras tocilizumab (18%) comparativement au bras traitement usuel (36%). Le pourcentage de patients ayant quitté l’hôpital au jour 28 était plus importante dans le groupe tocilizumab que dans le groupe traitement usuel : 83% versus 73%.

Enfin, Le tocilizumab n’a pas entraîné plus d’effets indésirables que le traitement usuel.

Plusieurs essais CORIMUNO testant d’autres immunomodulateurs, sont en cours d’analyse et la combinaison du tocilizumab à la dexamethasone est testée dans un autre protocole de CORIMUNO.

 

Cet essai multicentrique a été conduit par la collaboration de recherche académique COVID-19 Assistance Publique-Hôpitaux de Paris/Université Paris-Saclay/Université de Paris/INSERM-REACTing

 

[1] La ventilation non invasive regroupe l’ensemble des techniques d’assistance ventilatoire, en l’absence de dispositif endo-trachéal, donc sans intubation ou trachéotomie.

La plateforme d’essais cliniques CORIMUNO-19 est promue et financée par l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, et soutenue par l’Inserm via son consortium REACTing.

L’essai a reçu un financement du Programme Hospitalier de Recherche Clinique du Ministère de la Santé, un financement d’amorçage de l’Inserm par le biais du consortium REACTing/INSERM via la Fondation pour la Recherche Médicale, Paris, France, et un financement de la Fondation AP-HP pour la recherche, Paris, France. Le tocilizumab ainsi que 4 000 kits de dosage Elecsys d’interleukine 6 ont été fournis sans conditions par le laboratoire Roche, qui n’a été impliqué ni dans la conception de l’essai, la collection des données, l’analyse, l’interprétation, l’écriture du manuscrit ni dans la gouvernance de l’essai.

Une « signature » immunitaire pour identifier les patients diabétiques à risque de développer une forme grave de Covid-19

Les chercheurs ont identifié des biomarqueurs dans des échantillons sanguins de patients diabétiques. © Inserm/Latron, Patrice

Le diabète de type 2 est un facteur de risque de développer une forme grave de Covid-19. Identifier les marqueurs immunitaires et inflammatoires associés à ces formes sévères de la maladie chez cette population de patients permettrait de les prendre en charge de manière plus adaptée et plus précoce. Des chercheurs de l’Inserm, de l’AP-HP et de Université de Paris ont identifié une signature immunitaire chez des patients diabétiques hospitalisés qui permettrait de prédire le risque d’un passage en réanimation. Les résultats de ces travaux sont publiés dans le journal EMBO Molecular Medicine et viennent compléter les conclusions d’autres études parues ces derniers mois sur l’identification de biomarqueurs prédictifs de formes sévères de Covid-19.

Dès les premiers mois de la pandémie de Covid-19, le diabète de type 2 a été identifié comme un facteur de risque de développer une forme grave de la maladie et à une mortalité plus élevée. Comprendre pourquoi et identifier des biomarqueurs permettant de prédire quels patients diabétiques évolueront vers une forme sévère de Covid-19 nécessitant un passage en réanimation constitue donc une priorité de recherche afin de mieux les prendre en charge et d’augmenter leurs chances de survie.

Le diabète de type 2 est caractérisé par une inflammation chronique, liée à un dérèglement du tissu adipeux chez les patients, qui produit des lipides reconnus comme « signaux de danger » par certaines cellules du système immunitaire. La réponse immunitaire est alors dérégulée, entrainant une inflammation locale, puis systémique.

Au sein de l’équipe dirigée par le Directeur de recherche Inserm Nicolas Venteclef au Centre de Recherche des Cordeliers (Inserm/Université de Paris/Sorbonne Université), les chercheurs Fawaz Alzaid et Jean-Baptiste Julla ont mis au point une étude observationnelle en milieu hospitalier. Elle a été menée au « Centre Universitaire du Diabète et de ses Complications » dirigé par Jean-François Gautier, chercheur diabétologue à l’hôpital Lariboisière AP-HP. L’objectif était de mieux comprendre le lien entre l’inflammation préexistante dans le diabète et le risque de développer une forme grave de Covid-19. Les scientifiques ont cherché à caractériser les « signatures » immunitaires et inflammatoires de patients diabétiques hospitalisés suite à une infection par le SARS-CoV-2 présentant des symptômes sévères de la maladie.  

Ils se sont ainsi intéressés à la réponse immunitaire de 45 patients atteints de Covid-19 et hospitalisés, dont 30 étaient atteints de diabète de type 2. Parmi les participants à cette étude, 35 % des patients diabétiques ont développé une forme grave de la maladie nécessitant un passage en réanimation, contre 25 % des patients hospitalisés non diabétiques.

Les chercheurs ont analysé les échantillons sanguins de tous les patients. Ils ont constaté que les patients les plus sévèrement atteints avaient un nombre de lymphocytes (un type de globule blanc) inférieur à celui des patients qui n’avaient pas été en réanimation. L’équipe a notamment observé un taux particulièrement faible de lymphocytes cytotoxiques CD8+, des cellules immunitaires particulièrement impliquées dans la réponse antivirale avec des fonctions importantes de reconnaissance et d’élimination des cellules infectées. Ceci était observé chez tous les patients en réanimation, indépendamment du statut diabétique. 

Les patients diabétiques ayant nécessité des soins de réanimation différaient néanmoins des patients non diabétiques dans le même cas, car ils présentaient aussi un taux de monocytes (un autre type de globule blanc) dans le sang moins élevé. Des changements dans la morphologie de ces monocytes ont en outre été observés, ces cellules immunitaires chez les patients atteints de diabète de type 2 ayant une taille moyenne supérieure à celles retrouvées dans les échantillons sanguins des patients non diabétiques.

Enfin, les chercheurs ont constaté une présence accrue de marqueurs inflammatoires associés à la voie des interférons de type 1, de puissantes molécules antivirales.

« Ces résultats ont d’importantes implications cliniques puisqu’ils suggèrent qu’il existe une signature immunitaire et inflammatoire propre aux patients diabétiques à risque de faire une forme grave de Covid-19. Si les médecins constatent une diminution de la fréquence des monocytes et un changement morphologique de ces cellules, ils ont alors la possibilité d’identifier les patients qui vont avoir besoin d’un suivi plus poussé et potentiellement d’une place en réanimation. Cela permet donc d’affiner et d’améliorer la prise en charge », explique le chercheur Inserm Fawaz Alzaid.

Ces travaux apportent donc des données pour soutenir les études cliniques en cours qui suggèrent l’importance d’un dérèglement de la voie des interférons de type 1 dans le développement de formes graves de la maladie, et le potentiel intérêt thérapeutique des médicaments anti-interférons, déjà souligné dans de récents travaux impliquant l’Inserm et publiés dans Science.

Une nouvelle cible thérapeutique contre le diabète de type 2 découverte grâce à une maladie rare

Une image représentant une photo en 3D d’un adipocyte humain (en vert le réservoir de la protéine ALMS1, en rouge une partie du cytoskelette, et en bleu le noyau de la cellule). © Vincent Marion

Une nouvelle cible thérapeutique contre le diabète de type 2 vient d’être identifiée par des chercheurs de l’Inserm et de l’Université de Strasbourg, en collaboration avec plusieurs centres hospitaliers européens. Il s’agit de l’ALMS1, une protéine à la fonction encore mal comprise. Celle-ci a été mise en évidence grâce à l’étude d’une maladie rare, le syndrome d’Alström, qui touche différents organes et associe obésité précoce et diabète de type 2. Ces travaux ouvrent la voie au développement d’un nouveau médicament et sont parus dans Diabetes.

Obésité et diabète de type 2 sont fortement intriqués. Ainsi, environ 80% des sujets obèses développent cette pathologie, mais les raisons de cette association ne sont pas encore clairement établies. Pour étudier les liens entre les deux, l’équipe du chercheur Inserm Vincent Marion au laboratoire de génétique médicale (Inserm/Université de Strasbourg) a travaillé sur le syndrome d’Alström, une maladie monogénique[1] extrêmement rare qui touche plusieurs organes et entraine à la fois une obésité et un diabète de type 2.

Cette pathologie est provoquée par des mutations du gène ALMS1 codant une protéine à la fonction encore mal connue. « Le fait qu’il s’agisse d’une maladie monogénique offrait un point de départ pour étudier les mécanismes complexes du diabète de type 2 », souligne Vincent Marion. L’équipe a découvert que des anomalies du tissu adipeux causées par la perte de fonction d’ALMS1 entrainaient un diabète de type 2 chez les personnes atteintes du syndrome d’Alström. Par ailleurs, chez l’animal, restaurer la fonction de cette protéine rétablissait l’équilibre glycémique. Les chercheurs ont ainsi mis en évidence une nouvelle cible thérapeutique contre le diabète de type 2 : la protéine ALMS1.

Ces résultats sont le fruit de plusieurs années de recherche s’appuyant sur différentes approches cliniques et expérimentales, menées in vivo chez des sujets atteints de la maladie d’Alström et dans un modèle de souris pour cette maladie, ainsi que sur des observations in vitro. Les chercheurs ont identifié des anomalies de structure et de fonction du tissu adipeux chez les personnes atteintes de la maladie d’Alström bien plus importantes que celles constatées chez des sujets obèses présentant la même masse corporelle mais non atteints de cette maladie. Chez la souris, ces anomalies ont été associées à l’incapacité des adipocytes, qui composent le tissu adipeux, à absorber le glucose. « En empêchant les adipocytes d’absorber le glucose, la perte de fonction d’ALMS1 est directement responsable d’un diabète de type 2, ce qui en fait une cible thérapeutique très intéressante », explique Vincent Marion.

ALMS1 cible thérapeutique en cas de diabète

Dans l’étude publiée dans Diabetes, les chercheurs ont voulu évaluer l’intérêt thérapeutique de cette protéine en restaurant l’expression du gène ALMS1 dans leur modèle de souris. Cette manipulation a rétabli l’équilibre glycémique chez ces animaux grâce à l’augmentation de l’absorption du glucose par ces dernières.

Les chercheurs ont également travaillé in vitro avec des adipocytes humains issus de personnes atteintes du syndrome d’Alström dans le but de comprendre les mécanismes moléculaires sous-jacents, permettant d’expliquer pourquoi cette protéine permet de rétablir l’équilibre glycémique. Ils ont découvert que, dans ces cellules du tissu adipeux, la protéine ALMS1 agissait très en aval d’une chaine de signaux moléculaires contrôlée par l’insuline.

« Grâce à ce travail sur un modèle de maladie rare, nous avons découvert une molécule capable à elle seule d’augmenter l’absorption du glucose par les adipocytes et de maintenir un bon équilibre glycémique. Cela en fait une très bonne cible thérapeutique pour lutter contre le diabète de type 2 en général, associé ou non à une obésité », explique Vincent Marion.

En identifiant et en utilisant une molécule capable de cibler cette protéine ALMS1 chez des sujets atteints de diabète de type 2, l’espoir est d’améliorer le contrôle du diabète, indépendamment du taux d’insuline circulant chez ces personnes. Un peptide est déjà en cours de développement.

Les essais précliniques menés chez l’animal sont en cours de finalisation et des essais cliniques devraient débuter en 2021 chez des sujets atteints de diabète de type 2, obèses ou non. A terme, si ce candidat médicament s’avère efficace et sûr, il pourrait être prescrit seul ou en association avec d’autres antidiabétiques qui ciblent d’autres mécanismes moléculaires.

Fort de ces résultats, le chercheur a fondé ALMS Therapeutics, une société destinée à valoriser cette découverte.

[1] Maladie génétique résultant de la mutation d’un seul gène

Premiers résultats des enquêtes de santé publique de l’Inserm sur la Covid-19 : facteurs de risque individuels et sociaux

La crise sanitaire a bouleversé les conditions de travail avec un changement majeur : le recours au télétravail. © Adobe Stock

Pour répondre aux questions de santé publique posées par l’épidémie de Covid-19, des enquêtes multidisciplinaires de grande ampleur ont été lancées à l’Inserm. Menées auprès de larges échantillons de la population française, elles ont pour objectif de fournir une cartographie fine du statut immunitaire de la population, mais aussi d’étudier les effets des conditions de vie sur l’exposition au virus et, réciproquement, ceux de l’épidémie sur les conditions de vie.

Deux grandes enquêtes de santé publique : SAPRIS, menée auprès de 130 000 volontaires suivis dans les grandes cohortes en population générale (Constances, E3N-E4N, NutriNet-Santé et Elfe-Epipage2) et EpiCoV, menée sur un échantillon représentatif de 135 000 personnes permettant de représenter toute la diversité de la population vivant en France, livrent aujourd’hui leurs premiers résultats. Dans le cadre de ces travaux, l’analyse biologique d’environ
25 000 échantillons a également été réalisée[1].

L’enquête SAPRIS a permis de recueillir des données dès le début du mois d’avril auprès des participants de grandes cohortes épidémiologiques existantes qui recueillaient déjà des données sur la santé des personnes depuis plusieurs années. Par la rapidité de son déploiement, elle a permis de documenter la situation dès le mois d’avril 2020. L’enquête EpiCoV, réalisée en mai 2020, permet quant à elle d’étudier l’épidémie sur un échantillon représentatif de la population française.

 

  • L’analyse des données d’EpiCoV montre que la séroprévalence (qui reflète un contact passé avec le virus), estimée à l’échelle nationale à partir de 12 000 prélèvements réalisés entre mai et début juin 2020 était de 4,5 %. L’étude fournit également une cartographie par région, et une séroprévalence précise dans certains départements. Elle montre l’importance des conditions d’habitat sur la circulation du virus, et notamment la densité urbaine, et le nombre de personnes avec qui on habite.

 

  • L’enquête SAPRIS, dont les premiers résultats sérologiques portent sur 14 600 participants interrogés pendant le confinement, révèle quant à elle une proportion de tests positifs nettement plus élevée chez les personnes ayant présenté des symptômes évocateurs de Covid, comme attendu. Toutefois, 20 % des participants testés positifs n’ont présenté aucun symptôme.

 

  • Les résultats des enquêtes SAPRIS et EpiCoV mettent en évidence une relation forte entre la positivité et l’âge, avec un pic de positivité chez les adultes âgés entre 30 et 50 ans. De plus, EpiCoV montre une prévalence de l’infection de 11 % chez les professionnels de santé, deux fois plus élevée que chez les autres actifs.

 

  • L’enquête SAPRIS révèle une relation claire entre la présence d’anticorps neutralisants et celle de symptômes chez les sujets positifs : plus les symptômes rapportés sont importants, plus le niveau d’anticorps est élevé.

 

  • Les premiers résultats de l’enquête EpiCoV montrent également que la crise sanitaire a accentué les inégalités sociales, notamment en matière de vulnérabilité professionnelle et financière.

 

  • Enfin, sur les effets du confinement, les résultats de SAPRIS montrent que si cette mesure inédite et l’adoption de mesures barrières ont contribué à réduire la propagation de l’épidémie dans les régions françaises les plus touchées, elle semble avoir été plus bénéfique, en terme d’évolution de la fréquence des symptômes évocateurs de la maladie, aux classes sociales aisées qu’aux classes populaires, renforçant ainsi le gradient social de santé.

 

4,5 % des français avaient eu un contact avec le virus au mois de mai 2020

L’analyse des données d’EpiCoV montre que la séroprévalence (proportion de sujets avec un test sanguin Elisa positif, qui reflète un contact passé avec le virus), estimée à l’échelle nationale à partir de prélèvements réalisés entre mai et début juin 2020 (au cours du confinement et du déconfinement) était de 4,5 %. Ce niveau de séroprévalence nationale est proche des niveaux observés dans les pays européens et est cohérent avec les estimations déjà publiées en France.

La région où la séroprévalence était la plus élevée est l’Île-de-France (9,2 %), suivie du Grand Est (6,7 %). La plus faible concerne la région Bourgogne-Franche-Comté (1,5 %), suivie de la région Centre-Val de Loire et de la Normandie (1,9 %). Les résultats entre départements sont également cohérents avec les données épidémiologiques de mortalité et d’hospitalisation, les plus touchés étant le Haut-Rhin (10,8 %), la petite couronne (9,5 %) et Paris (9 %). Des résultats qui s’avèrent cohérents avec ceux fournis par le volet biologique de l’enquête SAPRIS.

Dans les deux régions les plus touchées par l’épidémie, la proportion de personnes testées positives était du même ordre dans l’ensemble de l’Île-de-France (9,2 %) qu’à Paris ou en petite couronne, alors qu’elle tend à être plus faible dans la région Grand Est (6,7 %) que dans le département du Haut-Rhin (10,8 %). Les prévalences étaient très proches dans les aires urbaines de Mulhouse, de Strasbourg et de Paris : respectivement 9 % (6,3 à 11,6), 8,8 % et 9 %. Elles étaient nettement plus faibles dans les aires urbaines de Creil (Oise) et de Marseille : 2,8 % et 3,6 %. Ces résultats suggèrent un risque accru d’exposition dans les zones urbaines denses dans les régions où le virus circule fortement.

Dans les deux études, les adultes entre 30 et 50 ans constituent la classe d’âge où la séroprévalence est la plus élevée, atteignant 6,9 % de positifs dans EpiCoV. Ces deux études montrent par ailleurs une décroissance régulière de la positivité après 50 ans, ce qui n’empêche pas que, parmi les personnes souffrant du Covid, la mortalité soit plus élevée chez les plus de 70 ans.

Des inégalités sociales accentuées par la crise

La question des inégalités est abordée sous deux angles : d’une part, les facteurs d’exposition potentielle au virus liés au lieu de résidence, aux conditions de logement ou à la nécessité de travailler hors du domicile, et, de l’autre, les effets du confinement sur les conditions de vie (recours au télétravail, situation d’emploi, situation financière).

Des conditions de vies propices à la contamination  

D’après les données de l’enquête EpiCov, les personnes habitant un logement exigu ou surpeuplé (moins de 18 m2 par personne pour celles qui partagent un logement) sont 2,5 fois plus nombreuses à avoir été positives au Covid-19. Celles habitant une commune très densément peuplée (au moins 1 500 habitants par km2 avec un minimum de 50 000 habitants) sont deux fois plus nombreuses à avoir été positives.

Pour une partie de la population, surpeuplement du logement et densité communale se cumulent. C’est le cas des 25-34 ans et des personnes sans diplôme. Le cumul s’accentue au bas de l’échelle des revenus et parmi les personnes immigrées d’origine non européenne, reflétant des phénomènes de ségrégation socio-spatiale.

Ainsi les personnes issues de l’immigration vivent beaucoup plus souvent dans des communes de forte densité et dans des logements surpeuplés. Les personnes disposant des revenus les plus faibles vivent, elles, dans des communes moins densément peuplées mais beaucoup plus souvent dans des logements exigus et ont plus souvent travaillé à l’extérieur en comparaison des catégories avec les revenus les plus élevés.

Quant aux personnes cadres supérieurs, elles sont plus à même de vivre dans des logements moins spacieux dans une grande ville. Cette catégorie sociale est par ailleurs celle qui, grâce au télétravail auquel elle a massivement recouru, s’est le moins souvent rendue sur son lieu de travail pendant le confinement.

Des conditions de travail bouleversées par la crise

Près de 11 % des personnes de 18 à 64 ans occupant un emploi n’ont pas travaillé pendant le confinement. Le taux de personnes avec un emploi qui n’ont pas travaillé durant le confinement s’élève à 18 % chez les 18-24 ans. Cette situation est également plus fréquente en milieu populaire : elle a touché 14 % des employés non qualifiés, 16 % des ouvriers qualifiés, 17 % des ouvriers non qualifiés, contre seulement 5 % des cadres et professions intellectuelles supérieures.

La crise sanitaire a bouleversé les conditions de travail avec un changement majeur : le recours au télétravail. Les contrastes sociaux vont dans le sens attendu, mais leur ampleur est saisissante : 50 % des cadres ont pratiqué exclusivement le télétravail pendant le confinement, contre 1 % seulement du monde ouvrier.

La proportion des personnes ayant dû travailler continument à l’extérieur est la même pour les femmes et les hommes, soit 31 %. Elle est plus élevée dans les tranches d’âges n’ayant pas encore d’enfants ou les ayant déjà élevés. À nouveau, les cadres se détachent, avec seulement 15 % de travail continu à l’extérieur, soit deux fois moins que la moyenne générale.

Un recours massif au chômage technique ou partiel

La mise au chômage technique ou partiel appliquée complètement (15 % des femmes, 16 % des hommes) ou en partie (17 % des femmes, 23 % hommes) a été massive, le lien avec l’emploi étant alors relâché mais pas rompu. Cette mesure s’est traduite par une baisse de revenu, l’allocation d’activité partielle prévue par l’État correspondant à 84 % du salaire net.

Les mesures de chômage partiel ou de chômage technique ont concerné davantage les jeunes, et les milieux populaires, dont le rapport à l’emploi était déjà fragile avant la crise sanitaire. Ainsi, les ouvriers, les immigrés de première génération, et les personnes les moins aisées financièrement ont été beaucoup plus souvent concernées par ces mesures que les autres catégories sociales. La distribution sociale de ces mesures révèle la réalité des inégalités sociales préexistantes.  

Plus d’une personne sur quatre a vu sa situation financière se dégrader

La majorité des personnes interrogées au mois de mai considèrent que leur situation financière n’a pas changé depuis le début du confinement : 61 % des femmes et 60 % des hommes. Cependant, une part importante juge qu’elle s’est dégradée : 28 % des femmes et 29 % des hommes. Les personnes ayant des enfants à charge ont été particulièrement concernées, dans une proportion d’un tiers.

Les personnes qui sont passées en chômage technique ou partiel ont été, logiquement, fortement affectées (51 % des personnes qui ont été totalement au chômage). Les catégories sociales les plus touchées sont les professions les plus vulnérables à la crise : agriculteurs, indépendants et entrepreneurs, ouvriers, personnes sans emploi, mais aussi plus largement, personnes à faible revenu et personnes immigrées de première et seconde génération.

Les résultats de la prochaine vague de l’enquête EpiCoV qui portera sur les 130 000 personnes ayant répondu à la vague 1 et auxquelles un test sérologique sera proposé, permettront d’éclairer ces effets sur le moyen terme. Quant à l’enquête SAPRIS, la seconde campagne de prélèvements est en cours depuis le 8 juillet et concerne 80 000 participants. Son objectif est de produire des estimations régionales de prévalence sur l’ensemble des régions françaises, d’étudier les circonstances de l’infection chez les enfants et leurs parents de la cohorte Elfe-Epipage2 et de permettre une comparaison dans le temps des différences de séroprévalence.

Le défi de l’enquête EpiCoV : interroger, en période d’épidémie, un échantillon représentatif de 135 000 personnes

L’enquête Épidémiologie et conditions de vie (EPICOV) a été lancée par l’Inserm et la DREES (le service statistique du ministère des solidarités et de la santé) avec le concours de l’Insee et de Santé publique France, pour analyser les effets de la pandémie de Covid-19. L’équipe EPICOV associe des épidémiologistes, des sociologues, des démographes et des économistes de l’Inserm, de l’Ined, du CNRS et des universités Paris-Saclay et Paris-Dauphine.

Son objectif est de caractériser la prévalence de l’épidémie à l’échelle nationale et départementale, mesurer les effets des conditions de vie sur l’exposition au virus et, réciproquement, ceux de l’épidémie sur les conditions de vie.

L’enquête se propose de suivre l’évolution de l’épidémie en interrogeant les mêmes personnes sur plusieurs vagues. La première s’est déroulée pour partie sur Internet et pour partie par téléphone, du 2 mai au 2 juin 2020, à cheval sur le confinement général décrété en mars et sur le déconfinement amorcé le 11 mai.

L’Insee a tiré dans la base Fideli (Fichiers démographiques sur les logements et les individus) un échantillon aléatoire de 135 000 personnes résidant en ménage ordinaire en France métropolitaine, en Martinique, en Guadeloupe et à la Réunion, âgées de 15 ans ou plus au 1er janvier 2020.  

Lire le communiqué de presse de l’Inserm du 27 avril 2020

 

S’appuyer sur les grandes cohortes nationales : les projets SAPRIS et SAPRIS-SERO

Le projet SAPRIS est piloté par l’Inserm, conduit en partenariat avec l’Unité de recherches des virus émergents (Marseille) et le Centre d’études du polymorphisme humain et avec l’aide de Santé publique France. Il s’appuie sur les cinq grandes cohortes nationales en population générale (Constances, E3N-E4N, NutriNet-Santé et Elfe-Epipage2) et est menée en étroite coordination avec les responsables de ces cohortes.

Entre le 1er avril et le 19 mai 2020, plus de 130 000 adultes et plus de 4000 familles ont été inclus dans SAPRIS et suivis sur Internet.

Son volet biologique, SAPRIS-SERO, a mobilisé dans une première vague 14 500 volontaires de trois cohortes d’adultes : Constances, Nutrinet-Santé et E3N/E4N. Début mai 2020, un kit d’auto-prélèvement sanguin sur papier buvard a été envoyé aux volontaires des régions Grand-Est, Île-de-France (régions alors les plus touchées par l’épidémie de Covid-19) et Nouvelle-Aquitaine (région alors peu touchée). La seconde vague couvrant tout le territoire et incluant 80 000 participants est en cours.

Lire le communiqué de presse de l’Inserm du 10 avril 2020

 

[1]  Les techniques de détection d’anticorps et les tests de séroneutralisation (tests qui permettent de quantifier le titre d’anticorps neutralisants contre un virus) sont les mêmes pour les deux enquêtes et réalisés par le même laboratoire. Ceci, associé à des critères d’analyse des données communs, assure une comparabilité des résultats des études.

Fibromyalgie, bilan des connaissances et recommandations : une expertise collective Inserm

© Inserm/Frédérique Koulikoff

La fibromyalgie, ou syndrome fibromyalgique, est une forme de douleur chronique diffuse associée à d’autres symptômes invalidants tels que de la fatigue, des troubles du sommeil et de l’humeur, ou des troubles cognitifs. Entre 1,4 et 2,2 % des Français seraient atteints, mais l’absence de marqueur biologique spécifique rend le diagnostic difficile à poser. La prise en charge de ces patients est également complexe et nécessite souvent une approche multidisciplinaire adaptée à chacun.

L’Inserm a été sollicité par la Direction générale de la santé pour réaliser une expertise collective afin de disposer d’un bilan des connaissances scientifiques de la fibromyalgie chez l’adulte, mais aussi d’explorer l’existence éventuelle d’un syndrome similaire chez les enfants et les adolescents. Cette expertise a également pour objectif d’émettre des recommandations d’actions et d’établir des priorités de recherche pour mieux comprendre la fibromyalgie et améliorer l’accompagnement des patients.

L’expertise collective de l’Inserm s’appuie sur une analyse critique de la littérature scientifique internationale réalisée par un groupe pluridisciplinaire de quinze experts dans différents domaines, allant de la neurologie à la pharmacologie en passant par la pédiatrie mais aussi la sociologie ou encore l’économie de la santé.

Au total, ce sont près de 1 600 documents scientifiques publiés au cours des dix dernières années qui ont été analysés. L’expertise apporte plusieurs éléments pour mieux appréhender la réalité complexe de la fibromyalgie, mais aussi pour favoriser une prise en charge adaptée et renforcer la recherche. Elle n’avait pas pour vocation de se prononcer sur les modalités de prise en charge du syndrome fibromyalgique par les autorités sanitaires.

Une réalité clinique complexe

Si la fibromyalgie est avant tout associée à des douleurs chroniques diffuses fluctuantes, une grande majorité des patients souffre aussi de fatigue persistante, de difficultés de concentration et attentionnelles, et d’un déconditionnement physique (processus psychophysiologique conduisant à l’inactivité physique et au repli sur soi). Jusqu’à 85 % présentent des symptômes anxiodépressifs et 95 % d’entre eux se plaignent de troubles du sommeil. Cependant, l’expertise montre que la fibromyalgie est très hétérogène dans son expression clinique avec une grande variabilité dans sa sévérité. Elle fait aussi état de l’impact du syndrome fibromyalgique sur toutes les dimensions de la qualité de vie et du coût économique et social important qui y est associé.

En ce qui concerne le diagnostic, il repose sur des critères cliniques en constante évolution, le rendant difficile à poser, d’autant qu’aucun biomarqueur n’a pour le moment été identifié. Les résultats des études d’imagerie cérébrale qui ont été réalisées jusqu’à présent sont très variables et ne permettent pas d’aider au diagnostic.

Par ailleurs, l’expertise collective Inserm préconise de ne pas distinguer à ce jour un syndrome fibromyalgique juvénile chez les enfants et les adolescents souffrant de douleurs chroniques diffuses.  

Enfin, les travaux scientifiques menés au cours de la dernière décennie ne prennent que rarement en compte l’hétérogénéité des symptômes, les variations de la sévérité et les divers traitements pris par les patients, ce qui limite leur portée. Ils font peu la distinction par rapport à d’autres formes de douleurs chroniques diffuses ; les différences de genre, de même que le devenir des patients, n’ont été que peu explorés.

Face à ces divers constats issus de la littérature scientifique, et pour faire face à la réalité clinique complexe de la fibromyalgie, plusieurs recommandations sont présentées.

Proposer une prise en charge la plus adaptée au patient et favoriser l’activité physique

L’expertise met l’accent sur la nécessité de favoriser un accompagnement qui s’adapte et qui évolue en fonction des symptômes. Dans tous les cas, l’adhésion du patient au programme de prise en charge qui lui est proposé est essentielle. Une prise en charge interdisciplinaire adaptée afin de mieux reconnaître et accompagner tous les symptômes présentés par les patients est recommandée chez ceux dont la qualité de vie est fortement altérée.

Une remise en mouvement précoce via une activité physique adaptée est l’un des aspects centraux de la prise en charge afin, entre autres, de prévenir ou de limiter le déconditionnement physique. C’est pourquoi l’expertise suggère d’étendre à la fibromyalgie les recommandations émises dans l’expertise collective Inserm sur la pratique de l’activité physique dans les maladies chroniques. Un tel programme d’activité physique devra être supervisé régulièrement par un professionnel de santé.

Pour les patients ayant des difficultés à gérer leur fibromyalgie ou présentant des symptômes anxiodépressifs, la psychothérapie peut faire partie de la prise en charge afin de les aider à améliorer leur bien-être psychologique et leur qualité de vie.

Si des médicaments peuvent s’avérer ponctuellement efficaces contre certains symptômes (douleur, mais aussi troubles du sommeil, anxiété ou dépression…), il est important de prévenir le mésusage médicamenteux, notamment en évitant la prescription d’opioïdes contre les douleurs diffuses, surtout chez les enfants et les adolescents.

Promouvoir une recherche de qualité

Autre grande recommandation de l’expertise, développer et poursuivre des recherches de qualité sur la douleur chronique généralisée, dont la fibromyalgie. Plusieurs axes de recherche doivent ainsi être priorisés.

Dans un premier temps, il s’agit d’améliorer les connaissances sur la fibromyalgie en explorant la douleur chronique diffuse dans les grandes cohortes françaises existantes ou à venir. Les études pourront aussi évaluer les spécificités de sous-groupes de fibromyalgie, en renforçant la recherche sur les représentations et l’expérience vécue des patients et en évaluant l’impact socioéconomique.

Par ailleurs, l’expertise souligne l’importance de renforcer les investigations chez les jeunes souffrant de douleurs chroniques diffuses et les recherches sur l’origine et les conséquences d’une telle douleur survenant dans l’enfance et l’adolescence.

Enfin, identifier les facteurs permettant de favoriser une prise en charge interdisciplinaire, notamment avec la promotion d’une recherche sur l’organisation des soins, est également considéré comme une priorité.

L’expertise collective « Fibromyalgie » de l’Inserm permet de faire un pas supplémentaire pour promouvoir une recherche d’excellence sur le sujet, au service de la santé des personnes affectées par les douleurs chroniques.

Le placenta conserverait la mémoire de l’exposition au tabac avant la grossesse

© fotografierende on Unsplash

L’arrêt du tabagisme avant une grossesse est reconnu pour diminuer considérablement les risques pour la santé de la mère et l’enfant. Des travaux d’une équipe de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences, publiés dans BMC Medicine vont plus loin, et montrent pour la première fois que la consommation de tabac, même lorsqu’elle est stoppée avant la grossesse, peut avoir des conséquences sur le placenta. À travers l’étude de l’ADN placentaire de 568 femmes, les chercheurs montrent que fumer pendant mais aussi avant la grossesse entraîne des modifications épigénétiques (méthylation de l’ADN) qui pourraient avoir des conséquences sur son déroulement.

Bien qu’il ait été montré que la consommation de tabac pendant la grossesse a de nombreuses conséquences néfastes sur la santé de la mère et de l’enfant, les mécanismes en jeu sont encore mal connus. De précédentes études ont associé la consommation de tabac durant la grossesse à des altérations de la méthylation de l’ADN – une forme de modification épigénétique (voir encadré) impliquée dans l’expression des gènes – dans le sang du cordon ombilical et dans les cellules du placenta. En effet, ce dernier joue un rôle crucial dans le développement du fœtus, tout en restant vulnérable à de nombreux composés chimiques.
En revanche, l’impact de l’exposition au tabac avant la grossesse sur la méthylation de l’ADN placentaire n’avait jusqu’à présent jamais été étudié.

Une équipe de l’Inserm, du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes, au sein de l’Institut pour l’avancée des biosciences, a mesuré et comparé l’impact chez la femme enceinte de la consommation de tabac dans les 3 mois précédant la grossesse et/ou pendant la grossesse sur la méthylation de l’ADN placentaire.

Les chercheurs ont étudié l’ADN d’échantillons de placenta, prélevés au moment de l’accouchement chez 568 femmes de la cohorte EDEN [1] réparties en trois catégories : non-fumeuses (n’ayant pas fumé depuis les trois mois précédant la grossesse ni pendant la grossesse), anciennes fumeuses (arrêt de la consommation dans les trois mois précédant la grossesse) et fumeuses (consommation dans les trois mois précédant la grossesse et pendant toute la durée de la grossesse).

Les scientifiques ont observé que, chez les fumeuses, 178 régions du génome placentaire présentaient des altérations de la méthylation de l’ADN. Chez les anciennes fumeuses, les chercheurs ont identifié 26 de ces 178 régions dont la méthylation de l’ADN était encore altérée. La méthylation des 152 autres régions n’était altérée que chez les femmes ayant fumé pendant leur grossesse.

Les régions altérées correspondaient le plus souvent à des zones dites enhancers, qui contrôlent à distance l’activation ou la répression de gènes. De plus, une partie d’entre elles étaient situées sur des gènes connus pour avoir un rôle important dans le développement du fœtus.

« Si un grand nombre de régions semblent avoir un profil de méthylation normal chez les femmes après arrêt du tabac, la présence de certaines modifications de méthylation de l’ADN dans le placenta de femmes ayant arrêté de fumer avant la grossesse suggère l’existence d’une mémoire épigénétique de l’exposition au tabac », précise la chercheuse Inserm Johanna Lepeule qui a dirigé ces travaux. Selon elle, des modifications de la méthylation de l’ADN placentaire au niveau des gènes liés au développement du fœtus et des régions enhancers pourraient en partie expliquer les effets du tabagisme observés sur le fœtus et la santé ultérieure de l’enfant.

Les prochaines étapes de ces travaux viseront à déterminer si ces altérations impactent des mécanismes impliqués dans le développement du fœtus et si elles peuvent avoir des conséquences sur la santé de l’enfant.

[1] Les femmes enceintes ont été recrutées entre 2003 et 2006 dans les centres hospitalo-universitaires de Nancy et de Poitiers.

 

En savoir plus sur les modifications épigénétiques et la méthylation de l’ADN

Les modifications épigénétiques sont matérialisées par des marques biochimiques présentes sur l’ADN. Réversibles, elles n’entraînent pas de modification de la séquence d’ADN mais induisent toutefois des changements dans l’expression des gènes. Elles sont induites par l’environnement au sens large : la cellule reçoit des signaux l’informant sur son environnement, et se spécialise en conséquence, ou ajuste son activité. Les marques épigénétiques les mieux caractérisées sont les méthylations de l’ADN, impliquées dans le contrôle de l’expression des gènes.

Vaccins contre la Covid-19 : 25 000 volontaires pour conduire des essais cliniques de grande ampleur en France – ouverture des inscriptions

 

La recherche internationale est mobilisée pour développer des vaccins sûrs et efficaces contre la Covid-19. Une trentaine de candidats vaccins sont au stade des évaluations cliniques dont certains en phase 3 pour démontrer leur capacité à protéger de l’infection. À la demande du ministère des Solidarités et de la Santé et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, la France, forte de l’excellence de sa recherche clinique en matière de vaccination, s’est organisée pour contribuer à l’évaluation des candidats vaccins les plus prometteurs avec la mise en place de la plateforme COVIREIVAC. Pilotée par l’Inserm, Covireivac fédère 24 centres d’investigation clinique au sein de CHU partout en France, en lien étroit avec le Collège national des généralistes enseignants. Le volet opérationnel clinique des différents CHU fait l’objet d’une coordination prise en charge par l’AP-HP. Covireivac ouvre aujourd’hui l’inscription des volontaires pour mener les premiers essais cliniques de grande ampleur en France.

Afin de pouvoir s’engager dans la conduite de plusieurs essais vaccinaux, la plateforme COVIREIVAC recherche 25 000 volontaires, âgés de 18 ans et plus, et lance le site d’inscription et d’information www.covireivac.fr. Élaboré avec le soutien de Santé publique France et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), ce site vise à apporter l’information la plus précise possible sur le développement des vaccins pour éclairer la décision des volontaires potentiels.

Être volontaire pour devenir acteur contre la pandémie

En devenant volontaire à une participation aux essais cliniques des vaccins contre la Covid-19, chacun peut devenir acteur de la lutte contre la pandémie, faire avancer la recherche et ainsi contribuer sur le moyen terme à se protéger et à protéger chaque Français et notamment les populations les plus fragiles. Devenir volontaire, c’est aussi participer à un défi scientifique au côté de la communauté des médecins et des chercheurs.

Pour se porter volontaire, il suffit de se préinscrire sur le site www.covireivac.fr et de remplir un premier questionnaire de santé. Le volontaire sera ensuite contacté en fonction des besoins des différents protocoles de recherche (âge, conditions préexistantes, localisation géographique). Il pourra alors confirmer son accord pour participer à l’essai spécifique pour lequel il aura été appelé ou bien choisir d’y renoncer. Il est également possible qu’il ne soit jamais appelé. 

La recherche française, acteur du développement de vaccins sûrs et efficaces

Actuellement, deux essais cliniques portant sur des vaccins sont en cours en France : un essai clinique de phase 1 pour un vaccin développé par l’Institut Pasteur en collaboration avec la CEPI, Themis et MSD a débuté à l’hôpital Cochin (AP-HP) à Paris chez des sujets en bonne santé, ainsi qu’un essai sur la contribution du vaccin BCG au renforcement de l’immunité générale et à la protection contre la Covid-19 chez les personnels de santé, coordonné par l’AP-HP.

Les essais cliniques de grande ampleur envisagés en France sont de deux types. D’une part, des essais de phase 2, visant à étudier finement la capacité des vaccins à produire une réponse immunitaire (immunogénicité) sur des personnes âgées, dont le système immunitaire est généralement affaibli alors même qu’elles sont les plus à risque de développer des formes graves de la maladie. D’autre part, des essais de phase 3 pour étudier l’efficacité et la sécurité à grande échelle des candidats vaccins prometteurs, en fonction de l’intensité de la circulation du virus en France dans les prochains mois, sont également prévus.

Ces essais cliniques pourraient démarrer entre octobre et la fin de l’année, selon l’évolution de l’épidémie et des discussions en cours avec les industriels.

« L’étape des essais cliniques dans de bonnes conditions est capitale pour le développement de vaccins sûrs et efficaces. Chercheurs et médecins, nous sommes tous engagés pour une évaluation rigoureuse permettant de fournir aux autorités sanitaires les données indispensables pour garantir au public la qualité des vaccins développés. Nous avons aujourd’hui besoin de la mobilisation de volontaires à nos côtés », souligne Odile Launay, professeure en maladies infectieuses et tropicales à l’Université de Paris, coordinatrice du CIC Cochin-Pasteur à l’hôpital Cochin (AP-HP), coordinatrice de COVIREIVAC.

Outre le suivi et la surveillance des volontaires pendant les essais, un dispositif spécifique de surveillance des participants sera mis en place par la plateforme à la fin des essais, en lien avec les médecins généralistes et l’ANSM. Cette surveillance permettra ainsi de suivre la sécurité des vaccins à long terme.

COVIREIVAC, un « guichet unique » pour la France

La plateforme COVIREIVAC travaille en étroite collaboration avec le comité scientifique vaccins Covid-19, présidé par Marie-Paule Kieny, directrice de recherche à l’Inserm, membre du comité CARE. Les essais cliniques conduits porteront sur les vaccins les plus prometteurs, sélectionnés par le comité scientifique vaccins.

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