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Création de l’Ecole de l’Inserm-Pfizer Innovation France : former les élèves ingénieurs à la recherche biomédicale

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L’Inserm et le fonds de dotation Pfizer Innovation France annoncent la création d’un dispositif de formation à la recherche en biologie/santé à destination des élèves des écoles d’ingénieurs :  l’École de l’Inserm-Pfizer Innovation (EIPI).

Née de ce partenariat, l’EIPI alliera modules d’enseignement et soutien financier pour la réalisation d’une thèse de doctorat par des élèves désireux d’enrichir leur formation initiale par une spécialisation dans le domaine de la santé.

De nombreuses écoles d’ingénieurs proposent au cours de leur cursus une formation à la recherche mais rares sont aujourd’hui les élèves à emprunter cette filière pour s’orienter vers la biologie ou la santé.

En créant l’École de l’Inserm-Pfizer Innovation France (EIPI), l’Inserm et le fonds de dotation Pfizer Innovation France proposent une nouvelle voie d’accès privilégiée, organisée et simplifiée aux élèves ingénieurs qui souhaitent compléter leur formation initiale par une spécialisation dans le domaine biomédical.

Cette initiative, née de la volonté des deux partenaires de promouvoir l’interdisciplinarité au service d’une recherche fertile et source d’innovations, vise à favoriser l’intégration d’ingénieurs dans les laboratoires de recherche académiques.

« La recherche et l’innovation dans les domaines de la biologie et de la santé reposent plus que jamais sur des approches interdisciplinaires. Afin d’enrichir cette interdisciplinarité, l’Inserm souhaite intégrer des profils d’ingénieurs talentueux mais encore trop rares dans ses collectifs de recherche. C’est tout l’objet de ce dispositif innovant imaginé avec notre partenaire Pfizer Innovation France », Dr. Gilles Bloch, PDG de l’Inserm.

« Avec son approche fondée sur la complémentarité des compétences et sur l’interdisciplinarité, l’EIPI est un dispositif fondamental qui s’inscrit dans la volonté commune de l’Inserm et de Pfizer Innovation France de tout mettre en œuvre pour favoriser l’innovation de rupture en matière de santé ».  Henriette Rosenquist, Présidente de Pfizer France et de Pfizer Innovation France.

 

Un dispositif en 2 formats

 

Une école d’été sera proposée en fin de première année du cycle ingénieur. 12 à 15 candidats participeront durant une à deux semaines à des formations académiques en biologie/santé ainsi qu’à des conférences portant sur des innovations ou des expertises technologiques clés pour la recherche biomédicale. Ces mêmes candidats seront invités, lors de leurs 2ème et 3ème année, à des manifestations scientifiques d’une durée de 2 à 3 jours, deux fois par an.

Des doctorats dans le domaine de la biologie/santé seront menés au sein de laboratoires de l’Inserm. A compter de l’année universitaire 2021-2022, trois doctorants, sélectionnés tous les ans, recevront une rémunération durant trois ans ainsi que le versement d’une dotation de fonctionnement de 20 000 € visant à faciliter l’amorçage d’un projet de recherche doctoral.

En lien avec un comité de pilotage du projet, constitué de représentants de l’Inserm et de Pfizer Innovation France, un conseil pédagogique composé d’experts scientifiques sera en charge de définir l’ensemble des contenus qui seront délivrés dans le cadre du dispositif. Il accompagnera par ailleurs les étudiants en les conseillant, en particulier dans leurs choix de recherche ou de laboratoires d’accueil.

L’appel à candidature sera lancé prochainement auprès des étudiants et la sélection de la première promotion sera effectuée au printemps 2021.

Lien entre nutrition et cerveau : comment un déficit en oméga 3 chez la mère influence le développement comportemental des petits chez l’animal

Sources animales et végétales d’oméga-3 comme le saumon, l’avocat, les graines de lin, les œufs, le beurre, les noix, les amandes, les graines de courge, les feuilles de persil et l’huile de colzal © Fotolia

Les acides gras omega 3* sont essentiels, nécessairement apportés par l’alimentation, et indispensables au développement du cerveau. Des chercheurs INRAE et de l’université de Bordeaux, en collaboration avec l’Inserm, les Universités canadiennes Laval et de Toronto, et d’autres partenaires (Harvard, Fondation Basque…) se sont en particulier intéressés à l’impact de l’alimentation maternelle dans la période de la gestation et de la lactation, sur le développement cérébral des petits. Ils ont ainsi montré pour la première fois chez la souris, comment des apports insuffisants en omégas 3 chez la mère altèrent le développement des réseaux de neurones chez le petit, provoquant des altérations de la mémoire. Ils en ont également décrypté les mécanismes moléculaires. Ces résultats inédits, issus de plusieurs années de recherche, sont publiés le 30 novembre 2020 dans Nature Communications.

Les acides gras essentiels (omégas 3 et 6) s’incorporent massivement dans le cerveau des petits via l’alimentation maternelle, au cours de la gestation et de la lactation. Des données scientifiques parcellaires indiquent qu’une consommation insuffisante de ces acides gras par la mère durant la période périnatale est un facteur de risque pouvant engendrer des déficits cognitifs chez l’enfant (langage, mémoire, apprentissage…). Mais quel est le mécanisme responsable ?

Les chercheurs INRAE Nouvelle-Aquitaine, de l’université de Bordeaux et leurs collègues se sont intéressés à un type cellulaire particulier du cerveau : les cellules microgliales (ou microglie), qui participent à la construction des réseaux neuronaux de la mémoire. Ces macrophages du cerveau sont à l’interface entre l’environnement et les neurones.

Pendant le développement du cerveau, les cellules microgliales « sculptent » les réseaux neuronaux en « mangeant » les synapses inutiles, ces liens de connexions entre les neurones, et en conservant celles qui sont essentielles pour le bon fonctionnement cérébral.

Les scientifiques ont mené leurs travaux sur des souris pour évaluer si le statut alimentaire maternel en omégas 3, et donc celui du cerveau du petit, avait une influence sur l’activité des microglies.

La carence en omégas 3 impacte l’activité d’un type cellulaire dans le cerveau chez la souris

Les résultats montrent pour la première fois que des apports insuffisants en omégas 3 dans l’alimentation maternelle affectent l’activité des microglies du cerveau en développement : ces cellules adoptent un fonctionnement anormal et deviennent hyperphagiques, c’est-à-dire qu’elles perdent leur capacité à reconnaître les synapses qu’il faut supprimer et « mangent » trop de synapses. Le réseau neuronal est alors mal formé, ce qui entraine des altérations de la mémoire des petits. Les scientifiques ont également décrypté les mécanismes moléculaires responsables de l’activité aberrante des cellules microgliales.

Pour étudier ce lien entre apports en omégas 3 et développement du cerveau, les chercheurs ont également mis au point différentes technologies innovantes pour évaluer les changements de comportement des cellules microgliales vis-à-vis des synapses, analyser leur contenu lipidique, tester les différentes molécules pour identifier celles responsables de la dysfonction et trouver comment restaurer cette fonction.

Ces travaux chez l’animal ouvrent de nouvelles perspectives de recherche et des études se poursuivront chez l’humain pour mieux comprendre les liens entre oméga 3 et développement du cerveau.

Dans la population générale, beaucoup de femmes enceintes présentent des carences alimentaires en omégas 3, et identifier au plus tôt les personnes à risque pourrait être une étape préventive afin de rééquilibrer cette carence par l’alimentation.

* Les acides gras oméga 3 constituent une famille d’acides gras essentiels. Elle regroupe des acides gras indispensables au développement et au bon fonctionnement de l’organisme, mais qui ne peuvent être apportés que par l’alimentation. Ils se retrouvent dans de nombreuses huiles végétales (noix, colza, lin…) et dans la chair de poissons gras.

Une nouvelle canalopathie cérébrale associant déficience intellectuelle et mouvements anormaux

Brain scan, X-ray © Fotolia

Les dysfonctionnements des canaux ioniques – ou canalopathies – dans le cerveau sont aujourd’hui associés à plus de 30 maladies neurologiques comme l’épilepsie ou encore les ataxies cérébelleuses. Structures situées sur la membrane des cellules permettant le passage d’ions (par exemple les ions sodium et potassium) entre l’intérieur d’une cellule et son environnement extérieur (milieu extracellulaire), ces canaux permettent notamment de générer et contrôler les potentiels d’action dans les neurones. Une étude menée à l’Institut du cerveau (Sorbonne Université/Inserm/AP-HP/CNRS) a permis d’identifier une nouvelle canalopathie cérébrale ayant pour origine des mutations dominantes du gène KCNN2, codant pour le canal ionique SK2. Les résultats ont été publiés dans Brain le 27 novembre 2020.

 

Les variants pathogéniques du gène KCNN2 identifiés chez les patients et leur localisation sur la structure protéique du canal SK2.

Les variant en rouge sont des variants pathogènes tronquant (introduisant un codon stop dans la séquence protéique). Les variants en noirs sont les variants pathogènes faux-sens associés à une perte de fonction. Le variant en gris a été classé de signification inconnue car le canal avec ce variant n’a pas montré de déficit particulier en électrophysiologie.

 

Le Dr Fanny Mochel, généticienne au sein du département de génétique de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière AP-HP et chercheuse à l’Institut du cerveau (Sorbonne Université/Inserm/AP-HP/CNRS) et le Pr Christel Depienne, généticienne à l’institut de génétique humaine de l’Hôpital Universitaire d’Essen (Allemagne) et également chercheuse à l’Institut du cerveau ont identifié un nouveau syndrome associé à des mutations du canal SK2. L’étude publiée dans la revue scientifique Brain porte sur 10 patients, 6 hommes et 4 femmes âgés de 2 à 60 ans présentant des retards intellectuels plus ou moins sévères associés, pour certains, à des troubles du spectre autistique ou des épisodes psychotiques. Ces troubles cognitifs sont dans tous les cas associés à des tremblements, à des symptômes d’ataxie cérébelleuse ou encore à des mouvements anormaux.

Grâce à une collaboration avec Agnès Rastetter de la plateforme de génotypage/séquençage de l’Institut du cerveau (Sorbonne Université/Inserm/AP-HP/CNRS), le génome d’un premier patient recruté à la Pitié-Salpêtrière a été analysé à la recherche de mutations génétiques à l’origine de ce syndrome. Cette analyse a mis en évidence une mutation du gène KCNN2 interrompant sa séquence codante, absente des parents du patient (mutation de novo). L’imagerie cérébrale par IRM (imagerie par résonance magnétique) chez ce patient a mis en évidence des anomalies de structure et d’intégrité de la substance blanche du cerveau, c’est-à-dire la gaine cérébrale protectrice des axones des neurones.

Par ailleurs, une collaboration internationale a permis aux chercheurs d’identifier 9 autres patients avec mutations du gène KCNN2. La majorité de ces mutations étaient survenues de novo tandis qu’une mutation était transmise dans une forme familiale du même syndrome.

Enfin, en travaillant conjointement avec Carine Dalle de la plateforme d’exploration cellulaire d’électrophysiologie de l’Institut du cerveau, les équipes des Dr Mochel et Depienne ont montré un rôle délétère de ces mutations sur la fonction du canal SK2, c’est-à-dire une perte de fonction entrainant un dysfonctionnement du canal ionique SK2 et donc une perte de régulation du potentiel d’action, support du message nerveux.

Les résultats de cette nouvelle étude ont permis d’identifier une nouvelle canalopathie cérébrale ayant pour origine des mutations dominantes du gène KCNN2, codant pour le canal ionique SK2. Ce nouveau syndrome se caractérise par la présence, d’une part, de symptômes cognitifs, en particulier une déficience intellectuelle et, d’autre part, de symptômes moteurs tels que des mouvements anormaux.

Cette nouvelle pathologie, dont on connaît maintenant la cause, est très hétérogène d’un point de vue des symptômes et nécessite une prise en charge multidisciplinaire à la frontière entre la génétique, pour la recherche des mutations du gène KCNN2, la neuropédiatrie et la neurologie pour la prise en charge des manifestations cognitives et motrices des patients.

Rôle possible de l’exposition aux perturbateurs endocriniens dans la sévérité de la Covid-19

Microscopie électronique d’une cellule infectée par le SARS-CoV-2 © Philippe Roingeard et Sébastien Eymieux, unité Inserm U1259, Morphogenèse et antigénicité du VIH et des virus des hépatites, Université de Tours, France

 

Une nouvelle étude, portée par Karine Audouze (Maître de conférences, Université de Paris) au sein du laboratoire T3S* (Université de Paris, Inserm) et publiée le 19 novembre 2020 dans la revue Environment International suggère que l’exposition à des produits chimiques qui dérèglent le système endocrinien (les perturbateurs endocriniens ou PE) pourrait interférer avec différents signaux biologiques du corps humain jouant un rôle important dans la sévérité de la Covid-19.

Certains sujets infectés par le SARS-CoV2 n’ont aucun symptôme majeur; d’autres tombent gravement malades. La littérature scientifique a prouvé que l’âge, le sexe, le poids et les maladies chroniques préexistantes, jouent un rôle dans la variabilité substantielle de l’évolution de la Covid-19. D’autres facteurs comme les polluants de l’environnement pourraient aussi être impliqués, notamment en favorisant l’obésité et les maladies chroniques.

En effet, « notre nouvelle étude révèle que l’exposition à des produits chimiques qui dérèglent le système endocrinien (les perturbateurs endocriniens ou PE) pourrait interférer avec différents signaux biologiques du corps humain jouant un rôle important dans la sévérité de la Covid-19 » explique Karine Audouze.

L’exposition aux perturbateurs endocriniens a été associée à des maladies chroniques métaboliques telles que le diabète, l’obésité ou certaines maladies cardiaques, qui peuvent toutes contribuer à la gravité de la Covid-19. Pour mieux comprendre les relations entre ces substances et l’augmentation du risque de Covid-19 sévère, les chercheurs ont utilisé une approche bio-informatique.

Ils ont pour cela identifié les voies biologiques (et les protéines clés de ces voies) qui étaient associées à la fois aux modes d’action des PE et, en parallèle, aux maladies chroniques favorisant la sévérité de la Covid-19. Ils ont alors pu identifier des voies communes, qui sont en l’occurrence impliquées dans la défense de l’organisme vis à vis de pathogènes (la réponse immunitaire).

Les auteurs suggèrent qu’il existe une relation possible entre la gravité de cette pandémie et la détérioration de notre environnement par les produits chimiques. Ils soulignent d’une part que les populations fortement exposées aux PE méritent la meilleure prévention possible et d’autre part que les protéines clés des voies biologiques qui sont à la fois ciblées par les PE et liées à la gravité de la Covid-19, peuvent représenter des cibles possibles pour les thérapies futures.

 

* Unit T3S : Environmental Toxicity, Therapeutic Targets, Cellular Signaling and Biomarkers

Efficacité de traitement contre le VIH : le dolutégravir n’est pas inférieur à l’éfavirenz au terme de 96 semaines d’étude

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La non-infériorité d’un traitement contre le VIH, le dolutégravir, en comparaison à un autre traitement contre le virus, l’éfavirenz, avait déjà été démontrée à la semaine 48 chez des patients infectés par le VIH-1 par l’essai ANRS 12313 NAMSAL, conduit au Cameroun. L’équipe de recherche a poursuivi cette étude et a confirmé ce résultat au bout de 96 semaines.

Les chercheurs n’ont pas observé de résistance au traitement dans le bras dolutégravir, mais une prise de poids plus importante – en particulier chez les femmes – qui avait déjà été constatée à la semaine 48. Ils ont également montré que le succès thérapeutique était moins fréquent parmi les patients qui présentaient une forte charge virale à l’inclusion. Il semble donc difficile de rattraper le retard lorsque le traitement est débuté à un stade tardif de la maladie.

Les résultats de cette étude, soutenue par Unitaid et l’ANRS, agence autonome de l’Inserm, ont été publiés dans l’édition d’octobre 2020 du Lancet HIV et ont été présentés à l’AFRAVIH connecté-e-s 2020.

L’objet de l’étude ANRS 12313 NAMSAL (News Antiviral and Monitoring Strategies in HIV-infected Adults in Low-income countries), co-financée par Unitaid et l’ANRS et conduite au Cameroun, est de mesurer l’efficacité, la tolérance et le risque d’apparition à long terme de résistance de nouvelles combinaisons thérapeutiques contre le VIH.

Cette étude est la première du genre à comparer deux traitements pour l’infection par le VIH – le dolutégravir et l’éfavirenz – en conditions de vie réelles dans le contexte particulier des pays à ressources limitées. Coordonnée par Éric Delaporte (TransVIHMI, Université de Montpellier, Inserm, IRD) et par Charles Kouanfack (Hôpital Central Yaoundé, Faculté de médecine de l’Université de Dschang), l’étude NAMSAL avait déjà montré que l’efficacité du dolutégravir (50 mg) n’était pas inférieure à celle d’une faible dose (400 mg) d’éfavirenz à la semaine 48. Ils ont confirmé ces résultats à la semaine 96 dans cette nouvelle publication.

Cet essai de phase 3 a inclus, dans trois hôpitaux de Yaoundé, entre 2016 et 2019, 613 patients infectés par le VIH-1, n’ayant jamais eu de traitement antirétroviral et une charge virale supérieure à 1 000 copies d’ARN viral par mL. Parmi eux, 66 % étaient des femmes. À l’inclusion, 66 % des patients avaient une charge virale supérieure à 100 000 copies par mL et 31 % une charge virale supérieure à 500 000 copies par mL

Les patients étaient répartis en deux bras : 310 d’entre eux étaient traités avec 50 mg de dolutégravir et 303 avec 400 mg d’éfavirenz. Tous recevaient en plus d’autres molécules antivirales (lamivudine et fumarate de ténofovir disoproxil). Les résultats à la semaine 96 présentés par Alexandra Calmy (Hôpitaux Universitaires de Genève, Université de Genève), présidente du conseil scientifique de NAMSAL, ont montré que 74 % des patients du bras dolutégravir et 72 % de ceux recevant l’éfavirenz voyaient leur charge virale supprimée (c’est-à-dire réduite à moins de 50 copies d’ARN viral par mL). Cependant, en faisant un focus sur les patients ayant les charges virales les plus élevées au moment de l’inclusion (supérieures à 500 000 copies virales par mL), ces pourcentages baissaient et la non-infériorité du dolutégravir n’était plus démontrée : seuls 67 % du groupe dolutégravir et 71 % du groupe éfavirenz parvenaient à la suppression de la charge virale. La non-infériorité était également non démontrée chez les hommes et chez les patients avec une charge virale inférieure à 100 000 copies par mL.

La suppression de la charge virale était significativement plus rapide dans le bras dolutégravir, y compris dans chaque sous-groupe de patients (charge virale supérieure à 100 000 copies par mL, supérieure à 500 000 copies par mL…).

Les chercheurs ont constaté un échec thérapeutique (charge virale supérieure à 1 000 copies par mL) pour 8 patients du groupe dolutégravir et 19 du groupe éfavirenz. Aucun cas de résistance au dolutégravir n’a été constaté, alors que 17 cas de résistance à l’éfavirenz sont survenus au cours de l’étude (parmi les 19 patients en échec dans ce bras).

Dans les deux groupes, une prise de poids a été observée. Elle était plus forte dans le bras dolutégravir (gain médian de 5 kg contre 3 kg dans le bras éfavirenz). Ce phénomène était plus marqué chez les femmes (augmentation de 5 % du poids) que chez les hommes (+ 4 %). C’est aussi le cas parmi les patients ayant une forte charge virale à l’inclusion : 52 % des personnes du bras dolutégravir et 41 % du bras éfavirenz ont eu un gain de poids d’au moins 10 %.

Les taux d’effets secondaires sévères étaient similaires dans les deux bras (9 % dans le groupe dolutégravir et 7 % dans le bras éfavirenz).

« Notre travail a confirmé la non-infériorité observée à la semaine 48 du dolutégravir par rapport à une dose faible d’éfavirenz à la semaine 96 », indique le Dr Charles Kouanfack. « Le dolutégravrir permet la suppression plus rapide de la charge virale, mais aussi la non-émergence de résistance ».

Les résultats de cette étude reflètent davantage les conditions de vie réelles au Cameroun, où de nombreuses personnes initient le traitement antirétroviral à un stade avancé et avec une forte charge virale. Elle montre que le risque d’échec thérapeutique est deux fois plus élevé chez les personnes ayant une forte charge virale à l’initiation du traitement (plus de 100 000 copies par mL). « Malgré d’excellentes molécules, il reste difficile de rattraper le retard en termes de suppression virologique lorsque les patients se présentent en phase avancée de la maladie ; il est donc nécessaire de diagnostiquer tôt les personnes infectées par le VIH et les traiter immédiatement », conclut Alexandra Calmy.

Rendre le cerveau résilient aux maladies neurodégénératives : une nouvelle piste identifiée dans la maladie de Huntington

Image de microscopie à balayage de la couche épendymaire d’une souris modèle de la maladie de Huntington. ©Inserm/Saudou, Frédéric

L’équipe de recherche (Sorbonne Université / Inserm / CNRS / AP-HP) dirigée par Christian Néri, directeur de recherche Inserm à l’Institut de biologie Paris-Seine1 en collaboration avec le Buck Institute for Research on Aging (USA), vient de mettre en évidence que les neurones du cerveau peuvent devenir sénescents très tôt dans la maladie de Huntington et que l’inhibition des gènes pro-sénescence possèdent des effets neuro-protecteurs. Publiés dans Aging Cell le 6 novembre 2020 et basés sur l’utilisation de cellules souches pluripotentes induites humaines, ces travaux suggèrent que les neurones sont victimes d’un vieillissement cellulaire accéléré dans la maladie de Huntington et fournissent de nouvelles pistes thérapeutiques pour une intervention précoce contre cette maladie.

Protéger les neurones du cerveau contre les maladies neurodégénératives comme la maladie de Huntington demeure un objectif difficile à atteindre.

Les chercheurs savaient déjà que face à ces maladies, le cerveau mobilise des mécanismes de défense qui permettent aux neurones et aux autres cellules du cerveau de compenser les dommages cellulaires qu’elles provoquent. Ils savaient également que l’efficacité de ces mécanismes dits de « compensation cellulaire » finit par s’épuiser. Ils peuvent en outre s’accompagner d’un effet délétère majeur : la sénescence cellulaire chronique, une forme de vieillissement accéléré des cellules qui favorise leur dysfonctionnement et peut conduire à leur dégénérescence.
En revanche, deux questions restaient en suspens : quels sont les mécanismes susceptibles de s’opposer à la sénescence cellulaire chronique dans les maladies neurodégénératives et à quel moment cette sénescence cellulaire peut-elle se mettre en place au cours de la vie des neurones ?

Cette nouvelle étude2 parue dans Aging Cell montre que la sénescence cellulaire peut s’installer dès les phases de différenciation neuronale pour s’aggraver ensuite dans les neurones matures. Les chercheurs ont aussi démontré que l’inhibition de gènes notoirement connus pour favoriser la sénescence cellulaire au cours du vieillissement possède des effets protecteurs, comme l’inhibition du gène p16INK4a, par exemple. Naturellement déclenchée par la cellule, elle reste cependant insuffisante pour empêcher la sénescence neuronale face à l’importance du stress cellulaire induit par la maladie de Huntington, d’où le besoin de développer des thérapies qui inhibent les gènes inducteurs de la sénescence cellulaire chronique.

Pour parvenir à ces résultats, l’équipe de recherche a utilisé des techniques de génomique permettant d’étudier la reprogrammation des mécanismes de réponse au stress cellulaire.

Ils ont ainsi pu l’observer dans un modèle cellulaire du noyau caudé – une structure cérébrale fortement affectée par la maladie de Huntington –  pendant la différenciation de cellules souches pluripotentes induites humaines en cellules neurales et en neurones.  Cette approche leur a permis de détecter que les principaux facteurs de défense et de réparation cellulaire, comme les protéines FOXOet les gènes qu’elles régulent, peuvent s’opposer au risque précoce de sénescence neuronale dans la maladie de Huntington en réduisant les niveaux d’expression des inducteurs de sénescence cellulaire.

 

Modèle de développement précoce de la sénescence neuronale (en haut et en rouge) et des réponses de compensation anti-sénescence (en bas et en vert) dans la maladie de Huntington. © Christian Neri, Institut de Biologie Paris-Seine, Paris, France.

En révélant la dynamique des effets de sénescence neuronale au cours du temps dans les neurones qui composent le noyau caudé, et en identifiant un nouveau mécanisme de régulation de ces effets, les chercheurs ouvrent une nouvelle piste thérapeutique pour rendre le cerveau biologiquement résilient aux effets précoces de la maladie de Huntington.

 

[1] Sorbonne Université, CNRS.
[2] Ces travaux de recherche ont mobilisé d’importants moyens de subventions en provenance de l’ANR, du NIH, de fondations, et d’associations de patients comme l’association Huntington France.
[3]Facteurs de contrôle de l’expression des gènes qui au travers de leurs gènes cibles, régulent plusieurs mécanismes d’homéostasie cellulaire.

Découverte, chez la souris, d’un mécanisme pouvant expliquer l’anorexie et d’un traitement efficace transposable à l’homme

Récepteurs muscariniques de l’acétylcholine dans le cerveau humain. Coupe sagittale, marquage par radioautographie à l’aide de 3H-QNB. © Inserm/U339

 

Ce que l’on sait :

L’anorexie mentale est un trouble psychiatrique très sévère qui touche jusqu’à 4% de la population. De plus, c’est la maladie mentale avec le plus fort taux de mortalité (1% des personnes atteintes en meurent chaque année). À ce jour, il n’existe pas de traitement pharmacologique spécifique pour lutter contre cette maladie. Cela tient au fait que les mécanismes neuronaux impliqués dans l’anorexie mentale sont encore mal compris.

Récemment, l’équipe du Pr Salah El Mestikawy (Centre de recherche de l’Institut Douglas /UPMC) a montré le rôle essentiel d’un neurotransmetteur – l’acétylcholine – dans une partie du cerveau, appelée le striatum. Le striatum est impliqué dans la régulation de l’activité locomotrice ou de la recherche de récompenses. En revanche, sa fonction dans la formation de nos habitudes quotidiennes et de nos automatismes est moins bien connue.

 

Ce que l’on a découvert :

L’étude publiée dans la revue Journal of Clinical Investigation illustre comment une diminution d’acétylcholine dans le striatum entraîne la formation excessive d’habitudes qui peuvent conduire à une restriction alimentaire. Les chercheurs de GHU Paris, du Douglas Institute, de l’Inserm et du CNRS ont aussi découvert qu’on pouvait compenser le faible taux d’acétylcholine par l’administration d’un médicament couramment utilisé dans le cadre du traitement de la maladie d’Alzheimer. Ce traitement a pour effet d’abolir les comportements pathologiques des souris. Les chercheurs se sont alors rapprochés de l’équipe du Pr Philip Gorwood, chercheur à l’Institut de psychiatrie et neurosciences de Paris (Inserm/Université de Paris) et chef de pôle de la Clinique des Maladies Mentales et de l’Encéphale, GHU Paris/Sainte-Anne, spécialisée dans la prise en charge des personnes avec des troubles alimentaires, afin de pouvoir transposer chez l’homme les résultats obtenus chez les souris. Grâce à des tests neuropsychologiques, leurs investigations cliniques auprès de cohortes de patients ont déjà permis d’identifier les profils souffrant d’anorexie mentale sévère concernés par ces mécanismes dysfonctionnels liés aux habitudes. Ils ont élaboré un protocole basé sur l’utilisation de ce médicament. C’est un exemple original de collaboration directe entre recherche fondamentale et clinique.

 

Ce que cela change :

Alors qu’il n’existe pas de traitement médicamenteux avéré pour l’anorexie cette étude-passerelle entre le laboratoire et l’hôpital ouvre une piste de cible thérapeutique sérieuse. Une première étude pilote devrait commencer sous peu et les chercheurs espèrent obtenir des résultats cliniques d’ici un ou deux ans. Au-delà de l’anorexie, cette découverte pourrait également s’appliquer aux pathologies qui impliquent la création d’habitudes et de compulsions telles que les addictions ou les comportements obsessionnels et compulsifs (TOC).

Prothèse et vélo électro-stimulé : à l’assaut du Cybathlon 2020 depuis Paris et Lyon

Rééduquer grâce à des outils instrumentés. Équipe Agathe U1150 Activités Prothèse CNRS Inserm. Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique (ISIR). Université Pierre et Marie Curie, Paris Sorbonne. ©Inserm/Guénet, François

Le Cybathlon met en compétition des athlètes handicapés assistés de technologies bioniques dans des épreuves inspirées de la vie quotidienne. Organisé par l’ETH Zurich (Suisse), l’édition 2020 se déroulera les 13 et 14 novembre dans un nouveau format, adapté aux contraintes sanitaires actuelles : chaque équipe réalisera ses épreuves à « domicile » sous la surveillance d’un arbitre officiel du Cybathlon. L’occasion de suivre deux équipes françaises participant à cette compétition : l’équipe Smart Arm et sa prothèse de l’Isir (CNRS/Sorbonne Université), en partenariat avec l’Inserm, et l’équipe ANTS et son vélo électro-stimulé du Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon (CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1).

 

Suite aux nouvelles mesures sanitaires, et notamment la fermeture des campus universitaires, toute la compétition se déroulera en ligne, sur le site internet de l’événement.
Des rushs vidéos des entraînements et de la prestation de ces équipes sont disponibles auprès d’Alexiane Agullo: rf.srnc@olluga.enaixela

 

Le Cybathlon est la première compétition d’athlètes équipés d’appareillages bioniques qui voit s’affronter plus de 60 équipes du monde entier. Son objectif est de stimuler la recherche sur ces dispositifs dans les meilleurs laboratoires de recherche académiques et les entreprises du domaine, mais aussi de promouvoir les technologies de réparation du corps, en montrant la réalité des technologies d’assistance ainsi que la réalité quotidienne des personnes « appareillées ».

 

Découvrez deux équipes françaises participant à cette compétition :

Smart Arm, la seule équipe française qui s’aligne dans la catégorie « Powered ArM Prosthesis Race » :

Créée par Nathanaël Jarrassé, chercheur CNRS dans l’équipe Agathe, associée à l’Inserm, de l’Isir (CNRS/Sorbonne Université), cette équipe spécialisée en robotique de rééducation et d’assistance, est constituée d’une quinzaine de scientifiques, issus du domaine de la robotique ou des neurosciences, soutenus par un groupe de médecins de l’Institut régional de réadaptation de Nancy. Durant la compétition, la prothèse développée à l’Isir sera pilotée par Christophe Huchet, atteint d’une agénésie de l’avant-bras droit et à l’importante carrière de nageur (multiple champion de natation handisport, mais aussi valide). Seule équipe française dans l’épreuve pour personnes amputées d’un membre supérieur1, elle présentera lors de la compétition un prototype de prothèse de bras très avancé, fruit de plusieurs années de recherche sur le contrôle intuitif et naturel basé notamment sur le décodage des mouvements du corps. L’originalité de cette prothèse réside dans son articulation robotisée de coude, adaptée au handicap de leur pilote. Cette épreuve, plutôt pensée pour des niveaux d’amputation peu importants et axée sur la dextérité fine des doigts, s’avère un véritable challenge pour Christophe Huchet, l’un des seuls athlètes à présenter une absence d’avant-bras et de coude. Cette épreuve sera filmée sur le campus Pierre et Marie Curie de Sorbonne Université à Paris.

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Membres de l’équipe Smart ArM. De gauche à droite : F. Vérité, J. Mago, A. Poignant, C. Drouo, C. Huchet, C. Marchand, N. Jarrassé, P. Gauthier, F. Richer, G. Le Buan-Mania © équipe Smart ArM, ISIR (CNRS/Sorbonne Université)

 

ANTS, un vélo électro-stimulé pour retrouver une mobilité et une activité sportive :

Rien n’arrête la science, ni la détermination de Vance Bergeron. Devenu tétraplégique à la suite d’un accident, ce médaillé de l’innovation 2019, chercheur du CNRS au Laboratoire de physique de l’ENS de Lyon (CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1) développe des solutions pour améliorer la qualité de vie des paralysés grâce à une activité physique quotidienne. Il s’appuie notamment sur la stimulation électrique fonctionnelle, qui remobilise les membres paralysés grâce à de faibles impulsions électriques. Épaulé par son ancien doctorant Amine Metani et l’association Advanced Neurorehabiliation Therapies and Sport (ANTS) qu’il a cofondée, Vance Bergeron développe des vélos et rameurs à électrostimulation, destinés à des centres de réadaptation fonctionnelle et à des salles de sport dédiées aux personnes en situation de handicap moteur. Il participe, pour la deuxième année consécutive, au Cybathlon, dans l’épreuve « Functional Electrical Stimulation Bike Race »2. L’objectif : parcourir sur un vélo d’entrainement 1 200 mètres en 8 minutes maximum.
Cette épreuve sera filmée dans la salle de sport de l’association ANTS, à Lyon.

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Vance Bergeron et Amine Metani (à gauche) sont parmi les membres fondateurs de l’association ANTS et sont à l’initiative de la start-up CIRCLES © Frédérique PLAS / UMR5672 / CNRS Photothèque

 

 
  1. La « Powered ArM Prosthesis Race » est une épreuve destinée aux personnes amputées d’un membre supérieur (amputation de main, d’avant-bras ou de bras). Elle est constituée de six tableaux reproduisant des activités de la vie quotidienne à réaliser avec la prothèse dans le temps le plus court possible. Le nombre de points se compte en fonction du nombre d’épreuves réalisées sans erreur et du temps mis pour les compléter.
  2. La course « Functional Electrical Stimulation Bike Race » est destinée aux pilotes paraplégiques et tétraplégiques. La stimulation électrique fonctionnelle leur permet d’effectuer un mouvement de pédalage sur un vélo couché. Le pilote qui franchit la ligne d’arrivée en premier gagne la course.

Retrouvez un reportage sur l’Équipe AGATHE dans le magazine de l’Inserm, #40 juillet/août 2018  :

Équipe Agathe : Main dans la main avec les robots

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